INTÉRIEUR.
AME. - N° 714.
JEUDI, 9 MARS 1848.
JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
LA QUIQUENGROGNE.
Ke
On s'abonne Ypres, Marché
au Beurre, 1, et chez tous les per
cepteurs des postes du royaume.
PRIX DE L'ABONNEMENT,
par trimestre*
Pour Y prèsfr. 5-00
Four les autres localités 6-00
Prix d'un numéro0-25
Tout ce qui concerne la rédac
tion doit être adressé, Jranco,k
l'éditeur du journal, Ypres.
Le Progrès paraît le Diman
che et le Jeudi de chaque semaine.
PRIX DES INSERTIONS.
Quinze centimes par ligne.
VIRES ACQtinVr ECNDO.
ÏPBES, le 8 mars.
L\ RévOMJTIOK DE 1848.
La révolution qui vient de s'accomplir en
France, est peut-être un des événements les plus
imprévus et les plus extraordinaires, qu'ail eu
enregistrer 1 histoire. Une royauté qu'entou
rait le prestige d'une origine populaire; un roi
dont la vie si longuement et si rudement éprou
vée excitait le plus touchant intérêt, et dont les
vertus privées et le noble caractère inspiraient
la plus profonde estime, tout cela a disparu en
quelques heures.
Ces événements ont répandu l'effroi dans
noire pays; de funèbres souvenirs se sont aus
sitôt réveilléset l'image de 93 avec toutes ses
horreurs, s'est présentée aux esprits timorés
ou peu éclairés sur l'état actuel des opinions en
France.
Nous ne partageons point ces impressions,
Le progrès de la civilisation et des mœurs, ont
rendu le retour de la terreur peu probable, si
non impossible, et, d'ailleurs, entre la situation
actuelle et l'état des choses lors de la grande
révolution du siècle passé, il n'existe absolu
ment aucune analogie. A cette époque, un abus
scandaleux avait été fait de la religion toutes
les infamies avaient été commises en son nom
le clergé, corrompu, était délesté par le peuple
qu'il opprimait; la royauté absolue, de son côté,
avait épuisé toutes les atrocités du despotisme,
et commis tous les crimes la noblesse n'avait
été ni moins oppressive, ni moins inique. 11
fallait donc frapper le clergé, la royauté abso
lue et la noblesse; c'est-à-dire, les trois puis
sances dont le joug pesait si lourdement sur la
France.
Or, la réaction est toujours égale l'action,
et cela est vrai en hisloirecomme en physique.
A cette époque, la réaction ne pouvait être que
sanglante et terrible les haines s'étaient accu
mulées pendant des siècles; le désir de la ven
geance enflammait tous les cœurs pas une
famille qui n'eût été victime de quelque iniquité,
pas un membre du tiers-état qui n'eut eu se
plaindre des castes privilégiés.
Et, d un autre côté, une société tout entière
refaire; I édifice social démolir d'abord,
reconstruire ensuitedepuis les fondements
jusqu'au comble: de là, d'inévitables tempêtes,
de là, des luttes acharnées.
Mais aujourd'hui, est-ce le même spectacle?
Non, nous voyons en France une société assise
sur des bases solides et durables; un accord
parfait, entre tous les bons esprits, sur les prin
cipes constitutifs de cette société sortie de la
mémorable révolution de 89; en politique, tous
veulent les mêmes libertés; tous adoptent les
mêmes principes, et demandent une application
large mais progressive de ces principestous
tendent vers le même but. Ce qui seul divise
les hommes qui dirigent les diverses fractions
de l'opinion, c'est le moyen le plus propre
atteindre ce but. Ce moyen, est-ce la monar
chie, est-cela république Voilà l'unique grande
question qui agile aujourd'hui les esprits en
France.
La monarchie vient de subir l'épreuve de
l'expérience, l'essai a été malheureux Gardons-
nous, toutefoisd'en rien Conclure contre le
principe: les hommes qui conduisaient la mo
narchie, ont-ils bijn compris toute l'étendue de
leurs devoirsont-ils usé de toute la prudence
que leur commandaient des circonstances ex
ceptionnelles, n'ont-ils pas manqué même delà
prévoyance la plus vulgaire, n'ont-ils pas mé
connu les instincts de la France; sont-ils restés
fidèles tous les grands principes proclamés
par deux révolutions? Pour nous, la réponse
ces questions ne peut être un.instant douteuse:
ce qui a perdu la monarchieen France, ce sont
les hommes de la monarchie, pouvoir et oppo
sition et non la monarchie elle-même.
Maintenant, la France vient d'entrer dans
une ère nouvelle: la monarchie abattue par un
mouvement populaire, a fait place une répu
blique. Celle république, aura-l-elle assez de
force pour faire respecter tous les droits Sau-
ra-t-elle, d'une main vigoureuse et sage, con
duire la France dans la voie de l'ordre et du
progrès? Nui ne le sait. Quoi qu'il en soit, rien
ne justifie, selon nous, les frayeurs tout au
moins prématurées qui sont venues s'emparer
d'une partie de la population, car, nous l'avons
vu, les circonstances actuelles ne ressemblent en
aucune manière aux circonstances qui ont
amène tant de catastrophes la fia du dernier
siècle.
Nous recevons la communication suivante,
que nous insérons avec plaisir
La société agricole du canton de Passchen-
daele, quoique jeune encore, se place dès le
début la hauteur de sa mission: on pourra eu
juger par les propositions suivantes, que le bu
reau central vient de mettre l'ordre du jour,
pour la prochaine réunion officielle de l asso-
ciation.
1° Solliciter l'intervention du gouvernement
pour parvenir l'amélioration du sol qui en est
susceptible, en vue d'obtenir sur la même éten
due de terrain une plus grande masse de pro
ductions.
2° Formation d'une statistique agricole du
canton.
3° La tenue d'une comptabilité agricole pour
les grandes exploitations.
4° Primes accorder dans chaque commune
du canton, aux cultivateurs qui dirigent l'ex
ploitation de leur ferme avec la plus grande
intelligence, et qui par leurs efforts ont obtenu
la meilleure récolle.
5° Primes accorder dans chaque commune
du canton l'ouvrier qui dirige son ouvrage
avec intelligence, dont la conduite est sans re
proche et qui compte le plus long terme de
service chez le même maître.
Nous engageons le Journal Je Bruges h être plus
circonspect dans le choix des nouvelles qu'il publie.
C'est ainsi qu'il a annoncé qu'une garde urbaine a
élé formée Ypres, et il n'en est rien, loule la ville
a élé étonnée d'apprendre par ce journal ce qu'on
ne soupçonnait pas le moins du monde. Dans la
feuille de mardi, il annonce que des troubles ont eu
lieu Y près, el jamais la ville n'a été plus tranquille.
Les jours de carnaval se sont passés sans le moindre
incident fâcheux; des masques se sont montrés
dans les rues et en plus grand nombre qu'on ne s'y
attendait rien n'a pu donner lieu au bruit qu'on a
fait circuler Bruges et que reproduit le journal de
ce nom. On ne peut être dans ce moment trop pru
dent dans la réproduction par la voie de la presse,
des mille bruils qu'on propage et qui tous ne sont
pas dus la légèreté et l'irréflexion.
Une jeune mendiante a été arrêtée hier au mo
ment où elle venait de briser, l'aide de ses sabots,
deux carreaux de vitres sur la Grand'Place. Inter
rogée par le commissaire sur le motif qui l'avait
engagée commettre ce délit, elle a répondu qu'elle
ne savait où se loger et que c'était dans le but d'être
mise en prison.
«SX».
Liste des personnes résidant dans F arrondissement
d'Ypres qui sont appelées faire partie du jury,
pour la 2e série de la cour d'assises de la Flandre
occidentale.
x° Merghelynck, Arthur, propriétaire, Ypres.
i° Delavie, Eugène, notaire etécheviu, Langemarcq.
3° De Codt, Gustave, propriétaire, Ypres.
Par une décision ministérielle du 6 c', il est fa
cultatif aux propriétaires qui ont des biens situés
dans d'autres communes, d'acquitter l'avance des
8/12, quelque localité qu'elle se rapporte, entre
feuilleton.
(Suite.)
VI. découverte.
Alix de Kerloguen veillait en^attendant le retour d'Yorik, La
pauvre femme était en proie aux plus noirs pressentiments. Quoi
qu'elle ne partageât pas les idees superstitieuses de son époque,
néanmoins elle n était pas tout-à-fait exempte d'une vague crédu
lité aux choses surnaturelles, en pensant l'affection enthousiaste
que Berthe avait si subitement ressentie pour le vicomte de Frapes-
les, aJTection qui n'avait fait que grandir d'année en année, en pen
sant aussi la confiance aveugle que sa mère avait su inspirer au
jeune homme, Alix redoutait les plus tristes résultats de la visite
qu'il était allé faire la Quiquengrogne.
Ses appréhensions se changèrent en certitude lorsqu'elle le vil
revenir l'air sombre, le visage bouleversé, et tellement absorbé par
la méditation, qu'il ne s'apercevait pas de sa présence elle, dans le
salon où il entrait. 11 ayait jeté sur un meuble sa loque et sou man
teau, et s'était assis, les bras pendants, la tête inclinée sur sa poi
trine. Alix était agitée par une curiosité trop inquiète pour respecter
longtemps la tacilurnité d'Yorik.
Qu'avez-vous appris lui demanda-t-elle en s'approchant de
lui que savez-vous de Raoulette?
Raoulette est perdue pour moi, répondit-il sans lever la tête.
Morte!... Berthe nous trompait donc mais l'infortunée a-
t-elle la conscience de ce qu'elle fait
Raoulette en aime un autre... elle s'est fait enlever par le fils
du gouverneur.
Que dites-vous c'est impossible Berthe n'a pas sa rai
son... ne croyez pas ses paroles.
Aussi n'ai-je pas voulu ajouter foi son seul témoignage. Mais
j'ai voulu voir Raoulette... je l'ai vue, et c'est de sa propre bouche
que j'ai entendu sortir l'aveu de sa déloyauté.
Raoulette vous a fait un pareil aveu Elle aimerait le meur
trier de sou père Écoutez, Yorik, je ne mets pas en doute votre
sincérité... J'admets que Raoulette a tenu le langage que vous lui
prêtez, mais quand même mes propres oreilles l'auraient entendu,
je n'y donnerais pas la moindre confiance. Je ne sais pas ce qui s'est
passé, moi, mais soyez convaincu que cette jeune fille a élé persé
cutée et qu'on l'a contrainte vous faire l'odieux mensonge qu'elle
Vous a fait.
Persécutée!... mais Raoulette est libre de sortir du château, et
cependant elle y reste.,II est vrai que l'homme qu'elle aime lui a
préparé une retraite des plus élégantes.
Ne vous en rapportez pas aux apparences, Yorik, attendez, ne
vous pressez pas déjuger. Un jour viendra où vous reconnaîtrez que
Raoulette est toujours restée digue de vous. Et comment aimerait-
elle le fils du gouverneur elle ne l'a jamais vu, que je sache Jehan
de Bizien n'avait de relations d'aucune sorte avec le château.
S'il en était ainsi, comment pourrait-on expliquer l'eulèvement
de cette jeuue fille Au reste, je pénétrerai ce mystère, je verrai le
fils du gouverneur, et malheur lui s'il est coupable!
Ne soupçonnez-vous pas plutôt, Yorik, que c'est Berthe qui a
conduit celte ténébreuse affaire Croyez-moi, ne voyez pas le
jeune vicomte de Charolles, on le dit vif, bouillant... une explica
tion entre vous pourrait avoir des suites fuuestes, surtout dans les
circonstances où nous sommes, et je vous répété que Berthe tient
dans sa main tous les fils de celte intrigue..Elle doit avoir un inté
rêt puissant vous éloigner de Raoulette.
Eu effet!.,. Berthe m'a prédit que si j'épousais cette jeuue