INTÉRIEUR.
LA CHÂTELAINE DE WAGRAM.
T ANNÉE. - N° 658.
JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
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JEl'DI, 26 AOUT 1847.
Tout ce qui concerne la rédac
tion doit être adressé, Jranco, A
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che et le Jeudi de chaque semaine.
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TIRES ACQIJIRIT EUNDO.
YPRES, le 25 Août.
LE PROGRAMME DU MINISTERE LIBÉRAL.
La presse cléricale se livre depuis quelques
jours de plaisantes évolutions. Il faut qu'elle
ait la conviction intime qu'elle ne s'adresse
qu'à de bonnes gens qui, sous le couvert de la
religion, acceptent comme articles de foi, les
inconséquences les plus étranges, les palinodies
les plus effrontées. On n'a pas encore oublié les
clameurs que souleva dans le camp catholique,
ce qu'on nommait l'outrecuidance de l'honora
ble M. Rogier, de vouloir soumettre l'assen
timent de la couronne le programme du minis
tère qu'il était chargé de composer. Ces
journaux catholiques qui aujourd'hui approu
vent et louent les principes gouvernementaux
proclamés par M. Rogier, il y a tout au plus
un an ne trouvaient pas d'expressions assez
énergiques pour exhaler leurs craintes hypocri
tes l'endroit des condilionsque M. Rogier met
tait l'avènement d'un ministère libéral au
pouvoir.
Qui ne se rappelle le tollé discordant que les
écrivains vertueux entonnèrent contre les au
dacieux qui voulaient mettre la couronne en
tutelle parce qu'ils exposaient respectueuse
ment Sa Majesté, qu'ils ne pouvaient conserver
dans leurs fonctions, les liants fonctionnaires
et agents politiques qui s'étaient montré les
ennemis les plus acharnés des principes libé
raux. Le parti catholique a trouvé plaisant
d'imposer un cabinet libéral les créatures
qu'il avait fourrées partout, et pour y parvenir
le mot d'ordre leur a été donné de ne pas rési
gner leurs fonctions et d'attendre une destitu
tion. Déjà le ministère a fait preuve d'énergie,
en révoquant trois gouverneurs et si deux
autres sont restés en fonctions ça été un
acte de déférence du ministère envers la cou
ronne. Bien tort, elle désirait le maintien de
deux hauts fonctionnaires qui, en adhérant au
programme ont prouvé qu'ils voulaient tom
ber aussi bas que possible dans l'estime de leurs
administrés.
Eh! bien, aujourd'hui que des coryphées du
parti catholique tels que Delacoste, Desmaisiè-
res et Mercier, peuvent faire valoir leurs droits
la retraite, ces mêmes carrés de papier béni qui
trouvaient la demande des pouvoirs l'effet de
mettre le ministère l'abri de l'hostilité ouverte
et patente des fonctionnaires, une atteinte la
prérogative royale, aujourd'hui laissent passer
sans critique ce qui, l'an passé, était qualifié
d'énormité sans exemple.
Non-seulement le programme du ministère
actuel paraît satisfaire le libéralisme, mais les
feuilles cléricales elles-mêmes se mettent
l'unisson pour l'approuver. Tous les principes
qu'il contient sont les nôtres, disent les adhé-
rentsdu pouvoir déchu, oui nous voulons comme
le libéralisme, que l'état soit laïc. A la bonne
heure nous savions bien que la Constitution
prescrivait aux Six-HIaloucomme aux minis
tres libéraux lïndépendance du pouvoir civil.
Mais cet égard, il existe une différence dont il
faut tenir compte. Pendant dix-sept ansen
réalité l'état était absorbé parle haut clergé, qui
donnait des ordres servilement suivis par pres
que tous les ministres, jésuites affiliés pour la
plupart. Cet ordre de choses changera non en
principe mais en faitet l'indépendance du
pouvoir civilde fiction inconstitutionnelle
qu'elle était, deviendra une vérité.
Actuellement les feuilles dévouées aux adver
saires du libéralisme affectent de se montrer
très-satisfaites des intentions énoncées dans le
programme. Nous y voyons, nous, une rouerie
qui ne tardera pas se dessiner. En caressant
le nouveau ministère, ne supposez pas que ces
doucereux apôtres soient les ennemis moins
haineux de l'opinion libérale. Il n'en est rien,
les louanges qu'on prodigue aux ministres n'ont
d'autre but que de Lâcher de les rendre sus
pects leurs amis et de donner la presse
cléricale un vernis d'impartialité qui ne durera
pas longtemps. Peu s'en faut que ce programme
n'aille tellement la taille des catholiques,
qu'ils n'aient envie de le faire leur. On n'ira
pas jusque là, mais puisque tous les principes
qui sont énoncés dans le programme méritent
leur approbation que ne les mettaient-ils en
pratique
Nous pouvons le dire, avec une joie sincère
nous avons vu arriver au pouvoir l'opinion
libérale, ses hommes et ses principes. Nous
avons fait un examen attentif du programme
que le ministère a publié son avènement, et
nous pouvons avouer que ce sont là les prin
cipes qui doivent guider une administration
libérale. Ces principes sont les nôtres, nous les
avons défendus, quand ils n'avaient pas chance
d'obtenir la majorité au parlement, et nous
continuerons les préconiser, les populariser,
alors qu'ils vont quitter le domaine de la théo
rie, pour entrer dans celui de la pratique.
Souvent nous avons été accusés, par nos en
nemis politiques, d'être des anarchistes des
septembriseurs, que sais-je, toutes les qualifi
cations qu'on donnait aux terribles meneurs de
la révolution françaisene paraissaient pas
assez virulentes pour bous dépeindre nous et
nos opinions. Aujourd'hui que le gouvernement
ne sera que le représentant de ces idées que
diront les Baziles qui nous ont traités de révo
lutionnaires pour les avoir défendues, eux qui
si souvent se sont posés seuls en défenseurs des
idées gouvernementales, dédaignant de s'expli
quer, quand on leur soumettait humblement la
question de savoir, s'il n était point prouvé que
le système cl#ical, pendant un règne de dix-
sept ans, ne soit parvenu miner l'antique
splendeur de la Belgique et la réduire la
besace.
La faction clérico-politique ne peut se ré
soudre accepter la position que lui a faite la
volonté nationale, lors des élections du 8 Juin.
A l'entendrec'est par surprise que les libé
raux ontobtenu la vicloire: leur presse a retenti
de déclamations absurdes, mais sonores, et
assez spécieuses, pour tromper la crédulité dos
bonnes gens.C'est ainsi, dit entr'aulres le
Journal d'Anvers, que les feuilles libérales ont
placé la Belgique dans une situation anormale,
impossible et qui, fort heureusement, n'a nulle
chance de durée.
Ce qui est impossible aujourd'huic'est le
retour d'un gouvernement théocratique, tel que
le rêvaient hier encore, certains hommes pour
lesquels les leçons de l'histoire et de l'expérience
n'ont nulle valeur.
Nous l'avons répété cent foisla théocratie
n'est plus dans nos mœurs, elle est incompatible
aveefespritet les lumières du siècle, elle froisse
de trop près les exigences de la liberté il y a
plus, son intrusion dans l'administration civile,
acceptée dans d'autres temps, ne peut plus dé
sormais que porter de graves atteintes au dépôt
sacré de la croyance publique, en ce sens que
le peuple, en s'habituant considérer les dé
positaires de la foi commedes agents politiques,
leur refuse bientôt la confiance et le respect
qu'il accordait naguère un rôle plus noble.
Déclamations que tout cela, nou3 diront nos
adversaires les libéraux se créent des fantômes,
pour se donner le plaisir de les combattre; celte
invasion de l'action spirituelle dans le domaine
politique n'existe que dans l'imagination des
rédacteurs de certaines feuilles qui, en 93, eus
sent été de dignes auxiliaires de la Montagne et
des Jacobins. Les comices ont toujours clé libres
jamais on n'a tenté de proscrire l'opinion
libérale les ministres, les mandataires de la
nation, les hauts fonctionnaires n'ont jamais été
les instruments d'une camarilla et c'est tort
qu'on a démontré la tribune nationale l'exis-
Feuillcton.
III. une nuit chez beatrix. (Suite.)
Quand il se fut acquitté de ce pieux devoir,il revint la maison
mortuaire. Suivant son intention, je m'y trouvais encore. La veuve
tte cessait de pleurer et moi je gardais le silence plutôt que de
troubler par une parole banale cette douleur si profonde et si vraie.
Gomment vous dire ce qu'à l'aspect de cet'.e désolation le prince
trouva dans son cœur de religieuse et tendre éloquence Jamais je
a'ai entendu la sainte charité se révéler avec plus de grandeur dans
!a parole humaine On est uue nature bien privilégiée quand on
rouvedansseseutraillestantdesympalhie pournnesi humble misère!
Cette scène est restée gravée dans ma mémoire. J'y ai pensé
souvent, et quoique cette époque l'altération de la santé du prince
fût peine sensible, j'ai tout de suite eu le pressentiment de l'avenir.
Quelque chose m'a dit dès lors qu'il était condamné lui-même et
t- lui ai de ce jour accordé un intérêt affectueux plus tendre peut-
ître que la sainte amitié et plus différent encore d'un autre senti
ment.
Ce récit fait avec cette grâce touchante dont une femme de cœur
a seule le secret avait ému Guillaume.
Ah Madame dit-il d'un accent pénétré, que vous Savez bien
honorer une noble action et qu'on doit être heureux d'être plaint
par vous!
Ces mots enthousiastes produisirent un instant de silence.
Depuis quelque temps ils étaient revenus sur leurs pas; ils se trou
vaient en ce moment auprès de la maison.
Rentrons dit Béatrix. On ne tardera pasje pense, servir le
dîner.
Prémices de la passion quel charme vous répandez sur les plus
humbles détails de la vie A ceux qui ont goûté celte secrète joie
d'être dans tm repas le serviteur attentif de celle qui doit bientôt
rendre indifférent et dédaigneux pour toutes les-autres femmes
ceux qui ont savouré cette ivresse, nous n'avons rien dire de celle
de Guillaume.
Ils parlèrent peu. L'amour naissantqui s'épanche avec tant de
magnificence en face de la nature se sent mal Taise entre quatre
murailles car tout lui rappelle alors les entraves de la vie sociale.
Aussi dès que le repas fut terminé Guillaume s'empressa de
proposer une nouvelle promenade dans le parc et Béatrix de l'ac
cepter.
La nuit était venue une nuit pure et claire. Semées profusion
sur l'azur du ciel, dont la nuance un peu terne rappelait qu'on était
en automne les étoiles brillaient de leur plus vive lumière et des
millions d'astres inférieurs, roulant autour d'elles comme autour
d'autant de soleils, glorifiaient l'amour en cédant l'attraction uni
verselle. Le ciel se mirait dans l'étang au milieu des images des
arbres, qui s'y réfléchissaient avec des formes bizarres. Dans le parc
une molle brise, passant sur la cime des pins, envoyait l'oreille
ravie un murmure semblable celui d'une mer, qui dans le lointain
eût amoureusement caressé le sable de son rivage.
Peut-être ne savez-vous pas Madame dit Guillaume, que je
suis un marin d'eau douce consommé. Il ne nous reste plus pour
compléter les plaisirs de la journée qu'à faire une promenade sur
l'étang. Voulez-vous que nous détachions la barque au risque de
réveiller vos cygnes?
Y ous allez an-devant de ma pensée. Cette eau si calme, qui
la nuit donne la profondeur du ciel, m'attirait par je ne sais quel
charme mystérieux.
Le vicomte détacha la barque, Mme StiHer s'y assit près de lui, et
il rama doucement sans éveiller d'écho 6ans troubler les Oudines
cachées dans les roseaux et les iris.
La brise, qui devenue plus forte commençait rider la surface de
l'étang, leur apportait dans sestièdes bouffées les lus suaves senteurs
des prairies et des bois. L'éther invisible répandu dans l'espace
énervait les sens et provoquait une voluptueuse langueur.
Guillaume abandonna bientôt les rames et s'approcha de M"3*