6e ANNÉE. - N* 587.
DIMANCHE, 20 DÉCEMBRE 1840
JOURNAL D'Y PRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
INTÉRIEUR.
Feuilleton.
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VIRES ACQUIRIT EUNDO.
Y PRE S, le 19 Décembre.
IMPUISSANCE DE LA DÉPL'TATION LÉGISLATIVE
DES FLANDRES.
De toutes les provinces de la Belgique, la
Flandre occidentale est celle qui endure actuel
lement les plus amères souffrances. C'est celle
qui est accablée des maux les plus terribles
auxquels un peuple puisse être en proie la
cherté des vivres et le paupérisme. Et cepen
dant la province est représentée la Chambre
par des députés de la nuance cléricale la plus
foncée, l'exceplion de deux, MM. Devaux
député de Brugeset De Breynedéputé de
Dixmude les autres, tous tant qu'ils sont et ils
sont nombreux sont les instruments servîtes
d'un miuistère clérical, et sous un cabinet libé
ral comme en 1840, les humbles serviteurs de
l'épiscopat.
On devrait croire que, représentée de celle
façon la Flandre occidentale devrait être un
Eldorado, une espèce de paradis, d'autant plus
que ses représentants méritent en quelque
façon, la qualification de saints. Point, c'est le
contraire qu'on observe, on y meurt de faim.
Dans les centres de l'ancienne industrie linière,
les tisserands tombent d'inanition'. Nous aussi,
nous croyons que si l'on s'y était pris en temps
utile et si un gouvernement prévoyant avait
voulu s'en occuper, la transition entre la déca
dence de l'ancienne industrie linière et l'avé-
nement du nouveau mode de fabrication eut pu
s'opérer insensiblement. Mais que faisaient nos
honorables pendant que la transformation au
rait dû avoir lieu? Ils se traînaient aveuglement
la suite du ministère qui, par système, ne
voulait point venir en aide l inlroduction de
la filature et du tissage mécaniques. Quelques-
uns, et ce ne sont point les moins coupables,
ont toujours exalté l'ancien mode de fabrica
tion. Le clergé engageait les populations se
résigner, prêchant que ce n'était qu'une crise
passagère et que de meilleurs jours renaîtraient
bientôt. Nous savons bien que ce dernier fait a
été dénié la Chambre par des membres du
clergé; mais tout mauvais cas est niable, et
maintenant que le mal a atteint son point cul
minant, pour ne pas perdre tout crédit sur le
paysan flamand dont il se croit l'oracle, force a
été au clergé de chercher faire oublier ses
prédictions fausses, qui sont pour beaucoup dans
les misères qu'on rencontre chaque pas dans
nos campagnes autrefois si prospères.
Si nous devions passer en revue les honora
bles qui siègent la Chambre comme manda
taires de la provincequelques exceptions
près, il faut en convenir, il serait difficile de
faire un choix plus médiocre. Nous avons l'in
time conviction, que l'infériorité intellectuelle
dont nos représentants pour la plupart ont
fourni le triste spectacle, a eu une grande in
fluence sur la manière malheureuse dont le
régime industriel des Flandres a été manié.
Voyez comme les représentants de Liège et du
Hainaut talonnent l'administration. Du moment
qu'il y a une modification porter un tarif,
ou un dégrèvement d'impôt solliciter, ils sont
sur la brèche. Mais ils sont libéraux, et ne cher
chent pas comme les députés flamands ren
dre la vie facile aux six-Malou, qui font bien
leurs affaires et celles de l'épiscopat, mais nul
lement celles des commettants des honorables
envoyés la Chambre, pour défendre les inté
rêts de la province.
Mais qu'importe aux députés de la Flandre
occidentale qui garnissfenl les bancs de la
Chambre, que les intérêts du peuple soient bien
ou mal défendus, levêque les fera toujours bien
réélire, s'ils ont soin de ne pas le froisser eu
affeclantde l'indépendance mal-à-propos. L'épis
copat s'inquiète peu de la misère du pays, et ne
tient nullement ce que la nation soit prospère.
11 trouvera toujours moyen de capter des tes
taments et de se faire octroyer des donations.
I'ius le pays deviendra misérable, plus le clergé
sera riche, plus il sera puissant et plus dure
sera aussi la domination, qu'il fera peser sur la
Belgique.
Souvent aux approches des élections on a
engagé les électeurs faire choix d'hommes
dévoués au clergé et au parti clérical celait,
ajoulail-on, le seul moyen d'être traité favora
blement par le gouvernement. Eh bien la
grande majorité de la députalion de la pro
vince n'est composée que des humbles marion
nettes du ministère et de l'épiscopat, en portons-
nous mieux et la Flandre occidentale est-elle
mieux partagée que d'autres provinces? Bien
s'en faut, et si on devait peser équitablement
les largesses distribuées, la grosse part ne nous
reviendrait pas.
L'arrondissement d'Ypres compte un député
l'hôtel du ministère des finances, et c'est pen
dant son administration, que l'acte le plus ini
que a été commis l'égard du chef-lieu nous
voulons parler du retrait de notre garnison de
cavalerie. Cependant il aurait dû avoir assez de ci
visme pour ne pas laisser accomplir, pendant qu il
occupait un siège ministériel, un acte aussi fatal
aux intérêts de ses concitoyens. En supposant
même que la majorité n'ait aucune sympathie
pour les opinions qu'il professe, ses adhérents
qui ont voté pour lui, et qui l'ont proné, sont
punis comme ses adversaires. Mais qu'importe
encore l'opinion de la ville, l'équité et Injustice
distributive M. Malou est ministre, député
d'Y près de par levêque et le clergé. Ceci admis,
pourquoi s'occuperait-il des intérêts de ses
commettants
Nous sommes convaincus que si les électeurs
des cantons ruraux, secouant la torpeur dans
laquelle le clergé se plait les maintenir, fai
saient acte d'émancipation et s'avisaient d'ap
précier avec le bon sens qui n'a jamais fait
défaut aux Flamands, la valeur des divers can
didats libéraux et catholiques, ce serait le
meilleur moyen de forcer le ministère inven
ter un remède efficace aux maux qui accablent
la classe ouvrière dans les campagnes.
►f
XXIII.— l'accusée. {Suite.)
I Celte «cène n'arrangea pas les affaires de la jeune Elle. Dès oe
jtaioment elle eut dans le comte Gabriel un ennemi implacable. Au
flieu de raconter ce qui s'était passé entre elle et lui, il déclara qu'il
avait obtenu de l'accusée des aveux complets, que c'était une nature
rofondément dépravée, incapable de remords et qu'il fallait frap-
r des peines les plus sévères. Quelquefois les princesses, au milieu
de leurs plaisirs, accordaient un souvenir A la prisonnière et par
aient d'elle avec un sentiment de commisération. Le comte s'alta-
hait détruire le bénéGce de ces bons mouvements et achevait de
erdre Laure dans leur esprit. Il entassait les imputations les plus
ffreuses, les griefs les plus imaginaires, composait un roman où la
égradalion de la jeune fille éclatait sous le plus triste jour. Ces
anœuvres servaient trop bien les calculs de la comtesse de Stolberg
ur qu'elle ne les secondât pas. C'était une ennemie plus adroite
et encore plus acharnée. Eu apparence, elle prenait la défense de la
évenuc, parlait d'elle avecjintérêt, excusait sou âge, mettait ses
autes sur le compte de la passion, implorait en sa faveur la pitii
qui s'attache aux grands égarements du cœur. Mais, en la défendant
ainsi, elle avait pris soiu de rappeler toutes les circonstances de sa
faute, le cas de flagrant délit dans lequel elle prétendait l'avoir sur
prise, sa complicité dans le vol des diamants, enfin tout ce qui pou
vait contribuer entacher sou nom d'infamie et le perdre jamais
dans l'opinion publique. Claire de Stolberg connaissait la puissance
des premières impressions, et combien ceux qu'elles condamnent
ont de peine se relever de celte déchéance. Tel prévenu est arrivé
devant la justice, compromis ce point, qu'elle ne pouvait plus lui
offrir qu'une réparation incomplète.
Ce vol des pierreries était devenu l'objet de tous les entretiens;
le département entier s'en occupait, et les récits les plus étranges se
mêlaient aux circonstances vraies ou fausses de l'affaire. I.es uns
disaient que Pierre Mouton avait dû passer en Suisse, l'aide d'un
déguisement de roulier; d'autres, qu'il s'était présenté sur le pont
du Var, et que, reconnu par le péager et poursuivi par la gendar
merie, il avait été obligé de se rejeter de nouveau dans le bois de
Lesterel. Ceux-ci allaient plus loin et prétendaient que le bandit
était resté caché dans le château même, et que trois dames d'hon
neur lui portaient boire et manger dans un cabinet masqué par
une porte secrète ceux-là assuraient, au contraire, qu'il s'était in
corporé dans l'armée et qu'il marchait avec le troisième corps, des
tiné la campagne de Russie, Enfin, ii n'était sorte d'inventions
auxquelles on ne se livrât propos de Mouton. Laure était aussi en
jeu quelques hommes la plaignaient mais les femmes étaieul im
pitoyables. On ne loi pardonnait pas d'avoir eu des faiblesses pour un
brigaud. D'une façon ou d'une aulrc, cette histoire occupait la
Il est positif qu'il se prépare un projet de loi
sur le fractionnement des collèges électoraux
des grandes villes, où l'élément libéral contre
balance l influence du cens campagnard. Du
reste, cette nouvelle entreprise réactionnaire
n'atteindrait pas les collèges électoraux où
l'élément clérical triomphe, comme Ypres,
Termonde; rien ne sera changé dans ces arron
dissements la position respective des partis.
Le ministère a senti qu'en dégageant les villes
de second rang, d'une partie des électeurs cam
pagnards qui aujourd hui écrasent ceux de la
ville, l'élément libéral s'y ferait jour. C'est ainsi
qu'il paraît arrêté qu'il y aurait un collège
électoral pour 80,000 âmes. j
Nous considérons ce projet, si jamais on ose
curiosité publique on en parlait dans les chaumières comme dans
les salons: en quelque lieu que Ton se trouvât, il était impossible de
l'éviter.
Renfermée dans sa prison, Laure ignorait ce qui se passait au
dehors elle ne soupçonnait pas l'horreur de sa position et quel mal
.on se donnait pour la perdre. L'instruction de L'affaire n'était pas
encore commencée; il fallait transférer la prisonnière au siège de
la cour impériale, et, sous prétexte de compléter l'enquête, le com
missaire extraordinaire gardait encore la prévenue sous sa main.
Laure était au secret et ne voyait personne. Deux fois par jour, un
guichetier lui apportait quelque nourriture, et, sans rompre le si
lence, mettait un peu d'ordre dans la chambre qu'elle occupait.
L'entrée et la sortie de cet homme avaient lieu sans que Laure y fît
la moindre attention. En dehors de ses souvenirs, elle n'avait plus
qu'une vie machinale. Sa pensée se perdait sonder sa position, et
cet examen remplissait son cœur d'amertume et dépouvante. Elle
n'y voyait point d'issue; elle se sentait enlacée par une fatalité inex
orable qu'elle ne pouvait ni briser ni conjurer. Paraître devant une
cour d'assises dix-huit ans, comme complice d'un obef de vo
leurs, quelle accablante perspective.
Un inaliu, elle jeta par hasard un coup-d'œil sur le guichetier,
qui arrivait l'heure habituelle. Ce n'était pas l'homme qui faisait
ordinairement ce service, et il sembla Laure qu'elle avait aperçu
cette figure quelque part. Cependant elle p« i'.cette ressemblance
pour un jeu de l'imagination, et reporta les yeux sur un volume