INTÉRIEUR.
LA CHATELAINE DE WAGRAM.
7e ANNÉE. - N9 6o9.
DIMANCHE, 29 AOUT 1847.
JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
On s'abonne Ypres, Marché
au Beurre, 1, et chez tous les per*
cepteurs des postes du royaume.
TRIX DE L'ABONNEMENT,
par trimestre.
Pour Y prèsfr- 5-00
Pour les autres localités 6-00
Prix d'un numéro0-25
leFro
Tout ce qui concerne la rédac
tion doit être adressé, Jranco,
l'éditeur du journal, Yprea.
J,e Progrès paraît le Diman
che et le Jeudi de chaq ne semaine.
prix des insertions.
Quinze centimes par ligne.
Vires acquirit EtNbo.
ÏPRÉS le 28 Août.
Î1 avait été arrêté par la Société de l'Union
médico-chirurgicale d'Ypres et de son arron
dissement. dans ses séances du 24 Juillet et du
6 Août 1846, (constatépar procès-verbal siqné
par tous les membresqu'un institut, ou dis
pensaire ophtalmique, serait établi en ville sous
ses auspices.
Aujourd'hui ce projet vient de se réaliser, et
la régence a désigné un local cet effet dans la
maison de ville, où ses consultations gratuites
seront données aux indigents de l'arrondisse
ment, atteints de maladies oculaires.
La société animée de vues philantropiques
plus étendues, admettra indistinctement ses
consultations, tous les indigents qui se présen
teront atteints d'autres maladies.
Ses séances auront lieu le Samedi, de 1 2
heures, et le Dimanche de 11 12 heures,
compter du samedi 4 Septembre prochain.
T" Ti
On nous écrit de Messines, 27 Août
11 est beaucoup question ici, depuis quel
ques joursde la convocation extraordinaire
prochaine de l'assemblée des électeurs, en vertu
d'une décision du conseil communalart.
20, 2, de la loi communale, sur l'initiative
prise par le bourgmestre, conseiller provincial,
l'effet de pourvoir aux places devenues
vacantes.
Notre conseil, composé de 9 membres, art.
4, loi susdite n'en comple que 7 en fonc
tions, art. 64, par suite du décès de
MM. Victoorel J. Coisne, respeclivement bourg
mestre et échevin. Si, comme on l'assure, M.
P. Logie, chirurgien-accoucheur, l'un des con
seillers actuels, donne sa démission, il y aura
pourvoir, aux termes de la loi, trois places de
conseiller. En outre, M. Ch. De Neckere, second
échevin, ayant été nommé bourgmestre, l'admi
nistration communale se trouve de fait, sans
échevins, et le collège, réduit un seul
membre, au lieu de trois. 11 est inutile d'ajou
ter que cet état de choses est non-seulement
anormal, mais contraire, préjudiciable même,
aux intérêts sainement appréciés et bien enten
dus de la chose publique. Aussi, ne saurions-
nous trop féliciter le jeune chef de l'adminis
tration de la commune de l'initiative qu'enfin
il a prise.
Nous disons enfin, parce que cette sage me
sure n'a été que trop longtemps ajournée. Il
est vrai qu'en présence des conflits nés des hos
tilités inqualifiables que s'étaient permises cer
tain haut fonctionnaire et ses agents, sous
le coup de menaces et de brutalités, leurs dignes
corollaires, surtout, le ministère des Six-Malou
encore debout, bien que démissionnaire depuis
le 12 Juin, il eut, peut-être, été aussi inop
portun de procéder la convocation extraor
dinaire des électeurs en vertu des pouvoirs
légaux du conseil, que dangereux, en complé
tant ainsi le conseil, de laisser, par là, aux
hommes du trente et un Mars, au gouverneur,
au commissaire d'arrondissement surtout, leurs
dévoués et dignes représentants, une marge
d'autant plus large la nomination des deux
échevins manquants.
Quoiqu'il en soitla majorité libérale est
incontestable, ici, parmi le corps électoral. C'est
un fait acquis et d'une grande portée. Force est
bien, malgré qu'ilsen aient, M. le commissaire
susdit et ses agents et partisans, d'en prendre
leur parti d'en faire leur deuil et cela
aujourd'hui plus que jamais.
Aussi, n'avons-nous ni doute, ni crainte sur
le résultat des prochaines élections. Tout le
mauvais vouloir accoutumétoutes les ancien
nes intrigues, viendront échouer contre l'union,
contre la volonté de la majorité. D'ailleurs, et
plus que jamais aussi, nous le répétons,
les influences cléricales sont devenues antipa
thiques, impuissantes; et le pouvoir d'une
certaine coterie, suffisamment connu-, et d'un
certain haut fonctionnaire, qu'il est inutile de
désigner, plus explicitement, est un pouvoir
Usé, déchu, complètement annihilé!...
Finalementnous avons tout lieu d'espérer
que les noms de MM. Florimond Tibaux-
Godlschalck tanneur-corroyeur Vestibule-
Couvreurnégociant, et Delannoyfermier-
propriétaire, candidats portés par la majorité,
sortiront de l'urne du scrutin. Espérons éga
lement que le conseil communal, complété,
en présence des conflits provoqués et des inqua
lifiables hostilités auxquels il est fait allusion
ci-dessusn'hésitera pasprenant son tour
une louable et nécessaire initiative, de propo
ser directement, lui-même, au gouvernement,
les deux candidatures échevinales que la voix
publique désigne et réclame.
Puisque nous parlons de la voix publique, et
par transition quelque brusque qu'elle puisse
paraîtren'oublions pas de dire que générale
ment on blâme, ici dans le canton, MM. les
notaires et leurs clientèles en tête, que le bu
reau de l'enregistrement, Messines, soit établi
précisément chez la veuve du notaire-bourg
mestre tenant elle-même avec un ancien
clerc, aujourd'hui candidat-notaire, un bureau
d'agence d'affaires, etc. On trouve, et nous
sommes de cet avisque, par là le secret des
affaires, transactions, etc., pourrait n'être pas
suffisamment sauvegardé, du moins en appa
rence et qu'il pourrait, Id longue et de cd
chef, s'établir, au détriment des intéressés, und
concurrence quelque peu en dehorsqu'il est
toujours aussi sage que prudent et légal de ne
pas laisser soupçonner même... Enfin, on
trouve, et c'est encore notre avis, que, saine
ment interprété et appliqué, l'esprit, sinon la
lettre des règlemenls et usages sur la matière,
c'est-à-dire, dans l'administration des finances,
s'oppose ce qu'un bureau de lenregistrement
soit établi au même local cl dans la même de
meure où se tient tout autre bureau, nommé
ment une agence d'affairesune élude de
notaire, etc. Au besoin les intéressés se pro
posent d'adresser, cet égard, leurs récla
mations au nouveau ministre des finances, M.
Laurent Veydt,qui, lui, n'en douions pas, saura
bien y faire droit et justice car le règne des
passe-droits^ du favoritisme, des injustices et
des iniquités est passé!...
On cherche répandre le bruit, dans nô
tre canton, que M. Jules Malou, l'ex-ministre
des finances, imitant en ceci, la générosité de
M. le comte Félix de Mérode, quicomme on
le sait, renonça son indemnité de membre
du gouvernement provisoire a l'intention de
renoncer, lui, sa pension d'ancien ministre
ayant exercé durant deux ans. Toutefoison
ne dit pas en faveur de qui l'ex-ministre des
finances ferait cette renonciation, ni si elle se
rait temporaire ou absolue. Franchement, nous
avons grand'peine croire la bonne nouvelle
que se plaisent répandre les amis politiques
Feuilleton.
III. une nuit chez beatrix. [Suite.)
Comme il se faisait lard Guillaume après quelques instants se'
leva pour prendre congé de Mme Stiller. Mais depuis qu'ils étaient
l'entrés la brise s'était changée en un vent impétueux, dont la
violence croissait de plus en pluset le ciel si pur une heùre aupa
ravant était devenu sombre et menaçant. Tout coup l'orage éclata
avec celte furie qui fait parfois de ces convulsions de la nature tint
spectacle majestueux et terrible. La pluie tombait en nappes et
malgré les ténèbres épaisses de la nuit, la plaine du Marchfeld appa
raissait comme un Vaste lac la lueur des éclairs qui se suivaient
avec une effrayante rapidité.
Vous ne pouvez songer retourner Vienne, Monsieur dit
Béatrix. Rien n'est préparé chez moi pour vous recevoir, mais vous
seicz indulgent pour mon hospitalité. Permettez-moi de vous laîsser
quelques instants, je vais donner des ordres nécessaires.
Guillaume s'inclina. M,ne Stiller sortit. Lorsqu'elle rentra son
hôte s'était approché du piano et feuilletait de la musique. Ce fut
pour eux l'occasion d'une digression sur les compositeurs qui jouis
saient aloisde la vogue en Europe. Ameuée parler de Schubert,
que Nourritle généreux artiste n'avait pas encore révélé la
France Mmr Stiller montra de sympathie et d'enthousiasme pour
ce génie mélancolique que Guillaume ne put s'empêcher d'en té*
moigtier de l'étonnement.
Eh quoi n'avez-vous jamais rien entendu de Schubert
demanda Béatrix.
J'ignorais jusqu'à son nom Madame.
Lh bien vous allez juger vous-même delà justice de vos com
patriotes dont le'jugement est aujourd'hui souverain dans les arts
et qui ne se doutent pas même de l'existence de Schubert. Je prends
au hasard dans mes mélodies, et tenez, je ne pouvais pas mieux
tomber. En voici une tout fait de circonstance. Les paroles sont
de notre grand poète Frédéric Schiller.
Elle s'assit aloii devaut le clavier. Un prélude simple et triste
jaillit sous ses mains harmonieuses puis d'une voix douce et pure
elle commença le# plaintes de la jeune fille
L'orage en passant fait gémir le feuillage
El moitristement je m'as>ieds au rivage
Les flots avec éclat ont mugi furieux.
Quelle nuit! Je ne vois ni la mer ni les cieux
Et des pleurs sans témoins couleront de mes yeux
cet endroit elle se retourna sans interrompre l'accompagnement
pour interroger Guillaume du regard il écoutait aVeo une émotion
dont Béatrix lui sut gré. La musique ramenait les paroles elle
poursuivit
Que nons servent les pleurs quoi bon en répandre
Les mots tant plcurés peuvent-ils nous entendre
Les sanglots ce vers lui coupèrent la voix; ses uiains abandonnè
rent le piauo, dont le dernier accord s'éteignit avec un son plaintif.
Il y avait bien longtemps que je n'avais citante cette mélodie,
dit-elle après un court silence, je l'avais entièrement oubliée;
autrement j'aurai bien vu de soite que je ne pouvais pas l'achever.
Us se turent encore pendant quelques instants, Gardeville désirait
et ne savait pourtant comment faire cesser celte situation pénible.
Tcuez, Guillaume, dît tout coup Béatrix d'une voix profondé
ment émue, vous qui avez été l'ami, presque le frère de mon enfance,
si douloureux que soit le souvenir que je vais évoquer il faut que
vous connaissiez l'affreux événement dont l'ombre lugubre s'étend
sur ma destinée, et qui, je dois le craindre, hélas pèsera sur ma vie
entière.
Vous savez la soitc de quels événements mon père avait été
forcé de quitter l'Allemagne. Lorqu'on lui permit enfin d'y rentrer,
il ne tarda pas regretter avec amertume l'hospitalité de la France.
Presque tous ceux qu il ayai! eu l'occasion d'obliger dans sa lougue
carrière et le nombre en était grand continuèrent de se moutrer
seS ennemis lès meilleurs se contentèrent de roiigir d'avoir été Ses
amis. Plus d'une fois, malgré l'adoucissement que les anuées appor
tent aux haines politiques, son âge ne suffit pas le mettre couvert
de lâches incultes. Sa mort même ne désarma pas toutes les haines.
Un jour que je passais en calèche aveo mou mari dans une des allées
du Prater, un groupé d'officiers qui Se trouvait devant nous s'arrêta.
Déjà leurs regards seuls étaient pour moi une mortelle offense, quand
l'un d'eux s'écria
Comment n'a-t-on paSfuit rendre gorge ce vieux Hoffmann
C'est une honte que 1 étalage d'un tel luxe malgré son infâme ori«<
giue!
Au ton dont ces paroles étaient dites aucune d'elles ne pouvait
être perdue pour moi. La veille par un hasard fatal je m'étais
prononcé sur le duel de manière que mon mari ne pouvait reculer
sans être sur de perdre mon estime. Je ne pouvais prendre sur mol
de l'engager mépriser cette insulte; il en demanda raison mais
le malheureux ne savait se servir d'auenue armeC est ainsi
Monsieur que je suis devenue veuve dix-neuf aus uu an après
avoir perdu mou père.
C'est affreux dit Guillaume. Les misérables les lâches in
sulter une femme assassiner un homme qui île sait passe défendre!
Oh! si j'avais été là ils eusseut payé cher leur insolence!
Ne vous battez jamais, murmura Béatrix moius que vorus
n'aimiez personne dans le inonde.
Cependant l'heure de se retirer était arrivée. Réatrix sonna sa
femme de chambie et lui ordonna de conduire Guillaume l'ap
partement qui lui était desliué.
l orsqu'ils y furent entrés la jeune fille posa sur la cheminée unt
des flambeaux qu'elle tenaitet parut attendre les ordres de Guil-
laume.
Monsieur ne désire-t-il rien demanda-t-elle.
Rien, mon enfant; je vous remercie et yous souhaite le boa sonv
La servante ne bougeait pas.