7e ANNÉE. - N9 647.
H
DIMANCHE, 18 JUILLET 1847.
JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
INTÉRIEUR.
Feuilleton.
LUI mun ONÂMBygftlIirg.
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VIRES ACQMR1T EUNDO.
YPRES le 17 Juillet.
TOUJOURS M. DE RECKERE, LE CONSERVATEUR.
Le Journal des Baziles de mercredi, contient
une noie que nous devons croire officielle.
Elle présente la justification de M. De Neckere
la perle que vous savez, et proclame son apti
tude servir les bleus et les noirsles libéraux
et les catholiquesles impies et les honnêtes
gens, sous le prétexte que le fonctionnaire
public n'estau service d'aucun ministère, qu'il
ne doit pas A des chefs de parti le sacrifice de
ses opinionsmais qu'il est redevable d'obéis-
sance dans les limites des loisaux chefs que la
constilutionluidonne. 11 est difficile d'exprimer
en aussi peu de mots plus d'hérésies constituti
onnelles etil faut que l'auteur de la noie en ques
tion n'ait pas la moindre idée du jeu d'un gou
vernement représentatif, pour avoir osé avan
cer de pareilles sornettes. Aussi croyons-nous
que le désir de conserver la place de commis
saire de district sous tous les régimes possibles,
est pour beaucoup dans les sophismes qu'on a
accumulés en aussi peu de lignes.
Le fonctionnaire public n'est au service d'au
cun ministère. Voilà qui est bien pour le garde
champêtre et autres fonctionnaires, qui n'ont
rien de commun avec la politique, mais le fonc
tionnaire politique comme le gouverneur le
commissaire de district est au service du mi
nistère qui leur délègue une partie de son
action politique. Les fonctionnaires de celle
catégorie doivent intervenir dans l'application
du système que les ministres représentent au pou
voir, et si c'est de principe, comment un foncti
onnaire politique peut-il concourir mettre en
œuvre une pensée politique qui n'est pas la
sienne, laquelle il est hostile? Dans une pa
reille situation, l'obéissance ne suffit pas, il
faut une coopération efficace et spontanée
comme l'entendent le clergé et les ministres
cléricaux et comme ils l'ont exigée de leurs su
bordonnés.
Ces malheureux Baziles ne font jamais de la
polémique, où il faut que l'impiété et l'immo
ralité interviennent. Nous voudrions bien
saisir le rapport qui existe entre le désir de
M. De Neckere de rester commissaire de dis
trict et les accusations d'impiété et d'immo
ralité qu'il a lancées aux libéraux dans la fa
meuse circulaire électorale. Est-on bien sûr de
ne pas faire naitre un fâcheux parallèle en
traitant, qui que ce puisse être, d'impie et d'im
moral, propos de M. De Neckere, et ne ferait-
on pas mieux de ne pas prendre les choses sur
ce ton, quand on veut défendre ce fonctionnaire
publie? Nous avons assez dit, sur ce sujet. A
bon entendeur, salut.
Il ne s'agit pas de savoir si, un ou deux chefs
d'administration, immoraux ou impiesproba
blement comme l'entend M. De Neckere, étant
au pouvoir, ce dernier peut rester en fonction.
On l'a dit assez ouvertement, il ne veut pas
donner sa démission dans aucune hypothèse, il
craint de priver le pays de son expérience et de
son talent, puis il nuirait sa famille et sa
carrière serait perduece quien d'autres
termes, veut dire qu'il passera par tout ce qu'on
voudra pour rester ce qu'il est, comme un véri
table conservateur qui tient ce qu'il aen
attendant qu'il puisse prendre ce que les autres
ne conservent pas assez."- Mais si l'on veut poser
la question sur son véritable terrain il faut se
demander, si les ministres qui succéderont aux
fameux hommes d'affaires DeTheox, Malou
et C|e, peuvent avoir la moindre confiance en
M. De Neckere, en cet homme qui a poursuivi
un parti respectable et influent, des imputations
les plus mensongères et les plus injurieuses et
qui maintenant a l'air de supplier qu'on
veuille bien oublier ses méfaits.
Nous le répétons, M. De Neckere, au point de
ue'de sa propre dignité, ne peut rester en
fonction. Nous avons publié la circulaire élec
torale qu'il a envoyée tous les bourgmestres,
avant le 8 juin, en écrirait-il une pareille, mais
dans un sens diamétralement opposée, si en
supposant qu'il reste commissaire de district,
il y avait deséleclions sous un ministère libéral?
Quelle figure pourrait-il faire et comme fonc
tionnaire public, son caractère ne serait-il pas
amoindri et son influence ne se ressentirait-elle
pas de ces palinodies que nous ne voulons pas
qualifier
Nous avons encore une question poser au
défenseur officiel ou officieux du commissaire
d'arrondissement. Il est question de la nomi
nation d'un instituteur dans certaine commune
et on a l'air d'insinuer que c'est une concession
faite au parti libéral. Nous ne le croyons pas.
Si le ministère clérical n'avait pas été forcé, par
la crainte du scandale, de soutenir l'autorité
civile, celle-ci eut été sacrifiée de la manière la
plus indigne aux exigences du clergé.
Nous n'ignorons pas que M. De Neckere
voudrait bien ne pas avoir écrit la circulaire
électorale qui a fait son tour de Belgique. Au
jourd'hui ce n'est qu'une simple lettre dont le
stile (sic) négligéaccuse la légèreté d'impres
sions fugitives. Comment trouvez-vous l excuse,
on calomnie tour de bras et puis l'on vous
dit: pardon, ce sont des impressions fugitives.
Enfin, pour prouver jusqu'où peut aller la
faiblesse d'un conservateur de sa place, on tâche
de prouver qu'il n'est question dans celte circu
laire, ni du parti libéral, ni des libéraux. Mais
il n'y a que deux partis en Belgique, le libéra
lisme et les partisans du régime théocralique
comme le commissaire du district est des der
niers, c'est bien des libéraux que s'occupait
celte longue diatribe. 11 est vrai que les oran-
gisles reviennent sur l'eau pour le besoin de la
cause, mais nous ignorions que M. De Neckere,
patriote de 1831avait conservé un orangiste
sur le nez. Au reste, la polémique qui s'est élevée
propos de la perle administrative est une
preuve de plus que dans toute situation un
sage ennemi est préférable un imprudenlami,
car celui qui s'est chargé du panégyrique de
ce fonctionnaire, serait bien sa placeaux petites
maisons.
Monsieur le rédacteur
Jusqu'à présent votre journal s'est lu propos
d'une manileslation toute patriotique qui s'est pro
duite depuis quelque temps dans notre ville. Seul,
votre confrère le Propagateur en a dit un mot, et,
tout en approuvant l'idée mère, a critiqué la devise
ou la légende. Fort peu au courant du style lapi
daire, je dois vous avouer que je n'entends nulle
ment critiquer les devises, légendes, emblèmes,
dont la commission a cru devoir faire choix j et
encore moins répondre aux observations de votre
confrère. Ce que je veux, Monsieur, c'est que lais
XII. LIS TOURLOUROV. (Suite.)
Raoul était riche et n'avait que des parents éloignés il ne devait
compte personne de ses actions; jamais l'opinion du monde n'avait
eu sur ses déterminations une grande influence. Il résolut de suivre
le conseil du docteur Yalérion de renoncer ses plans d'éducation
et d'épouser Maguettedans quinze jours. Que lui importait l'igno
rance de cette enfant et l'impuissance où elle était d'exprimer ce
qu'elle savait sentir si vivement Cette oandecr cette innocence,
cet amour qui ne se manifestaient pas faute de langage avaient
aussi leur poésie L'imagination de Raoul prêta d'ardentes expres-
sionsaux sentimenlsde Magnette; il se les traduisit,pour ainsi dire
dans son propre langage, et se rappelant le mot du docteur Yalérion,
il s'écria daus l'orgueil et la joie de son bonheur Pygmalion a
animé la statue.
Raoul connaissait les habitudes du petit ménage de la rue des
Marais; il savait que Mrae Pavonnet sortait presque chaque matin
l'heure où ses pratiques étaient visibles, et^'en allait parfois reporter
de l'ouvrage a l'autre extrémité du Paris. Comptant trouver Ma-
guetle seule cl tremblantpressé comme un amant qui vole son
premier rendez-vous, il arriva vers midi chez Mm* Pavonnet. Après
avoir monté lentement les quatre étages, il s'arrêta au dernier palier
et attenditav ant d'entrer, que les battements de son cœur se fussent
apaisés.
La clé était en dehorset Raoul au lieu de sonnerouvrit
doucement la porte mais peine engagé dans le couloir, il s'arrêta
désappointé; il avait entendu dans la pièce dont il n'était séparé que
par une mince cloison, une voix d'homme, une voix jeune et souore,
qui disait ayee une certaine inflexion de contentement
Ah cette bonne Mme Pavonnet veut donc absolument que
je déjeune ici aujourd'hui?
Absolument; elle dit que nous n'aurons pas trop de tout le jour
pour parler de nos affaires, répondit Maguetle.
Que je suis aise de ce qu'elle m'a permis de venir ce matin
reprit la même voix.
Yoyons voyons il faut travailler un peu avant le dejeùner,
dit Maguette avec un accent qui trahissait quelque émotion; l'ou
vrage, monsieur; ça n'est pas joli qu'une jeune fille et un militaire
restent seuls, l'un vis vis de l'autre se regarder le blanc des yeux,
jyjrce Pavonnet le dit toujours: bien travailler garde de mal faire
Raoul avait machinalement avancéla tête de manière apercevoir
par la fente de la porte ce qui se passait dans le magasin; c'était un
risible et charmant tableau: la belle Maguette assise sur sa chaise
de paille et ses pieds pos.;s sur le tabouretracommodait un de ces
beaux points de Venise qui ont entouré jadis le corsage des doga-
resses. Devant elle un gros garçon en épauletles de laine rouge, la
poitrine rembourrée, la taille serrée dans Un uniforme qui ne faisait
pas le moiudre pli sur sa taille herculéenne, la guêtre en avant et son
shakos entre les genoux, tenait daus ses gros doigts bruns une façon
de mouchoir qu'il ourlait avec application. De temps en temps il
levait les yeux sur Maguette et lui disait de l'air d'Hercule filant
aux pieds d'Omphale
C'est gentil de ma part de travailler docilement comme ça pour
l'amour de vos beaux yeux... Pristi en Afrique j'ai souvent rac
commodé mes guêtres et recousu mes boutons mais qui m'aurait
dit que je mettrais l'aiguille la main pour faire des fichus l Si les
camarades le savaient, ils m'appelleraient Pierrot la couturière.
Raoul, pétrifié d'étonnemeut, l'oeil hagard, les genoux tremblants
et l'âme eu proie la plus sombre colere la plus douloureuse
fureur qui puissent faire bouillonner le sang d'un homme, regardait
et écoutait tout cela travers l'ouverture de la largeur de deux
doigts que faisait la porte. Heureusement il eut le temps de se calmer
avant que Maguette ayant aperçu comme une ombre dans le cor
ridor, courût ouvrir tout-à-fait la porte entrebâillée.
A l'aspect de Raoul, elle rougit, se troabla; puis prenant son parti
avec le courage d'une fille honnête quidans le fond n'a rien se
reprocher, elle dit avec franchise
Je ne vous avais pas appris que Pierre Pierrot, un brave garçon
que ma pauvre mère aimaitétait de retour... J ai eu tort... Mais
vous aviez tant défendu M™8 Pavonnet de recevoir personne
qu elle n'a pas osé vous dire que Pierre, son petit Pierre, comme
elle l'appelle car elle a bien connu sa mère, était venu nous
voir... Oh monsieur, dites-moi que vous n'êtes pas fâché... Si vous
saviez...! je me repentais tous les jours de vous cacher tout cela, et
d'autres choses encore. Hier Mra® Pavonnet allait vous en parler
moi aussi, mais vous nous avez arrêtées.
Puis s'adressant Pierre Pierrot, qui s'était levé en laissant
tomber son ouvrage Voilà mon bienfaiteur, Pierre, voilà le plus
hounête homme et le meilleur cœur qu'il y ait au monde dit-elle
avec une sorte d'exaltation et en regardeant Raoul il a plus fait
pour moi que mes père et mère, car il ne me devait rien... C'est do
lui que je dépends et s'il me le défendait, je ne vous verrais plus...
s'il refusait son consentement, je ne deviendrais pas votre femme...
Une mauvaise pensée traversa l'esprit de Raoul comme un éclair
sinistre mais il eut Ta force de vaincre tout la fois sa jalousie sa
douleur et son amour. Pourtant, il sentit que si celte scène si cruelle
pour lui se prolongeaitil ne serait peut-être pas toujours aussi
maître de lui-même,et faisant signe Maguette de se remettre son
travailil lui diteu se contenant et avec un sang-froid qui aurait
trompé une personne plus olairvoyante
Allons allons Maguette, ce n'était pas la peine de vous trou
bler ainsi Je ne suis pas fâché du tout... coiitinoez votre conver
sation... une autre fois je reviendrai et nous parlerons de tout cela
avec Mme Pavonnet... Bonjour
A ces mots, il salua de la main Pierre Pierrot q ni se tenait
debout oôté de Maguette et redressait sa grande taille comme s'il
eût passé l'inspection ou préseuté les armes quelque altesse roy-