6e ANNÉE. - N° 582. JEUDI, 3 DÉCEMBRE 1846 JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT. INTÉRIEUR. feuilleton. P1I1IRIRH OTOUTONI. On s'abonne Ypres, Marché au Beurre, 1, et chez tous les per- oepteurs des postes du royaume. PRIX DE ^ABONNEMENT, par trimestre. Pour Ypresfr. 5-00 Pour les autres localités 6-00 Prix d'un numéro0-35 Tout ce qui conoerne la rédac tion doit être adressé, franco, l'éditeur du journal, S Yprea. Le Progrès parait le Diman che et le Jeudi de chaque semaine. PRIX DES INSERTIONS. Quinze centimes par ligne. VIRES ACQUIR1T EUNDO. YPRES, le 2 Décembre. CONCOURS DE DECLAMATION ET DE POESIE. Dimanche a eu lieu dans notre ville, une de ces solennités dont l'institution remonte aux temps les plus reculés, et se lie en quelque sorte, l'histoire de notre Flandre; c'est de la fête littéraire donnée dans la salle de spectacle que nous voulons parler. Tous ceux qui ont assisté cette soirée sont d'accord, pour proclamer que les bonnes traditions ne sont pas éteintes dans l'esprit de nos Flamands, et quils savent encore comme leurs pères, se livrer la culture de l'esprit, la seule propre donner des jouissances pures et sans mélange. C'est au contact de nos antiques sociétés de Rhétorique que s'est formée cette phalange d'écrivainsqui, alors que le langage de nos voisins était encore l'état de rudiment, avaient déjà su polir leur riche idiome, au point que la postérité a trouvé bien peu de perfectionnements apporter au dépôt que leurs travaux nous ont transmis. Certes, il ne peut entier dans notre pensée d'énumérer dans le cadre étroit d'un article de journal, ni ces travaux, ni l'in fluence qu'ils ont eue sur les idées, les mœurs, et les actes de nos pères aussi nous bornerons nous donner ici un simple compte-rendu du concotirs auquel nous avons assisté. Comme l'avait annoncé le programme inséré dans notre dernier numéro, le cortège est sorti de la Gendarmerie trois heures, et a traversé la ville au milieu d'un concours nombreux de spectateurs accourus de toutes parts; lorsqu'il est entré daus la salle où devait avoir lieu le concours, celle-ci était envahie, et l'ordre ne s'y est établi que lentement. La séance a été ouverte par un discours flamand bien senti et bien écrit, prononcé par Monsieur Lambin- Verwaerde, l'un des fils de feu notre laborieux archiviste qui, lui aussi, fut, dans le cours de sa longue carrière, l'un des plus heureux cham pions dans les joules littéraires. Après le prononcé du discours d'ouverture, qui, juste titre, a été couvert d'unanimes applaudisse ments, a eu lieu la séance d'improvisation flamande, dans laquelle quelques concurrents ont montré de la facilité et de l'apropos. Immédiatement après a commencé le concours de déclamation, dont le public a jugé l'ensemble satisfaisant. Quelques orateurs s'y sout mis entièrement hors de ligne, et ont prouvé par le gestel'éloculion et l'expression qu'ils ont apportés au débit de leurs morceaux qu'ils entendaient parfaitement un art qui, dans l'exé cution, n'est pas sans difficultés. Le Valeureux Soldat, scène comique flamande, exécutée par Monsieur Guillaume Hauloy, d'Ypres, a fait le plus grand plaisir, et, pour notre part, nous devons des éloges cet ama teur pour le naturel et l'aplomb qu'il a apportés l'exécution de la tâche qu'il avait assumée certes, on n'aurait pu attendre mieux d'un artiste rompu la scène. Deux heures de la nuit sonnaient au beffroi, lorsque le jury entra en,délibération, pour sta tuer sur le mérite respectif des concurrents il rapporta bientôt son verdict, et l'on put alors proclamer les noms des vainqueurs. Nous doutions ici l'extrait du procès-verbal concernant la nomination des lauréats, tel qu'il a été arrêté par ces Messieurs, et revêtu, nous le pensons, de la sanction du public. Composition poétique flamande. lr Prix. M. Renier, fils, Harlebeke. 2° M. A. De Mazière.àe Nieuport, habitant Ypres. Composition en prose flamande. Prix unique. M. J.-J. Sieyaertdirecteur de l'éoole communale, Gand. Le second prix n'a pu être décerné. Calligraphie. lr Prix. M. Renier, directe»pensionnat d1 Harlebeke. 2e M. Ange Fan Eeck/toulde Courlray. Prix d'honneur. M. A.-F. Renierde Ueerlyk. Déclamation tragique flamande. lr Prix. M. Van de IVator, de Bruges, membre de la société DE Kumstliefde. 2e Prix. M. IVglliede Dixmude, membre de la société Nu, morgen met. Déclamation tragique française. Prix. M. Renier, fils, de Deerlyk. Mention honorable. M.Ryngaert, d'IIondschote, (France). Costume tragique. Prix. M. Van Assche, de Deinze. Déclamation comique flamande. lr Prix. M. Neuvillede Poperinghe, membre de la société de Victorike. 2e Prix. M. Van Lootde Poperinghe, membre de la même sooiété. Déclamation comique française. Prix. M. Rt/nyaert, de Dunkerke. Costume comique. Prix. M. Neuville, de Poperinghe. Improvisation flamande. Sujets sacrés Prix. M. Fan Loot, de Poperinghe. Sujets profanes. Prix. M. Fan Loot. de Poperinghe. Le prix d'éloignement a été décerné la société de Bruges. Le prix du nombre, la société de Victombe, de Poperinghe. Prix décernés aux amateurs d'Ypres. Déclamation comique. lrPrix. M. Joos. 2e M. E. De Farver. Costume. Prix. M. Félix De Breu. Samedi dernier, ont eu lieu, les obsèques de M. de Sternbach, sous-lieutenant au 10° régi ment d'infanterie, en garnison en cette ville- Le discours suivant a été prononcé sur sa tombe par un officier de ce régiment. Messieurs, Quelleque soit ladestinéequelehasardnousdonne en naissant, quelle que soit la durée de cette succes sion de bonset de mauvaisjours, que nous appelons la vie, voici le terme fatal et inévitable auquel nous aboutirons tous; les uns fatigués, brises, haletants, les autres heureux, souriant l'avenir, en songeant un passé rempli de quiétude et de bonheur. Celui auquel nous témoignons en ce moment une des dernières preuves d'affection que des camarades peuvent donner un camaradepossédait aussi quelques éléments de bonheur il vivait tranquille au sein de sa famille, une jeune enfant, intelligente et gracieuse, grandissait et se développait sous ses yeux, et si ce n'était, que rien ne peut être sans mélange ici-bas, si ce n'était, dis-je, l'état chance lant de sa santé, il eût été certes parfaitement heu- t'ëTnrrL'a venirse dessinait pour lui sous des couleurs calmes et riantes,ses côtés une compagne dévouée, entouré de nombreux amisdont son caractère loyal, franc et aimable augmentait journellement le nombre, sa position sociale, exempte de ces vicissi tudes qui frappent souvent des positions plus bril lantes, enfin tout semblait lui présager le bonheur. Hélas! l'inpénétrable providence en avait décidé autrement, un moment lui a suffi pour jeter un voile funèbre sur cet avenir qui paraissait si calme, la Providence a voulu,et la femme n'a plus d'époux, la jeune fille n'a plus de père. Avant de quitter ces lieux, avant que quelques pelletées de terre, forment entre lui et nous celte barrière qui sépare le connu de l'inconnu, qui sépare le temps de l'éternité, permettez-moi, Messieurs, de vous faire en peu de mots, un résumé des services que de Sternbach a eu le bonheur de pouvoir rendre son pays. De Sternbach ou plutôt Von Sternbach, fils du Baron Von Sternbach, colonel pensionné, naquit Voels, province de Limbourg, le 5 Mars i8o3. Depuis 1822 jusqu'en 1827 il servit dans l'ex il" division, comme soldat, caporal et sergent. Congédié vers celle dernière époque, il rentra dans la carrière civile. En 1881, moment où la patrie XXI. deux femmes. A la suile de ces événements et de ces fêtes, Hyèresprit un aspect plus tranquille, et Laure eut le temps de se recueillir. Depuis le jour de son arrivée, la jeune fille n'avait plus échangé un mot avec Pierre, si ce n'est devant des tiers et sur des sujets insignifiants. De part et d'autre, on semblait s'accorder oublier le passé et laisser les choses suivre leur cours. Le service des princesses n'était pas une sinécureil occupait Laure une partie de la journée, et, desoncôlé, Pierre ne sortait de sou pavillon, pour se mêler aux hôtes de la résidence, que lorsque son devoir l'y obligeait. Ainsi, les occasions d'une rencontre étaient rares, et ni Pierre ni Laure ne cherchaient les faire naître. Que se seraient-ils dit Cependant cet éloignement même ne donnait que plus de carrière l'imagination de la jeune fille. Dans le domaine de la passion, le silence joue un grand rôle; rien n'exalte autant le cœur et n'y en tretient plus de fièvre. 11 est rare que, vu de près, un héros de roman garde son prestige il perd être connu la réalité fait tou jours du tort l'idéal. Combien d'anges ont ainsi vu tomber leurs aîles pour n'avoir pas su se taire propos et se tenir dans l'ombre, l'état d'apparitions mystérieuses! Un geste, un coup-d'œil, un mot en passant suffisent comme aliment l'imagination, et là-dessus, elle bâtit de ses doigts de fée, tout un monde d'émotions et de chi mères. Idylles du cœur où tout inspire une perfection achevée, où la vie est uii long soupir, où la nature n'a que des parfums et des concerts, où chaque jour apporte son ambroisie! Les femmes surtout possèdent ce merveilleux secret de quitter la terre pour se con struire un temple dans l'espace et y placer leur dieu sur un hôtel. Malheur qui descend d'eu haut et s'expose des rapprochements dangereux En amour comme ailleurs, il existe des effets d'optique qu'on ne saurait ni suppléer ni reproduire et rien n'adoucit les teintes comme ce lointain vaporeux dans lequel le cœur place les images aimées. Laure, faut-il le dire, poursuivait un songe pareil. Aucun homme n'avait jusque-là fait sur elle l'impression que Pierre y avait pro duite. Elle voulait en vain fuir ce sentiment dépravé, se tromper elle-même, elle ne pouvait y parvenir. Personne n'aurait pu lui faire de reproches plus vifs que ceux qu'elle se faisait, ni lui dé peindre sous de plus odieuses couleurs ce penchant indigne. Chaque jour elle se croyait guérie, et chaque jour des rechutes affreuses la remplissaieut d'épouvante. Les succès que Pierre avait trouvés dans ce monde impérial enivraient son âme elle s'y associait comme si quelque chose en eût rejailli sur elle. Si Pierre portait ses attentions vers quelque femme de la cour, elle souffrait, elle se sentait jalouse. La voix de cet homme avait un acceut qui la pénétrait, ses yeux une expression dont elle ne savait pas se défendre. Cette plaie fai sait des ravages; elle en avait sondé la profondeur et elle était pres que résignée. Laure se connaissait, elle était certaine de ne jamais souiller sa vie par une faiblesse déshonorante, et, plutôt que de céder, elle était résolue mourir. C'est ce qui la soutenait et lui faisait envisager avec plus de calme la triste partie qu'elle allait jouer. Elle ne pouvait être ni la femme ni la maîtresse de Pierre, mais elle se croyait appelée tirer oet homme de l'abjection, le sauver par sou silence, le relever de ses oouseils. Malheureuse, elle le serait toujours, mais lui pourrait être heureux; le baudit ferait place au vaillant militaire et elle serait l'instrument de celte réhabilitation.

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Le Progrès (1841-1914) | 1846 | | pagina 1