INTERIEUR.
7e ANNÉE. - N° 703.
DIMANCHE, 30 JANVIER 1848.
JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
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Tout ce qui concerne la rédac
tion doit être adressé, Jrance
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che et le Jeudi de chaque semaine.
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Quinze centimes par ligne.
TIRES ACQUIRIT EUNDO.
YPRES le 29 Janvier.
Nous avons reproduit dans notre dernier n", un
article de la Sentinelle des campagne*journal spé
cialement destiné la défense des intérêts de l'agri
culture et dans lequel celte feuille prouve qu'il y a
dans les élucubratioris du Journal des Baziles
autant de mensonges que de mots. Nous allons en
donner un nouvel échantillon nos lecteurs, en
citant textuellement un passage de la béate feuille:
Le paupérisme gui règne dans les Flandres a
été amené successi oement par des causes diverses,
les unes plus intenses que les autres. Les moyens
pour les combattre doivent être multipliés, mais
ne sauraient être également actifségalement
prompts dans leurs effets.
Cest ce que la politique ancienne, la politique
modérée avait parfaitement compris et c'est
pourquoi, tout en recherchant les différents remè-
des qui apporteraient des soulagements plus ou
moins éloignés nos maux, elle s'empressait de
venir en aide l'instant aux besoins les plus im-
périeux. De là les secours et les préparatifs de
s) toute espèce de travauxet les projets de défri-
ehements, et les perfectionnements aux industries
existantes et les appels aux industries étrangères.
Ainsi la politique ancienne avait parfaitement
compris, que c'étaient par des moyens variés et
actifs, qu'il fallait sauver les Flandres.
Et pendanl dix-sept ans, elle est restée au pou
voir, inaclive, négligeant de prendre des mesures et
lie songeant qu'à conserver des portefeuilles et des
places par l'intrigue et la corruption.
Ces reproches seraient sans doute fondés dans
notre bouche, mais qui le croirait, le Journal des
Baziles ose les tourner contre le parti libéral'
Selon lui, l'ancien cabinet s'empresserait de venir
en aide aux besoins les plus impérieux et six mois
ne sont pas écoulés que le blé coûtait 55 francs
l'hectolitre et que le ministère déchu devait avouer
la face du pays, qu'il n'a vait rien fait pour com
battre cette cherté.
De là les secours et les préparatifs de toute
espèce de travail.
Et pendant la dernière session n'a-t-il pas com
battu les travaux exécuter la Meuse. Avant
n'avait-il pas mis obstacle l'exécution du chemin
de fer d'Ypres, en refusant de le construire aux Irais
de l'Etat et en le donnant comme compensation de
toutes les mauvaises lignes de la province une
compagnie concessionnaire?
Enfin n'a-t-il point restitué cette compagnie
line grande partie du cautionnement et diminué par
suite, les chances qu'avait la ville d'Ypres de voir
établir celle voie de communication.
Et qui donc, pendanl dix-sept ans, a fait accroire
aux populations, que l'ancienne industrie linière
devait revivre, qui les a empêchées d'adopter les
nouveaux modes de fabrication et aujourd'hui en
core qui entretient dans nos campagnes une invin
cible défiance contre toute amélioration ou change
ment dans la fabrication?
Il suffit de se rappeler les discours de MM. De
Smedt, Rodenbacli, Dehaerne et d'autres coryphées
du parti clérical, pour rester convaincu que les efforts
de ce parti ont toujours tendu empêcher qu'on in
troduise des améliorations quelconques dans les
industries.
Le nombre des décès en 1847 a été double, tri-
pie, continue la sainte feuille, dans certaines
communes flamandes.
Vous ne comprenez donc pas que c'est là la criti
que la plus sanglante de vos actes, de votre politi
que. Qui donc a produit l'Etat de choses qui exis
te en 18+7, si ce n'est vous, si ce n'est vos hommes;
ce sont eux qui ont imposé le pain du pauvre, ce
sont eux qui ont pris toutes les mesures qui ont eu
pour effet de faire disparaître l'industrie linière,
cette principale ressource des provinces flamandes,
et qu'ont-ils légué en effet leurs successeurs, si ce
n'est la famine et la banqueroute
Et c'est dans cette situation que les hommes du
béat journal voudraient qu'il fut porté un remède
immédiat tant de maux accumulés par leur im-
péritie, eux qui ont donné tant de preuves d'im
puissance, ils feignent d'oublier que les industries
ne s'improvisent pas et qu'il faut le temps pour
qu'ils puissent s'implanter surtout dans des popu
lations qui commencent par acquérir l'habitude de
ne plusse livrera un travail quelconque. Eh! bien,
le gouvernement fait aujourd'hui d'incessants ef
forts pouralteindrecebut. Voilà la ligne de différence
et le point de démarcation entre votre politique et
la nôtre. Vous avez laissé périr nos principales in
dustries, et ce que vous avez fait pour les pauvres,
se résume dans ce mot fatal rien.
La politique nouvelle, au contraire, ne néglige
aucune mesure pour sauver l'agriculture, pour ra
mener l'industrie.
Elle a organisé l'exposition agricole et pour éten
dre l'influence bienfaisante de cette institution, elle
pousse partout l'organisation de comices agricoles.
Elle encourage activement les améliorations la
voirie vicinale et, pour ne citer qu'un exemple,
nous pou vons affirmer que dans noire arrondisse
ment, plusieurs chemins vicinaux de grande com
munication projetés peine depuis quelques
semaines, seront sous peu en pleine voie de con
struction.
Pour ce qui concerne l'industrie, le ministère
cherche partout organiser des ateliers modèles,
sortes d'écoles où l'on apprend aux tisserands fa
briquer, l'aide des procédés nouveaux, toute es
pèce d'étoffe en laine, fil ou coton.
Dans une autre partie de notre province, le gou
vernement cherche attacher au sol ces populations
vagabondes qui habitent les limites du bois d'Hout—
hulst, et qui, pendant la saison d'hiver, sont le fléau
de nos campagnes.
Voilà quelques actes pris au hasard, et qui font
partie d'un système complet pour venir en aideaux
Flandres. Nous sommes bien loin de dire que l'on
verra renaître immédiatement la prospérité publi
que, rien ne garantit même que tous ces efforts se
ront couronnés de succès, mais au moins, en ne
négligeant aucun moyen, uous avons la conviction
que la situation ne pourra que s'améliorer, et que le
ministère ne se verra obligé, dans aucun cas, faire
comme ses prédécesseurs, l'aveu de sa propre im
puissance.
u ij u i i i
Marché d'Ypres, du 29 Janvier 1848.
Le marché n'offrait qu'un approvisionnement
médiocre. Aussi y a-t-il eu hausse sur le prix des
céréales. Quelques acheteurs étrangers ont été re
marqués. .820 hectolitres de froment ont été vendus
des prix qui se tenaient entre fr. 19-20 et fr.
20-80 moyenne 20 fr. hausse 65 centimes.
Le seigle a subi une légère diminution. 54 hecto
litres ont été vendus des prixqui variaient,suivant
qualité, de i3 fr. fr. i3-60 moyenne fr. i5-3o
baisse 10 centimes.
Vingt hectolitres d'avoine ont été rapidement en
levés avec une légère faveur de 25 centimes. Les
prix se raisonnaient entre fr. 8-5o et 9 fr.; moyenne
fr. 8-75.
Les fèves ont augmenté de prix. 68 hectolitres ont
trouvé preneursau prix moyen de 14L;hausse,4oc.
L'approvisionnement du marché en pommes de
terre était minime; cependant les prix n'ont pas
varié, fr. 8-5o les 100 kilogrammes.
Dans son dernier numéro, le Journal des
Baziles avec une impudeur tout-à-fait cléricale,
plaisante agréablement la politique nouvelle
sur la lenteur qu'elle met, au gré de la politique
ancienne, venir au secours des populations
flamandes. La sainte feuille raille avec jubilation
le ministère libéralde n'avoir pas encore ra
mené l'abondance et la prospérité dans nos
contrées, au bout de six mois, quand il a
fallu dix-sept années de domination cléricale
pour les réduire la misère.
Il est difficile de s'imaginer quel point la
presse cléricale pousse le dévergondage. Calom
nies, mensonges, infamies de tout genre, tout
est mis en œuvre pour égarer la nation et pour
jeter la défiance dans les esprits. Tantôt on crie
Feuilleton.
LA QUIQUEN6ROGNE.
III.— le capitaine yorik.. (Suite.)
Deux heures après, la Reine-Jeanne, toutes voiles dehors et por
tant fièrent son grand mât le pavillon de la Bretagne, faisait dans
le port de Saint-Malo son entrée triomphale.
La ville tout entière s'était portée la rencontre du bâtiment
dont elle voulait saluer l'arrivée bien des raisons attiraient sur lui
l'intérêt des habitants; d'abord, c'était le premier navire malouin
qui fût allé en Amérique, ensuite un grand nombre de familles du
bas peuple avaieDt, soit un père, soit un frère, soit un parent, soit un
ami, au nombre des marins de la Reine-Jeanne, enfin le choix des
notables venait de se porter sur le capitaine Yorik et de le désigner
comme Prévôt, sans que l'on sut seulement si le capitaine vivait en
core et s'il revenait bord de son navire.
La Reine-Jeanne avait peine jeté l'ancre en face de la Grande-
Porte, que déjà trente ou quarante bateaux s'accrochaient ses
flancs, et vomissaient sur son pont une foule innombrable de gens
impatients de connaître le sort des parents ou amis qu'ils comptaient
parmi les engagés. Hélas! plus d'un père, plus d'un frère, plus d'une
épouse, plus d'un ami qui étaient accourut l'espoir et la joie an
cœur, revinrent tristement pleurer leur foyer le fils, le frère,
l'époux, l'ami qu'ils ne devaient plus revoir! il est vrai que le capi
taine Yorik leur avait fait accepter le seul dédommagement possible
la perle cruelle qu'ils éprouvaient mais l'argent, qui calme la
longue presque toutes les douleurs humaines, ne produit aucun effet
immédiat sur les chagrins de la nature de ceux que ces pauvres gens
emportaient dans le cœur.
Mous renonçons peindre la joie délirante des personnes qui,
mieux favorisées par le sort, retrouvé»eut sur la Reine-Jeanne les
parents qu ils venaient y chercher: les marins ont le bonheur ba
vard, ils veulent raconter dès la première minute de leur entrevue
tous les événemeuls de leurs voyages, et de là, pour eux, l'obligation
d'orner leurs discours d'images bizarres, qui suppléent autant que
possible aux circonlocutions qu'ils veulent éviter, et qui n'aboutis
sent qu'à rendre leur récit peu près inintelligible. Par exemple,
ce que l'on comprit parfaitement de toutes les choses qui furent
dites de ce voyage fabuleux en Amérique, ce fut que le capitaine
Yorik était un homme extraordinaire, qu'il se moquait des tem
pêtes aussi bien que des croiseurs ennemis, qu'avec lui on pouvait
tout entreprendre sans avoir peur de rien, qu il était le père de ses
matelots, et qu'il leur avait fait faire fortune tous.
Et là-dessus, les embrasserueDts recommençaient, les exolama-
tions reprenaient de plus belle, et l'on se jetait pêle-mêle dans les
barques qui devaient mener la jetée sur laquelle cent autres amis
étaient là, qui attendaient leur tour d'être embrassés et mis aa cou
rant des aventures des joyeux matelots de la Reine-Jeanne.
Ce fut sur le grand canot du bâtiment que le capitaine Yorik et
sou jeune élève Jacques Cartier furent transportés terre. A peine
y furent-ils arrivés qu'ils se virent entourés par l'assemblée des
notables qui venait apprendre au capitaine le choix que l'on avait
fait de lui en qualité de prévôt de milice.
ïorik était si loin de s'attendre un semblable accueil, qu'il ne
songea pas même remercier la députalion de l'honneur qu'elle
veuuit de lui annoncer; il plongea son regard dans les masses d'in
dividus qui obstruaient la jetée comme s'il eût cherché reconnaître
des personnes qu'il espérait rencontrer son débarquement, et ne
les voyant pas venir s
Les matelots sont plus heureux que moi. pensa-t-il, ils ont vu
accourir au-devant d'eux des cœurs pleins de bon souvenir et d'af
fection
Et toi, lui répondit une voix qui lui ooeasionna un frémisse
ment qu'il ne put maîtriser, tu vois accourir toute une ville qui n'a
plus d'espoir qu'eu ton énergie, et tu te plains! Du courage! ac
cepte la prévôté.
Le capitaine Yorik ne se détourna même pas pour voir la per
sonne qui lui adressait, voix basse, ces paroles qui lui rappelèrent
la démarche dont il était l'objet.
Messieurs, dit-il aux notables, messire Jehan de Bizien n'est-il
plus votre prévôt?
Le sire de Bizien est mort assassiné par les Français, lui ré
pandit-ou.
Et sa fille Raoulette demanda-t-il en pâlissant.
Morte aussi.
Morte! répéta machinalement Yorik qui sentit les forces
abandonner sou oorps, et qui fut obligé de s'appuyer sur l'épaule de
Jacques Cartier morte oh mon Dieu 1 c'est trop! c'est trop!
Pas d indigne faiblesse, lui dit encore la même voix, qui sem
blait avoir sur lui une influence surnaturelle... Raoulette n'est pas
morte... tu la verras ce soir, la Quiquengrogue.
IV. raoulette.
En apprenant qu'un engagement meurtrier avait eu lieu entre la
milice bourgeoise et les hommes qui accompagnaient la cathédrale
le capitaine Clément, le comte de Charolles s'était abandonné Èna
violent accès de colère, reprochant son fils d'avoir détruit en une
miaule, et par un stupide sentiment d'orgueil, l'œuvre de paix et