6e ANNÉE. N# 567.
INTÉRIEUR.
JOURNAL D'Y PRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
DIMANCHE, Il OCTOBRE 1816
Feuilleton.
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VIRES ACQUIRIT EDNDO.
YPRES, le 10 Octobre.
LA. VILLE D'YPRES M' J. MALOU
EX LA GARNISON.
Enfin, legrand mot est lâché, nos concitoyens
connaissent maintenant le motif qui a guidé le
ministère, en diminuant l'effectif de la garnison
d'Ypres. Le Journal des Baziles ri a \>u se taire,
et dans sa joie de voir la ville d'Ypres victime
d'une iniquité il a parlé; cette fois, il est l'or
gane ministériel, il exprime l'opinion du cabinet
ou au moins d'un des membres du cabinet.
Oui, il résulte des explications du Journal
des Sacristains que la perte que la ville d'Ypres
a subie en garnison, est une vengeance du mi
nistère clérical pur-sang et notamment d'un
de ses membres. C'est par rancune, qu'on a en
levé la garnison de cavalerie noire cité, qui,
on ne l'ignorait pas, ne pouvait être traitée injus
tement dans la répartition des garnisons, sans
aggraver sa situation malheureuse.
Le journal de la coterie cléricale s'avise en
présence de l'injustice dont la ville aura souf
frir de se pâmer d'aise devant la justice du
ministre de la guerre. Des grandes villes ont
fait aussi des sacrifices, dit-il, et les circonstances
ont plus de gravité. 11 n'en est rien, les grandes
cités, certaines d avoir toujours une forte gar
nison, par suite de leur importance, sont loin
d'avoir dépensé autant que les villes de second
rang pour construction de bâtiments mi
litaires. D'ailleurs, comme le gouvernement
sentait la nécessité d'y tenir une garnison il
se contentait des bâtiments qu'on voulait bien
mettre sa disposition et si l'autorité militaire
réclamait et menaçait de la diminuer, le pou
voir communal répondailqu'elle était libre, mais
qu'il ne garantissait plus la tranquillité publi
que et se débarrassait cet égard de toute res
ponsabilité.
Il faut être possédé de la rage de justifier des
actes inqualifiables du moment qu'ils sont
commis par les séides de lepiscopat, pour
oser applaudir la justice du ministre de la
guerre, comme le fait le Journal des Bazi.'es.
Si la classe ouvrière dans les grandes villes est
plus nombreuse, elle a plus de ressources et ici
un grand nombre d'ouvriers qui travaillaient
pour le dépôt des Lanciers ont déjà dû quitter
la ville, parce qu'ils ne savent comment pour
voir l'existence de leur famille.
Du reste Mr J. Malou a pour ainsi dire en
dormi l'autorité communale. La lettre par
laquelle il annonçait que la ville d'Ypres rece
vrait une garnison égale en qualité et en quan
tité, en remplacement des hommes et chevaux
qu'elle perdait, existe au secrétariat de la ville.
Après une pareille promesse, on pouvait espé
rer de ne point être joué. Quand le conseil
communal a cru utile de faire une démarche
près du département de la guerre, on conservait
l'espoir, que mieux renseigné, le minisire serait
revenu de sa décision. Mais depuis, la certitude
est acquise que c'est un parti pris de faire du
tort la ville d'Ypres et contre les mauvaises
passions, les meilleurs arguments sont ineffi
caces.
Enfin, nous voulons en finir avec l'élucubra-
tion explicative du Journal des Baziles. 11 de
mande de quoi il faudrait s étonner le plusou
de la conduite du gouvernement ou des jéré
miades du Proches les béats sont très-faciles
étonner, paraît-il. Parce que la ville d'Ypres
a peu de sympathies pour un ministère
clérical, que M'J. Malou ne serait pas le député
de l'arrondissement, si les.campagnes ne venaient
voter aveuglement pour lui et que le Conseil
communal est hostile au pouvoir actuel, est-ce
un motif de refuser une ville toute justice?
Le journal du clergé trouve qu'on devrait gar
der le silence, quand on est la victime d'une
injustice et ne pas oser élever la voix. La ville
d'Ypres n'a que faire des faveurs du gouverne
ment, mais elle demande que le pouvoir central
soit juste et équitable et cela sans acception de
sympathies politiques. Si le contraire devait être
admis en principe, il s'en suivrait que chaque
fois, qu'il y aurait un changement de ministère,
les villes sous peine d'être traitées avec 1 ini
quité la plus effrontée, devraient modifier l'opi
nion de leur conseil communal.
Mais nous voudrions entendre l'organe du
clergé, si par suite des principes qu'il émet dans
cet article, le conseil communal s'avisait de
ne rien accorder, même les demandes les plus
justes, du moment que leurs auteurs ne joui
raient pas de ses sympathies politiques. Ici
Ypres, l'administration communale, tous ses
degrés, est libérale, et si elle appliquait les
principes rancuniers et odieux qui ont guidé
le ministère dans celte circonstance, on crierait
la persécution, l'abomination de la désola
tion. Mais c'est le fétiche du Journal des Baziles
qui doit avoir joué le premier rôle dans cette
comédie jésuitique montée pour punir la ville
d'Ypres de ses sympathies pour l'opinion libé
rale, et ce titre la représentation doit en avoir
été parfaite aux yeux de la feuille des be
deaux.
Nous avons annoncé le sinistre qui a failli
détruire l'Aigle d'Ordans la nuit du 6 au 7 de
ce mois, mais en omettant de mentionner les
personnes qui se trouvaient présentes et qui
ont aidé éteindre le feu. Les pompiers étaient
en assez grand nombre sur les lieux, quoique
la cloche d'alarme n'eut pas sonné les officiers
de ce corps étaient présents. Un officier du 10®,
M. Bruneel s'est distingué, ainsi qu'un ingé
nieur des ponts et chaussées.
Les deux frères Nevejans et De Waghenacre,
hôte de l'estaminet de l'Hôtel de Ville, ont
rendu de grands services. MM. le commandant
d'armes, Baudoux, et le colonel du 10e, Dens, se
sonttrouvés sur les lieux, ainsi qu'un détache
ment de soldats. Enfin si le danger eut été plus
pressant, il y avait assez de monde pour pou
voir combattre efficacement l'élément des
tructeur.
A l'audience du collège des Bourgmestre et
Échevins du 6 de ce moisla commission di
rectrice de la Société Guillaume-Tell a été ad
mise présenter la superbe médaille en vermeil
décernée par le gouvernement du Roi au con
cours des derniers anniversaires de Septembre,
pour la plus belle tenue militaire.
Les éloges que le chef-homme de la société
a recueilli de la bouche Je MVI. les Bourgmestre
et Echevins doublent la valeur de la distinction
dont cette belle société a été l'objet dans la
capitale.
La clôture des exercices d'été est fixée Di
manche, 11 de ce mois. A cette fin les membres
actifs sortiront en cortège et en grande tenue
précédés du corps de musique des Pompiers,
pour se rendre au local d'été, où aura lieu un
tir-tombolaorganisé par les soins de la com
mission directrice.
PHURRE SroyTOlKL
XII.— l'alerte.
A l'aube Zéphyr en sa qualité de sous-lien tenant alla placer
les hommes (le garde l'ouverture extérieure du souterrain et jeta
un coup d'oeil sur la campagne environnante Le jour n'était pas fait
encore une zône blanche éclairait le ciel du côté de l'Estets'é-
tendant de plus en plus, annonçait le réveil de la nature.
La forêt semblait endormie sous un voile de vapeurs dont les ondes
allaieut se confondre avec oeltes de la mer.
A mesure que I air devenait plus tiède et la clarté plus grande, on
voyait cette humide enveloppe se déchirer en quelques endroits et
du milieu de ces éclaircies les grands arbres du bois de Bormes se
détachaient fièrement et devenaient chaque instant plus distincts.
Cette lutte de la lumière contre la brume est un des plus beaux
spectacles auxquels l'œil humain puisse assister, et l'altitude re
cueillie de Zéphyr semblait indiquer qu'il y était sensible.
L'attention du sous-lieutenant avait cependant un autre objet il
laissait aux artistes et aux poètes le soin d'admirer les levers du so
leil. Quant lui, il ne perdait pasde vue le bouquet de bois sous le
quel s'abrite le village de la Molle, et surveillait le ravin dans lequel
coule le ruisseau qui porte le même nom.
Cette partie du paysage abondaitencontrastes; le soly était tantôt
nu, tantôt couvert d'une végétation puissante; mais là où les arbres
manquaient, les rochers formaient une sorte d'abri naturel et des
tranchées profondes qui masquaient les mouvements de la route.
La ligne blanchâtre qu'elle dessinait ne paraissait ainsi que par
tronçon et pendant plusieurs lieues demeurait invisible derrière un
rideau de feuillage ou des accidents de terrain.
Zéphyr explorait tout cela avec une préoccupation soucieuse de
temps Cil temps les plis de sou front trahissaieut ses inquiétudes.
Cependant, après avoir donné quelques ordres aux hommes de garde,
il regagna l'intérieur du souterrain.
Tout y était plongé dans le silence le gros de la troupe n'était
pas éveillé le capitaine lui-même reposait encore. Sans s'arrêter
la oousigne Zéphyr alla droit au gîle où couchait le capitaine de
puis qu'il avait cédé sa chambre la captive; il le trouva étendu sur
une sorte de divan garni de peaux de mouton et le réveilla en
frappant sur l'épaule.
Qu'est ce Qu'y a-t-il s'éoria Pierre se levant en sursaut et
sautant sur une paire de pistolets placée sous son chevet.
Rien capitaiue c'est moi répondit tranquillement le sous-
lieutenant o'est Zéphyr, soyezcaliue.
Ah! ça, malheureux, tu veux le faire brûler. Voilà deux fois
que tu joues avec les règlements tu as douo le diable au corps dit
Pierre en armant l'uu de srs pistolets.
Écoutez d'abord, capitaine, et vous me casserez la gueule après;
ça n'est pas de refus.
Quelque bavardage
Mou Dieu, rien de rien mais éooutez, j'aurai bientôt dégoisé,
et puis vous ferez votre idée. Voici la chose. Il y a de 1 orage dans
l'air il y a que la forêt n'est pas ce qu'elle devrait être il y a que
le fruilï.ige remue en diable et qu'il y passe plus de monde que de
onutume; il y a qu'il fera chaud aujourd'hui si vous ne déguerpissez;
il y a que j'ai vu reluire des baudrieiset hennir des chevaux voilà
ee qu'il y a presque rien, capitaine, une odeur de potence, pas da
vantage.
Pendant que Zéphyr prononçait ces motsPierre avait réparé le
désordre de sa toilette et amenant son interlocuteur sous la clart4
de la lampe qui éclairait ce réduit, il tenait fixé sur lui des yeux vifs
et pénétrants.
Tu n'as pas bu lui dit-il quand il eut fini.
Non, capitaine, répondit Zéphyr je suis jeun.
Eh bien viens.
Il l'entraîna hors du souterrain et gagna aveo lui l'obserratoire
extérieur. Quand ils furent arrivés sur la plate-forme, ils se placè
rent dans la pénombre que formait le rocher, de manière pouvoir
embrasser le paysage entier sans être aperçus du dehors.
Pendant quelques minutes ils gardèrent une immobilité complète.
Sans l'expression inquiète de leurs regards on les eût pris pour des
statues. Enfin Pierre rompit le silence.
Décidément tu as bu dit-il son compagnon.
Non capitaine je vous le jurerépliqua oel ui-oi. Encore un
peu d'attention.
Le chef reprit sa pose et presqu'à l'instant un nuage passa sur
son front les ailes de ses narines s épanouirent sa lèvre se orispa
sou œil lança des éclairs.
Tu as raison il se passe quelque chose là-dessous mais plus
près que tu ne le croyais. Malédiction! ils sont sur la voie la retraite
est coupée.
Eu même temps il montrait une forêt de jeunes pins qui couvrait
le pays jusqu'à la base même de la caverne. A des regards moins
exeicés l'imperceptible mouvement imprimé au feuillage eût pu
pas-er pour 1 effet de Je brise de mer qui commençait l'élever et
faisait ondoyer au loiu les cimes des bois mais Pierre et Zéphyr
savaieut distinguer le balancement habituel de cette masse de ver
dure de l'agitation inusitée et peifide qui s'y faisait voir.
C'était un tremblemeut inégal qui ressemblait uu sillon tracé
dans l'étendue de la forêt et déjà il s'y mêlait ce bruit carastéris-