INTÉRIEUR.
6" ANNÉE. - N8 620.
JEUDI, 15 AVRIL 1847.
JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
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YPKES le I& Avril.
CANDIDATURE DE M. DE NECKERE.
Les batteries électorales sont démasquées
un journal de celte ville annonce fièrement la
candidature de M. le commissaire d'arrondis
sement De Neckere-De Coninck, en opposition
celle de M. Malou-Vergauwen, sénateur de
l'arrondissement d'Ypres depuis dix ans. Le
faclum par lequel celte feuille fait connaître
officiellement les intentions de M. De Neckere
est trop curieux pour ne pas arrêter un mo
ment notre attention, et ne pas égayer nos lec
teurs.
De la façon dont il est conçu, il serait facile de
deviner la source de laquelle il émane, les coups
d'encensoir sont prodigués avec si peu de ména
gements, qu'il faut croire que la note officielle a
été fabriquée dans les bureaux du commissa
riat, et sous les yeux de personnes qui ont tou
jours savouré l'encensa haute dose.
Mais revenons la note curieuse. Elle com
mence par expliquer de quelle manière la loi est
venue dérouter les profondes combinaisons de
M. De Neckere. Après avoir été élu Ostende,
Furnes et Dixmude il avait le désir bien
prononcé de procurer aux électeurs du dis
trict d'Ypres le bonheur de l'avoir pour
sénateur. Peste! quel honneur. Mais puisque
la malencontreuse loi juste point a empêché
l'exécution de ces profonds projets, M. De
Neckere trouve de bon tonde venir faire concur
rence M. Malou. C'est fâcheux, ajoute-t-on,
c'est une nécessité pénible, mais enfin M. DeNec-
kere, le commissaire du district d'Ypres a pro
noncé, place pour lui, arrière M. Malou.
Quand, dans le temps, nous avons dit que le
but de M. De Neckere, en refusant la candida
ture du district de Roulers était une rouerie
dont on pouvait saisir facilement la portée,
nous étions dans le vrai. M. De Mooreghem
n'avait plus aucune chance dêtre élu par les
districts de Furnes, Dixmude et Ostende. et on
l'a casé Roulers. M. De Neckere, en se présen
tant pour finir le mandat de M de Mooreghem,
ne devait craindre aucune concurrence, car ce
mandat devait être continué par le district
d'Ypres, etsa qualité de commissaire de cet ar
rondissement lui donnait plus de chances qu'à
d'autres, d'être élu. Quoiqu'en dise le factum,
c'est par une porte dérobée que M. De Neckere
est entrée au sénat, et pour faciliter des com
binaisons ministérielles auxquelles il a dû se
prêter.
En définitive il voulait recevoir son mandat
des électeurs du district la tête duquel il se
distingue par ses hautes qualités administra
tives. Ouf! tels sont les termes dont on se sert
pour faire mousser cette candidaturemais
malheusement ces hautes qualités administratives
sont connues et appréciées.
Qu'on nous permette cependant de dire qu'il
eut été de bon goût de ne pas se laisser adresser
des éloges aussi outrés, car ils produisent
souvent un effet diamétralement opposé celui
qu'on veut obtenir. On devrait croire que M.
De Neckere est la perle des administrateurs, si
l'on s'en tenait ce factum. Mais hélas! le
commissaire d'arrondissement n'est un phénix
administratif qu'aux yeux du vulgaire et le plus
mince secrétaire communal d'un village du
district, s'il osait parler, porterait de sa ca
pacité administrative un jugement impartial,
et qui. certes, ne serait pas l'avantage de M.
De Neckere.
M. De Neckere a été échevin de la ville
d'Ypres de 1831 1836, et en fait de hautes
qualités administratives, ses concitoyens et ses
collègues ont pu l'apprécier. N'ayant pu se
faire réélire comme conseiller communal, M.
De Neckere, trouva un canlon disposé l'en
voyer au conseil provincial, et il devînt membre
de la dépulation permanente. A Bruges, ce ne
fut pas précisément par sa capacité adminis
trative qu'il brilla, et nous croyons que, sous ce
point de vue. sa réputation n'a jamais été bien
établie. D évêque, il devint alors meûnier, et
la mort de M. Rodenbach, il sollicita et obtint
la place de commissaire de l'arrondissement
d'Ypres. Nousavons tout lieu d'annoncer que sa
haute capacité n'est point parvenue délivrer
les communes de l'anarchie qui s'est introduite
dans leur administration intérieure. Puisque
M. De Neckere est une perle administrative,
nous l'engageons fortement consacrer tout
son temps mieux diriger les autorités com
munales de son district, car presque toutes les
communes se trouvent endettées au-delà de
leurs moyens. Si l'intermédiaire entr'elles
et le gouvernement provincial s'occupait d'a-
vantagede leurs besoins, il se rendrait bien plus
utile qu'au sénat.
M. De Neckere accuse M. Malou d'impuis
sance, tandis qu'il se fait octroyer une intel
ligence vive et ferme, une activité incessante et
infatigable.
Voilà certes de bien belles qualités, reste
voir si celui qui ces dons sont si libéralement
attribués, les possède. Pour l'activité oui, nous
en connaissons M. De Neckere mais c'est
l'activité de l'intrigue. L'intelligence vive et
ferme qu'on lui accorde, est très-contestable
notre avis, et dans sa carrière administrative il
a souvent fourni la preuve qu'il ne possédait
pas ces qualités un dégré non pas éminent,
mais ordinaire.
Devons-nous faire remarquer l'outrecuidance
de ces remercîmenls adressés M. Malou pour
le passé. Après avoir honorablement rempli
son mandat, on repousse sa candidature, sans
articuler aucun molif, même on lui décerne des
éloges, mais on finit par dire vous avez fait votre
temps, retirez-vous, place d'autres plus intri
guants et moins délicats. Si ce n'est pas de
l'ingratitude nous ne savons comment quali
fier une pareille manière d'agir.
Quoiqu'on nous accuse d'avoir astucieusement
insinué que M. De Neckere n'était pas le can
didat du gouvernement ni du clergé, nous
maintenons nos assertions, et nous mettons M.
De Neckere au défi de nous fournir la preuve du
contraire.Nous savons pertinemment que, ni le
clergé, ni le gouvernement ne se sont prononcés
entre les deux candidatures, et nous accusons
M. De Neckere, qui se fait passer partout pour
le candidat ministériel, de prendre une qualité
qui ne lui appartient pas. Ce sont là des moyens
qu'un homme qui se respecte, ne met pas en
œuvre.
Oui, certes nos sympathies sont pour M.
Malou-Vergauwen, sénateur depuis dix ans.
Oui, ceFles nous le préférons et de beaucoup
M. De Neckere, pour plus d'un motif: en pre
mier lieu, il n'est pas fonctionnaire public, en
second lieu il est désintéressé, serviable et
animé du désir de se rendre utile ses com
mettants. Malgré ses hiutes qualités adminis
tratives et autres, nous croyons que M. De Nec
kere ne possède pas la sympathie des électeurs,
bien entendu de ceux qui peuvent faire un
choix, au même point que M. Malou, et les mo
tifs sont faciles déduire. Du reste, nous
croyons que l'élection de M. De Neckere serait
un choix malheureux pour ne pas dire pis et
nous lâcherons d'éclairer les électeurs de ma-
Feuillcton.
II. LA MANSARDE.
(Suite.)
La vieille femme ne se plaignait plus; elle était comme assoupie.
Cette tranquillité qui achevait de rassurer la pauvre enfant, parut
Baoul un symptôme fatal. Il s'assit près du litbien décidé at
tendre l'arrivée du docteur, et considéra avec une sorte d'épouvante
la pauvreté que, pour la première fois de sa vie il apercevait de si
près. Une seule chaise de paille, un vieux tabouret, une table et un
fourneau composaient le mobilier. Sur la table il y avait une maigre
chandelle en regard d'un pot eau de faïence ébréché. Une plan
chette suspendue deux clous par des ficelles servait tout la fois
de buffet et de chiffonnier; on y voyait un verre deux ou trois
assiettes, une salière de terre ,et dans l'autre compartiment un tas
de loques soigneusement pliéeset empilées. Raoul aperçut pourtant,
ave© quelque surprise, au fond de ce galelas, trop vaste encore pour
un si chétif mobilier, un objet qui était de quelque prix, compara
tivement tout le reste c'était un coffre de voyage, recouvert en
cuir noir et garni de clous dorés. Mais son élonnement redoubla
Jorsqu en se retournant il vit au chevet du lit une montre d'or
gtmlochee et de forme déjà ancienne qui était suspendue la mu
rai e par un ruban fané. Ces objets semblaient annoncer que celle
qui les conservait au milieu d'une si étroite pauvreté avait connu
es temps meilleurset qu'elle avait passé d'une sorte d'aisanee
cette profonde misère. Raoul le pensa ainsi et suivant tout haut le
fil de «on idée il dit la jeune fille: Sans doute vous avez été
autrefois daifs une meilleure situation? votre mère a vécu autrement?
Je ne m'en souviens pas.
J'ai envoyé chercher un médecin, reprit Raoul après un silence;
il ne peut tarder venir. Mais en attendant il faudrait tâcher de
vous procurer les choses qui vous manquent.
Quoi donc! il ne nous mauque rien répondit-elle naïvement
et en repoussant sans orgueilsans affectation de susceptibilité la
bourse que Raoul avait glissée sur la couverture.
Du moins, vous ne refuserez pas la visite du médecin, dit Raoul
en se levant vivement car il venait d'entendre la voix de son ami
qui arrivait avec le doctenr. A l'aspect des nouveaux-venus, la jeune
fille reoula derrière le lit tout effarouchée, et observa avec une sorte
d'anxiété les mouvements du médecin.
Le médecin s'avança, examina silencieusement la vieille femme,
passa sa main dans les mèches incultes da sa perruque et dit avec
la décision et le sang-froid particuliers aux hommesdesa profession:
Messieurs, vous n'avez que faire ici, relire*-vous. Je vais rester
encore une demi-heure auprès de cette femme; il faut que je la
saigne, que je lui donne tous les soins qu'exige sa situation.
Mais tout manque ici s'écria Raoul attendez je vais vous
envoyer du linge et une personne capable de vous aider.
Bon bon je trouverai bien ce qu'il me faut interrompit le
médecin en regardant autour de lui; le temps presse; c'est comme
Baylen quand je pansais les blessés avec de l'eau fraîche... Cette
jeune fille me servira d'infirmière. Allons messieurs, sortez,je
vous prie votre présence me donnerait en ce moment plus d em
barras que de secours.
Allons, allons, dit Philippe en entraînant Raoul.
Quand ils furent au bas de l'escalier, il reprit E t la messe du
mariage
Nous y allons de ce pas répondit gaiment Raoul fasse le ciel
que je trouve 1 église un visage comme celui que j'ai vu dans le
mansarde
III. LA QUÊTEUSE.
Une longue file de voitures armoiriées stationnaient déjà aux
abords de Saint-Roch et voir la foule choisie qui entrait dans
l'église la somptuosité avec laquelle on avait paré le maître-autel
et l'air important du suisse, du bedeau et des autres fonctionnaires
delà paroisse il était aisé de comprendre qu'on allait célébrer un
grand mariage. En effet l'héritierd un des beaux noms de l'ancienne
cour, épousait la fille de l'un des princes de la finanoe; d'un oôté, il
y avait une noblesse historique, de l'autre un million de dot, et de»
deux côtés, disait-on, la plus tendre inclination. Raoul alla se placer
dans le chœur, parmi les invitées, son rôle d'observateur et de con
fident restait l'écart dans la nef.
Mme de Roquefavières était arrivée déjà elle fit signe Raoul
qui se rapprocha discrètement, et lui dit avec quelque émotion
Me voici madame je n'ai pas oublié vous le voyez la pro
messe que vous avez eu la bonté de me faire; mais il vous a été sans
doute impossible de la remplir vous êtes venue seule ici
Attendez donc répondit demi-voix la comtesse, en lui mon
trant son côté deux chaises vide».
Attendre c'est désirer c'est former une espérance laquelle l'i
magination s'attache; Raoul l'éprouva. A mesure que cette situation
se prolongeaitil sentait augmenter son trouble et son impatience.
Sans se rendre compte précisément des influences qui agissaient sur