INTÉRIEUR.
6e ANNÉE. - N° 623.
DIMANCHE, 23 AVRIL 1847.
JOURNAL D'Y PRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
Feuilleton.
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VIRES ACQUIRIT EDNDO.
YPRES, le 24 Avril.
LES ELECTIONS PROCHAINES.
Depuis notre régénération, jamais la Belgique
ne s'est trouvée dans une position plus critique
sous le point de vue matériel. Disette, ou du
moins renchérissement excessif des denrées ali
mentaires, manque absolu de travail, les an
ciennes sources de prospérité tariestous les
fléaux, signes précurseurs de la ruine d'un
pays, semblent conjurés contre nous. Le pau
périsme s'est étendu sur la Belgique comme
une lèpre hideuse dont la guérison radicale
exigera de la part de ceux qui dirigent nos
destinéesdes efforts énergiques. Enfin, sans
vouloir rejeter la responsabilité de deux mau
vaises récolles sur les hommes d'état qui sont
la tête des affaires, on peut au moins dire que
le système économique qui prévaut actuelle
ment, est mauvais, impuissant et imprévoyant.
Ce ne serait pas êlre trop téméraire que de pro
clamer franchement, que la situation pitoyable
dans laquelle nous nous trouvons, ne doit
pas êlre attribuée uniquement au manque des
produits de l'agriculture. Il est pour ainsi dire
certain, que celle fâcheuse position,si toutavait
réussi au gré du cultivateur,aurait été notre lot
dans un espace de temps peu éloigné. En
d'autres termes, les mauvaises récoltes ont pu
accélérer l éclosion des germes de malaise et de
misère qui se faisaient remarquer en Belgique,
mais elles ne les ont pas produites.
11 faut remonter plus haut pour pouvoir se
rendre raison de celle misère sociale qui a fait
de si rapides progrès. Pour nous, sans scrupule,
nous en faisons peser la responsabilité sur les
hommes d'état d'un seul parti, qui se sont suc
cédé au pouvoir depuis quinze ans. Depuis la
révolution de 1030c'est le même principe
c'est le même système qu'on a appliqués en
Belgique et depuis quinze ans, notre pays perd
de sa vigueur, s'abatarditvoit amoindrir ses
richesses et finira par devenir le symbole de la
nation misérable par excellence.
Nous croyons que pour tout homme de
bonne foi, il serait impossible de contester que
nos provinces autrefois riches et prospères, ne
soient descendues de quelques dégrés de l'é
chelle des nations. Nous sommes devenus in
dépendants, mais le parti qui est parvenu
absorber le pouvoir, a imprimé une mauvaise
direction l'activité de la nation et a amorti
les ressorts qui doivent pouvoir jouer au sein
d'un peuple libre sans entraves, sous peine de
le voir s'énerver.
Cette action délétère d'un parti trop égoïste
dans un état constitutionnel, a été prévue et le
remède s'en trouve dans les élections pour la
représentation nationale. Si l'électeur, si l'ar
rondissement, appelés élire leurs mandataires,
croient que le système qui a eu des effets aussi
détestables que celui de réduire un pays la
besace pour ainsi dire, a fait son temps et assez
de mal, on examine, si le parti opposé ne pour
rait mieux suffire la situation et pallier les
fautes commises par ceux qui ont avant lui
tenu le timon des affaires. Jusqu'ici, l'arron
dissement d Ypres n'a eu que deux représentants,
un troisième devra être élu pour la première
fois au 8 juin prochain, ainsi qu'un sénateur
dont le mandat est sur le point d'expirer. Il ne
serait pas inutile d'examiner quelles qualités
on doit désirer rencontrer chez son mandataire.
Des bons choix, dépendent souvent la bonté
d'un gouvernement et le bonheur d'un pays.
Souvent on croit qu'il importe peu le choix
qu'on a faire. Beaucoup d'électeurs ne sont
guère pénétrés de l'importance de l'acte qu'ils
seront appelés accomplir au 8 juin prochain.
Qu'on nous permette de dire qu'une chambre
bien composée est tin gage de prospérité pour
un pays constitutionnel. 11 arrive que les élec
teurs, faute de s'entendre, se laissent imposer un
candidat soit par le ministère, soit par d'autres
qui n'ont pas qualité pour s'occuper d'affaires
politiques. Eh bien c'est là une abdication de
tout droit électoral, et l'électeur qui subit celle
action est annullé et traîné la remorque.
D'un autre coté, les candidats la représen
tation nationale ne sont jamais nombreux, car
les qualités requises pour se mettre sur les rangs
avec chance de succès, ne sont pas l'apanage
de tout le monde. En premier lieu, le candidat
que nous supposons doué d'une instruction
solide et étendue, doit êlre indépendant par
position et par caractère, et au-dessus des sé
ductions que pourrait pratiquer un ministère
corrompu. Il doit, sans être éloquent, s'énoncer
avec facilité, afin de pouvoir, s'il y a lieu, dé
fendre en séance publique les intérêts de ses
commettants. En outre,il doit êlre désintéressé
et animé du feu sacré, car la position de député
si honorable du reste, a aussi ses épines et
certes celui qui se met sur les rangs dans l'in
tention de se rendre utile son pays et son
arrondissement, sans motifs d'ambition privée
ou de lucreloin d'être blamable, fait preuve
d'un dévouement, qui n'est pas toujours apprécié
sa juste valeur.
Au nombre des candidats, on rencontre sou
vent des fonctionnaires publics. Les électeurs
doivent se méfier de ces mandataires qui ne peu
vent, sous peine de destitution, poser un acte hos
tile, ni agir autrement que leur chef qui est le mi
nistère. Les fonctionnaires la chambre sont une
anomalie qui tend vicier dans son essence le
gouvernement représentatif; il est en effet im
possible que l'homme qui est, par ses fonctions,
l'exécuteur des idées et des volontés ministé
rielles, puisse, en entrant la chambre, se dra
per dans son impartialité de député et pousser
l'inflexibilité au point de juger inlègrement les
actes de celui dont il est le subordonné, en
sortant du palais de la nation. Un autre abus
qu'on éprouve en faisant choix d'un candidat
fonctionnaire, c'est que les fonctions qu'il doit
desservir, ne sont pas remplies ou le saut avec
une négligence et une inexactitude, qui rend
les relations administratives d'une lenteur in
qualifiable.
Enfin, en nous adressant nx électeurs da
l'arrondissement, nous leur demain t avec
le correspondant du Journal de Liège 8'i»„
sont bien trouvés d'avoir été couchés pendant
quinze ans sur le coté droit, et si l'époque n'est
pas venue d'examiner mûrement, si l'expérience
n'a pas été défavorable cet essai qui doit
avoir duré assez longtemps. Si, comme nous
n'en douions pas, la réponse est affirmative,
n'y aurait-il pas lieu de se tourner tant soit peu
et de s'appuyer légèrement du côté gauche. Il
nous semble que ce serait une tentative faire,
il ne faut qu'un bon mouvement; un peu plus
de franchise et plus de confiance en des hom
mes désintéressés du reste, pourraient lever bien
des obstacles et démontrer que l'arrondissement
d'Ypres, si maltraité aujourd'hui, veut qu'on
prenne désormais ses vœux en considération.
C'est avec un vif sentiment de regret que
nous avons vu cette année, pratiquer la quête
au profit de l'Université catholique. Dans un
temps aussi calamiteux il eut été de bon
goût de la part de l'épiscopat, de laisser tomber
en oubli celte contribution indirecte frappée
sur les fidèles, d'autant plus que l'Université de
Louvaiu doit être assez riche maintenant, pour
pouvoir se passer pendant une année, de la
recelte que la quête générale dans toutes les
églises du royaume peut lui valoir. Dans la
LUS muK iroiAiR©ugiiM(irs.
(Suite.)
IV. l'hotel de nanteuil.
l a soirée était avancée déjà; dans le fond du salon quatre .joueurs
se taquinaient silencieusement autour d'une table de whist et ne
m a n i Festoient leur présence que par le frôlement des cartes et le
tapis vert c'étaient la comtesse, Philippe de Blanzac, M. deNan-
teuil et un vieux gentilhomme ancien profès de l'ordre de Malle
le doyen peut-être de tous les membres de cette belliqueuse congré
gation, lequel se nommait le chevalier de Lascours. La comtesse, en
graude toilette, en loque de velours posée sur le chignon et ses
longs doigts maigres tout chargés de baguesreprésentait bien,
comme disait Philippe, la plus majestueuse des douairières. Son
partnerM. de Nanteuil était un petit vieillard replet vigoureux
et d un aspeol farouche sa moustache grisonnante, ses gros sourcils
du même poil que sa barbe ses yeux ronds et sa chevelure fauve
rude et abondante encore, se hérissant sur un front bas et ridé, lui
donnaient la physionomie d'un sanglier. L'on comprenait son seul
aspect que c était une de ces natures rudes et violentes dont l'éduca
tion ne polit jamais entièrement lessurfaces, et Raoul put reconnaître
tout d'abord que le portraitfait par son ami Philippe était d'une
équitable ressemblance.
A l'autre extrémité du salon Mmc deNanteuil Marguerite et
Raoul formaient un second groupe,moins silencieux et moins grave.
Entre personnes qui se sont beaucoup occupées les unes des autres
sans se connaître, la première entrevue est ordinairement une sorte
de vérification réciproque, pleine d'émotion et de curiosité. L'on ne
tâtonne point pour retrouver les points de contact et l'on a autre
chose se dire que ces banalités qui défraient la conversation des
gens qui ne se connaissent point du tout. Mmede Nanteuil amena
adroitement Raoul parler de lui-môme; il avait beaucoup voyagé
et ne cachait pas sa prédilection pour la vie nomade.
Paris est le centre où il faut toujours revenir, dit-il l'on s'y
retrempe au contact de ia société où abondent tant d'esprits émi-
nenls, de rares intelligences; mais c'est en voyageant qu'on jouit des
connaissances acquises par l'étude et la fréquentation des hommes;
les voyages reposent l'esprit et emploient doucement l'activité qui
parfois nous tourmente. Les meilleurs souvenirs de ma vie se ratta
chent mes pérégrinations au temps où je m'en allais comme les
Bohémiens cherchant l'ombre eu été et en hiver le soleilvivant
au nord ou au midi selon la saison.
Après avoir si longtemps vécu sous la tente, on s'ennuie au coin
du feu, observa la jeune femme.
Non, madame, répondit vivement Raoul, non, surtout lorsqu'on
a le bouheur de n'y être plus seul. Et puis si un jour d hiver on
s'aperçoit que le ciel de Paris est trop gris, son atmosphère trop gla
ciale on transporte dans un climat moins âpre les douces habitudes
de son intérieur. A la vérité c'est faire le sacriGce d'un grand
nombre de bals, de brillantes soirées, et la compensation peut ne
pas paraître suffisante tout le monde, ajouta-t-il en regardant
Marguerite, qui écoutait cette conversation, accoudée sur une table,
dans l'attitude d'une vague attention et en feuilletant un album de
voyage.
Mon Dieu dit-elle en s'arrêlant sur une rue des environs de
Naples comme il doit faire bon se promener 1 hiver la lisière de
ces bois de pins, sur le sable tiède de cette grève!
Mmc de Nanteuil regarda Marguerite avec un léger sourire puis
ses yeux se tournèrent vers Raoul comme pour l'encourager eu
prendre toute la portée de ces paroles indirectes.
Voyez, chère maman reconnaissez-vous ce site continua la
jeune fille en lui présentant l'album.
Ouije me le rappelle c'est la villa Talendino dit Mmc de
Nanteuil, en considérantla gravure avec une attention mélancolique.
Vous avez été longtemps en Italie madame demanda Raoul.
Je suis italienne monsieur répondit-elle d'un ton simple et
réservé qui arrêta sur les lèvres de M. d'Agleville une seconde
question.
Elle avait en effet le type des femmes napolitaines une épaisse
chevelure noire, un teint mat, une boucle fine et sérieuse, une phy
sionomie mobile et passionnée. Bien qu'elle n'eût pas la délicate