LA CHATELAINE DE WAGRAM.
JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
INTÉRIEUR.
YILLE D YPRES. conseil coinmjifAx..
7e ANNÉE. - N° 662.
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LePro
JEl'DI, 9 SEPTEIIRRE 1847.
Tout ce qui concerne la redao-
tiou doit être adressé, Jraneo, i
l'éditeur du journal, Y près.
Le Progrès parait le Diman
che et le Jeudi de chaque semaine.
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Quinze centimes par ligne.
vires acquirit eundo.
YPKES, le 8 Septembre.
Qui ne se rnppelle l'approche de l'élection
du 15 Juin dernier, ces cris de désespoir jetés
par le parti clérical, les prophéties sinistres des
feuilles soi-disant catholiques débitées dans le
paroxysme de la crainte de voir arriver le parti
libéral. Le libéralisme triomphant, c'était la
ruine de la religion catholique, la destruction
des églises, la persécution des prêtres, enfin si
l'urne du scrutin était favorable aux libéraux,
désormais on devait le comparer la boîte de
Pandore, car de là devaient s'épandre les mal
heurs effroyables qui allaient terrifier la Bel
gique.
Qui De se rappelle les prédications de ces
prêtres fanatiques, qui, au nom de la religion,
promettaient la damnation éleruelle celui qui
aurait osé voler en faveur des candidats libé
raux. Enfin, s'il s'était agi de sauver le monde,
le clergé ne se serait pas remué davantage pour
obtenir la victoire, et hélas le destin lui fut
contraire et le parti clérical succomba, le mi
nistère DeTheux-Malou déposa ses portefeuilles
entre les mains du roi. La fin de son règne
était sonnée. Dieu veuille qu'il ne revienne ja
mais, il a fait assez de mal la Belgique!
Mais aujourd'hui les libéraux sont aux affaires,
le parti libéral est au pouvoir, les églises sont-
elles fermées, détruites? la religion est-elle
moins honorée, les prêtres sont-ils persécutés,
enfin toutes les horreurs que les libéraux, ar
rivés au pouvoir, devaient commettre, en voit-on
seulement l'apparence? Où sont ces bourreaux,
ces guillotines qui devaient se promener sur les
places publiques et renouveler les sinistres
massacres delà Terreur où tout cela setrouve-
t-il? Ah! vils histrions vous jouiez la comédie,
vous montiez les imaginations contre les libé
raux grand renfort de calomnies! Vous n'i
gnoriez pas que vos prédictions étaient fausses,
mais de la calomnie, n'est-ce pas, Baziles, il en
reste toujours quelque chose.
Quand on repasse dans la mémoire, jusqu'à
quel point des hommes recommandables sous
tous les rapports., ont été calomniés et traînés
dans la boue par des hommes révêlus d'un ca
ractère sacré et qui jamais ne devraient se per-
Feuillefon.
mettre de pareilles infamies, le dégoût vous
saisit et l'on se demande s'il n'y a plus d'impar
tialité attendre de la part de gens arbitres
suprêmes des points les plus délicats de la
conscience; un prêtre dans l'arène politique
serait-il donc un tigre déchaîné, mille fois plus
dangereux que ses autres passions sont plus
contenues?
Que doivent penser maintenant ces bons
électeurs qui, sur le dire de leur curé, ont
ajouté foi toutes ces prédictions effrayantes,
aujourd'hui que tout marche comme de cou
tume et que ces libéraux qui devaient faire tant
de mal, gouvernent avec sagesse et impartialité.
Nous savons bien qu'on essaie d'ameuter l'opi
nion contre quelques mesures du ministère
libéral, mais enfin il ne s'agit que de la mise
la retraite de quelques généraux et jusqu'ici on
n'a pas encore fait sauter les églises l'aide de
la mine. On a mis de côté quelques commis
saires de district, mais cela ne peut se comparer
la persécution des prêtres et surtout on ne
peut mettre eet acte sur lamêmeligne que cette
effroyable catastrophe qui devait nous arriver
avec l'avènement des libéraux au pouvoir, la
ruine complète de la religion
Nous concevons que toutes les mesures que
prendra le ministère libéral dans le but de se
garantir des intrigues qu'on pourrait ourdir,
ne seront pas du goût de ces honnêtes jour
naux cléricaux, dont la loyauté jésuitique est
si bien appréciée. 11 eut été bien plus agréable
au parti catholique-politique de voir rester en
fonctions ces honnêtes gouverneurs qui ont
joué tous les rôles. On en a laissé deux la tête
d'un gouvernement provincial et l'adhésion de
ces hommes au programme libéral est un acte
de démoralisation tel, que lesjournaux devraient
conspuer ces tristes sycophantes devenus libé
raux de circonstance. Les feuilles cléricales qui
trouvent le système destitutionnel si défavorable,.
comment qualifient-elles ce genre de tourner le
dos aux battus du 8 Juin et de reslér en place
pour trahir la première occasion les vain
queurs, auxquelson afait semblant deserallier?
Les personnes qui voudraient prendre des
actions pour 1 exposition de l'industrie nationale
sont informées qu'une liste de souscription est
ouverte cet effet au bureau du secrétariat de
l'administration communale.Le délai en déans
lequel la liste devra être close est près d'expirer.
Peut-être commettons-nous une indiscrétion,
mais nous ne pouvons résister au désir de com
muniquer nos lecteurs les impressions que
nous avons ressenties eu admirant une statue
monumentale sculptée en pierre de France,
représentant Notre Dame de Thnyne, et dont
l'exécution est due au ciseau déjà si habile d un
de nos jeunes compatriotes, le sieur Edouard.
Fiers d'Ypres.
Celte vierge destinée orner la belle façade
de notre hôtel de ville, a onze pieds d'élévation.
Rien la fois de si beau, de si correct et si na
turel, rien de plus majestueusement imposant
que les traits, les draperies et la prestance de
la puissante protectrice de notre antique cité
c'est bien là, la reine de la terre et des cieux,
la Notre Dame aux palissades, telle que la
poésie la plus chrétienne a pu la rêver, telle
enfin qu'elle a dû apparaître nos ennemis
consternés.
Quoique l'art n'ait pas besoin de s'envelopper
des formes colossales pour émouvoir l'âme et
exciter l'admirationnous devons cependant
reconnaître, que rien ne surpasse le grandiose
pour les sujets leîigieux; lui seul, selon nous,
peut inspirer cette vénération profonde qui est
due une religion où tout est grand, où tout
est large et dont les moindres dogmes sont im
mortels.
Pour ce qui est de Monsieur Fiers, nous, qui
avons vu sa vierge de Thuyne, nous n'hésitons
point le dire dès présent: il y a en lui tout
ce qu'il faut pour faire un grand et poétique
artiste; il possède ce qu'en termes d'art on ap
pelle le feu sacré. Courage donc, jeune homme,
ta première œuvre importante est déjà digne
d'un ciseau de maître, courage, et travaille, ta
ville natale attend beaucoup de ton avenir
Séance publique du Lundi, 6 Septembre «847.
Présents: MM. le baron Vanderstichele de
Maubus Bourgmestre président Alphonse
Vanden Peereboom et Iweins-Hynderick, éche-
vins Gérard Vandei meersch, Théodore Vanden
IV. schoenbrunn. ►- [Suite.)
Le jeune duc accueillit avec une gracieuse bouté l'hommage de
Guillaume, puis il serra la main de l'archiduc Charles avec un
affectueux respect.
Frauçois, dit 1 archiduc, le désir que vous m'aviez témoigné ne
pourra pas se réaliser m. de Gardeville refuse de prendre du service
dans notre armée. C'est uii scrupule que nous devons honorer, car il
prend sa source dans la loyauté et patriotisme.
Le duc tendit la main au vicomte de Gardeville. Bien Mon
sieur, dit-il avec une mélancolie pénétrante. Vous êtes aussi noble
qu'heureux, vous qui refusez de servir l'étranger, et qui pouvez
servir la France
La visite du président du conseil aulique, qu'on vint annonoer
l'archiduc Charles, mit fin l'audience de Guillaume. L'archiduc
ordonna de faire entrer, et se tournant vers Gardeville, il lui dit
Je compte bien vous revoir, Monsieur. Le colonel de Reichsdorf
vous recevra toujours avec plaisir. Celui qui eut 1 honneur de sè
ti ou ver en face d'hommes tel que le jeune Marceau et Napoléon
Bonaparte ne peut qu'apprécier votre belle pairie, et parler avec
respect de si nobles adversaires.
Monseigneur, Marceau est notre gloire la plus pure. Son sou
venir a toujours pour nous quelque chose de sacré. Nul encore après
tant d années ne pat le de sa mort avec indifférence, et la France
reconnaissante n'a pas oublié l'hommage que lui rendit votre altesse
impériale.
Nous allons laisser mon oncle avec M. le président aulique, dit
le duc de Reichstadt. Je vous garde avec moi la journée est belle»
Je vous ferai les honneurs du parc de Schœnbruun,
Je suis aux ordres de V. A. I., répondit Guillaume, et il suivit
le fils de Napoléon.
Arrivés dans un jardin réservé et solitaire, caché clans les beaux
ombrages de cette résidence ils entrèrent dans un pavillon retiré
dont le plafond était décoré d'une aigle aux aîles étendues. La vue
reposait sur un boulingrin de gazon, d'une fraîcheur remarquable,
entouré d'une enceinte intérieure de sapins gigantesques.
J'aime ce petit pavillon dit le prince il m'a été cédé par
l'archiduchesse Sophie, dont il était aussi la retraite de prédilection.
Asseyons-nous et causons mais avant toutj'ai un service vous
demander, un service qui ne touche en rien la politique.
Votre altesse peut se reposer sur moi, répondit Guillaume. Ses
intentions seront fidèlement remplies.
Le prince sourit avec mélancolie.
Savez-vous, M. de Gardeville, dit-il, que j'ai presque regret de
ne pas avoir besoin de vous pour quelque rude épreuve; car en pareil
cas, je ne sais trop qui je pourrai.11, m'adresser. Pour aujourd'hui la
mission dont je veux vous prier de vous charger est simple etje
l'espère, elle ne vous sera pas trop désagréable. Comment, reprit-il,
avez-vous tiouvé la personne chez laquelle nous sommes allés avant-
hier
Belle monseigneur, répondit Guillaume en laissant échapper
un léger soupir,
Oui, belle, répéta le prince avec un mélancolique abandon, belle
inspirer la foi, 1 admiration et le respect.
Le respect pensa Guillaume, que sais-je, hélas
Il n'est pas possible continua le prince, éprouvant auprès de
Gardeville ce besoin d'épanchement et cette confiance instinctive
qu'inspire toujours le contact de deux nobles cœurs, de rêver une
plus douce et plus noble physionomie Avec quelle grâce elle nous a
accueillis quel intérêt délicat elle m'a montré
Aucune femme, en effet, dit Gardeville cédant ses préoccu
pations, ne saurait avoir plus de grâce. Userait malheureux, n'est-ce
pas,que tantdecharme ne recouvrît pas une me l'unisson du corps?
Oh se hâta de répondre le prince avec vivacité, n'en doutez
pas, ses vertus sont encore plus touchantes que sa beauté.
Je n'en doute pas, dit Guillaume avec une imperceptible ironie.
Voici m. de Gardeville quel service j'ose réclamer de vous
reprit le priuce en posant familièrement la main sur le bras de
Guillaume je désire vous charger comme ami d'enfance de mm®
Sliller, de lui porter cette bague en mon nom. C'est un camée
l'effigie de mon père. Vous lui direz combien je serai heureux qu'elle
accepte ce faible souvenir, défaut d'une meilleure preuve de ma
reconnaissance pour sa gracieuse hospitalité» Elle ne sait pas qui je
suis cette bague le lui apprendra.
En effet, monseigneur, hier encore M®« Stiller ne soupçonnait
pas votre rang après votre départM. le baron de Wiuter le lui a
fait connaître. Je ne saurais vousdire combien elle en a paru touchée.
Comment cela demanda le duc avec émotion.
Lorqu'elle vous prenait pour un simple officier de l'armée
autrichienne, Mm# Stiller n'avait pu vous voir sans un profond intérêt
compatir aux plus humbles misères, et trouver pour les consoler de
ces mots que le cœur seul inspire.
Elle vous a donc parlé de moi dit le prince avec une émotion
croissante; elle vous a donc appris dans quelle funèbre circomiafteb"
nous nous étions déjà rencontrés?
Oui, monseigneur, elle m'a tout raconté. Jugez donc de
qu'elle a du éprouver lorsqu'elle a su le nom de ce jeune homme dont
la charité et l'éloquence l'avaieut pénétrée d'une si vive a imita lion.
Je l'avoue c'était elle qui m'inspiraitMonsieur. Daus celte
misérable chaumière, elle apparaissait comme un auge venu pour
enlever au ciel l'âme du pauvre mort, et pour rendre un peu d'espoir
celle qu'il laissait sur la terre.
Pendant que le prince parlait ainsil'altération de sa voix et de
sa physionomie trahissait trop l'émotion que lui causait la souvenir
de Béalrix, pour que Gardeville ne s'en aperçut pas.