7e ANNÉE. - N° G82.
INTÉRIEUR.
LÀ CHÂTELAINE DE WAGRÂM.
JEUDI ,18 NOVEMBRE 1847.
JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
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tires acqhirit eundo.
YPRESle 17 Novembre.
LA. DISCUSSION DE L'ADRESSE AU SÉNAT.
Que dite de nos pères conscrits, après avoir
lu les débats de l'adresse du sénat, sinon qu'ils
sont bien changés et que le temps, les circon
stances, la pression de l'opinion publique ont
modifié ces nobles lions du parti catholique, tou
jours sur la brèche et d'un courage d'autant
plus ardent qu'il était inspiré par le fanatisme
clérical. Aujourd'hui, l'oreille basse, la queue
entre les jambes ces nobles sénateurs disent
humblement leur nied culpd des péchés com
mis en 11141 et approuvent bravement la ré
daction d'une adresse que, il y a sept ans, ils
auraient rejetée avec dédain comme venant de
petites gens. A la bonne heure, cest un nouvel
exemple des transformations que peuvent opé
rer les revers politiques. Nous doutons beau
coup que le parti clérical eut joui avec autant
de modération que l'opinion libérale, d'un
triomphe aussi décisif remporté aprèsdes luttes
ardentes et dans des conditions d'inégalité
réelle.
Louons M. le ministre de la justice d'avoir
placé la question sur son véritable terrain avec
autant de franchise que de rondeur. La ma
nière dont le débat a été ouvert par M. De
Haussy, était digne et devait frapper la noble
assemblée qui n'était pas trop accoutumée
voir jouer cartes sur table avec autant de lais
ser-aller. Aussi le discours de M. De Haussy
a-l-il produit beaucoup d impression sur le sé
nat, et immédiatement après les cinq premiers
paragraphes de l'adresse ont été lus, mis aux
voix et adoptés.
Un seul sénateur n'a pu y tenir. M. le mar
quis De Rodes a voulu parler et il a mal parlé
pour son parti qui l'en a blâmé, et bien parlé pour
le ministère, puisqu'il a donné l'occasion
W. Rogier de prononcer un discours qui a ré
duit leur juste valeur la plupart des accusa
tions contre le ministère, qui traînent dans la
presse cléricale. M. le ministre de 1 intérieur a
saisi avec joie l'occasion que lui offrait M. le
marquis De Rodes, non pas de défendre les
aclas de l'administration libérale, personne ne
les a incriminés, mais de faire justice de ces
insinuations, armes favorites des hypocrites
qui, n'osant dire ouvertement ce qu'ils pensent,
veulent cependant obéir leurs mauvais ins
tincts, en lançant quelques traits envenimés.
Constatons encore que M. le comte De Briey
a péroré en faveur du ministère et s'est étonné
qu'on ait pû douter des sentiments éminemment
libérauxdu sénat, li a fini son discours, en di
sant qu'on en serait convaincu par le scrutin, et
ma foi, sur quarante-huit sénateurs présents,
quarante-sept ont voté l'adresse, moins M. Cas-
siers, qui a cherché au ministère une querelle
d'allemand, pour pouvoir s'abstenir.
u»U 11 S i
MONSIEUR LE MINISTRE DE"LA GUERRE A YPRES.
Dimanche dernier, la ville d'Ypres était en
émoi l'ar.ivée du Ministre de la Guerre était
annoncée pour deux heures de relevée et tous
les habitants, joyeux et surpris de ce témoi
gnage de bienveillance pour leur ville, s'apprê
taient lui faire une réception cordiale et pleine
de sympathie.
Effectivementvers denx heures de l'après-
midi, M. le général baron Chazal est descendu
de voiture l'hôtel de la Châlellenie. Il était
accompagné du secrétaire de son cabinet par
ticulier, M. le' lieutenant-colonel d'artillerie
Soudain de Niederwerth et de M. Vandevin,
officier aux Guides et probablement son aide-
de-camp. Immédiatement après, il a reçu les
autorités militaires, et ensuite M. le bourgmestre
et M. l'échevin Vanden Peereboom ont été in
troduits auprès de lui. M. le bourgmestre, après
lui avoir adressé des remercîments d'avoir
voulu se déplacer dans le but de faire ample
connaissance avec la ville d'Ypres, lui a dit que
cette marque de bienveillance sera un souvenir
agréable pour les habitants de notre ville du mi
nistère actuel, et le premier fonctionnaire com
munal a fini, en priant M. le Ministre de vouloir
accepter dîner chez lui. M. le Ministre, après
quelques difficultés, a accepté, et alors accompa
gné de M. l'échevin Vanden Peereboom, du com
mandant de la place du colonel du 10", de MM.
Soudain et Vandevin, du commandant du génie
Kerens et du secrétaire communal, il s'est ache
miné vers les établissements militaires de la
ville d Ypres qu'il a examinés dans tous leurs
détails et en homme du métier. M. le Ministre
s est même rendu la plaine d'exercice située
un kilomètre des portes Je la ville. Il paraissait
satisfait du résultat de son inspection de la
situation des bâtiments militaires, du soin qui
présidait leur entretien, et pendant tout le
temps qu'il e*t resté dans ce quartier, una
masse de personnes l'ont toujours entouré.
Le peuple l'observait avec une sympathie res
pectueuse le considérant comme une seconde
providence, çar les habitants de cette partie de
la ville ont été en quelque sorte ruinés par
suite de la perte de notre garnison de cavalerie.
Il n'est donc pas extraordinaire qu'ils aient
rattaché la visite de M. le Ministre l'espoir de
voir renaître de meilleurs jours.
M. le Ministre s'est rendu chez M. le bourg
mestre, où un dîner splendide l'attendait Les
autorités civiles et militaires s'y trouvaient
réunies. La musique des pompiers a donné des
sérénades pendant toute la durée du banquet,
et M. le Ministre a daignéexaminer la tenue de
cette musique, ainsi que celle de quelqu îs hom
mes de ce corpset a complimenté 1 autorité
communale sur cette institution. Vers sept heu
res et demie, le dîner a été terminé et M. le
Ministre est retourné l'hôtel pour s'apprêter
au départ, car il désirait coucher Courtrai,
afin de se trouver le lendemain vers raidi
Bruxelles, pour la discussion de l'adresse. De
retour l'hôtel, la musique du 10e lui a donné une
sérénade, et en descendant l'escalier de I hôtel,
M. l'échevin Vanden Peereboom la prié d entrer
la Société de la Concorde. M. le Ministre s est
rendu celte demande et il est entré dans la
grande salle remplie de monde qui a accueilli
la présence de ce haut fonctionnaire avec des
sentiments de reconnaissance. Après y être resté
quelques instants, il est monté en voiture et
parti pour Courtrai.
Tel a été l'évènementqui a mis en mouvement
dimanche dernier toute la ville d Ypres. C é-
tait un véritable jour de fêle pour nos habitants
que l'arrivée de M. le Ministre de la guerre,
d'un membre de cette administration libérale
de laquelle nous attendons plus de justice et de
bienveillance, que de toutes celles qui l onl pré
cédée. Aussi l'accueil qu'on a fait M. le géné
ral Chazaldoit lut avoir prouvé que les
flamands ne sont pas aussi froids qu'on le
suppose généralement, qu'il suffit seulement
que la fibre sensible soit touchée pour les ani
mer et M. le Ministre doit s'être aperçu que par
le témoignage de sympathie qu'il a donué la
ville d'Ypres, il a réussi la faire vibrer.
Dans sa dernière session, le Conseil provincial
a autorisé la construction d'une route de Pope-
X. le serment. [Suite.)
Guillaume et Béatrix sentirent leur cœur se serrer.
Vous me trouvez bien changé, n'est-ce pas? Ab c'est que j'ai
beaucoup soutlerl l Mais mou mal me donne paifois quelques in-
stauts de répit, durant lesquels on me permet encore le» courtes
sorties, et j'en profite en ce moment pour venir vous annoncer une
pénible nouvelle.
Je suis plus favorisé que vous, Monseigneur, car c'en est une
bonne que je vais vous communiquer: Mme Stiller consent enfin
unir sa destinée la mieune. Elle vient de m'en donner l'assurance.
Dieu soit loué I dit le prince avec une satisfaction sincère en
s'adiessaut Béatrix. Vous oe pouviez prendre une meilleure réso
lution, Madame, et cela tranquillisera sur votre avenir tous ceux
qui s"'intéressent vous.
Ce n'est pas tout, Monseigneur, reprit Guillaume, il est un
portrait que vous aimez regarder quelquefois, ce portrait...
Une miniature
Précisément. Vous savez comment j'en suis devenu le posses
seur illégitime Eh bien! Monseigneur, Mme Stiller me le reprend
pourrons l'offrir eu échange du camée qu'elle a accepté de vous.
Guillaume tendit le médaillon au duc de Reichsladt qui le prit
avec empressement.
Votre présent, Madame, dit-il, m'est bien agréabU et bien
doux. Ce sera avec le portrait de mon père l'objet de mes contem
plations et de mon culte. Pourquoi faut-il que, pour vous remercier
d un si touchant procédé, je n'aie qu'une mauvaise nouvelle vous
apprendre.
Laquelle, Monseigneur demande Béatrix.
1 II s'agit sans doute du baron de Winter? dit Guillaume,
Yous avez deviné, Monsieur de Gardeville. M. de Winter a
termiué les négociations relatives sa mission secrète j il arrive
cette nuit. Mon oncle et M. de Metternioh viennent de me l'ap
prendre.
Cette nuit dit Béatrix avec abatlemeut.
r* Cette nuit? répéta Guillaume avec agitation.
U y eut un moment de silence, pendant lequel Mme Stiller
parvint vaincre sa terreur et Gardeville calmer ses élans de haine.
—i Eh bien, je l'attendrai de pied ferme, reprit Béatrix d'un ton
résolu. Je suis lasse de trembler devant lui. Quaut vous, Monsieur
de Gardeville, souvenez^vous de votre serment. Dieu aidant, uous
mépriserons le baron, ses menaces et ses outrages. Adieu, je revien
drai demain, en dépit de sa colère.
Elle sortit ces mots après avoir fait au duo et Guillaume un
salut de la main.
Et i1 ai juré de ne plus me battre avec cet homme s'écria
Guillaume dont la poitrine se soulevait avec force.
Est-ce dono là le serment que tous avez fait MIIle Stiller
demanda le prince.
Oui, Monseigneur, c'est le prix qu'elle a mis notre union!
Sougez que M. Slillrr est mort dans un duel, que vous-même
avez été déjà grièvement blessé.
N'importe pourrai-je jamais silpporter que le baron m'insulte!
qu'il me traite de lâche! Non, non, mieux vaudrait mille foii re
noncer la main de M,ne Stiller. .Ah j'étais fou tout l'heure
quand je jurais de me croiser les bras devant une iusuile. Jamais!
jamais!
Calmez-vous, Monneur de Gardeville. Le- baron de Wiutcr
ne vous provoquera peut-être pas.
Vous le connaissez aussi bien que moi, Monseigneur. Vou*
savez qu'il est iutlexible daus ses résolutions. Ah! qu'il me tue, et
que je ne sois pas déshonoré
Songez Ml,le Stiller qui vous aime.
Et qui me mépriserait peut-être si je lui obéissais.
Fartez pour la France f us'aut même.
Fuir devant ce baron! Et d'ailleurs le puis je Ma blesiure se
rouvrirait. Vous voyez bieu que de loules manières il faudra que je
manque mou serment.
Le duc de Reichsladt était devenu soucieux. Il semblait réfléchir
la position cruelle de Guillaume et chercher quelque expédient
qui put l'eu reliter. Pour un homme de cœur, comme l'était Gar
deville, quelle plus affreuse alternative que celle qui le place entre
un parjure et uue lâcheté.
Tout couple visage du prince s'anima d'un feu sombre sa
taille courbée se redressa héroïquement, son âme éclata daus ses
yeux, et saisissant la main de Guillaume qu'il pressa avec énergie
dans la sienuc
Espérez, dit-il solennellement, peut-être ferai-je que M. de
Winter ne vous insulte pas et que vous ne manquiez point une
parole sacrée.
Que veulez-vous dire, Monseigneur?
Que le duc Franz de Reichstadt veille sur elle et sur vous!
(La suite au prochain