EXTÉRIEUR.
6" ANNÉE. - N° 602.
JEUDI, 11 FÉVRIER 1847.
JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
Feuilleton.
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Y PRES, le 10 Février.
II arrive rarement qu'un parti apprécie saine
ment sa situation et sa popularité. Depuis
l'arrivée de M. De Theux au pouvoir l'opinion
cléricale a ayi comme au bon temps du pre
mier ministère du chef du parti catholique,
alors que le libéralisme n'était pas constitué et
ne comptait que des individualités. Même lais
ser-aller dans les participations budgétaires,
même sans-façon dans les actes de favoritisme
l'endroit des adhérents du parti-prêtre, qu'à
cette époque où l'épiscopatsous la raison
sociale De Theux et Cietrônait en despote en
Belgique, sans le moindre soupçon d'opposition.
Cependant le temps a marché et les idées de
liberté et d'indépendance du pouvoir civil se
sont emparées de l'esprit public, et nos adversai
res politiques pourront apprendre leurs
dépens que, malgré leurs intrigues, leurs
alliances et l'influence religieuse qu'ils exploi
tent leur profit, il y a des idées dont on ne
peut contester la puissance et qui finissent par
miner même la suprématie usurpée d'une
caste cléricale, la mieux constituée pour exercer
un pouvoir tyrannique.
Souvent nous avons entendu les adhérents du
parti-prêtre se railler des efforts de l'opinion
libérale et de la lenteur de sa marche progres
sive. Il est arrivé mêmequedes hommes impar
tiaux ne pouvaient croire la réalité des con
quêtes déjà accomplies par le libéralisme, qu'on
s'étailaccoutumé considérer comme incapable
de lutter contre le parti catholique-politique,
puissant par la discipline hiérarchique que le
clergé y a introduite. On doutait que des élé
ments peu cohérents et de nuances plus ou
moins avancées pussent parvenir combattre
efficacement ce qu'on se figurait comme un co
losse formidable, difficile ébranler. Cepen
dant, de bonne foi on doit avouer que depuis
1841, l'opinion libérale a fait des progrès tels,
que le parti clérical a dû se saisir son grand
regret du [pouvoir, sinon il lui échappait et
pour toujours peut-être.
Nos ennemis politiques, et c'est ainsi que nous
qualifions le haut clergé et la haute aristocra
tie, ont paru prendre en pitié les prétentions de
celte classe moyenne, qui s'avisait de vouloir
jouer le rôle politique qui lui revient dans les
gouvernements constitutionnels. On a cru
l'aide des puissantes séductions dont on dis
pose, avoir bon marché de ces velléités d'indé
pendance, mais le parti clérical s'est fourvoyé.
Il a eu beau se dire nous sommes éternels
par la hiérarchie sacerdotalela même idée
inspirera toujours nos milices cléricales et dans
le camp du libéralisme, les projets, les ten
dances seront toujours variablestandis que
parmi nous la fixité .dans les desseins est de
notre essence. Il est vrai que cette organisation
rend le parti catholique redoutable, mais sans
elle depuis longtemps il eut été réduit l im-
possibilité de nuire. On méprise trop la puis
sance des aspirations la liberté et l'indépen
dance et tous les peuples qui gémissent encore
sous le joug des gouvernements absolus finiront
par conquérir des garanties contre les abus du
pouvoir et une intervention efficace dans le choix
du système qui doit les gouverner.
Pour nous, qui sommes en possession nomi
nale des bienfaits que d'autres peuples doivent
pour ainsi dire emporter la pointe de l'épée,
nous devons tâcher de posséder la réalité des
garanties que notre pacte fondamental nous
octroie.
Jusqu'ici nous devons le confesser, la fac
tion cléricale avec sa devise de liberté en tout
et pour tousest parvenue absorber le pou
voir pour lui et ses adhérents et compris comme
le veulent les catholiques-politiques, le gouver
nement constitutionnel est le pire des gouver
nements, car c'est la minorité qui exploite la
majorité. Nous avons démontré déjà plusieurs
fois que ce n'est que par une loi électorale inique,
enlevée par surprise, que le parti clérical, mi
norité dans le pays légala la majorité la
législature.
Nouscroyons que le parti clérical, malgré son
audace et ses vanteries, commence se rendre
compte de sa position inquiétante. Au milieu
d'un pays décimé par la misère, fléau qu'on
doit imputer la mauvaise direction imprimée
par le pouvoir l'activité industrielle et com
merciale de la Belgique, la désaffection poul
ie parti qui a réussi au bout de quinze ans de
pouvoir, réduire un peuple la mendicité, est
trop profonde pour qu'il n'ait pas sujet de
craindre l'appel au pays. Peut-être compte-t
on sur la corruption exercée sur une large
échelle et sur l'intimidation, pour imposer for
cément la Belgique le ministère le plus odieux
qui ait tenu le pouvoir en Belgique. Mais qu'on
y songe, la Belgique a fait voir comment elle
entend se débarrasser d hommes impopulaires
et qui ne sont que les hommes d'affaires de
l'épiscopat et non les ministres d'un pays con
stitutionnel.
Nous avons appris que le concert donné par
les sous-officiers des Sapeurs-Pompiers, et les
sous-officiérs du 5ine et de l'artillerie, a été on ne
peut plus agréable. Le bal qui a suivi a été très-
animé et on a dansé jusqu'à 3 heures du malin.
Le trophé, arrangé par les soins de quelques
sous-officiers, a excité l'admiration par son élé
vation et la diversité des objets qui le compo
sait. En somme, la fête a été très-jolie et l'on s'y
est bien amusé.
A peine les portes de notre salle de spectacle,
se sont-elles refermées sur la foule joyeuse qui
encombrait son enceinte dimanche dernier, que
déjà elles vont se rouvrir l'occasion d'une
nouvelle solennité. Mais ce ne seront plus les
bruits du bal, etc. qui éveilleront ses échos
trop rarement troublésmais bien l'art dans
son imposante majesté, les inspirations sublimes
de nos plus grands maîtres, ayant pour inter
prèles des artistes dont le mérite incontestable
a été apprécié par les dilellanli de notre ville
dès la première fois qu'il leur a été donné de
les entendre. On comprendra sans doute, que
nous parlons des artistes du 109 régiment de
ligne. Nous avons sous les yeux le programme
que ces messieurs exécuteront concurremment
avec la Société des Chœurs et plusieurs autres
amateurs distingués, nous avons assisté une
des répétitions, simple canevas, eu égard
l'absence de la partie chantante, et nous pou
vons assurer dès présent que le concert vocal
et instrumental dirigé par M. Zulch, sera un
des plus beaux que nous ayons encore entendus
Ypres.
Espérons que la haute société de notre ville,
toujours si bienveillante envers le mérite en
couragera par sa présence, le concert qui aura
lieu, le 28 de ce mois, et dont nous publierons
le programme dans notre numéro prochain.
[Suite.) V.
],a grotte dans laquelle nous nous trouvions était vaste, mais com
plètement obscuie et semée et là, d'énormes blocs de rochers.
Son entree avait la hauteur d'une porte bâtarde large dans le bas
seulement, Nos chevaux et le dromadaire de Jenny étaient passés
non sans difficultés.
-Nous étions arrivés épuisés de fatigue, accablés de chaleur,
éblouis de la réverbération ardente du soleil sur les sables l'ombre
de celte grotte, son obscurité, l'humide fraîcheur de ses parois,
nous avaient doucement péné'rés, et Gilhracs'était de suite pris
chanter, car l'écho de la voûte répondait magnifiquement.
Cependant le gémissement singulier parti du fond ténébreux de
la caverne avait coupé L'inextinguible refrain de Gilbrac.
Yous, fêtait seul près de nous. Le capitaine avait envoyé A kher
recueillir nos instruments et nos bagages, au lieu où nous nous étions
arrêtés le matin. Assis et là sur différents blocs de pierre, Evelin
et Fabre aux côtés de Jennyle capitaine Breton près de moi, Yousef
A 1 entrée de la grotte, Gilbrac'au milieu dans les ténèbres, chan
tant pleine poitrine nos chevaux G il braille et le dromadaire
parqués dans un coin nous aspirions en silence depuis cinq mi
nutes la fraîcheur suave de ce sombre refuge quand ce gémisse
ment sourd,étrange, prolongé, se fit entendre. Yousef se leva avec
effroi et s'enfuit Breton surpris se jeta hors de la Caverne en
appelant le Berber puis il revint nous.
Nous ne sommes pas seuls dans cette grotte dit-il. Voyons
donc, il faudrait éclairer ces tèuèbres. Où sont nos armes
L'idée que naus étions peut-être tombés dans un piège me vint
l'esprit. Menacés de trahison placés entre deux guides qui s'accu
saient l'un l'autre, nous n'avions pu ni deviner, ni choisir. Cepen
dant Akber, malgré ou peut-être cause de sa brusquerie farouolie,
m'inspirait moins de soupçons que Yousef. Le capitaine, porté en
faveur de Yousef avait éloigné de préférence l'Abyssin la re
cherche de nos bagages. Nous nous trouvions livrés ail seul Berber;
celle alerte, cette tuile, me paraissaient.d'un funeste augure.
Cependant Evelin, Fabre. Jenny, s'étaient levés ils nous entou
raient. Le capitaine, des pages de son garde-notes roulées et tordues,
fit une sorte de flambeau qu'il alluma l'aide d'un pistolet... La
grotte fut éclairée, mais seulement dans le coin où nous étions
réunis. Néanmoins, la clarté vive de la poudre, il s'était instanta
nément élevé de toute part sous la voûte de la caverne un bruit
indistinct, vague confus; l'air s'était agité... Nous écoutions avec
inquiétude et ne respirant plus. Nous regardions la grotte parais
sait non moins haute que large les paroisformés d énormes blocs
de rocbeis entassés pèle mêle, étaient revêtus de mousses verditrcs.
Nos regards se perdaient dans la profondeur des ténèbres. Le oapi-
taine s'avança pas pas, son flambeau de papier la main. Toutefois
le bruit et l'agitatiou de l'air devenaient plus intenses chacun de
ses pas; il éleva le flambeau une légion de chauves-souris tourbil
lonnait sur nos têtes; l'une toucha eu passant la vaoillante lumière
qui s'éteignit.
Gilbrac il était pas avec nous il avait interrompu ses vibrations
lyriques. Nous n'eutendious plus le gémissement étrange qui nous
avait fait tressaillir.
Ce gémissementdit le oapitainc, ne venait certainement pas
de ces pacifiques chauves-souris.
Pourquoi Yousef nous a-t-il quittés? dis-je... quel peut-être
le motif de oct abandon brutal?
Mais peiue avais-je dit ces mots qu'un éclat de rire joyeux et
sonore, retentit l'extrémité de la grotte.
Au secours! au meurtre cria Gilhrao. Ah ah voici que nous
sommes daus un singulier payscaramba!... un médecin étrangler
un procureur
Que dit ce fou
Et plus haut
Don Giloù es-tu demanda le capitaine.
L'obscuiité nous enveloppait nous heurtions chaque pas les
parois de la caverne.
Oh ex-tuteur, je suis dans l'étonnement, répondit Gilbracec