7e ANNÉE. - N6 649.
DIMANCHE, 25 JUILLET 1847.
JOURNAL D'Y PRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
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VIRES ACQUIRIT EUNDO.
YPRES, le 24 Juillet.
M. DE NECKERE A TOUTE SAUCE.
La mauvaise foi est d une nécessité si indis
pensable la défense du système clérical,
qu'aucune feuille, quelque perfection que sa
béalitude aspire, ne peut s'y soustraire. Ce parti
est tellementdans le faux, ses idées, ses principes,
ses projets sont tel point en opposition avec
les vœux des générations présentes, que ce n'est
qu'en les déguisant soigneusement, sous les plus
spécieux prélexles, qu'on parvient les faire
adopter par quelques dupes.
A la veille de quitter le pouvoir forcément,
par suite du triomphe remporté par le libéra
lisme au 8 juin dernier, l'unique souci du parti
clérical est de trouver un moyen de forcer les
vainqueurs maintenir en fonctions les agents
politiques des vaincus, afin qu'ils puissent trahir
les premiers leur aise, comme cela a eu lieu
en 1841. Bien que 1 e Journal des Baziles nous
accuse, pour être fidèle son rôle de calom
niateur juré, de vouloir faire une razzia de tous
les fonctionnaires, nous croyons n'avoirpas été
aussi loin et ce que nous avons dit ce sujet,
ne regarde que les fonctionnaires de l'ordre po
litique. Quant ceux de l'ordre judiciaire ou
administratif pur, ils sont hors de cause. A
ceux-là seulement il n'appartient pas de tra
vailler ouvertement en faveur de l'un ou de
l'autre paiti. Car si l'opinion qui est au pouvoir,
vient perdre la majorité, il doit compter
avec le parti qu'il a ouvertement combattu et
le sentiment de voir son avenir remis entre les
mainsdeeeux qu'on a froissés, n'est pas agréable.
Occupons-nous donc du fonctionnaire de
l'ordre politique. 11 n'y en a que deux catégo
ries, ce sont les gouverneurs de province et
les commissaires de districts. Quelle est la situa
tion de ces fonctionnaires 1 égard du minis
tère? Sont-ce les serviteurs des ministres, ainsi
que la béate feuille se refuse les qualifier avec
justice? Non, ce sont les agents politiques du
ministère appelés appliquer le système que
les ministres représentent au pouveir. Or, pour
pouvoir remplir une mission aussi délicate, il est
nécessaire qu'on soit pénétré des mêmes opi
nions politiques que son chef hiérarchique. Il
faut, pour qu'on puisse être son coopérateur
spontanéqu'on n'appartienne pas par ses anté
cédents, par ses alliances, par son éducation, par
toute sa vie enfin, au parti de ceux qui com
battent le ministère sinon quelle confiance
peut-il placer dans un fonctionnaire politique
nommé par ses antagonistes, en vue de faire
prédominer des principes contradictoires aux
siens
~f\Plaçons la question sur un autre terrain. Un
commisaire de district qui, comme M. DeNee-
kere, a fait du zèle et s'est mis en quatre pour
faire nommer les candidats cléricaux, oserait-il
promettre d'en faire autant dans l'occasion pour
les candidats libéraux Voyez dans quelle fausse
position il serait placé. Eutre les devoirs de sa
place et ses convictions politiques s'il en a ja
mais eu. il devrait opter. S'il refuse sa coopé
ration c'est qu'on aura eu la faiblesse de le
laisser dans une position ridicule qui doit dé
considérer le fonctionnaire ou l'engager être
infidèle son mandat.
Tous les fonctionnaires sont nommés par le
roi sous le contre-seing du ministère, qui est
responsable de ses actes devant le parlement et
l'opinion publique. Tous les fonctionnaires ser
vent le pays. Mais dans les pays constitution
nels, on peut différer sur la manière dont le
pays doit être servi. Les partis sont une consé
quence de cette organisation, ainsi que la néces
sité de déplacer des fonctionnaires qui ne peu
vent honnêtement el ne veulent pas un chan
gement de ministère, adopter les principes et
le mode de gouvernement qu il est tenu de faire
prévaloir. L'expérience du fonctionnaire poli
tique, sbn talent, son égoisme, ne sont que des
candidatures, accessoires, quand il s'agit du
choix de c.:l ordre d'agents. La première qua
lité qu'il doit posséder, c'est d'être en commu
nauté d'opinion avec ses chefs et de suivre la
fortune de son parti, dont il est I homme-drapeau
dans la province ou dans le district.
Il est délicieux de la part du défenseur officiel
ou officieux de M, De Neckere de poser ce
dernier, en fonctionnaire du roi, d'autant plus
que dans un pays constitutionnelil n'y a pas
d'agents de cette catégorie, sinon ceux qui
composent la maison du roi. M. De Neckere,
cet administrateur dont les capacités si écla
tantes, les talents si moribolants et l'expérience
si consommée font l'admiration du Journal des
Bazilesn'a jamais été dans toute sa carrière
qu'un homme de parti. Comme échevin, il était
l'agent du parti clérical l'hôtel de ville, com
me membre de la députalion permanenteil
représentait le même parti au gouvernement
provincial. Enfin, comme commissaire de dis
trict, il était l'incarnation de M. De'I'heuxdans
l'arrondissement d'Ypres et ce même homme
partial et rancuneux s'il en fut jamais, devrait
rester en fonctions pour trahir les libéraux au
profit du parti cléricalauquel il n'a jamais eu
rien refuser, pas même le sacrifice de la dignité
de son caractère politique? Allons donc! c est
une mauvaise plaisanterie.
Pas n'était besoin de remonter jusqu'à Pisis-
trale pour exposer comment.on peut confisquer
les libertés publiques et établir le despotisme.
Les patrons de la béate feuille étaient en train
de donner cette leçon aux générations futures
mais heureusement leurs efforts n'ont, point
réussi. Déjà les libertés n'étaient plus qu'un fait
et la Constitution pouvait être modifiée. Puis il
fallait vaincre les libéraux en masse. Ah com
bien de Pisistrates en Belgique qui ont rêvé le
despotisme théoeratiquemais le libéralisme
en s "organisant, a rendu impossible l'exécution
des projets sinistres, qu'un pouvoir occulte vou
lait sournoisement faire admettre en Belgique.
En publiant la circulaire électorale de M.
De Neckere, il ne nous était pas bien prouvé
que cette pièce émanait directement de lui.
Nous croyions qu'elle lui avait été envoyée de
Bruges. Il n'en était rien cependant, nous avons
pris des informations et nous avons acquis la
certitude que l'homélie avait été fabriquée ici.
U nous restait un doute cependant. Dans
cette longue diatribenous ne reconnaissions
pas le style d'une netteté si officielle de M. De
Neckere. D'aprèsdes indications que nous croy
ons sûres, nous sommes parvenus mettre le
doigt sur l'auteur de cette pièce qui n'est
antre que Mr8 Smaelen rédacteur du journal
feuilleton*
LIS IRMIRigUIOTli.
XIII. le cachet noir. Suite et fin.
Il laissait sa veuve entièrement ruinée mais libre du moins
d'un lien si détestable dit Raoul, n'osant se permettre une question
directe.
Ouireprit Mrae de Nanleuil d'une voix brève et comme op
pressée p&r les souvenirs amers qui débordaient son cœur j'étais
presque enfant alors mais je me sentais pleine de force et de cou-
nge contre la pauvreté j'avais tant souffert au milieu de notre
opulence honteuse et précaire!.. L'on m'avait donné ce qu'on appelle
une bonne éducation: j'avais des talents; il me sembla que le travail
pourrait me procurer 1'iudépeudance. Ma mère, comme toutes les
âmes imprudentes et nobles que le malheur a rudement frappées
était devenue susceptible et timide elle éprouvait le besoin de
cacher sa détresse ceux qui l'avaient connue dans des temps meil
leurs. Nous revînmes Paris. J'avais une ambition une chimère
c'était de vivre du prix de mon travail. A seize ans j'eut rai oomme
sou s-mai tresse, dans un pensionnat où ma mère s établit aussi. C'était
une existence douce honorable disait-on. En définitive il se
trouva que j'avais un peu plus de travail que je n en ^pouvais faire
et que mon salaire était un peu au-dessous de celui d'une femme de
chambre. Ma mère, qui étaitcomme moi,soumise la règle de la
maison, souftVait horriblement de cette dépendance, et souvent elle
me disait en pleurant j Nanita, vivre dans un grenier et y être pour
soi!...
Sur ces entrefaites, on me proposa une pUcede demoiselle de
compagnie chez un homme riche et veuf qui avait une fille unique,
une enfant de dix ans on se chargeait aussi de ma mère. J allai lui
faire part de ce bonheur inespéré. Hélas me dit-elle, nous serons
oujourschez les autres.
Le lendemain je fus présentée M. de Nanteuil paru personne
qui m'avait recommandée; il m'interrogea longtemps de cet air et
avec cette voix que vous lui connaissez. J'en eus peur et je résolus
de refuser la place qu'il m'offrait près de sa fille. Le surlendemain,
il revint, el après un nouvel entretien dans lequel je dus lui déclarer
entièrement ma position, il me proposa de devenir sa femme... Ah
monsieur, si j'eusse été seule au monde le travail, la dépendance,
la misère, rien ne m aurait paru aussi affreux que ce mariage... Mais
je compris mon devoir et je n'hésitai pas... Quand M. de Nanteuil
se fut retiré j'allai trouver ma mère et me jetant dans ses bras je
lui dis en pleurant Ce n'est pas chez les autres que nous allons
c'est chez moi c'est chez vous..- Quinze jours plus tard j'épousai
M. de Nanteuil et je promis du fond du cœur de servir de mère
Marguerite de rendre heureux l'homme dont j'acceptais volontai
rement la main et de faire régner dans sa maison le bonheur
domestique et la paix. C'était une grande tâche mais Dieu qui
voyait ma bonne volonté a béni mes efforts. Bientôt je perdis ma
mére et toutes mes affections se concentrèrent sur Marguerite je
l'élevai avec amour et je fis tout pour assurer son bonheur; je déoidai
son père en votre faveur...
Elle s'interrompit ces mots prononcés avec quelque véhémence,
et passant son mouchoir sur ses yeux elle ajouta avec tristesse
Mais Dieu ne bénit pas toujours nos efforts et nos bonnes inten
tions.
Cette plainte résignée pénétra jusqu'au fond du cœur de Raoul et
le remplit d'un attendrissement amer. U n'osait croire un retour
de bienveillance mais il était profondément touché de la confiance
que venait de lui témoigner M,tc de Nanteuil, et il ne trouvait poin t
de paroles pour rendre les vives sympathies que tant de vertus éveil
laient en lui.
An milieu de cette préoccupation il avait peu près oublié le
motif de celte entrevueet ce ne fut qu'au moment où Mmc de
Nanteuil tourna la tète vers la pendule, dont l'aiguille marquait une
heure, qu'il lui dit
Pardoun ex-moi madame, si je reviens sur des souvenirs pé-
bles, mais dites-moi, cet eiifanl du comte Giacomo
Il est mort... heureusement, hélas répondit Mraede Nanteuil.
Ce mot décida Raoul se taire. Comme il fallait expliquer toutes
les questions qu'il s'était permises pour obtenir ces détails, il raconta
qu'un cachet armorié étant tombé par hasard en sa possession, il avait
promis la personne laquelle il avait appartenu et qui le tenait
du comte Giacomo de s'informer du sort de cet homme dont 011
n'avait aucune nouvelle depuis dix-neuf ans. Ensuite il prit congé
de Mm« de Nanteuil sans oser lui demander la permission de la
revoir et il se retira tout la fois inquiet, troublé, oonsolé, animé
d'un vague espoir et horriblement malheureux.
En sortant il rencontra Philippe qui lui dit
Mon pauvre ami je ne vous trouve pas sain d'esprit ce malin.
A peine arrivé chez moi vous sortez comme un tourbillon en em
portant la lettre de Mrae de Nanteuil pour blasonner le cachet
apparemment? C'est un autographe auquel je tiens...
Le voici répondit Raoul en lui rendant la lettre qu'il avait
prise par mégarde. Vous allez Meudon Eh bien dites
de Nanteuil qu'il est possible que bientôt je quitte Paris et la France
pour n'y jamais revenir...
Décidément il est fou, murmura Philippe.
Raoul se rendit sur le champ chez le docteur Valérion, qui fronça
le sourcil en le voyant et lui dit d'un ton presque rogue
Déjà de retour dans mort faubourg 1
Docteur, vous aviez deviné juste s'écria-t-il sans répondre
cette observation une naissance illégitime une mère morte on
père gentilhomrnp et parfaitement déshonoré; viola son origine... Ce
n'est pas la peine de la mettre jour; il vaut mieux que Marguerite
Tolendino reste Maguette Moinand...
D'où tirez-vous tout cela demanda le médecin en relevant ses
lunettes pour regarder la physionomie de son malade.
Alors Raoul lui raconta ce qu'il venait d'apprendre le docteur
Valérion l'écouta tranquillement, puis il lui dit Eh bien je suis
de l'avis du célèbre optimiste tout est pour le mieux daus le meil
leur des mondes possibles! Nous mettrons le cachet aux trois
merlettcs d'or eu champ d'azur dans un coin de mon médaillcr, où