INTÉRIEUR.
L& CHATELAINE DE WAGRAM.
DIMANCHE, 14 NOVEMBRE 1847.
JOURNAL DYPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
Feuilleton.
7e ANNEE. - N° 681.
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l'PRESle 13 Novembre.
LE DISCOURS DU TRONE.
L'ouverture de la session offrait celle année
un intérêt saisissant pour le pays. Il s'agissait
de savoir si le parti clérical a tenu bonne note
de la leçon qu'il a reçue aux élections du 8
Juin. Un minislèrelibéral était celte fois chargé
de faire le programme de la session etnous
devons le dire, il s'en est acquitté avec bonheur,
puisque les journaux catholiques ont laissé per
cer leur mauvaise humeur de n'avoir rien trouvé
critiquer dans ce document. D'ailleurs, il faut
bien que le discours de la couronne ail satisfait
le pays, puisque d'aucun côté on n'y a trouvé
matière jeter du blâme sur le ministère libé
ral, et Dieu sait si l'on s'en serait abstenu du
moment qu'il y aurait eu mèche! L'opposition
nouvelle et ses organes ont trouvé moyen d'at
taquer le ministère pour des vétilles qui n'ont
pas de nom, et l'on peut certifier, que si le.dis-
cours du trône eut donné prise la critique,
les feuilles cléricales se seraient donné la satis
faction de fairedu tintamarre cœur joie.
Le discours du Roi est plutôt le programme
des questions matérielles que la législature aura
examiner pendant celle session. Les questions
politiques ont été traitées dans le programme
que le ministère a publié son avènement au
pouvoir. Cependant le côté politique de la si
tuation n'est pas passé sous silence par le ca-x
binet. 11 y annonce des modifications aux lois
électorales et communales, et les mesures né
cessaires pour compléter l'organisation de l'en
seignement par l'état. Nous aurions désiré
pour ce paragraphe une rédaction plus claire,
plus positive car c'est une des questions qui
ont préoccupé le plus vivement le pays. Mais,
malgré le vague qui entoure les projets du ca
binet cet égard, nous n'avons aucune inquié
tude sur la manière dont le pouvoir civil sera
garanti contre les empiétements du clergé, en
matière d'instruction. Nous avons l inlimc con
viction que les hommes qui sont au pouvoir,
apprécient trop bien la juste susceptibilité de
la nation, pour ne pas éviter l'apparence même
d'une faiblesse en matière d'enseignement
public.
Nous félicitons le ministère libéral d'être
sorti de l'ornière dans laquelle se traînaient les
cabinets qui l'ont précédé. Le discours de la
couronne n'est plus un tissu de phrases pom
peuses et vidas de sens. C'est un exposé franc
et sincère de la situation du pays et des
questions mûrieset qui exigent une so
lution. Tout ce que le ministère annonce ne
doit pas avoir sonné d'un ton également agréa
ble l'oreille des contribuables. La situation
financière que le programme indique en peu
de mots, n'est certes pas brillante; mais le
ministère s'est vu forcé, pour ne pas engager sa
propre responsabilité, défaire le bilan de l'ad
ministration catholique, qui a géré pendant
dix-sept ans les finances du pays.
Si le cabinet libéral avait voulu suivre les
errements du précédent'ministère, il aurait pu,
comme lui faire des promesses fallacieuses et
voiler la situation pénible de la Belgique. Les
ministres auraient pu comme les l'on tan a roses
politiques De Theux Malou et Ce proclamer
la prospérité croissantependant que la di
sette était sur le point d elreindre la Belgique.
Nous les louons d'avoir eu au contraire le cou
rage et la franchise d'exposer sincèrement
l'état des finances et de faire toucher du doigt
les remèdes qu'il s'agit d'adopter. L'on n'ou
bliera pas que si le ministère libéral demande
une augmentation d'impôts, c'est qu'un cabinet
catholique a gaspillé les fonds avec la plus
étrange imprévoyance cl que les emprunts qu'il
faudra contracter, sont les tristes conséquences
de la domination cléricale.
Quelques électeurs désireraient peut-être
savoir ce qu'est devenu M. Van Reninghe, de
puis l'ouverture de la session. Nous pouvons
les satisfaire les pouvoirs du bourgmestre de
Poperinghe ont été validés et comme premier
acte significatif de sa carrière parlementaire
après avoir prêté serment, M. Van Reninghe est
allé s'asseoir sur les bancs de la droite, au-des
sus de M. Rodenbach. Voilà donc cet homme
indépendant qui n'avait pas d'engagements
vis-à-vis des catholiques et qui était, politique
ment parlant, libre comme l'air. Le principal du
collège et le doyen de l'operinghe lui ont
chanté une autre gamme. Ils lui ont fait choix
d'un ange gardien la chambre qui sera son
surveillant et son guide. Le choix par exemple
n'est pas très-judicieux, car il nous est avis, que
pour tenir M. Van Reninghe dans le droit che
min, il aurait fallu autre chose qu'un aveugle.
La chambre vient dechanger presqu'enlière-
ment son bureau. M. Liedls est resté président,
mais MM. Verhaegen et Delfosse sont nommés
vice-présidents. Les secrétaires sont MM. Troye,
Devillégas, T'Kindl-Denaeyer et Albéric Dubus,
trois libéraux et un mixte. Les questeurs ont
été choisis dans les rangs libéraux. MM. De-
bonne et De Baillet ont été élus Le résultat des
divers scrutins prouvent qu'à la chambre le
parti libéral a une majorité bien dessinée, et
qui permettra de faire comprendre au parti
clérical que l'échec qu'il a subi au 8 Juin est
complet.
Au sénat, un vice-président et un secrétaire
appartenant l'opinion libérale, ont été nom
més en remplacement de deux catholiques.
M. le commissaire de district vient d'adresser
toutes les administrations communales de cet
arrondissement, une circulaire pour les inviter
rechercher les moyens de secourir les indi
gents pendant la moi le-saisonet autant que
possible de manière ce que les secours ne
soient que le prix du travail. Il appelle entre
autres moyens, leur attention sur les améliora-
lions qui pourraient être effectuées la voirie
vicinale et spécialement dans les localités où
l'on peut se procurer des cailloux.
Il termine en engageant les diverses autorités,
prendre des mesures efficaces pôur la répres
sion de la mendicité et organiser notammeut
des patrouilles dans toutes les communes de
l'arrondissement pour le 15 novembre prochain.
Nous apprenons que plusieurs communes
ont déjà répondu cet appel. L'administration
communale de AVoeslen a décidé qu'il serait
distribué aux familles les plus pauvres, des
métiers tisser de la grosse toile et des cou
vertures en éloupes, et que, pendant l'hiver, il
leur serait fourni la matière première crédit
ou prix réduit.
Le conseil communal de ce village pauvre a
volé, séance tenante, une somme de 800 francs,
et a adressé au gouvernement une demande de
subsides qui, nous n'en doutons pas, sera fa
vorablement accueillie.
Dans sa séance du 8 novembre dernier, le
conseil communal de Zillebeke, a décidé qu'il
occuperait ses ouvriers pendant l'hiver pro
chain, convertir en gravier, la partie du che
min de traverse d'Ypres Commines qui passe
parcelle commune, et qu'à cet effet un subside
serait demandé au gouvernement.
X. le serment. (Suite.)
Béatrix avait prononcé ces mois avec feu. Guillaume s'était levé
soudain l'œil flamboyant, la lèvre crispée, le poing fermé. Dans ce
brusque mouvement un médaillon venait de glisser sur le tapis,
•'était le portrait de Béatrix.
Qu'il vienne donc, le misérable! s'écria Guillaume avec agita-
lion. Ah je le tuerai, ou il aura tout mon sang cette fois!
Béalrix tressaillit, lui prit les mains avec effroi, et le fit se ras
seoir. Puis elle le regarda en silence, avec un sentiment inexprimable
de reproche et de douleur.
Déjà dit-elle. Déjà vous ne vous souvenez plus de votre ser
ment Quel fonds puisje faire sur vos promesses, si vous les oubliez
si vite?
Mais, Madame, je ne pourrai jamais....
M'épouser? interrompit Béatrix.
Que vous êtes cruelle, mon Dieu
Monsieur de Gardcville, vous vous êtes engagé sur votre hon
neur. Manquerez-vous donc yolre serment
Guillaume passa la main sur son front, et après un court silence
-< Béatrix! Béatrix! s'écria-t-il avec une larme dans les yeux,
vous avez exigé au-dessus de mes forces. N'importe! je serai plus
fort que moi-même, et je resterai fidèle ma parole.
Elle lui serra les mains avec une vive émotion et lui dit
Il y a parfois plus de courage se contenir qu'à braver le
danger, mon ami Votre résignation sera plus belle et plus grande
que toute votre valeur. Et d'ailleurs nous ferons en sorte que vous
ne soyez pas mis l'épreuve. Dès que vous pourrez supporter la voi
lure, et peut-être sera-oe avant le retour de M. de Wiuter, vous
partirez pour la France, vous irez m'attendre au château démon
aïeule, et je ne tarderai pas vous y rejoindre. Ce projet vous cou-
vient-il
Je ferai ce que vous voudrez, dit Guillaume avec un peu
d'accablement. Les émotions de cette scène, jointes aux douleurs de
sa blessure ravivée par l'impétuosité de ses élans, l'avaient un peu
abattu. Je ne veux, reprit-il en hochant mélancoliquement la tète,
m'appesanlir que sur ce point, c'est que vous m'apparlieudrez,
Béatrix et j'en remercie le ciel
Quelques minutes plus tard, Béatrix se levait pour se retirer,
lorsque son regard rencontra sur le tapis le médaillon qui y gisait.
Elle le reconnut aussitôt et le prit d'un air stupéfail.
Quoi! dit-elle, ce portrait chez vous, Monsieur de Gardeville,
ce portrait que je cherche depuis si longtemps, comment se
peut-il
Guillaume parut un moment déconcertémais se remettant
bientôt
C'est ma seconde faute, dit-il en souriant. Celle-là du moins
a son excuse naturelle, et je ne doute pas que vous ne me la par
donniez, Madame.
Votre seconde faute? dit Béatrix de plus en plus surprise.
Mais vous êtes donc un grand coupable ajouta-t-elle d'un tou
moitié sérieux moitié comique.
Je n'ai pas d'autre péché confesser, je vous assure, répondit
Guillaume sur le même ton. Encore ceux que vous connais^ ne
sont-ils que véniels.
Il lui raconta alors ce qui était arrivé la nuit qu'il avait passée au
château de Wagram il lui dit comment il avait couché dans une
bergère et dans la chambre même de M, Stiller, comment elle lui
était apparue en état de somnambulisme et comment, le prenant
pour son mari, elle lui avait donné ce médaillon, espérant qu'il le
protégerait contre son adversaire, car elle se croyait la veille du
duel dans lequel Bl. Stiller avait succombé.
Quand je quittai cette chambre, continua Guillaume, j'eus D
pensée d'y laisser le médaillon que le hasard avait mis eutre m s
mains. Mais la miniature vous ressemblait si bien que je ne pus ré-
-