I INTERIEUR. 6e ANNÉE. - N° 574. JEUDI, 5 NOVEMBRE 1840. JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT. I On s'abonne Ypres, Marché au Beurre, 1, et chez tous les per cepteurs des postes du royaume. PRIX DE L'ABOHNEMENT, par trimestre. Pour Y prèsfr. 5-00 Pour les autres localités 6-00 Prix d'un numéro0-25 Tout ce gui concerne la rédac tion doit être adressé, franco, l'éditeur du journal, Ypres. Le Progrès parait le Diman che et le Jeudi de chaque semaine. PRIX DES INSERTIONS. Quinze centimes par ligne. VIRES ACQUIRIT EUNDO. .YPRES, le 4 Novembre. Depuis près de trois mois, toute communi cation par eau est interrompue entre l'intérieur du pays et les arrondissements de Furnes, Dixmude et Ypres. Le commerce el l'industrie éprouvent des perles cruelles par suite de la rareté des matériaux et de leurs prix élevés, les travaux ne peuvent être continués au grand préjudice des ouvriers qui dès l'au tomne éprouvent toutes les privations que l'hiver amène; les objets de consommation que d'autres localités fournissent, augmentent né cessairement de prix, el bientôt, manqueront totalement. Les faits qui suivent, prouveront que nos allégations sont fondées. Le four chaux établi au canal, procurait du travail 15 ou 20 ou vriers par jour, faisait vivre une partie des ouvriers et marchands détaillants du quai; celte usine chôme depuis trois mois, pareeque le propriétaire ne peut se procurer la matière première. Indépendamment des pertes immen ses, mais momentanées, que cet industriel éprouve, il est exposé voir diminuer sa clien tèle, pareeque les cultivateurs forcés de s'ap provisionner chez ses concurrents Warnêlon ou Wervicqy auront contracté des dettes, (car la chaux ne se paye d'ordinaire que neuf mois ou un an après livraison), el se croiront obligés continuer leur pratique au fournis seur avec lequel ils ont un compte ouvert. Des parties considérables de bois el surtout de bois de chêne vendues pour les constructions maritimes ou les chemins de fer, encombrent le rivage et les abords des routes qui abou tissent au canal il est vrai qu'en échange le bois du Nord est très-rare et très-cher. C'est une triste compensation, elle détermine les propriétaires remettre l'année prochaine les travaux qu'ils projetaient de faire exécuter. Depuis trois mois le sable de mer n'est pas plus facile se procurer Ypres que le sable d'or dont l'imagination des poêles de l'anti- quilé avait doté le fleuve du Pactole. Les ad ministrations et les particuliers font staler les travaux de pavage, el les paveurs sont sur le pavé. 11 y a quelques semaines, un entrepre neur de notre ville avait absolument besoin de 500 briques neuves de Furnes, tous les mar- chandsde matériaux réunis n'en purent fournir cent. L'entrepreneur crut devoir s'adresser au conducteur de la diligence qui transporte les dépêches et les crevettes, mais comme ces pré cieux matériaux devaient être immédiatement transportés pied d'oeuvre, il envoya un voi- turier Furnes, et paya pour transport environ 500 pour cent de plus que le fret ordinaire par eau. Le charbon de terre dont la classe pauvre fait un indispensable usage, sera bientôt un minéral de haut prix. Presque tous les maga sins sont vides, et si la gelée arrive avant l'eau, nos indigents pourront brûler les feuilles mor tes des arbres, pour ne pas geler de froid. Les charbons de terre ont subi une baisse assez importante, surtout relativement au prix des qualités inférieures, et cependant notre po pulation ne profitera pas de cette baisse. Car les bateliers instruits des entraves que la navi gation vers Ypres éprouve chaque année, savent qu'il faut moins de temps un paquebot pour aller d'Angleterre en Amérique, el revenir de là Anvers, qu'à une barque pour faire un voyage de long cours du Hainaut Ypres. Aussi ces navigateurs refusent-ils <1« prunJro chargnmont pour noire ville, moins qu'on ne leur paye un prix exorbitant. Ordinairement le taux du fret pour la bouille était de 40 50 centimes l'hec tolitre celte année il est de 77 80. Cette différence augmente d'environ 20 p. °/0 le prix du charbon destiné aux pauvres qui payent sans bénéfice aucun pour le marchand, au moins 200 pour cent de plus que ce combus tible ne coûte la houllière ces 200 pour cent égalent peu près le chiffre total des frais de transport. Les faits signalés parlent haut, le mal est très-grave, et d'autant plus grave, qu il est chro nique, tout le monde le reconnaît, l'avoue et le déplore. Mais ces aveux ne sont pas des re mèdes, et ne nous empêchent pas d'être tantôt inondés et tantôt sans eau. Nous savons que plusieurs tentatives ont été essayées, mais sans vouloir critiquer ceux qui ont fait ces essais, nous croyons pouvoir les prier de renoncer désormais l'eau de mer pour alimenter l'Yser, et le bief inférieur du cana 1 d'Yp res. Quelque partisan que nous soyons de la navi gation, nous pensons que celte mesure a de grands inconvénients, car, ainsi qu'il est arrivé, la fabrique de sucre près de Dixmude fabri querait du sel au lieu d'élixir de betterave, les digues de l'Yser n'étant pins soutenues par l'eau, combleraient en seboulant, le lit peu égal déjà de la rivière, et les bêles cornes qui s'abreuveraient d'eau salée, ressembleraient bientôt aux vaches de Pharaon. Ces quadru pèdes qui se prêtent toutes les préparations culinaires qu'on leur fait subir après décès, s'accomoderaienl fort peu d'une salaison antici pée et préventive. Nous n'ignorons pas que la question des eaux est, pour ce qui concerne la vallée de l Yperlée et de l'Yser, unequeslion fort difficile, parcequ'il faut concilier les intérêts de la navi gation. Ft ceux de l'agriculture gravement lésée par les fréqnentes inondations, et parce qu'en outre les mêmes voies doivent remplir deux destinations, pour ainsi dire opposées, mais nous savons aussi que le mal étant connu est grave, il est possible et nécessaire d'y trouver un remède; non pas un remède passager et transitoire, un palliatif, mais un remède per manent et radical. S'il est reconnu que l Yser r*o 111 spri'li' cimultanuoiaixt A la «N.a.viQo.lton ot l'écoulement des eaux, qu'on creuse un canal d'évacuation de Knocke, par exemple, Nieu- port. Ce canal pourrait en même temps servir de réservoir pour alimenter, en cas de besoin, le bief inférieur du canal d'Ypres, ainsi que l Yser que l'on prenne celte mesure, ou toute autre, mais qu'on adopte un plan d'ensemble, el que l'on ne se contente surtout pas de ter miner simplement les travaux qui sont en voie d'exécution. La réalisation de ce projet remé diera aux inondations peutêlre, mais améliorera peu ou pas la navigation. Nous n'ignorons pas que le remède que nous réclamons est un remède coûteux, mais, après tout, ne payons-nous pas l'état et la province notre part de charges, et que recevons-nous en compensation Quand on a décrété le creu sement des canaux de Zelzaefeel de Sehipdonck, a-t-on objecté l immensité du sacrifice? Quand pendant une vingtaine d'années, la province a consacré des sommes considérables l'entre tien et l'amélioration du canal de Gand feuilleton. XVI. le commissaire extraordinaire. Pendant l'absence de Pierre un nouveau personnage était venu grossir la cour des princesses et la remplir de son importance. On le nommait le comte Gabriel de***, ou plus ordinairement le comte Gabriel tout court. C'était un homme de trente ans. bien fait de sa personne blond el langoureux chantant la romance lavir et se mettant dans le dernier goût. Pendant qu'une génération enliere faisait son chemin par 1 épée il avait trouvé piquant et ingénieux de se pousser l'aide des femmes. Les salons de la reine Horlense furent le théâtre de ses débuts il y détailla d'une manière si ac complie. avec tant de sentiment el de roulement d'yeux, le célébré morceau Partant -pour la Syrie, que sa fortune était faite. La reine, flattée dans son amour-propre de compositeur, le déclara un homme charmant, et Mme® Gaciocclii et Borghèse l'accueillirent avec leurs plus aimables sourires. Ainsi lancé, oet homme pouvait piélendre tout. Napoléon aimait voir ses sccuis pourvues et occupées. Elles avaient dans le sang un peu de celte activité inquiète qui entraînait le frère travers les champs de bataille de l'Europe et quand celte activité manquait d'aliment elles l'employaient le tourmenter. C'étaient des commérages sans fin des brouilles et des raccoromo- menls des mutineries des révoltes, des larmes, des explications. Il fallait alors se fâcher ou s'aitendrir, négocier propos d'une ques tion d'étiquette, subir, au milieu des plus graves soucis, les petites misères de famille. On devine combien ces épisodes souvent ré pétés, fatiguaient l'empereur, et avec quel plaisir il voyait ai river le chapitre des diversions. De là toute une classe de jeunes auditeurs au conseil d'état, maîtres des requêtes même ou employés supérieurs d'administration qui excellaient dans l'art de se vêtir, d'arrondir les bras comme Trénitz en des>inaut un avant-deux de grasseyer comme Garat en filant les notes d'une barcarole. Celte race de mer veilleux que l'empire vit éclore,occupait les loisirs d'une légion de grandes duchesses princesses et altesses dont ou ne pouvait faire ni des colonels de cuirassiers ni des capitaines de la jeune garde. Elle portail d une cour l'autre ses roulades et ses balancés, el tranchait par leur costume sur cette foule d'épaul» ttes qui occupaient toutes les avenues. Plus ces merveilleux étaient clairsemés el rares, plus leurs succès fureut grands. Une seule servitude y jetait quelques ombres; comme hommage tacite au principe militaire, il fallait porter des besicles. Les habiles allaient plus loin ils se disaient attaqués de la poitiine. Une autre qualité distingua cette phalange de conquérants civils. Dans son contact avec les graudeurs elle n'oublia pas les petits calculs de l'intérêt personnel et sut mêler la spéculation la ga lanterie. C'est là-dedans que se recrutaient les fournisseurs les adjudicataiies les concessionnaires en tout genre les fetmiersdes services spéciaux, enfin tous les postes d'où soitaienl des lorluues soudaines et considérables une époque où les emprunts publics et la commandite nétaient pas encore inventés I.es boudoirs étaient ainsi le vestibule des afl'aiies, et entre deux intrigues on enlevait une fourniture. Que de milliouuaiies l'empire a ainsi créés qui plus tard n ont ménagé ni l'injure ni le dédain ce régime 1 II est vrai que l'empire eut un grand tort leurs yeux celui de tomber les régimes debout sont les seuls qui aient le sens commun. Le comte Gabiiel appartenait donc la classe des merveilleux de l'entpiic. Personne ne portait lunelles avec plus de grâce que lui il était blond d'une manière suffisante et pâle autant qu'il le fallait. Ses yeux bleus exprimaient une satisfaction de lui-même qui allait jusqu'à la fatuité et ses lèvres fines et pincées, un génie «le spécu lation qui s'était déjà signalé en diverses circonMances. Pour le moment il n'avait qu'uue exploitation de carrières et poursuivait une régie. Du reste joli chanteur charmantdélicieux chanteur Elleviou l'avait formé et Martin ne dédaignait pas de faire sa pat lie dans les salons. Il venait de mettre en vogue la romance VAstre ries nuits dans son paisible éclatA Paris, ou se disputait le comte Ga briel des duchesses s'étaient affichées pour lui des marquises de l'ancien régime lui avaient prodigué des avances; on le citait comme un modèle de bon ton et d'élégance; il pouvait choisir. Le comte était un calculateur trop adroit pour s'arrêter aux puissances dé chues il s'eu tint celles qui se trouvaient en exercice et visa au plus liant. Aussi, il ne descendit pas jusqu'à la noblesse de nouvelle fabrique et réserva ses hommages pour les diverses branches de la famille impériale. Il allait de cour eu cour, de principauté en prin cipauté, pour voir ce qui s'y trouvait de disponible en fait de cœurs et de fournitures c'était là sa position sociale sans compter un poste au conseil d Etat et divers traitements fort rétlsen retour de reivices imaginaires. A l'époque où se passe celte histoire, Savary duc de Rovigo, venait de succéder Louché duc d'Otrantc, daus le ministère de la police. Savaiy était fort avant dans l'intimité de l'empereur, et plus d'une fois il l'avait entendu se plaindre des tracasseries domes tiques dont on l'entourait. Eu courtisan délié, il cherchait éloigner de lui ces petits enuuis et surveillait surtout M1»" Borghcse et B.tciocchi quien leur qualité de femmes nerveuses et sœurs dé vouées se permettaient souvent de lasser la patience de .Napoléon. Les princesses étaient donc l'objet constant de la sollicitude du mi nistre, il entretenait auprès d'elles des hommes surs qui le tenaient au courant des moindres gestes et des plus insignifiants propos.

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Le Progrès (1841-1914) | 1846 | | pagina 1