3 EXTÉRIEUR France. se prononcer pour ou contre celte ligue, a voulu garder une espèce de juste milieu; c'est-à-dire qu'il a pris unerésolulion tendant ce que l'alli ance ne fût déclarée dissoute qu'après l'adoption par une Diète convoquée extraordinairement de certaines mesures au maintien de l'ordre public. Cette résolution a fait naître immédia tement une grande fermentation dans la ville et principalement dans le quartier Saint-Gervais. Plusieurs réunions des membres du parti popu laire ont eu dans l'église qui porte ce nom, et la suite de la dernière, une partie de ceux qui la composaient ont pris les armes. De son côté, le gouvernement a ordonné la mise sur pied de cinq compagnies. Là s'arrêtent les nouvelles positives. Mais les renseignemens ultérieurs s'accordent peu près tous sur la certitude d'une collision survenue entre le peuple et ces compagnies. Une lettre de Genève, en date du 7, porte Notre ville est en pleine insurrection depuis hier au soir. Des barricades ont été élevées dans le quartier de Saint-Gervais; les ponts qui communiquent de ce faubourg la ville ont été dépavés et interceptés par les insurgés. D'un autre côté, les miliciens partisans du gouvernement actuel, se sont rendus pour la plupart son appel. Ce matin des sommations ont été faites. Le conseil d'Étatvoyant qu'elles n'amenaient aucun résultat, se décidait user de la force immédiatement, quand est intervenu comme médiateur, le conseil municipal dans le but d'entamer des négociations avec les radicaux et d'éviter ainsi l'effusion du sang. L'intervention du conseil municipal ne pa raît pourtant pas avoir eu l'heureux résultat qu'on en espérait, car les voyageurs arrivés le 9 des environs de Genève Lyon, ont annoncé que toute communication était interceptée entre la ville et le dehors; que la milice était partout sur pied, et qu'au moment de leur départ, le bruit de la fusillade et même de la canonade se fait entendre. Le Journal des Débats en rapportant ces nouvelles, ajoutait que dans cette collision l'a- vantageserait resté auxradicaux, assertion qu'il confirme en ces termes dans sa secondeédition Les nouvelles qu'apporte le courrier de Genève arrivé ce matin confirment ce que nous annonçons plus haut. Les insurgés sont maîtres de la ville. Des troupes du dehors se dirigeaient en masse et en toute hâte sur Genève ce sont des volontaires radicaux des cantons voisins qui venaient pour prêter main forte. Le Grand-Conseil a fait afficher une pro clamation pour se justifier du reproche lui adressé par un journal radical répandu pro fusion, de s être joint la ligue réactionnaire- ultramontnine. Cette proclamation n'a pucalmer les factieux. Un courrier de commerce, arrivé de Rome, annonce que le Pape a concédé deux lignes de chemins de fer une compagnie anglo-italienne. Ce sont celles de Rome Bologne et de Rome Civita-Vecchia. Le capital est de 25,000,000 de rubis (75,000,000 fr. partagé comme suit: 6/9 la Compagnie Jackson 2/9 la maison Torlonia et 1/9 la banque romaine. C'est un évévemenl important. Le chef de la police de Madrid a fait venir chez lui un anglais, en lui disant qu'on l'accu sait d'avoir loué une maison donnant sur une rue par où passeront les princes, afin d'exprimer tout haut son mécontentement, et de prêter les mains une manifestation hostile. L'anglais a déclaré que c'était une calomnie, et a sommé le chef de lui en désigner1 l'auteur. Le chef ne l'a pas fait, mais il a répété qu'il croyait aussi que c'était une calomnieet que c'était pour cela qu'il lui en avait parlé. On lit dans le Standard, du 3 octobre: Les journaux français de l'opposition insis tent beaucoup sur le prétendu renfort de huit vaisseaux que notre escadre de la Méditerranée serait sur le point de recevoir mais il n'y a évidemment pas la moindre inquiétude con cevoir de ce côté. Nous n'avons pas entendu dire un mot de ces huit bâtiments de guerre, et nous ne croyons pas qu'il soit le moins du monde question d'augmenter notre croisière. Encore une jeune demoiselle du grand monde qui se livre un elopement comme di sent les journaux anglais! Lady Rose Somerset, quatrième fille du duc et de la duchesse de Beauforl, âgée de dix-sept ans, a disparu de la maison paternelle. Elle a choisi pour cela un moment où ses nobles pa rents étaient allés rendre visite sir Gharles Morgan,àsarésidencedeTredegar dans le Mon- moutshire. En partant (par le fenêtre), elle a laissé dans son boudoir une lettre ses parens. Il paraît qu'elle a pris la route de la frontière d'Ecosse, avec le capitaine Lowell, représentant d'une ancienne famille anglaise, et digne sous tous les rapports de la main de la jeune Lady, et qui était même reçu dans la famille sur le pied d'un prétendant avoué, mais il paraît que Ion différait trop le mariage au gré de la jeune Lady. m. alexandre dumas et son voyage officiel en Espagne. Le voyage de l'auteur de Monte- Chrislo et de la Reine Margot Madrid est bien réellement officiel, et ce qui le prouve, c'est qu il a reçu non pas 30,000 fr., comme quelques journaux l'ont prétendu, mais 7,000 fr. seulement de M. le ministre de l'intérieur; une somme de 7,000 fr. peut paraître fort rai sonnable un voyageur ordinaire pour une excursion qui ne doit pas durer un mois. Mais elle a semblé tout fait insuffisante M. Dumas qui est habitué un luxe tout fait princier. Il s'est donc occupé immédiatement de se procurer un supplément de 60,000 fr. pour faire sou voyage. Il paraît que la renonciation de cet emprunt a offert quelques difficultés, provenant de ce que l'illustre auteur a déjà en circulation pour une somme fort ronde de billets souscrits par lui. Cependant un prêteur de bonne volonté s'est enfin présenté et a consenti négocier cet emprunt la condition qu'il lui fournirait 30,000 fr. seulement en espèces et le reste en billets que lui-même jugerait de première valeur. M. Dumas a accepté sans dif ficulté une pareille condition comptant faire escompter les 30,000 fr. de billets et l'affaire a été immédiatement conclue. Mais grand a été son étonnement lorsque le prêteur après lui avoir compté 30,000 fr. en beaux et bons billets de banque, a exhibé pour 30,000 fr. de billets souscrits par lui-même. C'est là, s'est-il écrié, ce que vous appelez des premières valeurs! Malgré celte exclamation modeste l'affaire n'en a pas moins été conclue et M. Alex. Dumas a entrepris son voyage de Madrid avec les 30,000 fr. d'emprunt et les 7000 du gouvernement; quant aux 30,000 fr. de billets il paraît qu'il les regarde comme une non-valeur. Avant son départ M. Alexandre Dumas a fait de brillants préparatifs, afin de soutenir Madrid sa haute réputation de luxe sardana- palesque nous citerons par exemple la livrée qu'il a donné son domestique noir qui monte derrière son équipage. Il a fait exécuter deux livrées pour le nègre, l'une est en beau satin blanc avec galons en argent, et l'autre en ca chemire dessins fantastiques. Il est probable que la présence de l'équipage de M. Dumas avec un pareil chasseur produira une profonde sensation Madrid. Paiis,9 Octobre. Une mésintelligence assez grave s'est déclarée entre la France et l'Angleterre au sujet des mariages espagnols. La Presse, se demandant comment cela peut finirindique la solution dans les termes suivants Évidemment cela doit finir comme cela finit en 1711, par un changement de politique en Angleterre. Les whigs veulent réserver la guerre ils prétendent interdire d'une manière absolue aux descendants d'un prince de la maison régnante en France le droit de monter sur le trône d'Espagne; ils repoussent cet égard tout accommodement, comme ils fai saient en 1709; mais les tories veulent la paix; ils ne prétendent pas interdire, sans raison, l'exercice du droit le plus légitime; ils se con tentent d'assurer le but des traités dUlrecht en assurant la séparation de la France et de l'Espagne, comme ils l'ont fait en 1713. Louis XIV résista aux whigs, et comme il aveit pour lui le droit, la raison le besoin de la paix en Europe, il finit par l'emporter. Louis-Philippe résistera aux whigs comme Louis XIVet comme il a de plus que lui, avec le même droit, les traités d'Utrecht et l'opinion publique en Europe, il l'emportera comme lui. La reine Anne changea ses ministres, et la paix fut signée. La reine Victoria changera ses ministres, et la paix sera maintenue voilà comment cela doit finir. Il y aura Paris un dîner diplomatique l'occasion du mariage de M. le duc de Mont- pensier avec l'infante Luisa-Fernanda. Une let- vous? tout le monde ne peut pas être savant on en serait réduit se faire soi-même ses boites et ses habits. Détrompez-vous, père Simon, je ne tourne en dérision que l'ignorance présomptueuse et méchante. Votre aveu m'a fait sourire que jours les seuls que l'on tolère. Le père Simon riait aux éclats. Le mot bibliophile, continua Henrinous vient du grec certains savants. Parcourez tous les jours pendant quelques heures un dictionnaire étymologique, et au bout de six mois vous pourrez interrompre toutes les personnes qui vous adresseront la parole, pour leur donner les racines élémentaires aussi bien que les racines gé nératrices des mots dont elles se sont bornées connaître le sens ainsi du reste. Il y a entre le savant et l'ignorant la même différence qu entre l'homme laborieux et l'homme inactif; or, un homme qui travaille ne remplit que son devoir, n'est-ce pas un présomptueux insensé celui qui s enorgueillit de l'avoir rempli? Il ne faut qu'un peu de bon sens pour en être juge et de ce côté-là, père Simon, je sais que vous n avez plus rien acquérir... mais qu'avez-vous donc me regarder ainsi avec de grands yeux étonnés? Le vieux marchand prit tout-à-coup l'attitude d'un homme qui vient de s arrêter une grande résolution - A voire air enjoué, dit-il, votre parole calme et votre paisi ble regard, je vois que, Dieu merci, les bruits qui circulent dans yolre ville sont entièrement faux. *-« Comment, Simon? en auriez-vous douté un seul moment? Non, mais je m'étonnais de ne pas les entendre démenlir. Les démenlir dit Henri avec un inexprimable mouvement de dédain; et pourquoi? Des calomnies aussi absurdes ne doivent- elles pas exciter le mépris et l'indignation et non le chagrin ou la colère? D'ailleurs, quand le torrent a rompu ses digues et inoudé la campagueque faire, sinon attendre tranquillement qu'il soit rentré dans son lit. Bravo! s'écria le forain, voilà une comparaison qui me plait c'est étonnant qu'elle ne me soit pas encore venue depuis quarante ans que j'en fais. Elle aurait dû me venir cependant depuis long temps, car chaque fois que je rentre d'une foire avec la moitié de ma pacotille, ma bonne femme me représente cette image du tor rent débordé. Ha ha! s'écria Henri en riant comme un écolier qui a trouvé le plus long chemin qui mène l'école; et que faites-vous alors, père Simon Moi eh bien, j'attends qu'elle soit rentrée dans son lit j dit-il naïvement. Henri fut pris d'un rire inextinguible; il riait aux larmes, et peine s'il put dire au vieux marchand ébahi De grâce, papa Si mou, n'oubliez plus que torrent est du genre masculin! on pourrait croire que vous parlez de votre femme C'est vrai, reprit le forain, je croyais avoir parlé d'une rivière. C'est votre deuxième d'aujourd'hui, ajouta le jeune homme; surveillez-vous! je crains que le troisième ne les vaille pas» Henri fît quelques acquisitions et se retira. Le lendemain le père Simon reçut la réponse de son fils, le gar çon de magasin de M. Vaels,qui prouvait la fausseté du bruit que l'on avait fait circuler si audacieusement, en annonçant que rien n'avait été ni chaugé ni interrompu dans la marche habituelle des affaires de cette bonne et loyale maison. Le soir Si mou se trouvant dans un lieu public où s'étaient réunis pour assister une fête, les étrangers et les citadins, quelqu'un lui montra le commis-voyageur qui avait colporté cette fâcheuse calom nie ce n'était qu'un étourdi de vingt ans!... Simon s'en approcha, et, après lui avoir démontré toute la faus seté des bruits dont la légèreté peut-être avait seule favorisé la cir culation Jeune imprudent, lui dit-il en terminant, soyez plus circon spect l'avenir, et n'oubliez jamais qu'entre une plaisanterie inof- fensive et un mot qui peut porter atteinte la considération et au bonheur d'une famille, il y a toute la différence d'un espiit gai un cœur méchant, d'un lâche méprisable un brave honoré!... Mou- sieur, vous êtes encore cet âge où ceux qui aiment la jeunesse ne veulent pas croire qu'une odieuse bassesse de sentiments puisse remplacer chez elle cette générosité qui est son plus beau partage, prouvez-le donc, eu repoussant, eu détruisant aujourd'hui, ces bruits mensongers dont on n'accusera plus que votre ctourderie et Votre inexpérience. Je le ferai, répondit le jeune homme avec émotion, car j'es père montrer ainsi que ma crédulité seule a été surprise. Simon vendit toute sa pacotille; et eu rentrant chez lui après la foire, il eut le plaisir de ne plus se trouver en face de la terribla image du torrent débordé. Que le Dieu des bonnes gens soit toujours propice au petit com* merce de l'excellent marchand forain! Théodore PJRONOH»

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Le Progrès (1841-1914) | 1846 | | pagina 3