INTÉRIEUR.
6' ANNÉE. - N° 607.
DIMANCHE, 28 FÉVRIER 1847-
Le I'kogrés paraît le Diman
che et le Jeudi de chaque semaine.
JOURNAL D YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
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VIRES ACQUIRIT EONDO.
ÏPRES, le 27 Févriei*.
Nous ne pouvons assez nous occuper de la
question des Flandresc'est ainsi que l'on
désigne dans les hautes régions gouvernemen
tales, le fléau qui décime les provinces flaman
des. Celte question est la pierre d'achoppement,
c'est dans notre opinion le tombeau de l'in
fluence cléricale. Les organes du parti-prêtre
ont beau s'indigner de ce qu'on ose rejeter la
responsabilité de la misère qui dépeuple les
deux provinces les plus populeuses du royaume,
sur leurs patrons, c'est avec justice que plu
sieurs publicistes ont accusé haut et ferme le
parti épiscopal d'être une des causes indirectes
de la perte de notre industrie linière. C'est
l'imprévoyance et l'impéritie des ministères
dévoués au haut clergé qu il faut attribuer, non
pas comme on l'insinue ironiquement, les mau
vaises récolles qui ont rendu les souffrances de
nos populations plus vives, mais la ruine de
toute industrie linière dans ce même pays dont
la fabrication du lin était un des plus beaux
joyaux.
Pour justifier l'assertion que nous émellons ici,
nous devons entrer dans quelques explications
rétrospectives. En 11535, et même avant cette
époque, on commençait déjà se plaindre des
souffrances de l'ancienne industrie linière. Déjà
depuis longtemps le prix des toiles s'était avili,
au poiut de ne fournir qu'un salaire qui ne
pouvait rémunérer le travail de la fileuse. Le
tisserand pouvait encore gagner sa subsistance.
Il était déjà facile celle époque de pressentir,
qu'après la diminution du salaire de la fileuse,
la journée du tisserand irait en s'amoindris-
sant, sous la pression continue des mêmes cau
ses qui avaient déjà fait subir l'industrie
linière de si rudes aileintes c'est-à-dire l'intro
duction des mécaniques dans celte fabrication.
On ferma les oreilles aux doléances de ceux
quiplus clairvoyants que le gouvernement
absorbé par le parti-prêtre, prédisaient ce que
la décadence de l'ancienne industrie linièreamè-
nerait de souffrances. Ils donnaient en même
temps les moyens de la combattre efficacement
et engageaient le gouvernement donner des
subsides sans intérêts aux industriels, qui se
raient disposés élever des filatures mécaniques
dans les centres de l'ancienne industrie linière.
Alors avec le fil mécanique, on aurait pu conti
nuer occuper les tisserandset si l'ancien
mode du travail eut été modifié en te.mps op
portun, au moins on aurait eu des chances de
lutter avec avantages contre la France et
même l'Angleterre, par suite de la valeur pro
portionnellement moindre du salaire et le bas
prix des loyers et des constructions dans les
villages de la Flandre occidentale.
Ces idées furent émises par des hommes
compétents et qui ne mesuraient pas la valeur
d'une question commercialeet industrielle, sous
le point de vue du plus ou moins de moralité
que pouvait offrir la manière d'organiser la
fabrication. Ils étaient pénétrés de la nécessité
de modifier le mode de travail de nos ancêtres,
sous peine de ruine entière et du déplacement
total d'une industrie qui avait fait l'honneur et
la richesse de notre pays. Mais ils prêchèrent
dans le désert, le clergé fil accroire aux popu
lations que ce n etaitqu'une crise momentanée,
et que le lissage et le filage la main allaient
dans quelques années devenir plus florissants
que jamais.
Cependant, même avant la crise des subsis
tances, il était devenu évident pour tout homme
de bonne foi, qu'il fallait abandonner l'ancienne
industrie linière son malheureux sort, et tâ
cher si le pays voulait conserver les bénéfices
du travail du lin, qu'une culture perfectionnée
lui fournit plus beau-que partout ailleurs, il
était indispensable de se bâter répandre les
méthodes plus perfectionnées pour le tissage, et
de procurer du fil mécanique aux tisserands.
Là encore on rencontra les préjugés ou le mau
vais vouloir du parli-prêtre, ne pouvant croire
l'extrême détresse, qui démoraliserait les po
pulations flamandes.
Mis en demeure cependant de faire quelque
chose les économistes du parti catholique in
ventèrent les comités liniers qui accélérèrent
la ruine d'un grand nombre de tisserands, inca
pables de lutter contre ces institutions qui ven
daient tout prix et comblaient les pertes avec
les subsides que le gouvernement a votés depuis
sept huit ans. Cette idée si simple, que par
suite des opérations des comités linierson
tuait le travail des tisserands isolés, commence
seulement être comprise par la majorité de la
chambre qui jusqu'icin'avait pu malgré des
avertissements réitérés, comprendre le tort que
ces institutions ont fait aux ouvriers tisserands.
Malgré l'évidence des faits, quelques mem
bres de la chambre s'obstinent ne vouloir
entendre parler d'aucune transformation de la
mise en œuvre du lin, et maintiennent contre
vent et marée la vitalité de l'ancienne indus
trie. Ce sont MM. De Haerne et De Foere,
membres du clergé et quelques autres députés
catholiques comme M. De Smet. En présence
de la crise affreuse dans laquelle se débattent
les Flandres, ces messieurs n ont rien appris
ils en sont toujours au systématique rouet et
l'ancien métier avec ou sans navette vo
lante. Le ministère et la majorité ont voté, dans
le sens de ces défenseurs quand même de l'an
cienne industrie des subsides et des secours,
qui ne produiront rien d'efficace. Dans cette
question, comme en beaucoup d'autres, le parti
clérical a laissé voir que l'immutabilité des
idées religieuses a réagi sur ses opinions
politiques, bien n'est cependant plus perfide
que de vouloir porter dans le domaine commer
cial et industriel, celle inflexibilité, celle rigi
dité qui ne peuvent que faire du tort aux rela
tions d'un pays. Le commerce et lindustrie
sont essentiellement mobiles et progressifs il
faut marcher avec eux ou ils délaissent les
peuples et les gouvernements inhospitaliers. En
les gênant on prépare le marasme et la ruine
d'un pays.
En y réfléchissantil est difficile tout
homme impartial de ne pas avouer que la Bel
gique a été bien mal gouvernée depuis quinze
ans. Cet aveu que des journaux catholiques ont
laissé échapper dans un moment de sincérité, est
la condamnation de l'intrusion du clergé dans
la politique. L'incapacité des hommes du parti
clérical qui ont successivement dirigé les affai
res l'a dépopularisé tel point que le libéra
lisme ne doit point se presser de le remplacer.
Il doit laisser le parti du recul se tordre dans une
agonie longue et douloureuse, et quand le mal
sera venu un point culminant, le pays fera
justice de ces saltimbanques politiques, qui,
pendant quinze années de règne, ont accumulé
plus (le ruines et de crises industrielles et com
merciales, que si les convulsions politiques les
plus déplorables eussent ravagé la Belgique.
Il est difficile croire jusqu'à quel point les
Flandres en général sont mal partagées en sub
sides, du moment que les fonds doivent être
appliqués l instruclion moyenne ou primaire.
Le gouvernement se confie ses maîtres, les
évêques, pour l'enseignement public dans nos
provinces. Les subsides pourraient améliorer
l'instruction moyenne et alors la concurrence
UKl IftOIfMK] [MMS LU
{Suite.)
IX.
Au cri d'épouvante d'Akber, son geste éperdu
Retenons le souffle de nos poitrines, dit le capitaine Breton, et
couchons-nous A plat ventre! Que du moins la trombe ne nous sé
pare pas!...
L'air était suffoquant, pesant, embrasé; le soleil, dépouillé de tes
rayons n'apparaissait plus travers les tourbillons de poussière
ardente que comme un globe de feu le vent labourait la surface
mouvante du désert; les colonnes de sable soulevées tourbillonuaient
et a'entre-choquaient avec un sifflement aigu.
Fabre, Evelin, Gilbrac, moi, nous jetant, d'un mouvement instan
tané, le visage contre terre les lèvres closes et le souffle suspendu
nous suivîmes l'exemple du capitaine et d'Akber.
Cependant Akber la figure dans se* mains, murmurait d'une
▼•ix douloureuse
Le simoun le simoun la trace du serpent est efFacée sur le
sable. Nous sommes perdus Allah est Dieu
Ces paroles nous firent tressaillir. Jusqu ici l'Abyssin nous avait
effectivement guidés travers le désert sur le» frêles vestiges des
pas du cheval de Yousef. Ces vestiges e (lacés par l'ouragan nous
étions égarés, perdus. 11 devenait impossible de poursuivre, dans ses
détours, notre chemin la recherche de Jenny. Et la malheureuse
enfant, entraînée par le perfide Yousef, demeurait la victime de sa
brutale passion
Celte réflexion me traversa le cerveau comme un trait de feu.
Mais les chcvaax et Gilbraille, liés près de nous la tige d'un
nopal, hennirent tout coup violemment, et se oabrant, épouvantés
de la trombe qui s'avançait menaçante ils brisèrent le nopalel
s'enfuirent pleine course dans le désert.
Par Allah le simoun le simoun s'écria Akber. Nos chevaux
sont perdus; mais celui qui se lève de terre est également perdu!*..
Cependant Gilbrac, plus prompt que la pensée, s'était levé. II
courut la poursuite de Gilbraille. Je l'appelai; le capitaine Breton,
Fabre l'appelèrent mais en vain. Nous le vîmes atteindre au loin
Gilbraille et l'enfourcher, Il revenait ,éperonnant l'animal épou
vanté. Toutefois l'effroyable trombe fondit tout coup sur nous
rapide comme l'éclair, avec un bruit terrible Gilbrac et Gilbraille^
pris dans un tourbillon irrésistible et soulevés du sol furent em
portés. Ils disparurent au milieu d'un nuage de poudre.
La trombe passée, je m'efforçai de me lever. Je me trouvais cou
vert d'une couche de sable de deux pieds peut être d'épaisseur. Le
cailaine, Fabre, Evelin, Akber, étaient également ensevelis. Mais
Breton Fabre et l'Abyssin se levèrent spontanément Evelin seul
ne se montra pas. Où élait-il pourquoi ne se montrait-il pas? Nou»
cherchâmes avec inquiétude l'endroit où il s'était étendu.... Le
sable le recouvrait complètementaucune partie de son vêtement
ne paraissait au-dehors, il ne remuait pas. Le capitaine creusa d'un
côté, je creusai de l'autre, et nous retirâmes bientôt de ce tombeau
mouvant le malheureux Evelin suffoque il avait perdu connais
sance.
Cependant le soir tombait. Nos chevaux étaient partis, dispersé»
dans le désert. Nous nous trouvions perdus au milieu des sables
brisés de fatigue, de souffrances et d'inquiétude. Les frêles vestige»
des pas du cheval de Yousef, qui dirigeaient notre route la re
cherche de Jenny était nt labourés effacés. Et Gilbrac, qu'était-^