INTÉRIEUR. LÀ CHÂTELAINE DE WAGRAM. T ANNÉE. - N° 689. DIMANCHE, 12 DÉCEMBRE 1847 JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT. Feuilleton. Où l'abonne Ypres, Marché au Beurre, 1, et chez loua les per cepteurs des postes du royaume. PRIX DE l?ABONNEMENT, par trimestre. Pour Y prèsfr. 5-00 Pour les autres localités 6-00 Prix d'un numéro0-25 Le Pro Tout ce qui concerne la rédac tion doit être adressé, Jranco, k l'éditeur du journal, Y près. Le Progrès parait le Diman che et le Jeudi de chaque aemame. PRIX DES INSERTIONS. Quinze centimes par ligna. TIRtS ACQUIBIT EUNDO. VPRE8le il Décembre. La séance de samedi dernier a été aussi bril lante pour le parti libéral qu'accablante pour ses adversaires. Il s'agissait de la demande d'un crédit de 500 mille francs, pour venir au se cours des Flandres C'était là que les organes de la coterie cléricale attendaient le ministère libéral. Ils espéraient triompher et pouvoir lui reprocher son impuissance, son charlatanisme, et lui jeter la face bien d'autres reproches. Mais hélas! l'attente de ces amis des Flandres a été trompée. Cette question a été traitée par M. Rogier avec tant de supériorité que les re présentants de l'ancienne majorité ont dû bais ser la téte et avouer implicitement que jamais le ministère qu'ils ont soutenu, n'a eu des idées aussi élevéesaussi bien mûries sur celte question. Aussi M. Rogier s'est surpassé comme ora teur et comme homme pratique Sous le pre mier point, son discours, qui doit être considéré comme le programme du ministère sur la ques tion des Flandresétait aussi remarquable par la forme constamment digne et châtiée que par le débit chaleureux et convaincu qui est un des caractères les plus saillants de l'éloquence de M. Rogier. Comme homme d'état, de l'aveu de ses adversaires, jamais ministre ne s'est emparé de celte question avec autant de vigueur et ne Fa présentée sons toutes sesfacesavec autant de lucidité. La détresse des Flandres a été exami née sous le rapport commercial et industriel, maritime et agricole, et M. Rogier ne s'est pas borné mettre nu les plaies dont nos pro vinces souffrent, mais il a fait connaître les re mèdes qu'il se propose d'y appliquer. Ori aurait dû pouvoir saisir la physionomie de la Chambre en ce moment La droite était muette et acca blée, la gauche triomphait de voir le minisire appuyé par elle, dérouler avec autant de vé rité cette situation malheureuse des provinces flamandes, et développant en même temps les moyens plusefficaces pour améliorer celte triste position d un pays autrefois si prospère. Mais si la Chambre s'est déclarée satisfaite, si tous les partis ont paru applaudir plus ou moins sincèrement aux chaleureuses paroles de M Ro gier, il n'en a pas été de même de la presse cléricale. F.lle crève de dépit de voir que le mi nistère libéral ne sera pas aussi impuissant qu'elle le souhaitait, bien qu'elle sedise dévouée la cause des Flandres au point de n'en point faire une question de parti. Mais nous connais sons la valeur des proteslations du parti cléri cal. nous n'ignorons pas que quant luitout son amour pour les Flandres ne l'a pas empêché, quand il était au pouvoir, de ne rien faire pour soulager celte misèresinon cil lui jetant dé daigneusement l'aumône. Aujourd'hui, le mi nistère agit et expose un ensemble de mesures qu'il veut appliquer pour éteindre le paupé risme dans ces contrées et pour confondre les prédictions de mauvais augure des journaux du clergé, les hommes pratiques les approu vent. trouvent l'ensemble très-bien conçu et assurent que les remèdes préconisés par M. Ro gier seront efficaces Mais que faire la malveillance de la presse catholique Du moment que ce parti qui a fait preuve d'impuissance, n'est plus le maître de la situation, tout est au plus mal, rien ne se fait son gré. Au moins les journaux libéraux approuvaient avec bonne foi, les mesures pri ses par une administration cléricale qui étaient jut-tes et convenables, mais cet exemple n'est pas suivi par les feuilles jésuitiques. Elles crain draient de perdre tout créditsi elles pas saient un seul jour sans critiquer tous les actes d'un ministère qui ne veut pas se soumettre prendre humblement le mot d'ordre de l'épis- copat comme les cabinets mixtes et catholiques. Il faut désespérer de voir rendre justice au ministère libéral par les journaux du parti- prêtre, puisque cette question des Flandres laquelle ilsfeignent de porter tant de sollicitude, traitée par M. Rogier avec ce talent qui le dis tingue, ne leur arrache que de misérables plai santeries. Sous un ministère catholique cette malheureuse situation était palliée par les or ganes du parti, aujourd'hui, sous une admi nistration libérale, elle est devenue d'une question sérieuseun sujet de bouffonneries comme les écrivains religieux savent en inven ter, quand ils sont de belle humeur. Le 8 de ce moisle cadavre du nommé Constant Hueghebaert, marchand de beurre, demeurant Messines, a été retiré d'un fossé situé sur le territoire de YVaruêton. D'après la déclaration du médecin, la mort a été occasionnée par asphyxie et l'événement est accidentel. Le 9 de ce moisvers les cinq heures du matin, le nommé Balthazar Focqueur, âgé de 63 ans, tisserand, demeurant Furnes, a été trouvé pendu dans sa demeure; on ne sait quel mo tif attribuer ce suicide. Le Progrès d'Ypres, tout en annonçant que probablement M. Malou serait infligé l'évèque de Bruges, comme coadjuteur, s est permis d'ajouter que ce choix n'aurait pas les sympa thies de l'opinion publique. Cette observation était d'autant plus natu relle, qu'elle est l'expression de la plus rigou reuse vérité. Cependaut ainsi ne pensent pas le Propaga teur ni son confrère en J.-C. le Nouvelliste: et tous deux font chorus pour dire que la feuille libérale d'Ypr.îs est une feuille insignifiante, qui souffle la discorde, qui jette de la boue aux membres les plus estimables du clergé et qui est poussée par une haine aveugle contre la religion de ses pères. Nous ferons grâce nos lecteurs de mille autres aménités, que les orga nes de la presse évangélique adressent la feuille yproise. Mais pourquoi tant de fiel, tant de colère, dans des âmes aussi saintes. Un proverbe qui, comme tous les proverbes, a le mérite d'être vrai, dit qu'on ne se fâche jamais que de la vérité. Le journal libéral d Ypres, aurait-il par hasard dit quelque grande vérité, capable de soulever le courroux de ces cœurs vertueux? A voir tant d'amertume il serait permis de n'en pas douter. En effet, l'évèque de Bruges est, comme le dit le Nouvellisteun prélat digne et respecta ble; quoique clérophobes, comme nous appelle le même journal nous aimons cependant rendre hommage la vertu et au mérite. Mai* ce vénérable prélat ne deviendrait-il pas tron faible, trop bon aux yeux du parti cléricai? XII. mort ou ouc de reichstadt. [Suite et Fin.) Depuis ce jour, le mal, qu'on eut pu croire arrivé son dernier période, fil encore des progrès effrayants. Le duc de Reichstadt ne «'était jamais fait aucune illusion sur son état, et voyait arriver sa dernière heure avec résignation. Il fit graver au bas de sou portrait, qu'il «émit ensuite l'archiduchesse Sophie, ces mots: Souvenir éternel d un mourant. Il eut la pensée d'en offrir un semblable Mm« Sliller, mais un sentiment d'exquise délicatesse le retint. Il demanda et obtint de son aïeul la permission de faire un legs considérable au régiment de Gustave Wasa qu'il commandait. L'empereur autorisa depuis ce régiment accepter ce legs et in scrire sur ses drapeaux le nom du jeune prince. Il fit demauder sa mère, sa mère qui vivait loin de lui, dans son duché de Parme, çt semblait l'avoir oublié depuis longtemps. Ou lui écrivit; on la pria de sa part de lui envoyer un berceau en ver meil qui devait se trouver Parme et que la ville de Paris avait oilert l'impératrice le jour de sa naissance. Ce désir ne quitta pas sa pensée qu'il n'eut été satisfait. Le berceau arriva, sa mère le suivait. Lorsqu'on le lui présenta, il en admira le beau travail et l'éclat avec ce saint et doux enthousiasme des mourants. Le feu de ses re gards relevait l'agitation de ses idées. Il fit approcher ce berceau de son lit, le toucha; puis, avec une résignatiou religieuse pleine d élévation et de douceur, il dit ceux qui l'entouraient. Laissez-le près de moi ce berceau et mon lit, voilà l'image des deux extrémités de ma vie II n'y a entre ce lit, qui sera bientôt <ua tombe, et ce beau berceau que mes vingt-et-un ans, mon nom et des douleurs, et même rien que mon nom I Il parut alors vivement souffrir. Oui, ajouta-t-il avec feu, laissez-le près de moi. Mon bercean sera près de ma tombe Puis de grosses larmes coulèrent le long de ses joues dont la pâ leur s'était animée. L'arrivée de Marie-Louise Schœnbrunn amena des scènes d'une déchirante tendresse cette mere avait retiouvéses premiers senti ments, ce jeune homme pat donnait Le 22 juillet 1832, au point du jour, on vint avertir Gardeville que le duc de Reichstadt était au plus mai et le demandait. Garde- ville n'avait pas vu le priuoe depuis quelques jours, l'ordre ayant été donné de ne laisser pénétrer personne auprès de lui. 11 s'habilla la bâte, fit seller son cheval, et arriva bientôt Schœnbrunn. Lorsqu'il entra d »ns la chambre du moribond, qui semblait avoir pris une apparence funèbre, plusieurs personnes s'y trouvaient déjà dans l'attitude de la plu9 profonde tristesse: Marie-Louise, l'archi duchesse Sophie, l'archiduc François et Malfalti étaient debout près du lit, contenant avec peine leur violent chagrin. Malfalti in terrogeait chaque pulsation de cette existence l'agonie et craignait chaque fois que ce ne fut la dernière. Des courtisans étaient rangé* en demi-cercle dans le fond de la chambre et semblaient, sous le pâle jour qui les éclairait, autaut de statues de la douleur. Au de hors le ciel était nébuleux, la brise soupirait mélancoliquement daus le feuillage, et les oiseaux s'éveillaient sans chanter. La nature pré tait ses tristes harmonies au deuil de Schœnbrunn. Le duo de Reichstadt, la poitrine haletante, les yeux fermés, de meurait silencieux. 11 paraissait avoir perdu connaissance. Toul-à- coupses yeux se rouvrirent et il les promena doux et un peu hagards sur ceux qui l'entouraient. Il voulut leur sourire, mais ses lèvres ne parvinrent qu'à se coutracter, accusant aiusi plus vivement ce cercle fatal qui se forme presque toujours autour de la bouche des mou- bouds. Il prononça bientôt un nom, c'était le nom de Gardeville. Guillaume s'avança vers le lit. Des'qu'il l'aperçutle prinoe parut satisfait ei lui fit signe d'approcher encore. Guillaume, le cœur horriblement gonflé, obéit. Je vous attendais, dit le prince avec uu accent si faible qu'on l'enteuiiait peine. Je ne voulais pas mourir sans roua voir. J'ai plusieurs choses vous iire. Je vous écoute, Monseigueur, répondit Gardeville d'une vois étouffée. Le prince le considéra avec attendrissement Ma mort vous afflige, mon ami, dit-il, et pourtant elle va vou« donner le bonheur... Noble cœur! Monseigneur, elle jettera un éternel regret dans ma vie Le prinoe fit un effort et lei tendit sa main. Guillaume mit on genou en terre et le couvrit de pleurs. Relevez-vous, Gardeville reprit lo prinoe, et «cmitet-moi bien. Je sens que j'ai peine le souffle nécessaire pour ajouter quel ques mois encore.

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