6e ANNÉE. - N° 588.
INTÉRIEUR.
LE DANTE, LE COMTE CESAR BALBO,
JEUDI, 24 DÉCEMBRE 1846.
JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
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cepteurs des postes du royaume.
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VIRES ACQUIRIT EDNDO.
YPRES, le 23 Décembre.
Un pelit articulet du Progrès a mis la puce
a 1 oreille de quelques membres de la commis
sion administrative de la société de Y Alliance.
Le journal la Constitution daigne citer cet
entrefilet et se livre des suppositions qui
n ont rien de commun avec le fait avancé.
Nous avons cru pouvoir ébruiter que, dans la
discussion des statuts de Y Alliance, quelques
membres des plus avancés de la commission
auraient proposé de remplacer le programme
du Congrès libéral, par celui de la société de
1 Alliance. Le journal de la fraction avancée
nous gourmande pour avoir osé insérer d'une
manière dubitative ce dont nous croyons quel
ques meneurs bien capables. Il dénie d'une
façon tant soit peu errtprlillée, ce que nous
avons avancé Mais soit, n'y regardons pas de
si près et soyons satisfaits que la défroque radi
cale est mis au rebut jusqu'à des temps meil
leurs et que les vingt-deux solides républicains
de M. Delhasse sont devenus introuvables. Ce
pendant il est une assertion que nous croyons
devoir relever, c'est lë brevet de mobilité que
les potentats du libéralisme nous oclroyent si
gracieusement. Dans le temps, il nous souvient
d'avoir dit que les membres non démissionnai
res de la commission de l'Alliance, y compris M.
Defacqz, pouvaient être considérés comme les
représentants de ces idées avancées, pour les
quelles on avait vendu la peau de l'ours avant
de l avoir couché par terre. C'est la seule fois
que nous ayons tracé le nom de M. Defacqz, et
nous pensons que si l'appréciation que nous
avons faite est fausse, elle n'est nullement inju
rieuse, moins que la qualification de partisan
des idées avancées ne soit devenue une injure
ainsi donc nous n'avons pas dans une même
semaine, ni outragé, ni comblé d'éloges l'hono
rable président de Y Alliance.
En dernier lieu nous désirons prévenir le
journal la Constitution qu'il ne doit nullement
se figurer, que le libéralisme entier se trouve
concentré Bruxelles et que l'opinion libérale
n'existerait plus, si les hommes honorables de la
commission de la société de l'Alliance daignaient
ne pas veiller aux intérêts du libéralisme
Nous croyons utile de faire comprendre que
le protectorat de Y Alliance que quelques jour
naux revendiquent si bénévolement pour cette
société, l'endroit du libéralisme du pays en
tier, est une prétention ridicule qu'on soulève
et que quelques meneurs, quoiqu'ou fasse, ne
parviendront jamais faire sanctionner par les
sociétés libérales du pays.
Jusqu'ici on avait lieu de croire que M. Louis
Dumorlier était le candidat de l'évéehé et du
ministère pour l'élection du 29, en remplace
ment de M. Savart-Marlel. M. L. Dumorlier
avait des titres cette succession, pour avoir
défendu avec un courage digne d'un meilleur
sort la convention épiscopale concernant
l'athénée de Tournay. Il devait être opposé
M. le comte Lehon ladversaire des pré
tentions de l'évêque. Mais un changement de
front a eu lieu. M. Louis Dumortier se désiste
et le ministère a fait la trouvaille d'un complai
sant, en la personne de M. Hughebaert-Savart,
qui, en se disant libéral modéré la façon du
ministère, se mettra en travers de l'élection de
M. Lehon, que le ministère tient surtout ne
pas voir arriver la chambre.
Un habitant d'Ypres qui s'est trouvé aux
obsèques de Mr Emmanuel DanneelPope-
ringhe, nous adresse les observations suivantes
Monsieur le rédacteur du Progrès,
Vous aurez probablement été surpris de voir
inséré dans votre journal, un article qui se pu
bliait simultanément et dans les mêmes termes
dans le Propagateurau sujet de la mort et des
funérailles de M. Emmanuel Danneel. Vous le
serez peut-être davantage, quand vous appren
drez que ce récit, déjà si étrange par le style, a
de plus le singulier agrément d'être tronqué et
entièrement incomplet.
A Poperinghe, où l'événement venait de se
passer, la réflexion a succédé bientôt l'élon-
nement. On s'est demandé pourquoi celte sé
cheresse, cet embarras visible de rédaction dans
les quelques lignes péniblement enchaînées les
unes aux autres, pour rendre compte de la
pompe inusitée qui a été déployée dans cette
funèbre cérémonie? Pourquoi cet empressement
s'emparer des deux organes de la presse
Pourquoi enfin avoir passé sous silence les tou
chants adieux adressés au défunt par un de ses
parents d'Anvers qui a fait pénétrer dans les
cœurs des assistants une douleur aussi profon
dément sentie que clairement manifestée?
C'est que l'éclat de celte pompe avait été terni
par une circonstance inattendue qui a frappé
tout Poperinghe. On voulait donc étouffer un
fait qui n'y a pas eu encore d'exemple et qui,
il faut l'espérer pour l'honneur de celte ville,
ne trouvera pas d'imitateurs.
Ceci exige une explication que nous donne
rons en peu de mots.
Il est d'usage la mort des personnes hono
rables, pour lesquelles on réclame un enterre
ment de première classe, de faire une distribu
tion de pain dont la quotité s'élève douze
sacs de blé. C'est le minimum. Permis d'ajouter,
mais non de diminuer cette espèce de taxe
convenue. Quelques personnes ont joint quel
quefois ce don un demi franc ou un franc sur
chaque pain. Or, après les funérailles en ques
tion, il n'a été distribué que dix sacs de blé en
pains, au lieu de douze.
Les pauvres, pressés par la détresse trop
malheureusement généraleet stimulés d'ail
leurs par la bienfaisance connue du défunt, se
présentèrent en foule avec une confiance, qu'ils
ne croyaient pas devoir être trompée, après
avoir été témoins des soins apportés pour don
ner plus d'extension que de coutume, la céré
monie vraiment remarquable des obsèques de
ce magistrat.
Les autres habitants se sont demandés, si les
émoluments perçus par le défunt, pour ces em
plois municipaux, pendant plus de trente ans
de sa vie, méritaient que la pieuse munificence
accoutumée fut restreinte au lieu d'être aug
mentée, comme semblait l'exiger l'occasion
Il paraît que la ville de Courtrai doit renon
cer l'espoir d'avoir dans sa jolie petite salle
de spectacle, pendant la saison d'hiver, des
représentations dramatiques. Le directeur de la
troupe française qui dessert le théâtre de
Tournai s'est rendu dernièrement en notre ville
pour prendre les arrangements nécessaires, afin
de pouvoir représenter sur notre scène les opé
ras, et les vaudevilles les plus nouveaux, mais
Feuilleton «lu Progrès.
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NÉE CONITESSE DE MALDEGHEM.
Le Dakte qu'il suffit d» nommer pour rappeler un génie puissant
et créateur, un caractère nohle et passionné, une grande infortune
et une plus grande renommée, a trouvé des admirateurs dans tous
les pays, au nord comme au midi. Sa grande figure, renfermée
depuis plus de cinq siècles sous uns pierre d'exil, avec cette simple
inscription hic c/audor Danles patriis ah on*. Dante repose ioi
hanni de sa patrie, rayonne encore sur le monde, qu'il a éclaire
de son génie. Son éclat ne tarit point devant les lumières des xvie,
xvn" et xvme siècles et il semble que plus la civilisation marche et
fait de progrès dans tes voies humanitaires que la providence lui
trace, plus augmente le culte de cette majestueuse intelligence du
moyen-âge.
On ne se contente plus aujourd'hui de la Divine comédie de la
Vie nouvellel'intelligence curieuse de nos jours ne veut plus des
œuvres seules de l'immortel poète florentin il lui faut l'homme en
entier dans son enfance dans sa vieillesse dans ses joies et ses
peines, ses illusions et ses désappointements dans sa gloire et son
abaissement il lui faut le Dante coups et ame, s'il est permis de
l'exprimer ainsiafin de mieux comprendre et de mieux connaîtra
ce fils des vieux Guelfes héritier de toutes leurs passions et cepen
dant mort Gibelin.
C'est sans doute pour satisfaire ce besoin de notre époque que
le comte César Balbo s'est imposé la tâche difficile de retracer la
vie de son illustre compatriote de faire l'histoire de «es variations
au milieu des partis qui préparaient l'anéantissemeut de la liberté
italienne et la mort de sa nationalité de nous montrer les phases
diverses delà Divina comediacelle fameuse trilogie, sans modèle
dans les anciens et sans imitateurs dans les modernes.
Ce motif, suflisant pour séduire un homme de lettres, un «avant,
un admirateur de la vieille gloire italienne n'est point le seul qui
ait désormais unipour toujours le nom du comte Balbo celui
du Dante, Aux connaissances et au goût d'un homme de lettres de
premier ordre le comte Balbo joint des connaissances profondes
dans l'histoire de son pays, laquelle il parait avoir consacré une
grande partie de sa vie. Ses études l'ont couduit penser qu'en re
traçant la vie du Dante il retraçait ausai celle de toute la nation
italienne, Dante étant lui seul la plu» graude page de l'histoire
d'Italie. Dante, penseur et homme d'action, homme de parti, pros
crivant et proscrit, exilé, errantpauvre, tirant de l'adversité même
et une nouvelle gloire et une noavclle foroe rassemble certes, lui
seul, le génie, les vertus, les défau's et les vicissitudes de sa patrie.
C'est aveo raison que le comte Balbo dit qu'il fut VItalien le
plus italien qui ait jamais existé.
Au point de vue de l'enseignement moral, l'œuvre du comte
Balbo a une haute importance, si on considère que le siècle d u Dante
est celui où l'on vit l'Italie passer du règne éphémère des vertus aux
longs désordres de l'état républioain bien que par ses œuvres et ses
écrits le colosse florentin s'eHorça de la retenir au bord du précipice
où il s'est laissé engloutir lui-même
Au point de vue de l'avenir de l'Italie de la nation italienne, le
culte du Dante a aussi une signification; dans les générations qui se
sont succédées depuis plusieurs siècles le nom du Daule fut d'autant
plushonoréqu'elUs se rapprocbèrentd'avantage du sentiment natio
nal. Or, si aujourd'hui Dante revit et brille plus que jamais dans led
cœurs dégénérés de ses descendantsce n'est pas un faible motif de
croire une proohaine régénération, au reveil des vertus publiques,
sans lesquelles il n'est point d'indépendance.
Le noble auteur émet celte espérance si chère i son cœur, aveo
une certaine timiditéil parait dire moins qu il ne pense. Rome et
Vienne le compriment, sa plume est craintive; sa foi en l'aveu.r est
grande, elle se communique, mais elle n'ose formuler tout haut des
vœux. Peut-être donnons-nous une fausse interprétation la pensée
du comte Balbo, mais il nous semble que si nous étions l'un des fils du
la Venise ou de la Florence d'autrefois, nous le bénirions d'avoir
rouvert nos cœurs l'espérance d'une nationalité italienne, en élevant
r Italien le plus Italien un de ces monuments qui doit exciter A
jamais l'orgueil national.
Le livre du comte Balbo n'est point une simple biographie c'est