7e ANNÉE. - N° 655. INTÉRIEUR. LA CHATELAINE DE WAGRAM. DIMANCHE, 15 AOUT 1847. JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT. Feuilleton. On s'abonne Ypreb, Marché au Beurre, 1et chez tous les per cepteurs des postes du royaume. prix de l'abonnement, par trimestre. Pour X prèsfr. 5-00 Pour les autres localités 6-00 Prix d'un numéro0-25 Tout ce qui concerne ta rédae- tion doit être adressé, Jranco, i l'éditeur du journal, i Ypres. Le Progrès parait le Diman che et le Jeudi de chaque semaine. prix des insertions. Quinze centimes par ligne. vires acquirit eundo. YPKESle 14 Août. LE MINISTÈRE LIBÉRAL. Après deux mois d'interrègne ministériel, lin nouveau cabinet vient d'être constitué. Le Moniteur, par un tirage extraordinaire, vient de publier les arrêtés qui acceptent la démission des six-Malou et de leurs deux acolytes, les ministres d'état I)eMuelenaere et D'Huart.et nomment M. Rogier ministre de l'inté rieur, M. De Haussy, ministre de la justice, M. D'Hoffschmidtministre des affaires étran gères, M. Veydt, ministre des finances, M. Frère-Orban, ministre des travaux publics et M. le général Chazal, ministre de la guerre. Trois gouverneurs ont obtenu la faculté de faire valoir leurs droits la retraite et deux sont remplacés: M. DelaCoste, gouverneur de Liège par M. DeMacar, et M. Mercier, gouverneur du Ilainaut par M. Dumon-Dumorlier. Per sonne n'est définitivement nommé pour rem placer M. Desmaisières, au gouvernement de la Flandre-orientale. Le ministère libéral n était pas constitué que déjà les feuilles qui, sous un masque libéral rendent tant de bons et loyaux services au parti clérical, comme le Politique, le Journal d'An versle Journal du Commerce d'Anvers s'ac cordaient trouver la composition du cabinet d'une faiblesse évidente et d'une insuffisance constatée. Ces journaux qui portaient aux nues les six-Malou, sont, comme vous voyez, difficiles contenter, el cependant les successeurs de leurs patrons, dont quelques-uns doivent encore faire leurs preuves dans la carrière politique sont pour le moins précédés d'une réputation de capacité, d'activité el de talent qui égale, si elle ne surpasse, celle qu'on accordait aux mi nistres catholiques. M. Charles Rogier est connu, nous n'avons pas besoin de nous occuper de sa carrière poli tique. Aussi longlempsquelaquesliondiploma- tique n'était pointdéfinitivement résolue, il a cru convenable de ne pas altirer l'attention du pays sur la question intérieure mais le débat avec la Hollande terminé, un des premiers, il a arboré la bannière libérale et le paysfrappé comme par une secousse électrique s'est reveillé. Il y a six ans, il fut expulsé violemment et inconsti- tulionnellement du ministère par le sénat, organe du clergé et de l'aristocratie. Aujour d'hui il y rentre, porté par les élections qui depuis celle époque ont entamé la majorité catholique de façon ce qu'elle est devenue minorité. Le ministre de la justice, M. De Haussy, est un des membres les plus influents du parti libéral au sénat. C'est un riche propriétaire, avocat Fontaine-L'Evêque. Il jouit d'une ré putation d'intégrité et de lalentqu'on n'a jamais songé lui contester. Dans l'arrondissement de Charleroyil est un des hommes les plus es timés el les grandes affaires soit commerciales et industrielles de ce district lui passaient pres que toutes par les mains. M. D'Hoefscumidt a déjà été ministre dans le cabinet VandeWeyer. Appelé diriger les af faires étrangères nous le croyons mieux sa place qu'aux travaux publics, où cependant il a laissé des souvenirs très-favorables. M. Laurent Veydt qu'on affecte de présenter comme nouveau a occupé depuis longtemps de hautes fonctions administratives. Rappelons que sous M. Rogier, en 1841, il était directeur des affaires commerciales, que depuis il est resté membre de la dépulation permanente de la pro vince d'Anvers jusqu'à sa nomination de député. Comme ministre des finances 1 nous croyons qu'il a plus cl expérience que ftl. Malou qui, par ses élourderies, nous aurait mené net la ban queroute. Riais RI. Veydt est libéral et il faut le dénigrer; RI. Malou est jésuite jusqu'au bout des ongles, il faut l'encenser. Le nouveau ministre des travaux publics est un homme entièrement nouveau et comme dé puté et comme ministre RI. Frère-Orban, avocat et conseiller communal Liège, vient seule ment d'être envoyé la chambre, mais cet homme jeune encore, a déjà fait ses preuves dans les luttes politiques que la commune a soutenues. Comme avocat, il a la réputation d'être un homme d une capacité éminente et l'aptitude dont il a donné des preuves dans les questions administratives doit faire bien au gurer de son administration future. Il n'aura du reste, pas de peine faire oublier son pré décesseur. Reste M. le ministre de la guerre, le baron Chazal, dont tous se sont accordés dire le plus grand bien. Seulement on rappelait son origine française et il nous parait que si l'on n'a d'autre critique soulever contre ce choix, c'est qu'on a trouvé difficile d'articuler un grief sérieux. M. Chazal, est le fils de ses œuvres. Nommé colonel la révolution, il s'est mis apprendre son mé tier et de l'aveu de ses camarades, c'est aujour d'hui un officier supérieur distingué. Nous avons passé en revue les hommes qui font partie du ministère et nous ne partageons en aucune façon, les craintes des journaux clé ricaux et mixtes que le dépit fait poser en prophètes sans crédit et dont les prédictions malveillantes ne se vérifieront pas. mm i ci ci u u L'on se rappelle la ridicule levée de bou cliers propos des destitutions el des condi tions qu'un ministère libéral voulait soumettre l'assentiment du roi. C'était une atteinte la prérogative royale, une abdication de la volonté royale, enfin on jeta les clameurs les plus ridi cules l'occasion d'un acte qui a toujours été dans les usages constitutionnels, chaque chan gement de ministère. Aujourdhui que des gouverneurs sont mis la retraite et qu'un programme a paru, on ne trouve rien blâmer, toul^st parfaitla personne royale n'çst^lus violentée et l'on ne crie plus l'abdication. Le secret de la comédie est qu'aujourd'huile parti catholique doit abdiquer sa prépondé rance et il se tait, parce qu u esi impuissant. devant l'altitude du pays légal. Il semble peu s'inquiéter comment iront les affaires du pays, mais son égoïsme le poussera faire en sorte qu'elles aillent aussi mal que possible, eu haine de l'opinion libérale. Nous avons lu le programme et nous en sommes satisfaits. Nous aurions désiré peut-être un peu plus de netteté et d'énergie, mais enfin, les promesses faites par le ministère sont celles dont le pays attendait la réalisation depuis long temps; le début surtout nous paraît lucide et très- positif. Le ministère proclame avec M. Guizot que l'état doit être laiceé tient poser nettement et en termes explicitesle principe de l'indé pendance du pouvoir civil tous ses degrés. Or comme ce principe était bien inscrit dans notre pacte fondamental, mais nullement mis en pratique, ce sera la parfaite application de la séparation franche et nette du temporel et du spirituel, qui sera le but dominant du minis tère libéral du 12 août 1847. [Suite.) II. BÉATRIX. Mme Stiller avait alors vingt-deux ans. Appartenant par sa mère la vieille race normande l'Allemagne par son père elle devait se rapprocher et se rapprochait en effet du type de la beauté anglaise, mais sa physionomie et toute sa personne avaient un caractère plus mobile, plus vif, et plus fermement accusé. D'admirables cheveux châtain clair, encadraient de leurs grappes abondantes l'ovale de son visage. A travers des cils longs et soyeux ses yeux d'un bleu très-foncé brillaient d'un doux éclat dans leur orbite allongé. Il y avait de la mélancolie dans son regard mais quand on commençait la connaître, on s'apercevait qu'il n'avait pas dû toujours être voilé par la tristesse. Peut-être même alors pouvait-on soupçonner que sans l'amertume d'une pensée toujours présente, il eût étincelé de flamme et rayonné parfois des éclairs de la gaîté gauloise, formée par la réunion de deux éléments contraires de la verve ironique et delà bonté. Tout eu elle annonçait l'exubérance d'une sève géné reuse, et lesdraperies de sa robe montante dissimulaient mal, même peur l'oeil le plus chaste, la richesse sculpturale des contours qu'elle voilait. Soyez les bien venus, Messieurs dit-elle en s'iuclinant pour répondh; au salut des trois étrangers. J'ai su que l'un de vous avait été pris d'une faiblesse subite et que quelques instants de repos lui étaient absolument nécessaires. On prépare un appartement, et si je n'ai pas l'honneur de vous donner l'hospitalité jusqu'à demain, j'espere que vous accepterez du moins ma voiture qui fatiguera le malade bien moins que le cheval. Franz s'était levé du canapé sur lequel il s'était laissé tomber en arrivani, el dans ce moment il se trouvait demi caché par le colonel. Vous allez au devant de tous nos désirs, Madame, dit celui-ci. Mon neveu et moi nous sommes pénétrés de tant de prévenance et de bonté. Alors cédant cet instinct, qui attire les natures généreuses vers ce qui souffre Mrae Stiller fit un mouvement pour s'approcher de Franz. Le colonel s'écarta el Béatrix se trouva devaut le jeune homme. Seul le malade eût pu remarquer la rougeur qui se répandit sur le visage de son hôtesse mais il n'était pas assez maître de lui- même pour surprendre le secret d'un autre. Un léger mouvement avait suffi du reste pour révéler la surprise de M,ue Stiller aux spec tateurs indifférents de celle scène. Je devrais m'excuser, Madame, de l'embarras que je vous apporte dit Franz d'une voix où perçait malgré lui son émotion mais je suis trop frauc pour vous dire que je regrette de vous avoir dérangée, lorsque je remercie le hasard de s'être chargé de me pré senter chez vous. Le colonel sourit. Voyant que la conversation allait prendre une tournure gênante pour Mm« Stiller, il se hâta d'intervenir. J'allais vous apprendre, Madame, dit-il, que mon neveu avait comme vous du sang français dans les veines. C'était un nouveau droit votre bienveillante indulgence mais je ne serais pas étonné que sa réponse vous eût déjà fait soupçonner son origine. Eu véritéMonsieur, s'écria Béatrix, vous aussi yous tiendriez la France J'y suis né Madame répondit Franz avec un accent qui trahissait autant de douleur contenue qu'il y avait eu de joyeuse surprise dans l'élan de Béatrix. C'est ma patrie et je l'aime quoi qu'elle ait proscrit mon père et qu'elle l'ait laissé mourir dans les tortures de l'exil. Ah pardonnez-moi, Monsieur, dit Béatrix, d'avoir réveillé de tels souvenirs. J'en suis du reste punie. Vos paroles me rappelent ce que mon père aussi a souffert. Il a été proscrit comme le vôtre et comme vous avez trouvé un refuge en Allemagne, qui est sans doute le pays de votre mère, il fut obligé de chercher un asile en France le pays de la mienne. Oui oui! murmura Franz la tête inclinée c'est un rapport dans notre destinée. Le ciel vous préserve Madame qu'il y eu ait d'autres Le baron d e Winter était appuyé dans une altitude froide et grave contre la cheminée. L'impression singulière qu'avaient paru res sentir Franz et Mme Stiller ne lui avait pas échappé, et il ne les avait un instant quittés des yeux que pour jeter un regard scrutateur sur Guillaume. Mais malgré l'impassibilité dont il semblait s'être fait une habitude et une loila physionomie de ce personnage trahit clairement le sarcasme arrêté sur ses lèvres lorsqu'entraîuée par la conversation, Béatrix compara le sort de son père celui du père de Franz. Fort heureusement, avant que la situation ne fut devenue difficile, on vint avertir que l'appartement préparé pour le jeune malade était en état de le recevoir. Le colonel et son neveu se levèrent el sortirent du salon. Us avaient peine disparu, que le baron regarda Guillaume avec surprise et comme choqué de voir qu'il ne les suivait «pas. Guillaume remarqua cc mouvementsembla en pénétrer le sens et répondit

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