lieutenant Cazé, J -B.-C.-G., adjudant de troi
sième classe Anvers.
Lieutenant adjudant de place de troisième
classe, le sous-lieutenant Kops, J.-G., du 3e
régiment de ligne, détaché au ministère de la
guerre.
On écrit de Tournay, 13 janvier
D'après les nouveaux renseignements que
nous avons pu nous procurer sur l'assassinat de
la femme Maertens, de Humes, il paraît que sa
demeure n'est pas, ainsi qu'on nous l'avait dit,
située en face du bureau des douanes, mais
l'entrée du village, prèsde Froidmont. non loin
de l'avenue du château de Mme Piat-Lefebvre.
Celte maison est isolée. Le cadavre de la
victime a été trouvé dans un des fossés qui bor
dent la grand'route de Douai. Cependant le
crime a été en partie commis dans la maison, le
désordre et le sang répandu dans la chambre
principale l'attestent la victime aura sans doute
voulu échapper son assassin qui a achevé de
l'assommer dans le fossé. Il devait être alors
midi environ, car 11 heures et demie, deux
femmes allant vers Tournay, ont vu la femme
Maertens la porte de son cabaret. On con
çoit peine l'audace d'un pareil forfait A
l'heure du midi, dans une auberge-barrière
située sur une grand'route, une femme robuste
de 40 ans est assassinée par un individu qui ne
peut l'assommer qu'après une lutte acharnée
l'état horrible du cadavre le prouve suffisam
ment. et personne n'entend les cris de détresse
de cette malheureuse dont le cadavre est dé
couvert midi et quart. C'est encore plus
extraordinaire que l'assassinat de Mlle Evenepoel.
En faisant une battue dans le bois de Vesen,
situé environ 200 pas de la maison Maertens,
on a trouvé dans un buisson, le bâton ensan
glanté qui a dû servir perpétrer le crime.
Le vol a été de peu d'importance la recette
de la barrière avait été versée la veille et il n'a
enlevé que le peu d argent qu il a pu trouver.
Au moment du crime, la fille de la victime
ainsi que ses deux domestiques étaient la
messe et le mari était parti pour aller dans le
pays de Charleroi faire une visite aux parents
de sa femme.
Ce sont les gendarmes de la brigade de
Rumes qui prennent leur repas chez les
époux Maertens qui ont découvert le cadavre.
Après avoir appelé vainement dans la mai
son ils ont entendu sur la route les plaintes
d'un chien ils se sont dirigés de ce côté, et ont
vu le pauvre animal couché sur le corps ina
nimé de sa maîtresse.
Les médecins commis par le tribunal de
première instance de Paris pour examiner le
comte Mortier viennent de déposer leur rap
port. La conclusion de ce rapport, prise l'una
nimité, c'est que M. le comte Mortier ne doit
pas être autorisé sortir de la maison de santé
dans laquelle il a été placé.
DE LA PROTECTION AGRICOLE.
Tout moyen de protection, qui n'a pas pour
objet d'augmenter le produit brutcause un
préjudice aux consommateurs. L'établissement
d'un droit sur les céréales, qu'il soit fixe ou
mobile augmente le produit nettourne au
profit de celui qui perçoit la rente de la terre
et frappe par conséquent le consommateur d un
impôt au profil du rentier.
Celte vérité est clairement démontrée par
M. Bastiat.
Jamais, a-t-il dit la dernière réunion de
l'association pour la liberté des échanges, il n'y
eut une mystification plus grande que celle qui
nous fait voir dans la restriction un moyen de
favoriser l'agriculture.
Vous savez, messieurs, que les terres s'achè
tent d'autant plus cher quelles donnent plus
de revenu. C'est encore là une ijêuéralitiet
c'est précisément pourquoi c'est une vérité.
Cela posé, admettons que les restrictions ima
ginées par la chambre du double vote aient
réussi maintenir en France le prix du blé un
taux plus élevé, un franc, par exemple, en
moyenne. Il est clair que si ces mesures n'ont
pas eu ce résultat, elles ont été inefficaces et
ont créé des entraves inutiles, ce dont nos ad
versaires ne conviennent pas Pour les combat
tre il faut raisonner dans leur hypothèse.
Mettons donc que le blé qui se serait vendu
19 fr. sous un régime libre, s'est vendu 20 fr.
sous le système protecteur.
L'hectare de terre qui produit dix hectolitres
a donc donné 10 fr. de plus par an. Il peut
donc se vendre 200 fr. plus cher, 5 p. c.,
supposer que ce soit le taux auquel les terres
se vendent.
Ainsi, le propriétaire a été plus riche de 200
fr. en capital, et la rente lui en a été servie par
ceux qui mangent du pain, lesquels ont payé
les dix hectolitres de blé 20 fr. au lieu de 19.
Quant l'agricultureelle n'a pas été le
moins du monde encouragée. Qu'importe au
fermier de vendre son blé 19 fr. en payant 10
fr de moins: ou de le vendre 20 fr. en payant
10 fr. de plus au propriétaire? Il n'y a pas un
centime de différence dans sa rémunération, et
ce prétendu encouragement ne lui ferait pas
produire un grain de blé de plus. Tout cela
aboutit celte chose véritablement monstrueuse:
supposer au propriétaire de cet hectare de terre
un capital fictif de 200 fr., et en lui en faire
servir la rente par quiconque mange du pain.
11 eût été beaucoup plus simple de lui donner
un litre pour aller toucher 10 fr. tous les ans
la rue de Rivolien votant en même temps
un impôt spécial pour ce service. Ah! croyons
que les électeurs mille francs savaient ce
qu'ils faisaient.
Feuilleton.
LA QUIQUENGROGNE.
II. BERTHE LA FOLLE.
[Suite
Après avoir murmuré ces paroles que nous avons rapportées
parce qu'elles donnent du château de Sainl*Malo uue description
assez exacte, eu uième temps qu'elles servent faire connaître le
caractère sous lequel se présentait le plus habituellement la folie ou
l'exaltation de la vieille Berthe, elle descendit du créneau et reprit
sur la terrasse sa promenade lente et monotone.
Berthe était âgée de plus de soixante-dix ans, mais son tempéra
ment robuste avait résisté l'outrage du temps, et son corps était
toujours aussi droit que dans la force de l'âge; peut-être que la dé
mence, en mettant son cœur l'abri des émotions qui exercent sur
la santé une si grande influence, avait produit chez elle ce phéno*
mène de cotiservation extraordinaire Elle était douée de cette
heureuse constituliou qui, tenant le milieu entre l'embonpoint et la
maigreur, préseive des accidents attachés aux excès de chacune de
ces conditions corporelles, et fournit exclusivement les centenaires.
Les traits de sou visage, fortement accentués, étaient d'une régula
rité parfaite, mais leur expression avait quelque chose de si étrange,
surtout lorsque les rayons de la lune y projetaient leurs mobiles
effets d'ombre, qu'ou ne saurait dire si leur ensemble était beau. Ce
pouvait être la beauté infernale, mais noir la beauté sympathique.
A l'heure où nous la représentons sur le haut de la Qniqutugrogne,
Berthe avait la léle nue ses cheveux, un peu plus longs que ne les
portaient les hommes, étaient bien fournis; noirs autrefois, ils
avaient actuellement des reflets gris, et leur nature rude et iudocile
les faisait ressembler une crinière de lion que rte pouvait pas
même assouplir l'humidité de l'atmosphère.
Elle avait pour vêtement des jupes de drap de soie, et par-dessus,
une espèce de tunique de laine retenue la taille par une cordelière,
et dont les larges manches laissaient voir des bras vigoureux et,
(particularité bizarre,) poilus comme ceux d'un homme.
Les sorcières des légendes sont presque toujours dépeintes vêtues
de haillons, n'ayant d'autre asile qu'une ruine abandonnée dans
laquelle elles tiennent compagnie des animaux malfaisants; mais
il n'en était pas ainsi de la vieille Berthe, qui était toujours habillée
de bonnes étoffes, qui portail ses jambes de bous bas tricotés et
ses pieds de bonnes mules de cuir d'Espagne fourrées, ce qui n'em
pêchait pas qu'elle ne fut considérée par le bas peuple comme une
sorciere, niais une sorcière animée de bennes intentions pour la
ville de Saint-Malo.
Pendant quelle se livrait sa promenade circulaire, la folle de
la Quiquengrogne qui, la tète inclinée, s'était abandonnée d'abord
de vagues lêveries, se mit tout-à-coup chanter en langue celtique
un lay dont le rythme et la mélodie ne sauraient se comparer rien
de la poésie lyrique moderne, et qui n'était autre chose qu'un frag
ment de sa vie, dont elle avait fait même un poème
Elle était belle, elle était heureuse., la jeune fille de Treguier,
lorsqu'elle allait cueillir les fleurs d'or des bruyères, ou pêcher les
moules sur les roches escarpées, quand la mer était basse.
Elle était de noble race, la jeune fille de Treguier un beau
seigueur vint trouver son pere et lui dit: je veux qu'elle soit ba
ronne de Kerloguen, la jeune fille de Treguier.
H'das! hélas pourquoi changea-t-elle sa couronne de fleurs de
bruyères contre une conroune de baron, la jeune fille de Treguier,
Depuis ce jour, elle ue fut plus jeune fille, elle devint grande
dame, la première dame de Saint-Malo, jusqu'à ce qu'elle allât
parmi les autres dames de la cour de b'rance.
Elle fut longtemps heureuse la cour, la baronne de Kerloguen:
son époux était l'ami du roi dout il allait pourtant servir la cause
et pour se consoler de l'absence du baron, elle caressait l'enfant
qu'elle voyait grandir sous ses yeux.
u Jamais la jeune fille de Treguier n'avait été aussi jolie que le
devint l'autre jeune fille, son enfant, celle dont le roi fut le pairaiu
el qui prit ses dix-sept ans pendant que le baron était la guerre,
Or, savez-vous les deux nouvelles qu'elle apprit la foi-?, la
baronne de Kerloguen7 On lui dit que sou époux était uiort a la
guerre, et que sa jeune fille de dix-sept ans, celle dout le roi était le
parrain, était perdue.
Elle ne voulut plus être baronne de Kerloguen, celle qui était
veuve du baron et dont la fille était perdue elle déchira ses habits
C'est jeudi prochain, 20 de ce mois, que doit
être jugée, devant le tribunal de Bruges, l'af
faire des troubles de \ieuporl.
NOUVELLES DIVERSES.
La rédaction de Y Illustration nous commu
nique la lettre que son correspondant de Tou
lon, le poete Charles Poney, lui adresse en date
du 8 au soir. Nous sommes heureux de pou
voir la publier, dit le Siècle
Le courrier de Paris a apporté hier une
dépêche qui enjoignait aux autorités de trans
férer l'ex-émirdu Lazaret, où il avait été déposé
provisoirement dans les casernes du fort
Lamalgue Au moment où les journaux annon
cent l'arrivée d'Abd-el-Kader dans la capitale,
il est gardé vue dans une forteresse, sous la
surveillance d'un lieutenant-colonel, M. Lheu-
reux, venu exprès de Paris pour remplir cette
délicate mission. Aujourd'hui samedi, par une
pluie battante, l'ex-émir a quitté le Lazaret vers
trois heures du soir, el les embarcations de
l'Etat l'ont déposé sur la plage du fort Saint-
Louis, où une foule de curieux l'attendait.
Immédiatement après le débarquement de ses
femmes et de ses bagages, l'émir et les siens
sont montés dans des omnibus qu'on leur avait
préparés et qui les ont conduits jusque dans la
cour même du fort. Sur les cent personnes
dont se composait la suite de l'émir bord de
la frégate l Asmodèe qui l'a ramené d'Oran
vingt-sept l'ont suivi au fort Lamalgue; les
soixante-treize autres ont été transportées au
fort Malbousquet, sur la rive opposée de la rade.
L'émir n'a quitté qu'avec répugnance le
Lazaret hospitalier qui l'avait accueilli d'abord.
La séparation qu'on lui a imposée paraît lui
avoir coûté plus encore. Il est très-triste et
très-abattuet on peut déjà lire sur son visage
qu'il regrette la résolution qui l'a livré aux
mains des Français. On a eu beau l'assurer des
bonnes intentions de la France son égard, et
lui présenter le fort de Lamalgue comme un
lieu de repos et d'isolement contre la curiosité
ardente et indiscrète de la foule l impression
était produite, et il n'a vu qu'une prison de
guerre dans son nouveau séjour. La démorali
sation est parmi les siens: les adieux sur la
plage du Lazaret ont été déchirants, et il faut
que ces hommes souffrent d'une manière bien
cruelle pour qu ils aient ainsi donné leur dou
leur en spectacle et qu'ils se soient dépouillés
de ce masque immuable d'impassibilité exté
rieure qui est la seule coquetterie des Arabes.
Mais au-dessus de tous ces désespoirs plus
ou moins manifestés plus ou moins trahis en
dehors, celui de l'émir est le plus solennel.
Toujours austère, toujours calme, l'émir a gardé
sur son visage l'inaltérable douceur qu'on a été
si étonné de rencontrer: seulement une inquié
tude immense perce dans ses traits et dans ses
et s'enfuit l'aventure priant le Ciel de la faire redevenir jeune
fille de Treguier.
Elle revint Treguier, s'égara dans les landes et parcourut le
rivage de la mer; mais elle ne voyait plus dans les lande.-» les bruyè
res aux fleurs d'or, et ne péchait plus les moules sur les roches
escarpées.
Et les enfants, quand ils la voyaient passer, disaient voilà la
Folle de Treguier qui va courir dans la lande et s'amuser avec les
galets de la tuer qu'elle prend ;»our des moules.
Apt es bien des anuées, la duchesse de Bretagne vint Treguier
quelle est cette femme? demauda-t-elle; les habitants lui repondi
rent C'est la folle de Treguier.
Je viens de faire bâtir quatre tours dans la ville de Saiut-Malo,
dit la reiut Anne, et je veux loger daus mon château la folle de
Treguier.
Elle était belle, elle était heureuse, la jeune fille de Treguier,
lorsqu'elle allait cueillir les fleurs des bruyères, ou pêcher les mou
les sur les roches escarpées la marée basse.
La vieille Berthe mettait de longs intervalles entre les nombreu
ses strophes dout se composait cette ballade, qu'elle chautail d'une
voix douce ou forte, leute ou vive, selon les sentiments qu'expri
maient les paroles, dout notre imparfaite traduction ne saurait faire
comprendre la poésie.
Lorsqu'elle eut fiui de chanter, le soleil montrait l'horizon son
disque pâle, et l'Angélus sonnait la Cathédrale. Au silence de la
nuit succédait déjà ce bruit vague qui annonce le réveil d'une ville,
et l'on commençait entendre les voix des marins se préparant
leurs rudes labeurs.
La folle revint prendre alors son poste d'observation sur la balus
trade de la tour, en faee de la pleine mer; après plus d'une heure
d'attente, elle vit poindre au loin sur les eaux un objet blanc, pres
que imperceptible, et qu'on aurait pu prendre pour une déebirere
des nuages, ou pour l'aile d'un alcyon se jouant sur les flots mais
l'œil exercé de Berthe ne se méprit pas sur la nature de ce point
blanc
Une voileune voile! se mit-elle crier; L'enfant revient
sur la Heine Jeanne!
[La suite au prochain m°.)