INTÉRIEUR.
6e ANNÉE. - N® 581.
DIMANCHE, 29 NOVEMBRE 1840.
JOURNAL D'Y PRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
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VIRES ACQUIRIT EONDO.
YPRES, le 28 Novembre.
La discussion de l'adresse a été curieuse
plus d'un titre. Nous ne parlerons pas de la
torpeur du somnolent M. De Theux, de l'insi
gnifiance de l'ancien substitut du procureur
général, d'Anethan ni de l'éloquence ampou
lée de l'ancien maître d'école de Seneffe M.
Deschamps; nous voulons nous occuper aujour
d'hui de l'apologie des jésuites et de leur ensei
gnement, faite par M. Jules Malou, le madré
ministre des finances. 11 est beau d'être recon
naissant et de ne pas répudier ceux qui vous
ont fait ce qu'oit est parvenu. Aussi ce point
de vue, nous ne sommes pas étonnés de la dé
fense des doctrines jésuitiques présentée par
M. Jules Malou. Cependant il fut un temps, où
le ministre actuel des finances affichait un cer
tain air libéral et se défendait de toute accoin-
tance avec les Révérends Pères. Alors il tâchait
de faire oublier et l'éducation qu'il avait reçue
et les principes qu'on lui avait inculqués. Mais
aujourd'hui, il croit sans doute pouvoir ouver
tement se poser en affilié des jésuites. Peut-
être est-il convaincu qu'il ne servirait de rien
de nier l'affection qu'il porte aux RR. PP., car
ainsi que l'a dit M. Castiau la chaleur de
l'éloge, il doit être démontré, que le ministre
des finances défend sa propre cause, en prenant
en main celle du jésuitisme.
Mais on ne devinerait jamais pour quel mo
tif, M. Malou se fait l'avocat des jésuites
c'est que par l'éducation qu'on lui adonnée, ils
lui ont inspiré un amourardent pour la Belgique.
Comme vous voyez, l'explication est plausible
et bien inventée. Ces jésuites qu'on croyait hos
tiles notre forme de gouvernement et notre
pays de liberté, infusent la génération nais
sante, l'esprit national un degré superlatif.
11 est fâcheux pour nous, qu'on n'ait pas inspiré
M. le ministre des finances cet amour ardent
l'égard de sa ville natale, car il lui sera diffi
cile de faire oublier que pendant qu'il était un
des membres les plus influents du ministère,
une iniquité a été commise dont nous sommes
victimes. Sans motif valable, une partie de la
garnison a été enlevée la ville d'Ypres. Nous
ne disons pas que M. le ministre des finances a
coopéré cette injustice, mais avec les senti
ments qu'on lui connaît, nous croyons qu'il n'a
pas vu la diminution de la garnison avec au
tant de regret qu'il aurait pu en ressentir, et
nous sommes convaincus que s'il avait porté
autant d'intérêt ses concitoyens qu'aux jésui
tes il aurait pu non-seulement prévenir le
coup, mais encore y porter remède.
11 est difficile de se faire une idée de la mau
vaise foi de la presse jésuitique. A propos de la
discussion politique la chambre des représen
tants, toutes les feuilles cléricales se plaignent
hypocritement de la longue durée des débats
qualifiés d'oiseux, que soulèvent sans nécessité
leur avis, les députés dq l'opposition. D'un
autre côté, toujours la logique ministérielle a
eu bon marché des discours des orateurs libé
raux. L'opposition, dans les journaux, catholi
ques, est toujours battue plate couture et
quelques-uns même s'exaltent jusqu'à entonner
les chants de victoire les plus l isibles. Mais bon
Dieu de quoi se plaignent-ilssi ces débats
oiseux ont fourni au ministère clérical l'occa
sion de remporter un triomphe moral, que ne
laissent-ils faire, c'est tout profit pour le parti
dont ils disent défendre les principes. Mais
hélas! c'est un artifice percé jour et qui ne
fait plus de dupes. Si le cabinet ne se trouvait
dans l'impuissance de repousser tes attaques
de l'opposition nous ne disons pas avec logi
que et bonne foi mais en gardant une
apparence de succèsles feuilles cléricales
demanderaient ce qu'on fasse naitre des dis
cussions politiques, pour fournir un triomphe
même imaginaire, ces instruments serviles de
l'épiscopat et qui jouent une dangereuse comé
die, en face de la nation.
D'ailleurs ces reproches devraient être adres
sées M. Deschamps qui, s'il avait été plus
circonspect dans l'éloge dithyrambique du
cabinet qu'il a prononcé, n'aurait pas provoqué
l'opposition. Elle a ramassé le gant au grand
dommage du ministère qui a été forcé pendant
le cours de la discussion, de déchirer un coin
du voile qui couvrait encore ses projets.
Jusqu'ici le libéralisme ne trouvait d'adver
saire que dans les rangs catholiques. Aujour-
d hui il a combattre d autres ennemis, des
ennemis sortis de ses rangs, d'anciens alliés qui,
aussi longtemps que l'adversaire commun était
redoutable, sont restés unis. Mais comme ils
avaient d'autres doctrines faire prévaloir et
que le libéralisme perruquecomme le qualifie
la feuille des Baziles ne voulait pas jouer le
rôle de Ratonle déclassement a eu lieu. Proba
blement pour se venger des députés de Brux
elles qui n'ont pas voulu accorder leur patro
nage aux doctrines radicales, que certains
membres de la commission administrative de
l'ancienne Alliance voulaient répandre pour
préparer l'avenir, les journaux de celte nuance
prennent lâche d'attaquer l'opposition parle
mentaire sur la perte de quatre voix qu'elle a
subie dans la question de cabinet. II faut avoir
une certaine dose de mauvaise foi pour imputer
la faute de la scission aux députés de Bruxelles
et les rendre responsables des conséquences
que devaient nécessairement amener les exa
gérations radicales de certains meneurs. L'af
faiblissement de l'opposition n'est dû, non pas
la scission, mais aux prétentions étranges de
certains membres de l'Alliance et de la fai
blesse d'autres, qui n'ont pas compris les plans
de quelques radicaux déguisés.
C'est ainsi que dans une dernière séance de
la société de l'Alliance une comédie détesta
ble a eu lieu. La majorité de la commission
continuant jouer son rôle, par l'organe de M.
Defacqza dénié son caractère radicalpour
tâcher de conjurer les démissions qui l'assail
laient de toutes parts. C'est ainsi que pour
compléter la commission la fraction radicale
s'est empressée de choisir les candidats dans
la partie modérée des membres de la so
ciété; c'était pour elle une condition d'exis
tence. Si elle avait osé les choisir dans la
nuance avancée, la société se serait trouvée le
lendemain veuve de ces* hommes sans cœur et
sans intelligencequi font la force d'une associa
tion électorale.
On ne doit pas se tromper sur le caractère
de cette élection, elle prouve la peur et non la
modération de la majorité qui a concouru au
scrutin. Celte majorité d'aujourd'hui n'est en
réalité que l'ancienne fraction radicale de l'Al
liance, moins son audace, moins ses intrigues,
mais craintive pour son existence.
Il ne faut pas non plus se méprendre sur la
portée ni sur le résultat de ces nouvelles no
minations. Elles ne modifient en rien le carac
tère de la commission de l'Alliance. Elles y
renforçant au contraire la fraction radicale et
remplacent dans la nuance modérée, les mem-
Fcuillcton.
IPBEiaïaiE STOUJTOK).
XXL la leçon. (Suite,)
Lorsque Zéphyr rejoignit Pierre sur la place du Champ-de-
hataille des salves d'artillerie annonçaient le retour des princesses.
Du milieu de la rade, elles avaient assisté l'immersion du Monte-
bello, qui cette fois, s'était passée sans encombre-, puis la suite
d'une splendide collation qui leur avait été servie bord du vais-
seau-amiral elles venaient de se diriger vers le port leurs voitures
les attendaient dans les rues adjacentes. La nuit arrivaitet après
une journée fatiganteleurs altesses n'avaient plus qu'un seul désir,
celui de regagner promptement leur domicile. Pierre se rendit au
lieu du débarquement, tandis que Zéphyr allait achever ses prépa
ratifs. Quand le comte Gabriel mit pied terre, la première personne
qu*il aperçut fut le faux capitaine Maxime qui, malgré sa résistance,
1 entraîna d'un air mystérieux et commença une longue histoire
proposde la bande des Moutons, l'entretint de prétendues recherches
qu'il avait faites dans la journée de découvertes importantes et de
révélations précieuses Pendant oe temps, les voilures des princesses
s'éloignaientet le soleil s'abaissait l'horizon. Le comte Gabriel
avait beau essayer de fuir la confidence Pierre le tenait asaujéti
par le bras et était difficile de se dérober cet argument décisif.
Pierre parlait d'ailleurs au nom de S. M. l'empereur et roi, et
comme un homme qui prend ses devoirs au sérieux il ne lâcha prise
qu'au moment où il le crut convenable. Le comte profita de sa
liberté pour courir yers la rue voisine où il jeta un regard désap
pointé.
Eh bien monsieur, dit-il en revenant vers Pierre vous le
voyez, toutes les voitures sont parties,
Excepté mon coupé, M. le comte, et je vous y offre une place.
Mon domestique est ici près nous attendre.
L'offre fut accueillie avec empressementet Pierre n'abandonna
pas dans la voiture le thème qu'il avait entrepris. Seulement
mesure que la nuit devenait plus sombre, son récit revêtait des cou
leurs plus effrayantes il racontait sur la troupe des Moutonsdes
aventures où les coups de poignard et de pistolet tenaient une grande
place; il insistait sur l'audace prodigieuse des bandits et l'impossi
bilité d'éohapper une vengeance. Ce genre d'entretien amusait
médiocrement le commissaire extraordinaire et pour le rompre
il fredonnait de temps en temps quelque ariette mais la voix che-
vrottait et les moyens étaient visiblement en baisse. Pierre d'ail
leurs, ne se prêtait pas ce jeu et reprenait impitoyablement son
histoire, en l'accompagnant de détails de plus eu plus colorés.
Jusqu'au village de La Valette, le comte fit bonne contenance on
n'avait pas abandonné la grande route d'Italie quelques rouliers se
montraient de loin en loin, et par intervalles des maisons bordaient
la chaussée. Mais quaud on eut pris la traverse d'Hyères, ces diver
sions où se réfugiait une âme effrayée manquèrent tout coup. Pas
un être vivant pas une habitation des obatups de vignes et d'oli
viers perte de vue le bruit de Aa voiture troublait seul le silence
du chemin. Le comte Gabriel se sentait chaque instant plus mal
l'aise il épuisait son répertoire de romances f Astre des nuits, le
Point du jourPartant pour la Syrie enfin il veuait d'attaquer le
grand opéra quand un terrible coup de siffletrésonnant la por
tière, étouffa dans sa gorge un majestueux fa dièze
Qu'est-ce s'écria-t-il en bondissant de frayeur»
Arrête ou je te bi ùle dit une yoix au dehors.
Avez-vous des armes, M. le comte dit tranquillement Pierre.
C'est le cas de s'en servir.
Il fit en même temps le geste de tirer son épée du fourreau. Le
commissaire extraordinaire retrouva toute son énergie pour arrêter
le bras de son compagnon.
Gardez-vous eu bien, capitaine! s'écria-t-il: ils ne nous fe
raient point de quartier. Diable! de la prudence
Vous voulez alors vous laisser dévaliser par ces misérables Fi
doncM. le comte
Pas d'injures, capitaine, s'il vous plaît; n'exaspérons personne,
je vous en prie. Du oalme du oalme
La voiture s'étant arrêtée, et un homme, le chapeau rabattu sur
les yeux, se présentait la portière. Pendant ce temps, Pierre s'était
élancé hors de la voiture et avait mis l'épée la main.
Brigands! misérablesl s'écria-t-il.
Trois hommes de la bande allèrent vers lui et le maîtrisèrent
fortement, pendant que les autres s'emparaient de Zéphyr.
Ne me ménagez pas, disait Pierre voix basse; liez-moi les
bras et les jambes attachez-moi un arbre; bâillonnez-moi.
Zéphyr, de son côté, se colletait avec les deux malfaiteurs qui
s'étaient attaqués lui et opposait une résistance vigoureuse:
Pas de bêtises, Pomme-d'Api, tu cognes trop fort, disait-il
voix basse. Modère-toi, où je te secoue.
Faut bien jouer le jeu, collègue.
Oui, mais le petit jeu, animal tu me romps les os.
Pendant ce temps, Bouton-de-Rose avait ouvert la portière, et
posant un éuorme poignet sur le collet du oommissaire extraordi
naire
A nous deux, muscadin, lui dit-il.
C'est tropjuste, monsieur, répliqua la victime.... c'est trop