Marché d'Yfres, du 18 Mars 1818. Une réunion de deux trois cents personnes, appartenant la classe ouvrière, stationnait ce matin devant le palais et témoignait le désir de remettre Sa Majesté une pétition tendante demander du travail. Dès que leur intention a été connue, un aide-de-camp de service, dit-on, s'est rendu auprès d'elles, et a reçu de leurs mains une requête conçue dans les termes les plus respectueux et les plus patriotiques. La demande a été transmise immédiatement Sa Majesté, et les ouvriers, après avoir reçu l'as surance de l'intérêt vif et profond que tous les pouvoirs de l'État portent leur situation se sont retirés avec le plus grand calme et dans l'ordre le plus parfait. La journée d'hier s'est passée avec calme aucune agitation ne s'est fait remarquer dans les quelques groupes d'ouvriers très-paisibles qui stationnaient sur la Place, et, sans une circonstance des plus singulières qui a rassem blé un instant une foule de curieuxc'est peine si ces rassemblements inoffensifs auraient été remarqués. Voici le fait: Un jeune peintre de notre ville, qui s'est déjà fait un nom par ses ouvrages, devant changer d'atelier, avisa un commissionnaire en volailles pour le charger de son déménagementledit commissionnaire, connu en ville par sa tour nure de Quasimodo, avaitdéjà transporté grand nombre de toiles, de palettes sans qu'aucun y prit garde; enfin, il s'agissait de déménager un superbe mannequin ayant une très-belle tête de capucin. Le jeune peintre enveloppa le dit mannequin dans sa robe brune et le chargea sur les épaules du commissionnaire qui s'ache mina ainsi vers le nouvel atelier, mais aussitôt les ouvriers s'assemblèrent autour de lui, les furieux attirés par cet attroupement arrivent de touts points, les suppositions les plus étranges circulent C'est un capucin qu'on a pendu en effigie au cou de la statue de Simon Slévin c'est le cadavre d'un capucin véritable. Pendant que tous ces bruits se propagent et grossissent de bouche en bouche, la police arrive, elle in terroge notre commissionnaire qui effrayé de tout ce tumulte ne peut proférer une seule parole pour sa justification. On s'empare de lui et de son capucin et on les conduit tous deux la permanence. Cependant, le peintre, étonné de ne point voir arriver son mannequin, s'en va sa recher- che, il arrive sur la place, s'informe de la cause de l'attroupement et découvre que son capucin en est coupable Un immense éclat de rire ac cueille ses explications et il s'empresse d'aller réclamer la police son Quasimodo et son ca pucin, dont il n'a pas de peine démontrer l'innocence. Journal de Bruges.) L'arrêté du bourgmestre de Gand contre les rassemblements n'a point empêché la popula tion ouvrière de se former en groupes, hier matinla Place d Armes et au Marché du Vendredi. Il a régné dans les quartiers de la cité, proprement dite, un mouvement extraor dinaire occasionné par le peuple, d'un côté, et de l'autre par une foule de curieux qui se por tait dans toutes les directions qu'elle croyait menacées. L'altitude de la populace n'a rien présenté d'alarmant pendant une grande partie de la journée. Le cabaret la Vieille Diligencesitué l'angle de la Place d'Armes et du Marché aux Oiseaux, a été fermé par ordre de la police. La veille, des ouvriers s'y étant livré de fortes li bations, l'autorité s est cru en droit de consi dérer cet établissement comme le point de réunion des perturbateurs. Elle a été d'autant plus guidée dans cette croyance que ce cabaret sert, dit-on, de siège une société républicaine. Dans la soirée de forts rassemblements ont eu lieu devant le couvent des Jésuites, et des pier res ont été lancées de nouveau dans les carreaux de vitre, que l'on avait replacés en partie dans la journée. La police a dispersé les mutins et une garde de sûreté a élé placée devant la maisou conventuelle. Vers neuf heures tout est rentré dans l'ordre, et la ville a repris son aspect habituel. Le 8 mars courant, M. Boyaval-Holvoet, directeur des contributions directes, douanes et accises, a versé entre les mains du trésorier du comité de souscription en faveur des mal heureux habitants des Flandres, au nom des fonctionnaires et employés sous ses ordres, la somme de fr. 514-41 cs. C'est là une riche offrande et qui parle bien haut en faveur de l'humanité des employés, car parmi eux, il s'en trouve pour lesquels le sa crifice d'une journée d'appointements repré sente une journée de privations. On doit beau coup d'éloges au corps des employés sous les ordres de M. Boyaval, pour cet acte de bien faisance on en doit aussi leur digne chef, pour avoir provoqué ce généreux élan qui doit soulager tant de souffrances. M. George Serrurier a été reçu par M. le ministre des affaires étrangères et lui a remis une lettre par laquelle M. de Lamartine, au nom du gouvernement provisoire de la république française, charge provisoirement M. Serrurier de la gestion des affaires de la légation de France Bruxelles. [Moniteur.) NOUVELLES DIVERSES. Vienne, 9 mars. M. de Radowitz est arrivé de Berlin, pour arrêter, de concert avec notre gou vernement, les moyens de défense nécessaire en cas d'une agression de la part d'ennemis. Ces moyens sont purement défensifs, et personne ne pense troubler par immixtion l'organisation intérieure de la France. La Belgique donne en ce moment un exemple admirable et digne d'être suivi de l'union entre le roi et le pays, et l'on espère que le parti du bouleversement ne pourra rompre le ferme lien qu'un excellent gouvernement a formé entre le souverain et le peuple. [Gazette d'Augsbourg.) 9 Une quantité? considérable de grain s'est présentée en vente au marché de ce jour personne peut-être ne se rappelle en avoir vu autant cette époque de l'année. La cause semble en être, qu'une espèce de pauique se serait emparée de la plupart des fermiers qui habileut les coium unes limitrophes de la Frauce, et ce sans doute par suite des bruits sinistres qu'on a fait courir, que des baudes de malfaiteurs parcouraient les campagnes au-delà de nos frontières et tentaient de les franchir. Quoiqu'il en soit 1.224 hécîolitres se sont vendus, du reste assca feulement, de fr. 13 60 fr. 16 80, eu moyenne 15 20 l'hectolitre; différence avec le prix moyen du marché précédent fr. 2 20. Environ 100 hectolitres de seigle ont été vendus de^fr. 9 80 11 fr.; prix moyeu fr. 10 80 baisse sur le prix du marché précédent fr. 1 30. Les prix de l'avoine n'ont pas varié, 62 hectolitres se sont pré sentés eu vente et ont élé enlevés aux prix de 8 9 fr., c'est dire fr. 8 50 l'hectolitre en moyenne. 11 y avait également une abondance extraordinaire de fèves au marché. 346 hectolitres se sont écoulés au prix moyen de fr, 12 30 l'hectolitre; baisse sur lefprix du marché précédent fr. 0 90. Une baisse de 75 centimes par 100 kilogrammes s'est également lait remarquer sur le prix des pouimes de terre. 3,500 kilogrammes ont élé Vendus fr. 8 75 les 100 kilogrammes. J,a noblesse de Bretagne, tout en comprenant quels immenses servi ces le capitaine de la Reine-Jeanne pouvait rendre la ligue, par son génie entreprenant, par son courage et surtout par ses richesses, ne le considérait pas autrement que comme un heureux aventurier, que I on jetterait île côté quand on n'aurait plus besoin de ses servi ces. Quoiqu'il eût pour marraine une reine de France et qu'il tint aux meilleures familles de la vieille Arrnorique par Alix de Ker- loguen, sa mère, le vicomte de Frapesles n'en était pas moins leurs yeux un bâtard qu'ils n'estimaient pas comme leur égal, et sur lequel ils pourraient, sans déloyauté, faire retomber toute lacolèie de la cour de France, daus le cas où l'entreprise viendrait échouer. Yorik accueillit avec joie les ouvertures qui lui furent faites ce sujet; et peu de temps après, dans une réuniou convoquée au châ teau de Corabourg, il fut reconnu par tous les barons comme chef de la ligue bretonne, et chargé de concerter les moyens d'expulser les troupes françaises qui occupaient les places du duché. Dans cette même assemblée, il avait fait un exposé de la situation dans laquelle se trouvaient les Malouins vis-à-vis du gouverneur de la citadelle, par suite de l'assassinat du sire de Bizien et de l'enlève ment de sa fille, et déclaré son intention défaire, sans plus attendre le siège du château de Saint-Malo. Mais les barous furent unanimes condamner cette mesure comme intempestive ils démontrèrent que la saine politique con seillait de frapper un grand coup sur tous les points la fois, afin que l'ennemi, pris iuopinémeot, fût incapable d'opposer de résis tance sérieuse, et que l'attaque de la citadelle de Saint.Malo aurait pour résultat inévitable de donner l'éveil au roi François l«r, qui On lit dans l'Echo du Nord, de Lille, i3 mars Hier, dans un des salons de l'hôtel-de-ville, a eu lieu la première séance de la Société républicaine. L'affluence des personnes qui s'y sont rendues était augmenterait la force des garnisons, et rendrait ainsi bien plus difficile l'affranchissement de la Bretagne. 11 n'y avait rien répondre de telles objections, et le vicomte de Frapesles qui brûlait du désir de délivrer Raoulelte, put recon naître <jue la puissance est bien souvent préjudiciable au bonheur de celui qui en est investi, et qu'elle le met quelquefois dans l'obli gation de faire, l'intérêt commun, le sacrifice de ses plus chères alfeotions. 11 y aurait eu, dans oette pensée, de quoi épouvanter Yorik, mais il s'était trop avancé pour revenir sur une décision prise solennelle ment, et d'ailleurs l'exercice d'une grande autorité produisait sur lui l'eflet qu'elle produit toujours sur les hommes ambitieux elle l'enivrait, elle exaltait sa tête aux dépens de sou cœur. Du reste, cette exaltation avait sa source dans des sentiments particuliers qui peuvent faire aucuser l'abandon dans lequel il lais sait la jeune fille qui avait été, dans le prinoipe, la cause détermi nante de ses résolutions extrêmes. Les prédictions de la vieille Bertbe étaient toujours présentes l'esprit du vicomte, et en voyant de quelle manière les événements semblaient naître et s'cucliaiuer d'eux-mêmes, pour le porter vers les grandeurs qui lui étaient an noncées, il avait fini par se croire exceptionnellement soumis des lois immuables cooime celles de la fatalité. Toutefois, il ne se croyait pas dispensé pour cela de préparer avec une grande activité les événements dont sa destinée semblait dépen dre. Après avoir employé deux mois parcourir la Bretagne, visiter les barons engagés dans l'entreprise et combattre les irré solutions de ceux qui hésitaient embrasser la cause commune, il si considérable, que nous n'avtyis pu pénétrer dans la salle, et par conséquent nous n'avons pu entendre ce qui s'y est dit. Force nous est donc de nous ab stenir d'un compte-rendu. Cependant, il s'y est passé, nous assure-t-on, un fait qu'on ne saurait trop déplorer, et qui, il faut l'espérer, ne se renouvellera plus. Un ouvrier s'est écrié qu'il fallait briser les machines, et il a spécialement désigné la vindicte publique deux honorables filateurs de cette ville qui emploient des métiers perfectionnés. Nous con statons du reste avec plaisir qu'un hourra d'indi gnation a accueilli ces coupables paroles, et M. le docteur Achille l'estelin, membre du bureau, a re poussé ensuite avec énergie les étranges doctrines de cet ouvrier. Il a été aussi question de ces flots d'ouvriers belges, que la misère des Flandres jette tous les ans dans nos contrées, et qui viennent faire une si rude concurrence aux ouvriers français. On lit dans le Times La famille de Louis-Philippe est réunie Cla- remont, où elle vit modestement avec très-peu de domestiques. Louis-Philippe a manifesté l'intention de résider dans le voisinage de Twickcnham il a déjà entamé des pourparlers afin d'avoir la maison qu'il a occupée précédemment en Angleterre, et qui n'est pas louée en ce moment.» Les nouvelles de l'Irlande sont extrêmement alarmantes. Des placards affichés presque publique ment invitent le peuple la révolte, et une associa- lion qui prend le titre de Club confédéré de Swift engage le peuple, en cas de guerre, refuser sou secours l'Angleterre, et prendre parti pour la France contre le gouvernement anglais. Ce dernier est accusé ouvertement d'avoir volontairement sa crifié la vie de deux millions d'Irlandais, dans le but d'effacer le nom de l'Irlande de la liste des nations. Tout le monde est d'avis que la journée du 27, fixée pour le meeting monstre, ne se passera pas sans effusion de sang. En attendant, le gouverne ment prend des mesures de précaution et réunit Dublin des forces considérables. Une espèce d'émeute a eu lieu hier près de la Halle. Les marchandes de la Halle, ayanl vu sortir d'une maison un ex-sergent de ville qui les avait souvent fait mettre l'amende, se saisirent de leurs couteaux et se précipitèrent vers lui pour le tuer. Le malheureux, après avoir vainement essayé de se soustraire parla fuite la colère de ses anciennes victimes, se précipita dans une allée qu'il referma par-dessus lui. La troupe ameutée commença assiéger la maison où l'ex-sergent de ville s'était réfugié, et il allait tomber entre leurs mains lorsqu'un détachement de gardes nationaux est arrivé. Mais les dames de la Halle, auxquelles s'était jointe une foule considéra ble qui faisait cause commune avec elles, n'étaient pas disposées céder la milice citoyenne et lâ cher ainsi leur proie, lorsque trois jeunes gens de l'école Polytechnique sont accourus et ont harangué la foule. Ils sont entrés dans la maison, ont mis le fugitif au milieu d'eux et ont proclamé avec éner gie qu'il faudrait les tuer eux-mêmes avant d'as sassiner leur protégé. Le courage de ces jeunes gens, joint au prestige qu'exerce sur le peuple l'uniforme savait au juste quel nombre s'élevaient les troupes françaises qui occupaient les places du duché, les forces dont il pourrait disposer pour les en chasser, et l'appui que lui prêteraient les villes dans lesquelles l'ennemi tenait garnison. On pense bien qu'au milieu de ces importantes préoccupations le souvenir de la pauvre Raoulette n'occupait plus qu'une place secon daire il la savait d ailleurs l'abri des poursuites de son ravisseur, et cette idée mettait sa conscience en repos. Vers la fin du mois d'août les affaires de la ligue des barons avaient été si habilement conduites, que le vicomte de Frapesles jugea que le temps était venu de commencer l'insurrection, et d'ob tenir de la noblesse bretonne des explications sur ce qu'elle enten dait faire, une fois qu'on aurait soustrait le duché une autorité usurpatrice. Eu effet, dans aucune des conférences auxquelles il avait pris part, il n'avait été parlé de la forme du gouvernement que les barons prétendaient substituer celui qu'on se préparait renverser. Yorik n'aurait même pas attendu aussi longtemps pour s'éclairer ce su jet, s'il eût été désiutéressé dans la question mais convaincu, par le eboix qu'on avait fait de sa personne comme chef de ligue, et surtout par les prédictions de la vieille Bertbe, que 1 intention des barons était de lui décerner, après la victoire, la puissance suprême, il n'avait pas voulu bâter, par une indiscrétion, le moment qu'ils avaient sans doute fixé pour lui apprendre quelle élévation ils le réservaient. (La mite au prochain n°»)

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Le Progrès (1841-1914) | 1848 | | pagina 2