7e ANNÉE. - N° 639. INTÉRIEUR. DIMANCHE, 20 JUIN 1847. JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT. Ceuilleton. lus ®ny^ On s'abonne Ypres, Marché au fceurre, 1et chez tous les per cepteurs des postes du royaume. PRIX DE L'ABONNEMENT, par trimestre. Pour Ypresfr. 5-00 Pour les autres localités 6-00 Prix d'un numéro0-35 LePro Tout ce ({ui concerne la rédte- tiou doit être adressé, franco, i l'éditeur du journal, Ypres. Le Progrès parait le Diman - che et le Jeudi de chaq ue semaine. PRIX DES INSERTIONS. Quinze centimes par ligne. VIRES ACQUIRIT EtNDO. YPKES, le 19 Juin. Momieur l'éditeur du Progrès, Il m'est arrivé quelque fois de vous écrire; toujours vôus avez favorablement accueilli mes lettres et vous leur avez donné place dans les colonnes de votre journal. Ne partageant pas les espérances de domination de mes co-religionnaires au point de vue religieux quoique catholique sincère, et d'uu meilleur titre, je puis le dire, que M. Decharops, je me suis tenu neutre lâchant de modérer mes amis, qui me paraissaient agir avec peu de prévoyance politique. Le résultat des élections du 8 Juin est connu et je puis l'aVôuer, bien qu'avec regret, il est entièrement défavorable au parti auquel J'étais autrefois attaché de conviction et par principe religieux, mais que j'ai abandonné, parce que je pressentais où on eù serait venu, gi àce des mesures maladroites et un esprit d'intolérance qui n'pst plus en harmonie avec le temps présent. Souvent j'ai cru devoir exprimer mes sentiments sur la durée probable du parti dit catholique, bien qu'une masse de catholiques fervents et qui tiennent honneur de se nommer ainsi, se trouvent dans d'autres rangs. Les chances de durée ont diminué pour lui par suite d'une faute grave, la levée de boucliers de 1841. La rupture définitive de Y Union, dans un moment bien inopportun, en fut cause, car ce fut alors seulement qu'on trouva prise pour critiquer amèrement le parti jusqu'alors prépondérant darts l'état et qui n'avait soulevé pour ainsi dirè, pendant le long ministère de M. De Theux, aucune opposition. Je dois attribuer cette maladroite équi pée des hommes dont les conseils eussent du être répudiés par les catholiques, mais hélas! ils ne furent que trop bien écoutés et les conséquences jamais déplorables de l'adresse du sénat ne tar dèrent se faire jour. Je ne veux pas décourager mes anciens amis politiques, mais je le leur ai prédit, ils perdront toute inllaence po litique et se trouveront la Chambre en état de miuorité nou plus respectable comme cela seront arrivé, s'ils avaient suivi plus fidèle ment les bonnes traditions du régime représentatif, mais l'état de miuorité trop peu nombreuse pour pouvoir espérer de regagner jamais le droit de diriger les affaires du pays. Je tire cette convic tion de l'opposition que rencontrent les candidats la représenta tion qui arborent la bannière catholique, dans les petits collège» électoraux où autrefois, les catholiques passaient sans la moindre difficulté et sans réclamation pour ainsi diré. Aûjourd'hui une ban nière opposée est déployée, une lutte acharnée s'établit et les candi dats patronnés par le parti catholique ne se font élire qu'avec peine et non sans laisser sur le terrain de la lutte, quelque peu de leur popularité, ce qui diminue leurs chances pour les élections futures. C'est ce que nous avons vu ici le parti catholique qui, je dois l'avouer, n'a pas été consulté sur le choix du candidat, en a adopté un de confiance présenté sous les auspices du commissaire d'arron dissement, mû par d'autres passions que celte de servir les intérêts du parti dont le clergé est l'âme. On espérait qu'il n'y aurait pas de lutte, que personne n'oserait se mettre sur les rangs et que le can didat ministériel serait élu sans la moindre opposition. Ces calculs se trouvèrent ,peu justes -, des adhérents du parti catholique bien que comprenant le tort qu'un pareil choix devait faire aux inté rêts de leur opinion, manifestèient plusieurs reprises leurs sen timents de répulsion pour le candidat qu'on leur proposait et ne se décidèrent l'adopter, qu'en présence d'une défaite imminente, si on n'employait les grands moyens. En effet, un candidat s'était mis sur les rangs ou pour parler plus véridiquement, ou lavait, pour ainsi dire, contraint accepter la candidature. M. Vanden Pecreboom s'abritait sous la baunière libérale et la comparaison établir entre les deux concurrents n'était pas en faveur du candidat catholique. Je n'ai pas vous parler des qualités de léchevin delà ville d'Ypres, je me bornerai dire que généralement aimé et estimé, il est bien vu par tous sans distinction de parti, pour son caractère conciliant et modéré, bien que feime et consistant dans les questions de principe. C'éta«t donc une lutte importante qui allait s'ouvrir au S Juin et la victoire est restée au parti catholique contre toute raison et par suite des moyeus peu honorables, pour ne rien dire de plus, qu'on a employés pour combattre la candidature de celui qui convenait pour siéger sur les bancs de la représentation nationale. Si les catholiques, si les prêtres même n'avaient pas été sous le poids de la contrainte, ils n'auraient jamais songé donner leur vote M. Yan Reninghe inopinément transformé en défenseur delà religion catholique. Je considérerai la ruine de ma religion bien proohaine, si elle sentait le besoin d'appeler son aide de pareils défenseurs. Et oomment le triomphe a-t-il été obtenu Eh bien quoique j'aie renié le parti dit catholiquebien que je sois séparé de lui par suite de la déloyauté de sa tactiqueje ue songe jamais aux moyens que des ministres d'un Dieu de paix et d'amour employent près des électeurs croyants, sans avoir le cœur profondément navré de tristesse. Ici les prêtres ont présenté aux yeux des hommes reli gieux mais candides, leurs adversaires comme des démolisseurs des églises, des ennemis de la religion et de la morale, enfin, que dis-je, des francs-maçons Peut-on, je le demande tout homme de bonue foitout catholique sincère calomnier d'une manière plus éhontée Oui, c'est en fanatisant les habitants de la campagne cju on est parvenu remporter une triste victoire, car on a repoussé l homme de talent, pour choisir la nullité, et par quels moyens? Par des intrigues et des calomnies qui, infailliblement seront dévoilées et qui compromettront le curé de village vis-à-vis de ses ouailles. Ils verront en celui qu'ils doivent respecter, un homme qui s'est pas sionné pour l'erreur et qui a employé des arguments dont la fausseté est reconnue. Enfin, Dieu veuille qu'ils ne reprochent pas un jour leur pasteur de les avoir engagés dans la mauvaise voie temporelle et que la méfiance ne vienne s introduire dans les rapports spiri tuels, par suite des mauvais conseils donnés dans un but qui n'a rien de religieux. Ici en ville même des scandales ont été donnés; n'a-t-on pas vu un oncle écrire contre son neveu et, nouveau Curtiusjeter non- seulement sa personne au milieu du débat, mais immoler son hon neur et ses sentiments de famille au succès du candidat désigné par le gouvernement. Cela peut être très-beau au point de vue du fana tisme politique et de pareils actes ne sont point rares dans des temps de commotions civiles. Mais nousn'en sommes pas là, j'espère,et si M. Malou-Vanden Peerehoom atait fait preuve de plus de discer nement, il n'aurait pas été généralement blâmé pour sa conduite très-peu charitable et sa lettre ne serait pas restée un monumeot de ce que peut 1 homme qu'un zèle entré anime et passionne, car M. Maloadaus cette lutte électorale n'a pas même tenu la conduite d'jn chrétien, bien qu'il se pose en guidon du parti catholique de notre localité. un catholique. Les fraudes électorales prennent dans notre pays une extension qui doit inspirer des crain tes sur la sincérité future des élections. Naguère le Journal de Liège fit connaître qu'un nombre fabuleux de pourvois avaient été interjetés pour faire rayer de la liste électorale de la commune de Jehav-Bodegnée, le bourgmestre, les échevins et le curé dé ce village, ainsi qu'un certain nombre de fermiers du candidat catho lique, qui, l'approche des élections, s'étaient permis de transformer des chevaux de labour en chevaux de luxe. D'autres avaient pris patente, quoiqu'il fût de notoriété publique, que jamais ils n'avaient exercé la moindre industrie. Pour couper court des fraudes aussi éhonlées, la députation a décidé, avec l avocat-géuéral Dele- becque, qu'il ne suffisait pas de payer sans posséder les bases du cens comme le veut le parti catholiquemais que le payement n'était qu'une présomption de la possession. Si le contraire était admis le plus riche serait sûr de se faire élire partout, en créant des faux élec teurs par fournées. Ce ne serait qu'une ques tion d'argent et alors le gouvernement repré sentatif serait vicié dans son principe. Dans l'arrondissement on a fait rayer égale ment un faux électeur et sa hontenous devons le dire, c'était un fonctionnaire de la catégorie de ceux qui ne peuvent ignorer les dispositions des lois électorales. Ses intrigues avaient réussi le faire maintenir sur les listes par le collège échevinal de S'-Jean, espérant qu'aucune réclamation me serait adressée la députation permanente. Mais l'attente du fa meux secrétaire de la commune de S'-Jean a été trompée. Une décision de la députation permanente est intervenue qui a fait rayer lô nom de Geldof, Amandde la liste. Nous la faisons suivre ici pour l'édification de nos lecteurs La députation permanente du Conseil prooinciali Vu la requête en date du 10 mai dernier, parve nue au greffe de la province le 14 suivant, par* laquelle le sieurpropriétaire demeurant Ypres, réclame contre l'inscription du sieur Amand Geldof, instituteur S'-Jean lez-Ypres, sur les listes électorales pour les chambres arrêtées pour ifi+T, alléguant le pétitionnaire, eti premier lieu, que le sieur Geldof n'est pas imposé pour l'année 1847 une somme égale au cens déterminé par la loi, mais qu'il produit une déclaration supplémen taire de quel chef il payera en 1847, une somme de fr. g-32 qui, jointe aux autres contributions qu'il verse au trésor, lui complète le cens électoral, et en second lieu que le sieur Geldof ne justifie pas du payement du cens pour les deux années antérieures >847 Vu le rapport de M. le commissaire de l'arron dissement d'Ypres, en date du 19 mai dernier j Vu les lois électorales Considérant que le sieur Geldof ne justifie pas du payement du cens requis par la loi en 184$, et qu'il résulte des quittances et avertissements pro duits par l'intéressé qu'il n'a payé en contributions directes au profit de l'étatqu'une somme de fr. 53-51 Arrête L'appel formé par le sieureontre l'in scription du sieur Geldof, sur la liste électorale pour les chambres, de la commune de S'-Jean, est accueilli. Le sieur Geldof est rayé de la dite liste. Expé dition du présent sera adressée M. le commissaire (Suite.) ix. -« PAR UN BEAU SOIR. Huit joûrs plus tard, la tombée de la nuit, Raoul se rendit la maison de la rue Pigale. Dans l'espace de temps qui s'était écoulé depuis sa dernière visite la mère Moiuaud, il s'était donné mille peines pour découvrir le véritable nom de la dame étrangère qui, dix-huit mois auparavant, avait habité la maisonnette de Mouli- neaux; il avait consulté les gens qui s'occupent de la science héral dique pour tâcher d'apprendre quelle famille appartenaient les armoiries gravées sur le cachet; mais toutes ses recherches, toutes ses investigations avaient été inutiles. Comme d'habitude, il passa sans rien dire devant la Toge du con cierge, et gagna l'escalier presque furtivement; il faisait sombre déjà, et ce fut presque talons qu'il traversa le corridor, ci gravit l'échelle qui conduisait Ta mansarde. Au dernier échelon il s'ar rêta sutpiis, presque effrayé; un silence profond régnait dans ce pauvre réduit, et malgré l'obscurité, l'on pouvait s'apercevoir que tout y était dans le plus grand désordre; des bardes traînaient ça et là sur le carreau, le lit était entièrement défait, et le rideau vert, suspendu par un coin la fenêtre ouverte, voltigeait emporté par le vent qui soufflait et gémissait daus les combles. Raoul écouta et regarda un moment autour de lui sans pouvoir se rendre compte de Ce qui était arrivé; puis il fit encore un pas et se trouva au chevet du lit. Cette thambic déserte, ce fFoid crépuscule, ces biuils Yagues jetèrent dans son âme une soudaine épouvante, et saisi d'une hor rible angoisse, il cria en levant les maius au ciel Maguetlel... Un sourd gémissement sembla répoudre ce cri de douleur. Raoul se précipita vers l'endroit d'où il était parti, et ses mains rencontrèrent dans le coin le plus obscur de la mansarde une forme humaiue im mobile et froide comme une statue de pierre. Maguette! c'est vous, Maguette s'éoria-t-il en la saisissant eX en la relevant avec une sorte de violence; mou Dieu!... q.ue s'csl-il donc passé fque faites-vous ici seule où est voire mère r Elle 11e répoudit que par des plaintes étouftees puis se raidissant aveo un mouvement convulsif, elle resta immobile, et Raoul la sen tit peser sur son bras comme un corps privé de vie. Tremblant, éperdu, il la déposa sur le lit, èt se penchant sur la trappe il appela au secours; mais toutes les chambres du corridor restèrent fermées personne ne l'entendit. Il $e souvint alors d'avoir vu sur la plan chette qui servait de buffet tout ce qu'il fallait pour faire du feu, et, cherchant tâtons, il parvint allumer une chandelle. Une débile lumière éclairant alors le triste réduit, il put voir que le désordre qui y régnait n'annonÇait pas qu'un crime eut été commis ni que l'état affreux où il trouvait Maguette fût le résultat d'au- cùûe violence. Le misérable mobilier de la balayeuse était intacL le coflVe n'avait pas été dérangé, et la montre était toujours suspen due au chevet du lit. Raoul se rapprocha de Maguette qui s'était d'elle-même un peu soulevée et respirait plus librement. Mon enfant, lui dit-il avec un accent inexprimable de ten dresse et de sollicitude, que vous est-il donc arrivé? D'où vient que je ne vois pas votre mère?... A ce mot la jeune fille se précipita genoux sur le carreau et s'écria avec l'énergie du plus sombre désespoir Ma mère!... elle est morte, uia mère Mon Dieu, rendez-la moi, ou bien-, prenez-moi aussi avec elle Mais c'est fini... ou l'a mise dans la terre... elle ne peut plus revenir... quand même j'irai la chercher partout, parfout dans ce monde, je ne la trouverais pas... quand même je l'appellerais toujours, toujours, elle ne pour rait pas m'entendre... je ne la rev<#rrai jamais... Ah mon Dieu, mon Dieu, je veux aller où elle est... je veux moutir En apprenant le malheur affreux qui avait frappé cette enfant, en entendant ces plaintes déchirantes, Raoul éprouva- une émotion' si vive, son cœur, fut saisi d'une telle pitié, que vies larmes inondè rent son visage. En ce moment, ce n'était point l'amour, c'était la plus chaste sympathie, la p!us tendre, la plus ardeute compassion qui le retenaient près de celte eufant désespérée et mourante. Il frémit l'idée de ce qu'elle avait dû souffrir et de l'abandon où elle s'était trouvée après la mort de celle qu'elle appelait sa mère. Évi demment le malheur qu'il venait d'appreudre était arrivé depuis plusieurs jours, et persoune n'était arrivé au secours de Maguette; elle était restée seule au pied de ce lit vide et défait où la seule personne qu'elle aimait eu ce monde avait expiré. Craignant de reveiller sa douleur eu l'interrogeant, Raoul lui serrait les mains eiP silence et attendait que ce paroxisme s'épuisât par sa propre violence. Eneilet, après avoir beaucoup pleuré, Maguette s'assit au bord du lit, et baissant la tête sur ses mains, elle demeura plongée dansv une sorte d'anéantissement. Raoul profita de ce morneut de calme pour lui dire avec une douceur raclée d'autorité Ma pauvre enfant, Dieu m'a envoyé pour vous secourir dans- votre malheur.,. Prenez courage... vous avez en moi uu protec teur qui 11e vous abandonnera jamais. Si j'avais une mère, une sœur, je vous conduirais l'instant chez moi; mais j'y snis sent avec mes domestiques, 11 faut doue que je trguyç une autre maison/

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