INTERIEUR.
T ANNÉE. - N' 630.
JEUDI, 20 «Al 1817.
JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
Feuilleton.
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VIRES ACQUIRIT EL'NDO.
YPBES, le 19 Mai.
En annonçant dans notre dernier n°, le désis
tement de M. De Neckere-De Coninckdesa can
didature de membre du sénat pour l'arrondis
sement d'Ypres, nous aurions pu ajouter que le
choix définitif du candidat pour la chambre des
représentants, du ministère et du haut-clergé
était connu. Il serait difficile de deviner le per
sonnage qui a le bonheur de jouir d'un aussi
triste patronage mais nous ne voulons pas
présenter des énigmes nos lecteurs, et nous
nous hâtons de dire que l'élu est M. Charles Van
Reninghe, bourgmestre de Poperinghe. Ce que
jusqu'ici nous pouvons en dire c'est que c'est
un assez pauvre sujet, dont la versatilité trop
connue et l'inconsistance politique feront haus
ser les épaules tout électeur qui voudra ap
précier la valeur de ce candidat.
Jeudi prochain, le comité de l'Association
électorale libérale se réunira et on paraît nour
rir l'espoir qu'il pourra présenter la sanc
tion de l'assemblée électoralequi aura lieu
lundi, 24 mai, des candidats libéraux qui, sous
tous les rapports, présenteront plus de garan
tie de savoir, de capacité et d indépendance
que M. Van Reninghe. Nous espérons bien que
les candidats qui sero'nt présentésne recule
ront point devant l'acceptation du mandat qui
leur sera offert. Dans l'occurrence actuelle
celui, qui sera désigné, ne pourra reculer sous
peine de forfaire ses devoirs comme ciloyen,
et de manquer de dévouement au libéralisme
qui, plusque jamais, a besoin de tout le zèle de
ses adhérents.
ÉLECTION D'UN CONSEILLER PROVINCIAL,
A MESSINES.
l'approche des élections générales qui vont
avoir lieu au 8 juin les choix des conseillers
provinciaux qui doivent êlre élus par suite de
décès démission ou autrementattirent peu
l'attention publique absorbée par les préparatifs
de la grande lutte. Cependant dans l'arrondis
sement d'Ypres une élection qui ne laisse pas
que d'offrir de l'intérêt aura lieu le 24 mai pro
chain. Nous voulons parler de la rivalité qui
existe entre M. le bourgmestre de Messines,
Charles De Neckere, et le secrétaire de la com
mune, M. Goubau, pour la place de conseiller
provincial, laissée vacante par le décès de M.
Victoor.
D'un côté, M. Charles De Neckere est très-
aimé et estimé dans le canton de Messines. II
est indépendant par sa position, sa fortune et
son caractère, et on a trouvé, après des
combinaisons multipliées que c'était l'homme
qu'il fallait pour être la tête de la petite ville
de Messines. D'un autre côté, M. Goubau,
l'homme de confiance du commissaire de dis
trict, se met sur les rangs en opposition avec
son chef, et sans avoir aucune des qualités qu'on
recherche chez l'homme qui ambitionne des
fonctions électives.
Du reste, souple avec les puissants, il est ar
rogant avec ses inférieurs ou ses égaux, et en
outre par suite de ses spéculations en immeu
bles, il a eu le talent de s'attirer bien des per
sonnes dos. Les fermiers surtout doivent le
craindre, car en plusieurs occasions, il était
la tête d'une société qu'on peut qualifier de
bande noire, formée dans le but de morceler
les fermes et de les vendre par parcelles avec
bénéfice bien entendu. A la campagne, c'est un
méfait que des cultivateurs pardonnent diffici
lement. Ensuite M. Goubau ne serait au conseil
provincial qu'une marionnette dont M. le gou
verneur tiendrait la ficelle et il y en a assez de
cette espèce dans cette assemblée.
Nous en avons assez dit pour faire compren
dre que toutes nos sympathies sont pour M.
De Neckere le bourgmestre de Messines qui
nos yeux est un candidat de beaucoup préfé
rable M. Goubau. Nous espérons que les
électeurs seront de notre avis et qu'ils donne
ront leurs suffrages celui qui les mérite par la
franchise de son caractèreson aménité, l'es
time dont il jouit parmi ses concitoyens, et
enfin par son indépendance. IJn motif qui doit
engager les électeurs ne pas voler en faveur
de M. Goubau, c'est la peine que le commis
saire de district se donne pour faire nommer le
secrétaire des communes de Messines et de
Wytschaele. Quand un haut fonctionnaire se
mcle aussi activement de l éleclion d'un infé
rieur, cela ne présage rien de bon, et dans leur
intérêt, les électeurs doivent repousser un
choix qui leur est en quelque sorte imposé.
Nous apprenons qu'il est décidé que M. le
chevalier Théodore De Coninck de Merckem, a
accepté la candidature au nouveau siège du
Sénat, dont le titulaire doit, pour la première
fois, recevoir son mandatdesélecteursdu district
de Dixmude, auquel la nouvelle loi a réparti la
nomination d'un député et d'un sénateur.
Hier, pour la première fois, en guise d'essai,
le comité des subsistances a vendu de la viande
prix réduit. Deux cent vingt neuf kilogrammes
ont été débités 60 c.,à la grande satisfaction de
tous ceux qui ont été appelés participer cette
faveur. La qualité de la viande était bonne et
aucun ne s'est plaint de ce que le morceau qui
lui était destiné, contenait trop d'os ou n'avait
pas son poids. Enfin, on peut dire que l'essai
a réussi et qu'on est convaincu que la viande de
boucherie peut désormais être comptée parmi
les aliments qu'on peut fournir aux nécessiteux,
prix réduit.
i innnvm
La sophistication des farines, l'aide de la craie
ou du moellon, devient une mode, parait-il.
Dimanche dernier, le juge d'instruction, assiste
de son commis-greffier et accompagné du pro
cureur du roi, s'est rendu au village de Gits,
arrondissement judiciaire d'Ypres. Un meunier
était fortement soupçonné de sabandonner
des pratiques coupables et la farine qui sortait
de son moulin n'était pas sans mélange. Arrivée
au Gitsberg-molen, du moment que le meunier
et sa femme ont vu la justice s'arrêter chez
eux, ils se sont mis trembler et sur la demande
de la clef du moulin, il fut répondu qu'on ne
l'avait pas, que le domestique l'avait emportée
avec lui. On a fait chercher cet individu, mais
alors elle était perdue. Enfin on a forcé la ser
rure et on a trouvé les preuves flagrantes du
délit, le moellon était mêlé au grain l étage
supérieur du moulin, prêt passer sous les
meules. Ce meunier se nomme Baseele et faisait,
dit-on, ce métier depuis longtemps. Pour ne pas
donner l'éveil, il introduisait dans son moulin,
pendant la nuit le moellon qu'il allait chercher
Wercken. Les farines mélangées ontélé saisies
ctdéposées la maison communale de ce village.
En rendant compte dans un de nos derniers
nos, du Concert au bénéfice des pauvres donné
au parc par la Société des Chœurs, la musique
du 10e de ligne et celle des Pompiers, nous
n'avons pu indiquer le résultat matériel ou
plutôt financier de cette œuvre philantropiqne.
Nous apprenons aujourd'hui que M. De
Ghelcke, président de la Société des Chœurs,
vient de verser dans la caisse du comité central
de secours, une somme de fr. 644-11 c. pro
duit du concert, de la quête faite le jour de
Sainte-Cécile et de que'ques collectes. Une
somme de 60 fr. a été en outre distribuée
y le rideau vert.
Raoul était si sur de la pureté de son intention, qu'il n'hésita pas
retourner chez la mère Moinaud; toutefois, par un scrupule plutôt
instinctif que raisonné, il choisit l'heure où Maguette était encore
au travail. Lorsqu'il arriva, quelqu'un était déjà en visite ohez la
vieille femme; c'était ce grand garçon qui avait été la cause invo-
loutaire de l'accident arrivé sous les fenêtres de Philippe. Une
blouse, dont la nuance ne saurait êlre défiuie, un pantalon effrangé
flottant sur une paire de sabots qui ressemblaient des canots de
sauvetage, et une casquette fourrée couvraient peu près oet indi
vidu, dont le teint animé, la membrure carrée annonçaient une
vigueur, une fleur de santé qu'on ne trouve pas communément chez
les enfants de Paris. Debout, le regard baissé, tortillant entre ses
doigts rausculeux la casquette, dépouille évidente de quelque in
fortuné matou, il écoutait avec une respectueuse déférence l'espèce
d'admonestation que lui adressait la mère Moinaud.
C'est comme ça qu'on peut se fier toi! lui disait-elle je te
dis d'avoir l'œil sur Maguette et tu la laisses sur la chaussée du
boulevard Beaumarchais sous prétexte de venir me faire tes
adieux! Je le ctoyais plus de jugement, Pierre Pierrot. Ah ça, il
parait que tu n'a pas travaillé aujourd'hui
Eh! Don, madame Moinaud, répondit le grand garçon; j'ai
été seulement le long des boulevards pour voir si MUc Maguette était
la besogne et si ou la laissait tranquille; et ensuite, comme je pars
aujourd'hui même, j'ai voulu vous faire nies adieux.
C'est donc décidé, tu as ta feuille de route
Et ordre de rejoindre le régiment. Dans cinq jours, madame
Moinaud, j'endosse l'uniforme de grenadier.
Ca ira mieux qu'une blouse et une casquette de peau de chat
un bel homme comme toi, observa la mèie Moinaud.
C'est ce que je me suis déjà dit, répliqua naïvement le balayeur.
Adieu donc, mon garçon, reprit la vieille femme en tendant la
main Pierre Pierrot; que Dieu te conduise!... De toutes manières,
nous te reverrons dans sept ans.
Plus tôt peut-être si je ne suis pas mort... et alors vous me
reverrez avec le galon sur la manche! Adieu donc, madame Moi
naud! Priez Dieu pour moi quand je serai la guerre, dit-il avec
quelque émotion adieu!
Comme il sortait, Raoul entra dans la mansarde en reprenant
haleine au pied de l'échelle, il avait entendu cette conversation sa
surprise fut grande en apercevant l'étrange duègne laquelle la
mère Moinaud avait laissé le soin de veiller sur la belle Maguette.
C'est fini, mon enfant ne pourra plus travailler avant que je
suis rétablie, lui dit la bonne femme. Voilà Pierre Pierrot qui s'en
va par malheur
Et c'est sur un gaillard comme ça que yous vous reposiez pour
garder votre fille interrompit Raoul.
Certainement, mon bon monsieur, répondit-elle vivement, et
je vous assure que j étais tranquille. Pierre est un brave garçon; j'ai
connu feu sa mere quand nous demeurions rue aux Ours, il était
chez moi tout le jour. Je lui ai donné bien des tartines de confiture
et bien des taloches; il sait ce qu'il me doit, il me respecte, et il n'y
a pas de danger qu'il bronche, une fois que je lui ai dit Je me fie
toi; travaille côté de Maguette, si tu l'aperçois que quelqu'un
rode autour d'elle, prie-le poliment de passer son chemin, et, en
cas de refus, joue du manche balai. Je pouvais être tranquille,
monsieur il se serait fait tuer plutôt que de manquer sa consigne.
Mais,en ce moment, n'été*- vous pas inquiète? cette enfant eit
seule l'autre bout de Paris...
La voici, interrompit la mère Moinaud en prêtant l'oreille; se
voyant seule, elle est bieu vite revenue.
Le cœur de Raoul battit avec une violence dont il eut bonté; sa
conscience, sa raison murmurèreut confusément dans son for inté
rieur. 11 resta pourtant.
Maguette entra, regarda M. d'Agleville d'un air surpris, effa
rouché, et demeura au fond de la mansarde.
Approche, approche donc, lui dit Moinaud, monsieur
permet; viens chauffer tes mains au fourneau, tu as froid.
En effet, elle était d'uue pâleur de marbre; ses lèvres même
avaient perdu leur couleur purpurine; seulement, ses yeux étaient
comme cernés d une légère teinte rosée.
Tu as pleuré, Maguette? dit M1** Moinaud en la regardant
ayee sollicitude est-ce que quelqu'un t'a parlé dans la rue