7e ANNÉE. N° 705.
INTÉRIEUR.
DIMANCHE, 6 FÉVRIER 1848.
JOURNAL D'Y PRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
LA QUIQUENGROGNE.
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TPKE8le 5 Février.
LE MINISTÈRE ET LES BUDGETS.
Tous les budgets pour l'exercice 1848 sont votés.
Pour des ministres nouveaux, ce n'est pas une
de» moindres difficultés que de se mettre en peu de
temps au fait de toutes les questions, qui peuvent
être soulevées la chambre, l'occasion de l'examen
des budgets. Le cabinet libéral s'est trouvé en pré
sence d'un travail fait par le ministère précédent et
cela n'a point facilité sa lâche, car les budgets tels
qu'ils avaient été soumis la chambre par les six-
Maloti, ne laissaient pas que de présenter de graves
erreurs qui ont dû être redressées. Nous n'en voulons
citer qu'une, la recelte présumée du chemin de fer
qui, en 1847 déjà, n'a point atteint le chiffre fixé au
budget.
Le pays a vu fonctionner cette administration
libérale qui, au dire des feuilles cléricales, devait
attirer tous les genres de malheurs sur la Belgique.
Les églises ne sont pas fermées, les prêtres ne sont
point persécutés, bien qu'on ne demanderait pas
mieux que de trouver un prétexte honnête pour
crier la persécution. Hélas de toutes ces prophé
ties, aucune ne s'est accomplie, au grand dommage
des Mathieu Laensbergh de la nouvelle opposition.
Les minisires libéraux ont la discussion de leurs
budgets respectifs pu se faire apprécier et par leurs
collègues du parlement et par la nation. Les orga
nes de l'opposition cléricale ne disaient pas trop
de mal du ministre de l'intérieur on daignait lui
reconnaître de l'activité, de l'énergie et de hautes
capacités politiques. Cependant on l'attendait la
question des Flandres, désespoir de tous les minis
tres catholiques et l'on espérait avec une joie conte
nue et déguisée qu'il devait échouer là, où les plus
hautes sommités catholiques s'étaient brisées. M.
Rogier, par ses discours et par les actes qu'il a posés,
a déjà amoindri la secrète espérance des feuilles
cléricales et si maintenant elles le somment de faire
connaître son plan pour combattre le paupérisme;
c'est qu'elles craignent qu'il ue soit trop efficace et
trop complet.
Nous ne dirons rien de M. D'Holfschmidt, si ce
n'est qu'il a bien défendu la conduite du cabinet dans
l'intrigue cléricale,dite delà cour de Rome. Bien que
son budget ait soulevé une assez vive discussion, le
ministre s'en est tiré avec honneur, et a donné la
chambre les explications les plus satisfaisantes.
Depuis plusieurs semaines, quelques journaux du
clergé s'occupent fréquemment de M. le ministre
des finances et de sa retraite prochaine du cabinet.
Quand M. Veydt a accepté un portefeuille dans la
combinaison libérale, il avait le pressentiment qu'il
assumait une tâche au-dessus de ses forces physi
ques et que peut-être il ne pourrait rester long
temps aux affaires avec ses collègues. M. Veydt,
convaincu que sa santé ne lui permettait pas
de rester au département des finances, a mani
Fcuillcton.
festé le désir d'être remplacé, mais en restant en
fonctions jusqu'à ce que son successeur fût désigné.
Voilà toute la vérité sur cette modification probable
du cabinet, mais dont l'époque est indéterminée.
D'ailleurs, M. Veydt n'a aucun motif pour aban
donner ses collègues, qui sont ses amis pour la
plupart. Aimé pour son caractère doux et conci
liant, estimé pour ses connaissances financières,
M. Veydt jouit de la confiance des deux côtés de la
chambre,et dans la grande discussion financière qui
a eu lieu au commencement de la session, il a prouvé
qu'il est loin d'être au-dessous de la tâche qui lui
incombe. Les journaux catholiques qui ne deman
deraient pas mieux que de pouvoir le rabaisser,
afin de rehausser l'éclat de l'auréole pâlie de leur
ex-ministre des finances, M. J. Malou, n'ont rien
trouvé mordre dans la gestion financière de
M. Veydt qui, par son caractère privé et son inté
grité reconnue, rend la calomnie impuissante, bien
qu'elle soit maniée par le jésuitisme.
Le budget de la guerre a été celui qui a soulevé la
plus forte opposition, non pas de la part de l'oppo
sition cléricale, mais d'une fraction de la majorité
libérale. Se basant sur une neutralité garantie par
les traités, quelques libéraux voleraient la disloca
tion de l'armée. La Belgique a voulu reconquérir
son indépendance et sa nationalité, et cela même
implique pour une nation la nécessité d'être en me
sure de les défendre. Nous savons qu'avec notre
armée, il pourrait se faire que la défense du pays fut
encore impossible, maisdans tous les cas, il serait hon
teux d'être exposé devenir la proie de la première
puissance qui aurait envie d'ajouter la Belgique
son territoire, et de se trouver dans la position de
ne pouvoir y porter le moindre obstacle.
M. le général Cliazal a exposé tous les dangers
qu'il y aurait pour le pays détruire l'armée qui
a coûté tant de peine créer et tant de millions
organiser. Eloquent, d'une haute capacité militaire,
M. le général Chazal a eu le bonheur, malgré
l'opposition qu'il rencontrait, de faire partager ses
convictions la chambre et au pays. Depuis la ré
volution, jamais l'armée n'avait eu la chambre un
chef qui était parvenu, par ses paroles, exercer
une influence aussi puissante que M. le général
Chazal.
M. De Haussy, le ministre de la justice, était
connu. C'est un des membres les plus distingués
du sénat, et jamais l'opposition cléricale n'avait osé
mettre en doute sa haute capacité. M. De Haussy
était estimé au sénat et exerçait une grande in
fluence sur ses collègues. Aussi le budget de la jus
tice, en lui-même, n'a-t-il suscité que peu d'obser
vations, mais des queslions'incidentes l'ont allongé
et sans grand profit pour l'opposition, qui les avait
soulevées.
Restait le budget des travaux publics. C'était
l'occasion delà discussion des dépenses de ce départe
ment que la minorité catholique se vantait de pren
dre sa revanche. Comment, un petit avocat avait osé
accepter le ministère des travaux publics? A la
bonne heure, si c'avait été une nullité cléricale, la
presse catholique en eut fait un grand homme. Mail
un avocat libéral, fi! donc. Cependant M. Frère a
abordé résolûmerit la discussion de son budget et
dès l'exposition, les contradicteurs catholiques ont
pu juger que la partie n'était point belle pour eux.
Déjà dans de précédents débats, M. Frère avait donné
de sa capacité politique une haute idée, mais par la
manière dont il a défendu son budget, il a prouvé
que son aptitude administrative était la hauteur
de ses talents oratoires.
Nous avons passé rapidement en revue le carac
tère de chaque ministre, les connaissances dont il a
fait preuve l'occasion de la discussion des budgets,
et nous pouvons dire avec impartialité et sans
crainte d'être contredit, que jamais nous n'avons eu
un ministère aussi puissamment composé sous le
rapport du talent, des capacités administratives, et
de l'éloquence parlementaire de ses membres. Ja
mais aucun cabinet catholique n'a été aussi forte
ment constitué et si les hommes qui sont au
pouvoir sortaient des rangs du parti clérical, au
lieu d'être poursuivis parla malveillance de la presse
jésuitique, il n'y aurait pas de mots assez flatteurs
pour les encenser.
Marché d'Ypres, dd 5 Février 1848.
Le marché était médiocrement approvisionné, par suife de la
fermeture des barrières. Les transactions ont eu lieu avec calme et
sans tendances la hausse, 270 hectolitres de froment ont été exposés
en vente des prix qui se tenaient entre fr. 19 20 et fr. 20 80;
moyenne comme au marché précédent, 20 francs.
Vingt neuf hectolitres de seigle ont été portés au marché. Les prix
ent varié Je fr. 15 40 fr, 14 40; moyenne fr. 15 90, hausse 60
centimes, qui doit être imputé au faible approvisionnement du
marché.
L'avoine s'est vendue sans variation de prix. 22 hectolitres ont
trouvé preneurs dts prix qui llottaient entre fr, 8 50 et 9 fr.;
moyenne fr. 8 75.
Trente liuit hectolitres de fèves se sont vendues avec une légère
faveur de 40 centimes et un prix moyen de fr. 1A 40.
Les pommes de terre ont subi une hausse assez Tbrte. Pendant
longtemps, on les achetait fr. 8 50 les 100 kilogrammes. An
marché d'aujourd'hui on devait payer la même quantité fr. 9 50;
hausse un franc.
CONCERT DONNÉ A.U BENEFICE DES INDIGENTS.
La soirée de mercredi, donnée au profit des
indigents, a été sans contredit la fête la plus
animée de la saison, tout a concouru y attirer
le monde l'attrait d'un beau concert, l'espoir
d'un joli bal, et surtout le charme d'une bonne
action; voilà de ces fêtes que le pauvre voit sans
envie.
Monsieur Bôhm avait décoré la salle avec ce
goût exquis, et ce désintéressement qu'on lui
connait et dont il a déjà donné de si belles
preuves. Aussi nous aimons constater que cet
assemblage de drapeaux, de guirlandes, decus-
sons, celle fontaine jets de feu, présentant un
aspect féérique n'a pas peu contribué rehaus
ser l'éclat de cette fête.
Le concert a obtenu un beau succèsl'exé-
IV. raoulette. [Suite.)
Le aire de Bizien ne restait jamais un seul juur sans parler de son
jeune ami, et dans les prières qu'il faisait en commun arec sa fille,
le nom cl Vorik se trouvait placé en tête de ceux sur lesquels on ap-
pelait les bénédictions de la providence. Baoulelte. quoiqu'elle fût
que
se fût développé pendant la séparation, ce qui n'était pas arrivé. Si
le cœur de Raouletle n'était pas absolument libre, et si l'image de
«on fiancé venait par fois y occuper une place, c'est qu elle se consi
dérait comme irrévocablement engagée celui qui lui avait été
désigné comme devant être son époux, mais elle ne connaissait pas
encore ces aspirations véhémentes, ces impatiences d'àme qui ac
compagnent toujours l'amour.
Lorsqu'elle fut seule dans le lieu où Patrice et Michel venaient
de la renfermer, Raoulette, en pensant la violence que l'on avait
exercée son égard, éprouva plutôt un sentiment de surprise et d'in
dignation que de véritable crainte. C'est en vain qu'elle se deman
dait au proût de qui on l'avait enlevée; la vue des deux arquebu
siers français ne l'avait pas mise 6ur la trace de la vérité, parce que
ne sachant presque rien des troubles qui menaçaient la ville, elle ne
soupçonnait même pas l'existence de l'homme dont elle était, la
prisonnière.
La sollicitude avec laquelle on l'avait fait revenir de son éva
nouissement, et les procédés presque bieuveillants par lesquels les
estaffiers avaient cherché lui faire oublier la brutalité de la mis
sion dont ils étaient chargés, lui paraissait de nature éloigner
toutes les craintes qu'elle aurait pu concevoir de cette étrange in
carcération. Évidemment, on ne pouvait avoir de mauvais desseins
envers elle quels ennemis pouvait-elle avoir, elle qui n'avait
jamais fait que du bien C'était sans doute, pensait-elle, d'après un
ordre de son père, que l'on venait d'agir ainsi, car autrement la
milice l'eût arrachée des mains de ses ravisseurs, qui ne pouvaient
pas n'avoir point été aperçus, au moment où ils s'emparaient de sa
personne au milieu d'une foule compacte.
Cependant force de penser cet événement toujours mystérieux
pour elle, malgré les conjectures par lesquelles elle cherchait l'ex
pliquer, il lui revint un vague souvenir du combat dont elle n'avait
vu que le premier choc; elle orut encore entendre les cris de déses
poir, les vociférations injurieuses, le cliquetis des armes, les déto
nations d'arquebuses qui avaient frappé ses oreilles, et ce fut alors
seulement que la terreur et l'inquiétude se partagèrent son esprit.
La chambre dans laquelle on l'avait déposée n'avait qu'une petite
fenêtre, percée en forme de meurtrière, et garnie de pètites vitres
eu losanges, jointes les unes aux autres par des lames de plomb. Le
peu de lumière que laissait pénétrer cette étroite ouverture, n'avait
pas permis d'abord la jeune fille de distinguer les objets qui l'en
touraient, et elle avait cru être dans quelque cachot bien humide,
bien affreux, comme en décrivaient les histoires qu'onlui avait
contées dans son eufance; mais quand ses yeux se furent accoutu
més la demi-obscurité de sa prison, elle sentit l'espoir lui remonter
au cœur, en reconnaissant qu elle était ornée avec une élégance, une
richesse dont aucun appartement de la maison paternelle n'avait pu
lui donner l'idée.
Ce qu'elle avait d'abord pris pour un sombre cachot, était une
pièce circulaire, dont les muraille»étaient tendues de iuaguifiq»«s
tapisseries représentant des sujets tirés de l'histoire de Bretague un
tapis d'un autre genre et que quelque croisé avait peut être jadis
rapporté d'Orient, était étendu sur les dalles, étalant les riches cou
leurs de ses rosaces. Le mobilier consistait en un lit de repos de boii
d'érable, dont les pieds tordus et les dossiers crémaillère, accu
saient la main d'un artiste habile. Ce meuble, qui pouvait seivir
également de siège pendant le jour, et de lit pendant la nuit, était
rembourré de duvet et recouvert d'une de ces épaisses étoffes d®
soie, dont on ne connaît plus aujourd'hui la fabrication. 11 y avait
encore un bahut double compartiment, en bois de chéue adm»1"3"
bleiuent ciselé, et sur ce bahut uu miroir de Venise adré dan»