7e ANNÉE. - N° 710.
INTÉRIEUR.
JEUDI, 24 FÉVRIER 1848.
JOURNAL DYPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
On nous prie de prévenir par la voie
du journal et sans avertissement ulté
rieur les signataires des listes pour la
fondation d'une association agricole, que
la réunion pour jeter les bases de cette
société, est fixée samedi, 26 février,
trois heures de relevée, au grand Salon
d Apollon, rue du Lombard, en cette ville.
H!—
On s'abonne Ypbes, Marché
au Beurre, 1, et chez tous les per
cepteurs des postes du royaume.
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Tout ce qui concerne la rédac
tion doit être adressé, jranco}
l'éditeur du journal, Ypres.
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che et le Jeudi de chaque semaine.
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Quinze centimes par ligne.
TIRES ÀCQUIR1T EUNDO.
AVIS.
TPRE8 le 23 Février.
La presse cléricale a trouvé un thème exploiter
contre l'opinion libérale, dont elle attend merveille,
voir le soin qu'elle met le choyer, le caresser,
le produire en toute ooeasion. Nous voulons parler
des clubs et du rôle que leur font jouer les feuilles
du clergé. Ce sont chaque jour des lamentations qui
ne le cèdent point en fait de pathétique, celles du
prophète Jérémie, sur le pouvoir des clubs, sur leur
influence dans le gouvernement. Enfin et pour
conclure, les journaux catholiques comparent leur
action celle du pouvoir occulte du clergé, sous les
ministères catholiques et prédisent toujours comme
les prophètes de l'ancien testament (les nouveaux
n'ont pas de crédit) que l'anarchie est la veille
découvrir la Belgique le tout, parce que leurs pa
trons ne font plus là pluie et le beau temps.
Disons quelques mots du droit de s'associer. A la
résolution, les libéraux ne se souciaient guère de
voir ce droit sans limites inscrit dans la constitu
tion. Mais les catholiques qui savaient ce qu'ils vou
laient et qui déjà avaient l'intention de faire de la
Belgique une vaste capucinière, réclamaient un droit
absolu cor et cris. 11 fallait la liberté de
s'associer sans mesures préventives, car le clergé
sans lequel le parti catholique serait impossible ou
un parti pour ainsi dire sans adhérents, voulaient
pouvoir fonder l'ombre de la liberté, des monas
tères, des abbayes, des prieurés, comme sous l'an
cien régime, laissant au temps et l'association
produire ses conséquences nécessaires. Après avoir
usé de la liberté pour s'étendre, se ramifier, s'enri
chir, les couvents arrivés une certaine période de
splendeur, allaient changer de rôle et se déclarer les
ennemis de cette liberté qui, après les avoir couvés
sous son aile protectrice, devenue inutile et par
conséquent dangereuse, devait êtreétouffée. Tel était
Je plan des sommités du parti clérical, l'origine de
la révolution; tel était le but des véritables meneurs.
Aussi la liberté de s'associer devint un article de la
constitution, et le clergé se mit l'œuvre sans per
dre de temps. Des couvents, des monastères, des
abbayes s'élevèrent de toutes parts et devinrent
des puissants foyers d'influence pour le parti cléri
cal. Aussi jusqu'en i84i, les élections tournèrent
toujours au gré du clergé qui avait bon marché des
libéraux désunis.
La fameuse adresse du Sénat et le renvoi du mi
nistère Lebeau-Rogier, fit ouvrir les yeux beau
coup de monde. La théocratie, le régime clérical
osaient se produire ouvertement. Jusqu'alors, on
luttait contre le libéralisme, mais en se posant en
paroles, comme plus libéral que les libéraux eux-
mêmes. Mais ce jeu ne fit pas longtemps de dupes.
Depuis, les Ibéraux apprirent s'associer, et nous
devons cette justice nos adversaires, ce sont eux
qui nous firent apprécier la puissance de ce formi
dable levier, qu'on appelle le droit d'association.
Maintenant, voici la position de nos adversaires,
quant l'usage qu'ils ont fait du droit d'association.
Du côté du parti clérical, on trouve le clergé qui est
une association permanente, un gouvernement dans
l'état, dépendant d'un chef étranger, une hiérarchie
qui ne doit avoir aucune action politique, mais qui
ne pose pas un acte, en-dehors des cérémonies reli
gieuses, qui n'ait un but politique. Autour de cette
puissante corporation, une multitude de petites as
sociations, confréries, congrégations do toutes for
mes, de toutes couleurs, et qui, dahs les occasions
données, travaillent dans l'ombre ou ouvertement,
sous des ordres partisd'un point unique et auxquels
il ne serait pas prudent de désobéir. Ces associations
qui n'ont de religieux que le nom, sont quelquefois
tellement puissantes, qu'elles entravent effronté-
mentraction de l'autorité civfle eteequ'ily a de plus
sacré après Dieu, celle do la justice. Nous avons un
exem pie citer de cette puissance de certaines
associations cléricales dans le procès qui se juge
maintenant Toulouse. Les Frères dits Ignoranlitis
ne sont-ils pas en révolte complète contre la justice
et ne se permettent-ils ouvertement le faux témoi
gnage? Quelle garantie la société peut-elle avoir
contre des corporations assez puissantes pour ôser
fronder la justice, gardienne tutélairedes droits de
tous
Et c'est en présence de la constitution du clergé
et des ordres monastiques qui en dépendent, que la
presse cléricale fait tout ce bruit l'occasion de la
puissance qu'elle prête aux clubs politiques, car
c'est ainsi qu'on nomme en langage jésuitique, les
associations électorales! Et cependant, s'il pouvait y
avoir un tantinet de bonne foi dans la polémique
des feuilles cléricales, ne devraient-elles pas rougir
de s'acharner contre des fantômes, tandis qu'elles
ont un si .puissant intérêt ne pas provoquer de
comparaison entre les moyens d'action que possède
le clergé qui est l'âme du parti clérical, et ceux dont
dispose le libéralisme. Si celui-ci n'avait pas eu le
génie de la liberté et l'esprit jju siècle pour lui,
jamais il n'eut pu parvenirà triompheretà délivrer
la Belgique d'une partie des liens dans lesquels Io
parti clérical était parvenu l'entortiller.
Nous avons appris de bonne source, qull a
été donné lecture au Conseil, hier dans la séance
huis-clos, d'une letlre adressée M. le bourg
mestre, pour le prier d'examiner s'il n y a poiat
lieu de provoquer Ypres, une souscription
nationale en faveur des Flandres. Le Conseil a
cru qu'on ne pouvait s'y refuserd'après ce
qu'on assure, mais en faisant toutefois l obser-
vation,que!a ville a toujours taché de se suffire
elle-même, et que dans les travaux publics qui
auraient pu améliorer sa position excentrique et
rendre ses relations commerciales plus faciles
ou en créer de nouvelles, elle a été peu secon
dée par les ministères catholiques qui se sont
succédé jusqu'ici. Cependant il a été désigné
trois membres du conseil, MM. Boedt, Notaire,
Legraverand et Auguste De Ghelcke, qui, sous
la présidence de M. le bourgmestre ot avec
l'adjonction d'un membre des hospices et un
du bureau-de bienfaisance, au choix de ces
administrations s'adjoindront d'autres per
sonnes respectables de la ville et le chef du
clergé, pour former un comité l'instar de ce
qui s'est fait Bruges, Gand et Anvers.
■sa -en»
Au premier Mars 1848 doit cesser la libre
entrée du bétail dans notre pays. C'était une mesure
exceptionnelle qui a été nécessitée par les circon
stances, mais qui, croyons-nous, ne pourrait plus
être renouvelée sans inconvénient. En effet, les
denrées alimentaires sont revenues un prix pour
ainsi dire normal, et nous croyons que le prix du
bétail suivra la même marebeque celui des céréales,
maintenant que l'élève du bétail, diminué par suite
de la cherté des grains et des pommes de terre,
augmentera dans des proportions assez larges, pour
permettre au pays de produire assez de viande pour
sa consommation, un prix convenable pour l'éle
veur et le consommateur. Dans tous les cas, il se
rait souhaiter que le gouvernement fasse connaî
tre ses intentions, car dans notre province, les
lierbagers ne savent comment faire, dans l'ignorance
qu'ils sont des projets du gouvernement au sujet de
cet arrêté. Le cabinet devrait faire cesser ce provi
soire et faire connaître ses vues cet égard sans
délai.
La tactique des journaux calholiquesen pré
sence des débals qui ont lieu devant la cour d'assises
de Toulouse, est curieuse. On croirait vraiment que
le procès du frère Léotade n'a rien qui puisse attirer
l'attention publique. Et cependant c'est une affaire
Feuilleton.
LA QUIQUENGROGNE.
y. alix de kerloguen. {Suite.)
Nous avons dit qu'Alix de Kerlogtien était dans son oratoire au
moment où le capitaine Yorik entrait dans la maison de la rue de
Dinan. Lorsque ces mots Madame, notre maître revient!...-*
arrivèrent jusqu'à elle, elle se précipita sur la porte de l'oratoire
qu'elle ouvrit, et en apercevant l'autre extrémité du salon celui
pour qui elle avait fait tant de prières, elle se sentit incapable d'avan
cer. et restfc immobile comme une statue, les mains tendues vere
Yorik, voulant parler et ne le pouvant pas. Ce ne fut que lorsque le
jeune navigateur l'eut entourée de ses bras, qu'elle put recouvrer la
puissance de se mouvoir et de parler, ce conlact ayant produit sur
elle un effet électrique.
Pardon, pardon, lui dit-elle, je voulais aller au-devant de
vous, et je n'ai pu marcher; j'ai cru que j'allais mourir... Dieu a pris
pitié de moi... il vous ramène... je vous vois... c'est bien vous...
c'est bien lui!...
En parlant ainsi, Alix s'était jetée ses genoux et couvrait ses
mains de caresses et de larmes. Yorik la releva.
Que faites-vous donc? lui dit-il,est-ce là votre place?... c'est
dans mes bras que vous devez être... Ne suis-je pas votre fils... Oh!
tenez, laissez-moi vous appeler ma mère, cela me fera du bien... Je
n'ai plus que vous au monde
Quoi! déjà... vous savez ces affreuses nouvelles... la mort de
Jehan de Bizien... la mort de Raoulette...
Tranquillisez-vous, on m'a dit que Raoulette n'est pas morte.
Qui vous a dit cela Berthc peut«être
Elle-même.
Oh! mon enfant, ne vous bercez pas d'illusions sur la foi de
cette pauvre femme... Et qui sait pourtant peut.être vousa-t-elle
dit vrai... On assure que Dieu donne quelquefois aux fous la faoulté
de lire dans l'avenir, et Berthe m'avait annoncé votre retour pour
aujourd'hui.
Cette prédiction n'a rien qui doive vous surprendre... elle
m'avait fait faire le serment, mon départ, d'être de retour le 50
mai 1519. Il aurait fallu que je fusse mort pour manquer cet en»
gageaient.
Me cachez-vous un secret, mon cher enfant? Berthe a-t-elle
pris sur vous un tel empire que vous soyez revenu pour elle plutôt
que pour moi qui vous aime tant
Pourquoi vous le cacherais-je?*. Oui, la foHe de la tour exerce
sur moi une inexplicable fascination; oai, je l'avoue, je crois tou
tes ses paroles... On dirait qu'elle connaît mon cœur mieux que
moi-même, ou qu'elle y fait éclore volonté toutes les sensations
qu'elle désire me communiquer. Si je ne l'eusse trouvée sur le port,
lorsqu'on 06t venu m'annoncer la fatale nouvelle de la mort de
Jehan de Bizien et de sa fille, peut-être epssé-je montré en public
aux yeux même de mou équipage, une faiblesse indigne d'un
homme; mais sa voix mystérieuse est venue me fortifier.
Quel intérêt pouvait-elle avoir ce que vous fussiez de retour
aujourd'hui
Le 30 mai est l'anniversaire de mon départ; elle m'a promis
qu'au bout de trois ans, jour pour jour, elle me dévoilerait un secret
que je désire connaître depuis bien des années, quoique jamais je
n'aie parlé personne de oe désir que je croyais enseveli dans mon
cœar, et qu'elle a cependant deviné, elle, cette femme étrange!
Quel désir, mon enfant quel seoret?
Le secret de ma naissance.
Une pâleur livide se répandit sur le visage d'Alix, lorsqu'elle en
tendit cette révélation d'un désir que rieu ne lui avait fait soupçon
ner chez Yorik. Elle oaçha son front dans ses mains, et reprit d'une
voix pleine d'anxiété, après un instant de sikuce
Le secret de votre naissance!... et pourquoi, paon enfaut,
eroyez-vous que votre naissance soit un secret?
Parce que vous portez le nom de Kerlogueu, et que moi je ne
le porte pas. Parce que, malgré cette tendresse que vous m'avez
toujours montrée, yous n'ayez jamais osé m'aimer comme une mère