7e ANNÉE. - N° 697.
INTERIEUR.
DIMANCHE, 9 JANVIER 1848.
JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
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TUES ACQWRIT EUHDO.
PRESle 8 Janvier.
LETTRE DE L'ARCHEVEQUE DE MALINES.
La publication de la correspondance officielle
entre l'ex-ministre de l'intérieur M. Nothomb
et l'épiscopat, en exécution d'une résolution
de la chambre, a porté le jour sur un enchaî
nement d'usurpations cléricales qu'on soup
çonnait, mais dont on ne pouvait fournir des
preuves. Aussi les révélations commencées par
M. Frère et continuées par M. Lebon ont-elles
douloureusement ému le pays. Avec une in
croyable persévérance,! episcopat n'avait entre
pris rien moins que de monopoliser l'instruc
tion primaire, et une fois ce système d'empié
tement bien assuré, on l'aurait continué pour
l'enseignement public tous les dégrés. La
première impression de l'opinion publique, la
découverte de ces trames si habilement cachées,
a été l'épouvante, et il a fallu des preuves
évidentes pour convaincre la nation, que i'épis-
copat était bien près d'atteindre le but de son
ambiliom la direction exclusive de l'instruction.
Aujourd'hui que cet enchaînement d'usur
pations et de prétentions est dévoilé, l'édifice
élevé par M. Nothomb et dont il se vantait
tout propos avant les révélations faites la
tribune de la chambre, croule par sa base, car
il ne pouvait exister que par la honteuse dé
pendance du pouvoir civil aux caprices des
évêques. Aussi ceux-ci ont-ils la conscience du
mal que la publication de leurs mémoires
adressées M. Nolhomb a fait au parti dont ils
sont l'âme et qui n'existe que par eux. C'est
le seul motif honorable qu'on peut alléguer,
pour expliquer la lettre, que l'archevêque de
Matines vient d'adresser au Journal de Brux
elles. C'est le seul prélat qui n'ait pas signé les
pièces si compromettantes pour l'épiscopat et
il met celte circonstance profit pour faire une
profession de foi politique et repousser l'accu
sation qu'on a portée contre l'épiscopat, de
vouloir absorber le pouvoir civil. Modéré dans
la forme, ce document contient au fond la dé
fense des empiétements du clergé et confir
me tous les reproches qu'on a adressés aux
prélats. Bien que le style soit apprêté, il sera
difficile au cardinal de Malines de donner le
change par des protestations que nous voulons
croire franches, quant aux faits accablants rela
tés dans la correspondance de M. Nolhomb, et la
nation se laissera difficilement convaincre même
par le haut dignitaire de I église qui a recours
la presse, que les projets de l'épiscopat étaient
aussi inoffensifs qu'on a l'air de les présenter.
INTOLÉRANCE D'UN PRÊTRE.
Souvent le clergé se plaint amèrement de ne
plus jouir de cette autorité morale si nécessaire
l'accomplissement de ses devoirs spirituels. Il
en accuse la presse libérale et prétend qu'elle
calomnie le prêtre, excite la défiance, son
égard, bref qu'elle veut le faire considérer com
me un ennemi de ses paroissiens par ses
allures dominatrices Ce sont là encore des in
ventions des journaux dites de la bonne presse,
car le prêtre, en tant que prêtre, a droit aux
justes respects de la presse libérale, mais con
dition qu'il ne sorte pas de sa mission et qu'il
ne se jette pas dans l'arène des partis et qu il
pratique ces vertus évangéliques qui seules peu
vent lui conserver son ascendant sur ses ouailles.
Nous aimons convenir que grand nombre
de prêtres donnent l'exemple de toutes les ver
tus et que beaucoup même ne se mêlent de
politique que forcés par des ordres supérieurs.
Mais il en est d'autres qui par intolérance ou
fanatisme, tiennent une conduite moins exem
plaire qui leur attire l'animadversion de leurs
ouailles et si la presse libérale fait connaître les
faits allégués leur charge, certes elle ne doit
pas être accusée de les décrierquand elle
raconte simplement les actes blâmables commis
par des membres du clergé. Un devoir de ce
genre nous est imposé et nous nous en acquit
terons avec impartialité.
Le nommé de Pruyssenaere, brigadier en re-
traifede la douane, est décédé subitement le 1er
de ce mois Wulverghem, commune située
entre Neuve-Eglise et Messines. M. le curé averti
de ce décès, refusa non-seulement de prêter son
ministère, mais défendit de l'enterrer au cime
tière de la commune, sous prétexte qu'il n avait
pas tenu ses pâques en 18 47. bien que des
billets de confession pour 18A5 et 1846 aient
été trouvés dans les papiers du défunt.
M. le bourgmestre embarrassé, fil demander
au commissaire de district ce qti'il avait faire
et avis lui fut donné de laisser M. le curé libre
de concourir l'enterrement de de Pruyssenaere,
mais que dans tous les cas il était du devoir de
l'autorité civile de faire porter, présenter et in
humer le défunt au cimetière de la commune.
Celte lettre du commissaire d'arrondissement
fut communiquée au curé qui répondit aux
magistrats communaux, qu'ils n'avaient point
s'occuper de cet objet et que lui. opposerait
la force quiconque vomirait faire procéder
l inhumatiou dans le cimetière.
En présence de ces menaces, on n'a cru pou
voir mieux faire pour éviter une collision, que
d'enterrer le défunt dans un endroit où les
élèves de l'école font habituellement leurs be
soins ainsi que l'a déclaré le brigadier de la
gendarmerie envoyé sur les lieux, pour consta
ter la place de l'inhumation.
Pareille inconvenance n'était point supporta
ble et l'autorité compétente résolut de faire
déterrer le cercueil et de procéder immédiate
ment son inhumation au cimetière de la com
mune. Jeudi passé, le commissaire de district
s'est rendu sur les lieux, et en sa présence, as
sisté desamisdudéfunt et de l'autorité commu
nale, il a fait rendre d'une manière convenable
les derniers devoirs au nommé de Pruyssenaere.
Le curé a bien essayé de s'opposer celte in
humation au cimetière, mais quand il a vu
qu'on était bien décidé ne tenir aucun compte
de son opposition et qu'on l'aurait même arrêté
immédiatement, s'il s'était porté des voies de
fait, il s'est renfermé dans le presbytère, d'où il
aurait mieux fait de ne pas sortir.
On ajoute même que les habitants de la
commune n'étaient nullement mécontents de
voir leur pasteur mis la raison et qu'ils parais
saient satisfaits de connaître des autorités qui
osaient faire leur devoir, malgré les menaces
du curé. Disons que ce prêtre par sa conduite
peu charitable, sest aliéné les sympathies de
ses paroissiens, et qu'il a perdu pour toujours,
par sa conduite intolérante et fanatique, la vé
nération et le respect qu'on aime d'accorder
au bon prêtre.
g-ty-J» M «L_J -
Le Journal des Baziles triomphe parceque
le ministère a refusé d'avancer des millions
pour la construction du chemin de fer de Po-
peringhe Courtrai. Cela ne nous empêchera
pas, dit-il, en parlant du Protjrès. d'encenser
les Six-Frère. Il est bien maladroit le Journal
des Bazilescar il ne s'aperçoit pas qu'il fait la
critique de la conduite qu'il a tenue pendant
le règne des Six- )Ialou.
Le ministère libéral a doté la ville d'une
nouvelle institution militaire, mais qu'est-ce
que cela? Rien de la part d'un cabinet libéral.
Mais il feint d'oublier que quand son fétiche,
M. Jules Malou était ministre non-seulement
on n'a rien fait pour Ypres et son arrondisse
ment, mais la garnison qu'on avait, on l'a en
levée. Deux occasions se sont présentées qui
auraient pu permettre M. Malou de stipuler
avec la compagnie concessionnaire de la Flan
dre occidentale un commencement de travaux
sur notre ligne, est-ce qu'il y a même songé!
Cela n'a pas empêché la feuille cléricale d'en
censer son fétiche M. Jules Malou. Nous avions
Feuilleton.
LA ÇniQUENSRO&NE.
i.
bretons et français.
(Suite.)
Sur ces entrefaites, Clément de Charolles, fil» du comte, Tint
rejoindre son père Saiut-Malo.
Clément était capitaine de la compagnie que le comte avait amenée
avec lui. C'était un jeune homme Ue vingt-ciaq ans, brave et bien
fait de sa personne, déjà fort expert en galanterie, suivant tes os et
coutumes de lacour de France, fongueux dans ses désirs, impatient
de tout frein, en un mot le caractère le plus propre faire échouer
le plan que son père avait imaginé dans sa sagesse.
Aussitôt qu'il fut informé de tout ce qui s'était passé depuis la
prise de possession de la place, il n'osa pas laisser paraître devant le
Gouverneur le dédain que fui inspirait la conduite que l'on avait
tenue vis à-vis d'une population rebelle mais il fit pari lui le
serment de châtier l'insolence de ces entêtés Bretons et de forcer
son père user l'avenir de moins de ménagements. Nonobstant
cette secrète résolution, il lui fallut bien dabord se prêter, du moius
eu apparence, aux idées de temporisation du comte de Charolles,
revêtu de sa double autorité de père et de supérieur. Pendant plu
sieurs jours, Clément étudia de son mieux la ville et ses habitants
qu il avait intérêt bien connaître, sans compter qu'il se fit donner
par quelques sacripants, dont il délia la langue avec des pièces d'ar
gent frappées Nantes, les renseignements les plus circoustauciés
sur les jolies filles que l'on remarquait Saiut-Malo et les familles
auxquelles elles appartenaient.
Cependant le Gouverneur avait écrit de nouveau au sire de
Bizien, et cette fois le Prévôt s'était montré plus accommodant que
lors de la première communication, puisqu'il avait reçu la lettre et
y avait répondu. La réponse, il est vrai, n'était pas encore très-satis
faisante il y était dit que la ville de Saint-Malo ne pouvait pas,
sans déshonorer, sanctionner l'usurpation du roi de Frauce l'en
droit du duché de Bretagne qu elle 11 était pas en mesure de résis
ter une puissance si formidable, mais qu'elle ne cesserait de pro
tester coulre un tel abus, saus s'inquiéter de ce qu'avaient fait, dans
les mêmes circonstances, les autres villes qui s'étaient soumises sans
murmurer l'autorité de la France. Toutefois, ou se plaisait ren
dre justice aux sentiments de bienveillance dout paraissait animé le
comte de Charolles.
La prudence du Gouverneur portait ses fruits la réponse du
Prévôt prouvait que s il restait encore faire avant d'arriver une
solution complète des difficultés, on avait du moins beaucoup fait
déjà pour opérer uu rapprochement qui ne pouvait plus se faire
longtemps attendre.
Lorsqu'il sut de la ville et des habitants tout ce qu'il voulut en
savoir, Clément de Charolles ennuyé de n être compté pour quelque
chose que dans l'intérieur de la citadelle, et brûlant du désir d ap
prendre aux Malouins qu'il n'était pas d'humeur aussi pacifique que
son père, alla trouver le Gouverneur, et déduisant set véritables
pensées sous les dehors les moins propres exciter la défiance, il lui
demanda l'autorisation de mener sa compagnie, le dimauche sui
vant, eulendre la messe la cathédrale, afin de donner aux habi
tants la meilleure opiuion possible des soldats qu'il commandait.
Le comte de Charolles ne repoussa pas cette demande, mais il ne
permit néanmoins son fils de se faire accompagner que de vingt-
cinq hommes, afin de ne pas effaroucher la susceptibilité des
Malouins qui n'eussent peut-être pas vu de bon œil uu grand dé
ploiement de forces, d'autant plus que c'était la première fois que les
Français allaient officiellement se trouver en contact avec la popu
lation.
Clément aurait sans doute mieox aimé parader la tête de toute
sa compagnie, mais comme il ne s'agissait pour lui que d'une satis
faction d'amour-propre, et que rien ne lui faisait prévoir qu'il dût y
avoir collision entre ses soldats et les Malouins, il quitta son père
avec une grande joie d'en avoir obtenu uueesco te de vingt-cinq
hommes, et n ayant fait aucun mystère de la résolution qui venait
d'être prise, le Prévôt de la ville eu fut averti ainsi que la milice
bourgeoise.
Jusqu'à ce jour les Français s'étaient contentés de la chapelle du
cliâteau pour aooomplir leurs devoirs religieux en descendant en
armes dans la ville, ils ne pou vaieut donc avoir que de mauvais
desseins, et o était l'appréhension de ce qui allait résulter de cette
démonsiration, qui donnait au visage des miliciens ce cachet de
grave préoccupation que nous avons fait remarquer.
Ils marcha ent sur deux rangs,ayant leur oeutre messire Jehan
de tfixien, sa fille, et U bauuurc de Bretagne, et Us arrivaient sur