6e ANNÉE. - N9 583.
INTERIEUR.
JOURNAL D'Y PRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
Feuilleton.
ipoimi MOUTON»
DIMANCHE, 6 DÉCEMBRE 1846.
Le Progrès
On «'«bonne Ypres, Marché
au Beurre, 1et chez tous les per
cepteurs des postes du royaume.
PRIX DE L'ABONNEMENT,
par trimestre.
Pour Y prèsfr. 5-00
Pour les autres localité» 6-00
Prix d'un numéro0-25
ÎTPKES, le 5 Décembre.
Dans la discussion de l'adresse, quand l'op
position adressait des reproches au ministère,
ses défenseurs n'avaient qu'un thème invariable
ressasser en réponse aux accusations des ora
teurs libéraux. Us ripostaient par une demande
d'explications sur la scission qui venait de
s'accomplir la Société de l'Allianceet qui
paraissait mettre le cabinet son aise. Ce dé
classement du libéralisme semblait le triomphe
le plus complet que le ministère pût jamais rem
porter. Les journaux du parti-clérical jetaient
des cris de joie et accueillaient avec jubilation
les pronostics que les astrologues ministériels
s'empressaient de tirer de celte division du li
béralisme uni jusqu'alors. Désormais il leur
semble que le règne du parti-clérical ne peut
plus avoir de finen face de ses adversaires
désunis.
11 nous paraît que ces accents de triomphe
sont tant soit peu prématurés et un exemple
suffirait pour le démontrer. En Irlande, F Asso
ciation du rappeldirigée par O'Connell, s'est
fractionnée. Quelques membres peu satisfaits
de la marche lente mais sûre, de l'homme qui
s'était donné la mission de délivrer l'Irlande op
primée depuis tant de siècles, ont voulu prê
cher le recours la force physique pour hâter
la délivrance de leur patrie. O'Connell s'est
fortement élevé contre celle manière illégale de
combattre l'oppression et n'a pas eu de peine
faire sanctionner ses principes par l'Associa
tion. Les dissidents ont alors formé une nou
velle société la jeune Irlande. Celte scission
est bien autrement profonde, puisqu'elle a pour
cause même, les moyens d'arriver au mêmebnt.
Croit-on, bien que la désunion soit dans le
camp des repealersque le ministère anglais ne
soit pas moins tenu vis à-vis d'O'Connell et les
membres irlandais du parlement, donner sa
tisfaction aux légitimes exigences de l'Irlande,
et cette scission lui a-l-elle présenté la possibi
lité de se soustraire aux engagements solen
nellement jurés d'améliorer la situation d'une
partie du Royaume-uni
11 est inutile de se faire illusion, la rupture
qui a éclaté entre des fractions de la même
société électorale, n'ajoutera rien la force du
ministère, ni du parti qui le soutient, pas plus
XXI. deux temmes. {Suite.)
Quand cette femme revit au milieu d'une fête et mêlé cette
cour, un homme qu'elle croyait voué un châtiment perpétuel, sa
surprise et son inquiétude furent grandes. Sa première peDsée fut
mauvaise elle voulait le dénoncer et le livrer la justice. Une
crainte vague la retint elle avait peur de Pierre; elle connaissait
sa résolution et son audace. De là cette attitude réservée et pru
dente qu'elle avait prise; elle observait Pierre et gardait la défen
sive, évitant de se compromettre et de se passionner. Pendant les
premiers jours, rien ne la trahit elle resta maîtresse d'elle-même,
éloulla ses souvenirs, dompta ses impressions mais peu peu une
irdeur mal contenue éclata dans ses yeux, dans ses gestes, dans son
maintien. Ce coeur profondément vicieux, était blasé sur la galan
terie vulgaire; il arrivait ce moment où la dépravation cherche
le raffinement, où le désordre aspire l'originalité. Il lui fallait
autre chose que le cortège de seigneurs équivoques, de fournisseurs
prétentieux parmi lesquels les dames de cette cour cherchaient des
dislractie» et des vietimes, Le hasard servait merveilleusement la
que la division des repealers n'a donné les
coudées franches au ministère anglais. Que les
journaux catholiques entonnent des chants de
triomphe; il est dans les destinées de ce parti de
n'être jamais plus près de sa chute, que quand
il se croit maître de la situation.
La polémique que le radicalisme vient d'inau
gurer est déplorable et si les organes qui sont
chargés de propager ces doctrines, ne trouvent
pas de meilleurs arguments l'appui de ce pré
tendu nouveau parti, nous doutons fort qu'il
parvienne de longtemps se constituer d'une
manière quelque peu respectable. Jusqu'ici les
journaux qui relèvent de cette fraction qu'on
appelle républicaine, se sont bornés, non pas
développer les principes avancés qu'on veut
introduire dans la machine gouvernemen
tale, mais simplement lancer des personnalités
ceux que jusqu'ici eux-mêmes avaient consi
déré comme les chefs du libéralisme. On dirait
l'ardeur qui les pousse lâcher de démoné
tiser les hommes honorables qui avaient tenu
haut et ferme la bannière du libéralisme, quand
radicaux et républicains ne se laissaient guère
deviner, que la victoire a déjà couronné les
efforts faits pour mettre une digue aux empié
tements du clergé sur l'autorité civile et que la
suprématie de fait de répiscopat dans notre
pays, a cessé d'exister.
Hélas! non, au lieu de prendre pour point
de départ ce qui n'est encore qu'une théorie,
dans notre pays, l'indépendance du pouvoir
civil, on a raisonné comme si celte indépen
dance était réelle, parcequ'elle est inscrite dans
notre pacte fondamental. Cependant si on veut
réaliser les améliorations que le Congrès libéral
a jugé d une nécessité immédiate, c'est l'indé
pendance du pouvoir civil qu'on doit tâcher de
conquérir par tous les moyens. En d'autres
termesavant d'avoir obtenu une majorité
libérale la chambre, il est impossible de pro
céder aucune réforme, car la majorité catho
lique ne consentira jamais se suicider. Il
fautdoncavant tout, l'avènement d'un ministère
libéral, pour pouvoir appliquer les réformes
que le Congrès libéral a indiqués.
Aujourd hui que voit-on de la part des feuilles
du jeune libéralisme? Elles prennent lâche
de présenter les discussions qui ont eu lieu
la chambre, comme des questions de personnes,
comtesse 1 Un bandit mystérieux, la terreur du pays, sous les traits
d'un beau jeune homme une vieille passion relevée par le prestige
d'une vie aventureuse que do circoustances engageantes! Quelle
expérience pleine d'émotions
A tout prendre, Pierre avait été le premier amour de Claire, et
dans l ame la plus corrompue, ce souvenir laisse des vestiges. Invo
lontairement, elle se reportait cette mansarde où elle l'aperçut
pour la première fois, aux joies naïves de leur passiou adolescente,
aux regards furtifs, aux heures écoulées près du fauteuil de l'aïeule,
ce temps où ils étaient tous deux purs, tendres et dévoués. Pierre
avait ainsi tout pour lui, le bénéfice des souvenirs et celui de sa
déchéance actuelle; il attirait la comtesse et pour ce qu'il avait élé,
et pour ce qu'il était. Mais un autre motif lui donnait aux yeux de
Claire plus de relief. Avec la pénétration habituelle des femmes,
elle avait deviné les sentiments de Laure. Le jour où, sous le nom
du capitaine Maxime, Pierre revint au château aveo la jeune fille,
la comtesse de Slolberg comprit qu'une aventure étrange venait de
rapprocher ces deux destinées, et son plus grand souci fut de savoir
jusqu'où allait ce lien mystérieux. La froideur de Pierre. l'aSecta-
tion qu'il mettait éviter la jeune fille déconcertaient la surveil
lance de la comtesse; mais Laure se défendait avec moins d'habi
leté. Dans ces soirées que Pierre remplissait du charme de sa voix,
Tout ce qui eonoerne la rédse-
tion doit être adressé, franco,
l'éditeur du journal, Ypres.
Le Progrés parait le Diman
che et le Jeudi de chaque semaine.
PRIX DES INSERTIONS.
Quinze centimes par ligne.
VIRES ACQUIRIT EUNDO.
ga»»
comme une lutte de M. Rogier contre M. De
Theux. Il est difficile d'abonder d'une manière
plus niaise dans le sens des journaux cléricaux,
car eux déjà depuis longtemps ont adopté ce
thème et l'ont ressassé satiété. Comment, ces
discussions la chambre ne seraient que des
querelles d'ambitieux! Mais derrière MM. Ro
gier et De Theux, n'y a-t-il pas l'opinion libérale
et le parti-prêtre? Encore une fois, M. Rogier
n'esl-il pas le champion du libéralisme, quand
il combat les actes du ministère, et pour tout
homme de bonne foi quelle autre signification
peuvent avoir ces luttes oratoires, où certes la
gloire, ni le talent ne sont pas du coté des gros
bataillons.
En la personne de M. Rogier, on doit voir le
principe incarné du libéralisme, comme M. De
Theux est l'expression la plus complète du
cauteleux parti-prêtre. Prétendre que ce n'est
qu'une question de portefeuilles qui s'agite,
c'est s'éloigner du vrai, cal nul n'aura la mau
vaise foi de dire que le gouvernement, sous
l'administration de M. Rogier et de ses amis, ne
suivraient pas line marche libérale, tandis
qu'avec le ministère actuel, le parti-prêtre lève
la tête avec audace et ne dissimule guère ses
desseins. Que de la part de certaine fraction,
par inimitié, rancune personnelle ou ambition,
on préfère voir des catholiques au pouvoir et
diriger les affaires du pays son grand détri
ment, plutôt que le libéralisme constitutionnel,
c'est une anomalie inconcevable, car certes le
radicalisme a plus d'un point de contact avec
le libéralisme, tandis qu il n'en a aucun avec la
Jhéoeralie, moins que la haine ne devienne
ie lien commun qui unisse deux pjartis aussi
antipathiques par leurs projets que par leurs
principes.
C'est donc vouloir dénigrer sciemment l'op
position que de la présenter comme comballan
la chambre pour le pouvoir. Ce n'est pas pour
le pouvoir en lui-même qu'elle lutte on doit sen
tir que si l opinion libérale est représentée au mi
nistère par des hommes de sa nuance, ce cabinet
mettra en pratique les idées libérales et ne se
courbera plus sous le joug de l'épiscopat comme
le ministère actuel. Ce n'est qu'alors qu'on
pourra espérer de voir réaliser les réformes les
plus utiles et entre autres le remaniement de
la loi électorale.
Mais si quelques journaux se plaisent conli-
elle ivre du bonheur de l'entendre, ses yeux s'animaient d'un éclal
fiévreux; son haleine semblait comme enchaînée. C'était de la pas
siou la comtesse s'y connaissait trop bien pour en méconnaître les
symptômes.
Cette rivalité fut pour elle un aiguillon de plus; dès le moment
où elle s'en fût assurée, sa résolution fut prise. Trop adroite pour
sembler attirer Pierre d'une manière ouverteelle se contenta
d'abord de moyens indirects pour lui faire comprendre qu'elle re
venait lui. Dans une intrigue aussi délicate, tout devait demeurer
secret, et Claire y apporta des précautions inouïes. Point d'entre
tien, point de relations apparentes; peine osait-elle donner son
chant une expression plus tendre quand Pierre faisait sa partie.
Une fois loin du piano, le visage delà comtesse reprenait son im
passible sérénité, tille épiait une occasion cette occasion se faisait
attendre. Il faut dire que Pierre s'y prétait mal. Eu tacticien expé
rimenté, il avait compris toute la manoeuvre de Claire, et, soit
calcul, soit ironie, il y opposait une manœuvre non moins savante.
Troublée parce calme, Claire perdait peu peu de ses avantages,
et déjà ce manège durait depuis quelques jours, quand une circon
stance imprévue brusqua le dénuùuient.
C'était un soir le soleil allait disparaître derrière les montagnes,
A la suite d'un dîner où quelques personnes de 1 intimité avaient