INTÉRIEUR. LA CHATELAINE DE WAGRAM. JEUDI, 12 AOUT 1847. JOURNAL D'APRES ET DE L'ARRONDISSEMENT. Ve ANNÉE. - X8 654. On s'abonne Tpres, Marché au Beurre, 1et chex tous les per cepteurs des postes du royaume. PRIX DE L'ABONNEMENT, par trimestre. Pour Yprèsfr. 5-00 Pour les autres looalilés 6-00 Prix d'un numéro0-25 Tout ce qui concerne la rédac tion doit être adressé, franco, l'éditeur du journal, A Ypre». Le Progrès paraît le Diman che et le Jeudi de chaque semaine. PRIX DES INSERTIONS. Quinze centimes par ligne. VIRES ACQUIRIT EDNDO. YPRES, le 11 Août. La semaine dernière il n était bruit en ville que de la disparition dp notre estimable con frère le Propagateur On ne s'abordait qu'en se demandant: Eh bien! le Propagateur est mort? Cette mauvaise nouvelle avait répandu, je ne sais quelle teinte de tristesse sur une foule de figures, que le dijjne confrère a l'habitude de dérider deux fois par semaine, en contant ces jolis contes que lui seul sait conter. Nous avons la satisfaction d'annoncer aujourd'hui nos lecteurs, que le Propagateurbien loin d'être mort, continue jouir d'une santé florissante. Il a paru samedi dernier, et nous avons constaté avec joie, qu il possédait toujours ce teint ver meil ce regard placidecelle délicatesse de langage, ces formes polies et bienveillantes qui accusent l'homme bien portant et bien élevé. Alors qu'on le croyait mort ou moribond le farceur, abandonnant pour un instant ses habi tudes pieuses, avait suivi l'entrain général. Il assistait exactement aux bals, aux concerts, aux fêtes civiques, il était de tous les plaisirs, de tous les amusements. Si nous ne^craignions de lâcher une énormilé, de faire un scandale, nous dirions qu'il était quelque peu en goguettes. Mais hélas! et rose ïilgs bot vécu fiés go- guellcs) ce que vivent les roses. Samedi donc, après huit jours de repos, deux de plus que le Seigneurle Propagateur a fait son apparition. 11 nous apprend d'abord que le Journal des Baziles (sic) est acculé aux dernières limites du ridicule, de la bassesse et de la mauvaise foi. En vérité, nous ne nous serions jamais attendus un pareil aveu de sa part. A un semblable langage, que vont, grand Dieu, dire ses patrons. N'était la suite, nous le croirions encore sous l'influence du Champagne. Mais rassurons- nous le digne homme a jeûné vendredi et samediet l'influence du Sillery a succédé celle de la morue. Il y a long temps que nous soupçonnions ce malencon treux poisson, d'occasionner notre bon con frère des digestions laborieuses; aujourd'hui tout doute a disparu. Ne l'a-t-elle pas poussé (la morue) nous envoyer faire la révérence aux bons petits Chinois, aux gentils Cochons chinois du révérend Mr de Méiode. A quel pro pos, diriez-vous, lecteurs? A propos du tableau d'une débâcle de la Meuse d'une irrésistible phalange de logique de Napoléonde l'huma nité du calme de son dernier articleet ce n'est pas le moins du monde, nous vous l'assu rons, propos de bottes. Cela dit, rendons-nous, bons lecteurs, bras dessus bras dessous en compagnie de notre saint confrère, au bal de l'Union. Après bien des efforts, nous parvenons franchir la foule, nous sommes au milieu des danseurs, inondés de flots de lumière, et nous entendons le Pro pagateur clignotant des yeux, répondre sœur Anne l'assemblée est nombreuse, élé gante, animée, mais par S'-Donat. pas assez de lampions! Allons, hommes de l'Union, de la Concorde, des lumières, encore des lumières Eh! ne voyez-vous pas que je n'y vois pas. Obscuranlins de l'Union, de la Concorde, tenez- vous pour avertis, malgré toutes vos lumières, le Propagateur a la vue basse. A peine remis des fatigues du bal, le confrère se trouve le lendemain la fête civique qui a eu lieu aux Halles, mercredi dernier. A en ju ger, d'après sesdires d il y a quinze jours, la fêle dont nous nous occupons, avait toutes les sym pathies du pieux confrère. C'est, qu'en effet, la reconnaissance est une belle vertu mais hélas pourquoi faut-il qu'ejje soit de courte durée chez certains hommes! Ou plutôt pourquoi faut-il qu'une digestion mal faite les fasse in considérément revenir sur leurs pas? Le con frère, encore tout ébloui des lumières de la veille, n'a rien vu et ce qui est plus malheu reux, il n'a rien entendu. Si le malheureux est réellement atteint de surdité et de cécité, nous lui conseillons fort de suivre dès aujourd'hui un régime sévère, voire même de se faire opérer. A notre avis, c'est le meilleur moyen d'arriver l'intelligence d'une solennité laquelle les co ryphées de son propre parti ont contribué. Blâmer cette fête c'est se fouetter soi-même. Nous savions depuis longtemps que Napoléon, bien qu'il ait rétabli le culte et doté le clergé, n'était pas en grande odeur de sainteté chez les amis de la cléricature mais nous ignorions en core que tous ceux quisous les ordres du grand homme, ont versé leur sang, dans l'in térêt ou pour la gloire de la pairie, devaient être enveloppés dans un même anatbême. Vraiment, nous ignorions qu'il fut défendu un des glorieux débris de la phalange impériale de venir remercier au nom de ses frères, l'adminis tration' des secours qu'elle a distribués avec une délicatesse qui lui fait honneur, aux mem bres malheureux de la Société des Frères d'ar mes de l Empire. Le Journal des Baziles vou drait-il nous faire croire que le grognard de l'Empire est aussi inaccessible la gratitude que lui-même? Qu'il se détrompe: le front du soldat peut brunir au soleil des batailles, mais aucun revers ne peut endurcir son cœur. Nous aurions encore régler avec le confrère le compte de la dépense évaluée par lui 2,000 francs, mais nous réservons ce petit mor ceau pour une autre occasion. En attendant, nous lui souhaitons joie, santé et fortune, et nous lui conseillons fort de s'ab stenir demorue. ELECTION COMMUNALE A COURTRAI. Lasection rurale, composée de tous les habi tants extra muros, s'est réunie mardi matin, pour procéder au choix d'un conseiller, en remplacement de M. Vandorpedécédé. Le nombre des votants était de 915, la majorité absolue de 48. Le candidat clérical M. Vander Plancke, fermier, a obtenu 50 voix, le candidat libéral, M. 1 avocat Biebuyck n'en a obtenu que 43. Ce résultat équivaut un triomphe, car, l'élection précédente, les libéraux n'avaient obtenu que 15 suffrages, et ce même Vander Plancke, qui vient d'être nommé, était au nom bre des candidats libéraux. Nous avons annoncé hier que M. Rogier avait été reçu par le roi. D'après les renseignements qui nous parviennent, les négociations relatives la formation du nouveau cabinet prennent une tournure favorable et il nous est permis d'espérer une solution très-prochaine. PS. Les négociations pour la formation d'un nouveau cabinet continuent marcher grands pas vers une solution heureuse et pro bablement Irès-prochaiue. Observateur L'Indépendance annonce que l'audience ac cordée dimanche par le roi M. Rogier,a duré plusieurs heures, et nous croyons, dit-elle, qu'il est permis d espérer une solution très-prochaine de la crise ministérielle. Ces jours derniers écrit-on de Grammonl ['Organe des Flandres sont arrivés en cette ville, MM. Rogier et Feuilleton. i. les trois cavaliers. {Suite.) Ses deux compagnons l'aidèrent descendre de cheval et le soutenant chacun par un bras, ils le conduisirent au pied d'un aibre, où il s'assit pendant quelques instants. Je vais mieux maintenantdit-il alors, et je pourrai remonter achevai pour arriver jusqu'à la maison voisine. Heureusement l'habitation la plus rapprochée avait un aspect de richesse et d'élégance qui promettait la plus confortable hospitalité. Elle s'élevait au bout d'une courte avenue qu'ils avaient leur droite, et derrière elle s étendait un vaste parc, ou la hache semblait n'avoir pas frappé depuis des siècles. C'était, comme on l'a deviné sans doute, le ohâteau de M,ne Stiller, A mesure que l'on approchait, le jeune Frantz reprenait insensi blement ses forces mais c'était comme une revanche passagèie que l'âme prenait sur le corps. Quelque espoir mystérieux, quelque pensée de bonheur venait pour le moment en aide la nature épuisée, ainsi qu'une pluie d'oLàge rend ses teintes les plus vives au feuillage de l'aibre, dont la sève appauvrie se tarira pour toujours l'automne. L'avenue qu'avaient prise le colonel, Franz et Guillaume de Gardeville,était plantée de vieux ormes, dont lescinies se joignaient eu voûte au-dessus de leurs lûtes. Elle aboutissait au pied d'une terrasse laquelle on montait par un escalier correspondant la porte d'honneur du château. A droite et gauche deux chemins étaient tracés pour les voilures suivant une courbe gracieuse. TJn silence profond régnait autour de cette charmante villa, comme autour des palais des princesses enchantées. Lorsque les étrangers ne furent plus qu'à quelques pas de la terrasse une ser vante qui les avait aperçus, sortit et vint au-devant d'eux. Le colonel lui ayant appris le motif qui les amenait elle lés pria d'attendre quelques instants, pour qu'elle pût aller prévenir de leur arrivée sa maîtresse, Mm" Béalrix Stiller. Elle revint presque aussitôt, suivie d'un domestique, qui se chargea des chevaux. Alors ayant invité le cplonel et ses compagnons la suivre, elle leur fit traverser d'abord un vestibule, puis un grand salon orné de portraits de famille, et s'arrêta devant une porte au bout d'une salle manger. Mme Stiller ne tardera pas venir, messieurs, dit-elle. Elle m'a ordonné de vous introduire au salon, et vous prie de l'excuser de ne vous y avoir pas précédés. La jeune fille tourna le bouton sur lequel elle avait déjà posé la main. Pille s'effaça pour laisser passer les étrangers, et referma derrière eux la pièce où ils venaient d'entrer. C'était un petit salon paré de toutes les recherches du luxe mo derne. La disposition des fenêtres dont deux s'ouvraient sur la façade principale, parallèle au Russbach tandis que la troisième était placée eu retour indiquait clairement qu'il était l'un des angles du château. Une étoile de soie de couleur grise, divisée en panneaux par des bandes amaranthes, formait la lapis&erie. Un riche tapis recouvrait le parquet. Visà vis la cheminée, entre les deux croisées, était une console ornée d'une statuette de l'empereur Napoléon. En face de la fenêtre latérale, un magnifique piano, tout chargé de partitionsdonnait lin premier indice du talent et des goûts de la maîtresse du logis. Si I on eût eu l'indiscrétion de feuil leter cette musique, 011 eût trouvé presque tout l'œuvre de Schubert. De petits meubles en bois des Iles, et d'un travail précieux, complé taient ayee quatre magnifiques gravures la décoration du salon. Celaient les portraits de Schiller, de Beethoven, de Mozart et de Gœthe. Ils avaient peine eu le temps de jeter un regard autour d'eux qu'un homme entra dans le salon. Guillaume, qui, dans les objets dont s'était entourée Mra« Stiller, cherchait deviner les modifica tions que l'âge avait apportées dans le caractère de sa compagne d'enfance, ne remarqua pas la contrariété que parurent éprouver le colonel et son neveu, l'aspect du nouveau venu. Celui-ci dont le mouvement avait indiqué la plus vive surprise s inclinait profon dément, lorsque le colonel s'écria de oet accent mêlé de rudesse et de bonhomie si familier aux hommes de guerre Il me parait que Monsieur le baron de Winter ne s'attendait pas rencontrer te colonel Reichdorf et son neveu le lieutenant Franz chez Mm* Stiller. Un regard plein d'autorité accompagnait ces paroles et M. de Winter n'était pas homme s'y tromper. En eflet. Monsieur le colonel, dit-il, quoique rien ne soit plus naturel que de rencontrer près de Wagram, le plus brave soldat de cette graaide journée. Mm* Stiller, qui vient de rentrer l'instant dune longue course, faite cheval dans la plaine, m'a chargé de recevoir ses hôtes et de leur faire agréer ses excuses pour son ab sence qui ne sera pas longue. Aux premiers mots du baron, le colonel avait froncé le sourcil et jeté sur Mde Winter un de ces regards impérieux, qui ne devaient éelaiter que rarement son noble visage. Nous attendions, Monsieur, répondit il un peu sèchement. Quelques instants s'écoulèrent sans que personne rompît le silence. Enfin un pas léger se fit entendre dans la piece qui précédait le salon. Le regard du colonel et de ses deux jeunes compagnons se touinèrént vers la porte, qui s'ouvrit aussitôtet Mme Stiller parut devant eux. (La suite au prechain n°«)

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