T ANNÉE. - N° 713.
DIMANCHE, S MARS 1848.
JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
INTERIEUR.
Marché d'Ypres, du 4 Mars 1848.
1
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ÏPRES, le 4 mars.
RESTONS UNIS.
La France vient d'accomplir sa troisième révo
lution. Jamais événement plus imprévu jamais
cataclysme plus inattendu n'a éclaté en Europe,
comme la cliûte du trône constitutionnel de France.
Nous n'avons pas apprécier quel usage a l'ail de sa
victoire le peuple français en armes, ni la forme de
gouvernement qu'il a voulu adopter. Ce sont des
droits qui sont du domaine d'un peuple libre et qui
appartiennent toute nation indépendante, souve
raine maîtresse du choix de l'espèce de gouverne
ment qui doit régir ses destinées. Mais la révolution
du 24 février ne sera pas sans produire une impres
sion profonde en Europe et cet événement peut
avoir des suites incalculables. Proche voisine delà
France, quelle doit être dans ces circonstances la
conduite de la nation belge l'égard d'un peuple
ami l La voie est toute tracée, le gouvernement
lui-même a déclaré, que la Belgique a accueilli
avec empressement l'assurance donnée par le gou
vernement provisoire françaisdes sentiments qui
animent la France en faveur de l'indépendance des
territoires et de la puise du monde, sentiments qui
répondent si bien ceux de la Belgique elle-même.
Nous applaudissons hautement ces paroles du
ministre des affaires étrangères. Elles sont sages et
reflètent les espérances de l'opinion publique du
pays. En effet, il y a dix- huit ans, nous avons fait
une révolution pour conquérir notre indépendance.
Nous estimons que la nationalité d'un peuple est ce
qu'il a de plus précieux et pour la conquérir, nul
sacrifice n'a été trop pénible la Belgique. Il est
donc logique qu'aujourd'hui nous désirons la main
tenir, la conserver. Nous devons y être portés d'au
tant plus, que la constitution que nous nous som
mes donnée est libérale et ne s'oppose eii rien toutes
les améliorations raisonnables, qu'on pourrait vou
loir introduire dans le régime du pays. Il est prouvé
que les libertés que la France réclamait et au nom
desquels elle a fait la révolution, nous les possé
dons depuis dix-sept ans. La liberté d'association, la
liberté des cultes, la liberté de la presse sont des
conquêtes de iS3o, et le principe monarchique qui
couronne notre constitution, n'empêche pas qu'elle
ne contienne toutes les garanties que la F'rance u'a
pu se donner la chute de la restauration.
La nation belge n'a donc, de ce côté, rien dési
rer. Nos institutions sont aussi démocratiques que
l'étal de la société peut le supporter, en conciliant
l'ordre et la liberté. Nous possédons le gouverne
ment du pays par le pays un plus haut degré
qu'aucun peuple du continent, et nous croyons que
c'est le fondement le plus stable de notre nationa
lité, de notre indépendance; car on ne songe pas
modifier le régime établi, quand on n'a rien envier
aux autres peuples.
Feuilleton.
LA QUIQUENGROGNE.
vi. les conjectures. (Suite.)
Depuis le jour où j'appris que le déshonneur était entré par oette
porte dans une famille dont je ne voulus plus porter le nom, de
crainte de le souiller, et dans les moments où le désespoir me lais
sant un peu de lepit, je pouvais chercher avec calme mTe\pliquer
les causes d une séductiou que j'étais si loin de prévoir, il ne m'a
pas paru possible d'aocuser un autre que le. roi, du malheur qui avait
frappe nia fille. Alix ne quittait jamais le palais de la duchesse, et la
duchesse ne recevait pour ainsi dire aucun autre homme que sou
frère. D'ailleurs, si la fille du baron de Kerloguen eut été aimée
par tout autre gentilhomme, fût-il des plus notables et des plus
riches, il n'en pouvait résulter qu'un mariage bien légitime, puisque
Alix était elle-même de grande famille et de plus filleule d'un roi.
Et si vous.saviez, mon enfaut, quel assemblage de rares vertus c'était
que mou Alix, vous comprendriez combien sa chute a dû me
paraître invraisemblable, et qu il a fallu le prestige de la royauté
pour lui faire oublier ses devoirs les plus saints. Mais le témoignage
le plus irrécusable de votre illustre origine piteruelle, je le trouve
dans la conduite tenue votre égard par la prinoesse Jeanne, qui fut,
n'en pas douter, la confidente de ceux qui vous devez le jour
o'est elle qui a voulu être votie marraine, c'est elle qui vous a
donné un nom et un titre, c'est elle qui a veillé sur votre enfance,
Soyons donc unis et oublions les luttes de partis,
dans les circonstances graves que les événements
extérieur» ont créées pour notre pays, ne restonspas
au-dessous de notre position de peuple indépen
dant. Si nous sommes une petite nation, grandis
sons-nous en restant unis et sans que des luttes
intérieures parviennent nous rapetisser, en jetant
la division dans notre sein. Qu'on oublie jusqu'aux
dénominations de partis, dccatlioliquc et de libéral,
de rétrograde et d'avancé, restons Belges et rien que
Belges, sous l'égide de notre constitution et sachons
préférer tout notre nationalité. C'est un don
précieux pour un peuple que nous n'avons possédé
que dans un temps déjà éloigné de nous, et que nos
efforts ont toujours tendu a rendre notre patrie.
Tour tour Espagnols, Français, Autrichiens,
encore Français, ensuite Néerlandais, sachons res
ter Belges sous notre devise nationale l'Union fait
la Force.
Dans un conseil des ministres, tenu jeudi der
nier, le roi a consulté le cabinet sur l'esprit public
de la nation. Il a dit, que quand il est arrivé ici en
1831appelé par la nation, il n'est pas venu fonder
une diriastie, mais une nationalité. Que du reste, si
la nation ne le trouvait pas J la hauteur de sa mis
sion, ou que le pays croyait être plus heureux en
suivant l'exemple de la France, qu'on ne doit re
douter aucune opposition de sa part et qu'il ne vou
drait jamais faire verser le s^tig du peuple. Mais si
au contraire, la Belgique veutle maintien de sa na
tionalité, et que son roi lui est encore agréable, elle
peuteompter sur son dévoûment, el qu'il est dis
posé se mettre la tête de l'année et du peuple
pour défendre l'indépendance de la nation.
Ce sont des nobles paroles; un roi qui s'exprime
avec tant de magnanimité, mérite l'ainour et l'es
time de son peuple. Les ministres ont été les inter
prètes fidèles des vœux de la nation, en faisant
connaître les sentiments d'affection dont la Belgique
est animée pour sou roi, et S. M., non content des
assurances du cabinet, a voulu se convaincre par
elle-même des sentiments du peuple son égard, et,
avec la reine, il a parcouru les boulevards le même
jour, après la réunion du conseil.
Nous croyons rendre service aux habitants sur
qui frappe l'emprunt exigible le to de ce mois, en
leur faisant connaître les dispositions de l'art. i3du
décret du 8 Avril 1831qui, d'après la loi du 26 Fé
vrier, sont rendus applicables au recouvrement de
cet emprunt.
Art. i3. Les privilèges du trésor public, pour
le recouvrement de l'emprunt, sont les memes
qu'en matière de contributions directes.
Les poursuites s'exerceront d'office, la dili-
gence des receveurs, sans autorisation préalable,
en commençant par la contrainte, qui sera décer-
née contre le retardataire cinq jours après l'expi-
ration de chaque terme; au besoin, la force pu-
blique pourra être requiseconformément
l'art. 19 de l'arrêté du 16 Thermidor, an VIII.
La crise commerciale qui est une suite inévitable
des événements de France, s'appesantit douloureu
sement sur la principale industrie de notre ville, la
fabrication des dentelles. Notre principal débouché
pour les articles de prix, était la France et par suite
de la révolution, il y lura probablement absence
complète d'acheteurs.D'ailleurs, lesdenlelles ne peu-
vent pas se conserver sans perdre de leur valeur et
cette considération doit empêcher nos marchands
d'en faire une trop ample provision. Déjà le salaire
accordé aux ouvrières est réduit et elles devront
cesser de travailler, si la crise dure trop longtemps,
car les fonds des marchands s'épuiseraient, s'ils ne
peuvent vendre au bout d'un certain laps de temps.
Ap rès les souffrances que notre population ouvrière
a subies, l'an passé, la cessation de la fabrication de3
dentelles la réduiraient une misère plus profonde
que jamais, et qui pourrait avoir des conséquences
très-graves. Nous engageons donc tous nos conci
toyens tranquilliser notre population ouvrière,
l'exhortera la résignation, en leur faisant compren
dre que le moindre mouvement ne pourrait encore
qu'empirer la situation des affaires et rendre la
position de la classe ouvrière plus pénible. Qu'on se
pénètre bien,que du jour où l'ordre paraît seulement
menacé, les capitaux se resserrent, le travail cesse
et ceux qui attendent du desordre une amélioration
leur condition, doivent se convaincre, que c'est le
contraire qui aura lieu et de leur propre faute. Du
reste, nous engageons le commerce et l'industrie eu
général procéder avec uneprudenlecirconspection,
car les transitions subites sont les plus difficiles
supporter.
-~~Ht
Notre marché aux grains d'aujourd'hui n'était pas
trop approvisionné, 333 hectolitres seulement ont
été présentés en vente, aussi en est-il résulté une
certaine hatisso. Les prix ont varié de 16 fr.
18-40 en moyenne fr. 17-20. Augmentation sur
le prix moyen du marché précédent, fr. 1 -20.
La même tendance la hausse s'est fait rcmar qur
sur le seigle. 67 hectolitres ont été vendus de fr.
1 1-20 fr. 12-40; prix moyen fr. 11-80. Différence
en plus sur le prix du marché précédent, 80 cent'.
Les prix de l'avoine sont pour ainsi dire restés les
mêmes. 5o hectolitres se sont présentés en vente et
ont été vendus de fr. 7-62 fr. 9-12 en moyenne
fr. 8-37.
Bien que le marché aux fèves s'est trouvé bien
fourni, les prix ont subi néanmoins une légère aug
mentation. t4g hectolitres se sont écoulés au prix
moyen de fr. 12-80.
Le prix des pommes de terre n'a pas varié. 2,5oo
kilogrammes ont été vendus fr. 9~5o les 100
kilogrammes.
et qui vous a tant aimé, que le souvenir de sa tendresse vous est
resté au cœur comme un culte divin. Tout oela n'esl-il pas vrai
Ne me l'avez-vous pas dit cent fois? N'est-il pas vrai aussi que son
attachement pour le coupable ne s'est jamais démenti... Peut.on
admettie qu'une aussi sage princesse que la reine Jeanne, eût ho
noré de sa familiarité une jeune tille dont l'incouduite ne lui eût pas
paru excusable, et qu'elle eût accepté la solidarité d'une honte dont
elle n'eut pas été la cause involontaire Je vous le répète, monsei
gneur, vous ne pouvez être que le fils du roi Charles VIII j Alix de
Kerloguen sera bien forcée d'eu convenir.
Oui, je commence vous croire... il n'est guère possible en
effet qu'il en soit autrement, et vous le dirai-je il m'est arrivé plus
d'une fois de penser que j'étais d'une haute naissance, et de sentir
s'éveiller en moi ces instincts de la puissance et de la domination,
que la rigide austérité des idées dans lesquelles j'ai été élevé, a
comprimés sans les éteindre. Quoiqu'il en soit, je ne suis qu'un bâ
tard, et le sang royal qui coule dans mes veines, ue saurait me don
ner aucun droit cette élévation que vous me faites entrevoir.
A défaut de légitimité, n'avez-vous pas le génie qui entre
prend, et le bras qui exécute
Une volonté ferme ne suffit pas dans une si vaste entreprise.
Ne comptez-vous pour rien ces richesses incalculables que
tous rapportez du Nouveau-Monde, s'il faut croire les bruits que
votre équipage fait circuler dans la ville Ajoutez cela que Dieu
vous a fait naître pour l'accomplissement de grands desseins, et que
les circonstances sont favorables. Les Bretons ne supportent qu'avec
impatience le joug que la France fait peser sur eux... Sans doute
ils ne se sont pas montrés partout aussi indooiles qu'à Saiut-Malo
mais cela vient de ce qu'ils n'ont pas rencontré un homme qui se-
oouât leur apathie qu'un chef se présente, qu'il se mette leur
tête, et en huit jours il ne restera pas sur le sol breton un seul soldat
étranger. Vous êtes déjà maître de la clé de la Bretagne, puisque
vous avez Saint-Malo mettez-vous en relation avec les principales
villes du duché, faites-vous des partisans, répandez l'or avec discer
nement, achetez s'il le faut la protection de l'Angleterre, et les
Français une fois chassés, vous n'avez plus qu'un pas faire pour
être proclamé duc de Bretagne. Mais tout cela doit s'exécuter dans
le plus grand secret et avec promptitude, afin que la France n'ait
pas le temps d'augmenter la force de ses garnisons. Ne vous sentez-
vous pas la hauteur de cette mission, monseigneur
Je me sens prêt lutter contre tous les obstacles pour conquérir
la puissance et la faire servir au bonheur de la Bretagne.
Voilà qui est noblement parler, monseigneur A présent, mon
fils, comprends-tu pourquoi je voulais le détourner d un mariage
avec la fille d'un simple gentilhomme Nesais-je pas qu'un prince
souverain ne doit contracter qu'une alliance digne de lui
-< Un prince souverain, répondit Yorik, doit l'exemple de ta plus
scrupuleuse fidélité ses engagements Raoulette était ma fiancée...
je l'aimais, je l'aime encore; nulle puissance humaine, autre que la
propre volonté de cette jeune fille, ne saurait me délier de mon
serment.
Aujourd'hui que vous savez quel brillant avenir vous est ré
servé, vous ne pouvez songer prendre Raoulette pour femme je
tous ai dit que vous mourrez de mort violente si vous l'épousez...
j'ai ajouté que d'ailleurs la fille de Jehan de Bizien, s'est déshonorée
et qu ell« en aime un aulref