JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
INTÉRIEUR.
7" AXNÉE. - N° 7i8.
Oïl s'abotîDe Tpkes, Marché
au Beurre, 1, et chez tous les per
cepteurs des postes du royaume.
PRIX DE L'ABONHEMEUT,
par trimestre.
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Pour les autres localités 6-00
Prix d'un numéro0-Î5
JEUDI, 23 MARS 1848.
Tout ce qui concerne la rédac
tion doit être adressé, Jranee,k
l'éditeur du journal, Y près.
Le Progrès parait le Diman
che et le Jeudi de chaque semaine.
PRIX des INSERTIONS.
Quinze centimes par ligne.
TIRES ACQUIRIT EtJNDO.
TPRE8, le 22 mara.
La presse belge de toutes les nuances ne se pique
guère de logique, nous paraît il. C'est un tohu-boha
de réclamations, de pétitions, de réformes que les
journaux demandent l'en vi, que les sociétés éfeclo-
ralesenvoient la législature,souvent sans s'enquérir
si actuellement il est possible de traiter tant de
questions la fois. Aucuns veulent des économies et
prétendent que le gouvernement doit venir au se
cours de l'industrie et de la classe ouvrière. Quand
le ministère demande un emprunt pour faire face
des besoins extraordinaires et payer des dettes con
tractées en des temps plus heureux, des feuilles, les
mêmes souvent qui ont appuyé des demandes de
secours faites par l'industrie de leur ville, blâment
celte mesure. Des sociétés réclament la réduction
de l'armée dans le moment actuel, sous prétexte de
neutralité, comme si le pays n'avait pas besoin de
troupes pour maintenir l'ordre dans son sein et
surveiller les passions en ébullition. Des journaux,
et ce ne sont pas les plus honnêtes, insinuent que
les armements sont faits contre la France, absurdité
que les feuilles françaises relèvent avec aigreur,
comme si la Belgique pouvait nourrir des idées hos
tiles la France! Nous ne pouvons partager tout ce
zèle si bruyant, d'autant plus que le ministère fait
preuve de la meilleure volonté et que déjà il a ac
cordé, sans se faire prier, des réformes qui dépassent
ce que les plus pressés ont osé espérer.
Les événements graves dont la France est le
théâtre ont fait naître une crise commerciale et
industrielle dont 1 Europe et peut-être l'univers
entier ressentent aujourd hui les désastreux
effets.
Le crédit puissant moteur de l'activité in
dustrielle et commerciale, semble frappé de
paralysie; l'argent se cache, les transactions
cessent, la fabrication chôme et le travail man
que la classe nombreuse des travailleurs.
La crise avec ses déplorables et dangereuses
conséquences, pèse de tout son poids sur notre
arrondissement et particulièrement sur notre
ville. L'industrie dentellière, la seule qui, par
suite de la privation de voies économiques et
rapides de transport et de communication, fut
jusqu'à ce jour possible Ypres, a perdu le
vaste débouché que le luxe lui ouvrait, les in
dustries pratiquées dans des proportions plus
limitées sont en souffrancecar les capitaux
paraissent plus rares, la confiance disparaît et le
travail semble devoir manquer bientôt aux ou
vriers des divers étals, pour qui le travail du
jour est le pain du lendemain.
La situation actuelle paraît donc des plus
graves sous le point de vue matériel, politique
humanitaire et social Mais le mal est-il telle
ment incurable qu'il faille courber la tête sans
chercher le combattre?
La cause principale de la crise dont les évé
nements de Paris sont l'occasion, est la peur,
sentiment honteux que l'on n'ose avouer Et
cependant si l'argent manque, n'est-ce pas la
peur qui tient cachés dans un tiroir ignoré de
tous, les capitaux qui seuls peuvent donner une
vie active l'industrie et au commerce? Si la
confiance disparaît, n'est-ce pas la peur qui
l'anéantit? Si le crédit est un vain mot, n'est-ce
pas la peur qui le tue? Si la production cesse,
n'est-ce pas la peur encore qui enraye les puis
santes mécaniques, qui enchaîne les brasse
levant de toutes paris pour saisir le travail
Cette peur si générale, si déplorable, est-elle mo
tivée? est-elle logique? Mais l'argent manque,
la confiance a disparu et le numéraire qui cir
culait abondamment le 23 février, s'esl-il en
gouffré tout-à -coup Le négociant probe et
honnêleqni. depuis25 ans peut-être, jouitd'une
juste confiance basée sur d'irréprochables rela
tions, est-il devenu un homme suspect et mal
honnête? Enfin la crise peut-elle être de longue
durée? Non. car les besoins réels et ceux créés
par l'habitude la civilisation, l'amour propre
ou toute autre cause ne peuvent tarder long
temps être satisfaits et l'histoire du passé nous
prouve que souvent, après un instant de crise
ces besoinsgrandis par suite de privations
momentanées, font naître une ère de prospérité
inattendue.
Il résulte des considérations qui précèdent,
que c'est la peur qui domine la situation et que
celte situation bien que grave n'est pas aussi
terrible que la peur la dépeint, puisque le mal
n'est que momentané. La crise n'est donc pas
sans remède et dès lors il faut par tous les
moyens chercher la combattre? Si la résigna
tion est parfois une sublime vertu, parfois aussi
elle est une lâcheté impardonnable.
Mais le remède, quel est-il? si dans les cir
constances actuelles on pouvait faire renaître la
confiance, en mettant la disposition du travail
en général, une certaine somme de numéraire
et de créilit, le problême, nous semble-t-il
serait résolu il ne peut l'être que par un effort
général et héroïque de tous les bons citoyens.
Lassociation par sa puissance et sa force in
calculable, a opéré des miracles, l'association
peut encore nous sauver aujourd'hui d'une
catastrophe évitable, mais qui si elle n'est pré
venue, peut avoir les conséquences les plus
durables et les plus désastreuses. L'association
créer aurait pour titre: Société Yproise pour
le soutien du travail de toussa devise serait
aide-toile ciel (aidera. Le capital social
serait formé du montant de souscriptions par
ticulières, des avances ou subsides de l'état, de
la province, de la commune et des administra
tions charitables, son crédit serait basé sur les
garanties réelles fournies jusqu'à une certaine
limite par les souscripteurs. La société serait
gérée par une commission nommée par les sous
cripteurs elle viendraitenaideaux travailleurs,
ouvrirait par exemple un comptoir d'escompte,
favoriserait toutes les industries qui occupent
un grand nombre de bras, leur ferait des
avances, sauf prendre les précautions que la
prudence commande.
Une telle institution, nous ne craignons pas
de l'affirmer, atteindrait le but proposé, sa créa
tion est sinon facile du moins possible, et dès
lors dans les circonstances actuellesil faut
la créer. L'association du capital et du travail,
peut seule nous sauver, car l'association est la
force la plus puissante de l'époque, c'est d'ail
leurs notre devise nationale: l'Union fait la
force.
Si le projet dont nous venons de parler se
réalise, la ville d'Ypres aura pris une belle et
glorieuse initiative; elle aura prouvé que la
fraternité est gravée dans le cœur des Belges,
sans être inscrite sur leur drapeau.
On avait répandu en ville, le bruit que les travaux
faire aux fortifications seraient exécutés par la
troupe. Cette nouvelle avait occasionnée une cer
taine rumeur parmi la classe ouvrière. Nous som
mes heureux de pouvoir faire connaître que cette
nouvelle est complètement fausse. Plus de cent
cinquante ouvriers sont aujourd'hui employés ces
travaux.
Par arrêté royal d'une date récente, un subside de
quatre mille huit cents francs a été accordé, pour la
restauration du monument national des Halles
d'Ypres. Celte allocation de fonds facilitera la re
prise des travaux aussitôt que le temps le permettra.
Le Conseil communal s'est réuni hier: nous
apprenons que l'on a soumis cette assemblée
un projet qui, si on parvenait le réaliser, serait de
nature combattre avec succès la crise actuelle;
feuilleton.
LA QUIQUEN6ROGNE.
"VIII. l'arrestation. [Suite.)
Un soir, après le couvre-feu. douze hommes dissimulant sous de
longs manteaux leur accoutrement de guerre, étaient arrivés suc
cessivement la maison du vicomte de Frapesles et s'é laitut réunis
dans la grande salle. C'étaient les plus influents de la ligue, qui
étaient accourus 1 appel de leur chef. Ils se parlaient A voix basse,
divises par petits gioupes, se faisant part de l'inquiétude qu'ils
éprouvaient se voir dans une ville fermée, dont la citadelle appar
tenait une garnison française, et où il eut été si facile de les faire
prisonniers, si le gouverneur eut soupçonné leur présence. L'arrivée
d'Yurik dans la grande salle, mit tin a ces colloques mystérieux.
Dans l'espérance qu'il allait être proclamé duc de Bretagne, et
comme s'il eût voulu être dans toutes les conditions du rôle qu'il su
croyait appelé remplir, Yorik avait mis un costume d une graude
magnificence et en même temps d une grande sévérité, C était le
pourpoint et le haut de chausses de velours noir qu'il portait bord
de la Reine-Jeanne, dans les grandes circonstances, mais il y avait
ajouté une fraise de dentelles d'Alençon, et portait en sautoir la
chaine d'or, insigne de la dignité prévotale, laquelle était sus
pendue son épée poignée d'or admirablement ciselée.
Sa belle tête ressortait gveo tant d'éclat sous ce sombre vêle-
nient, «1 il avait un si grand air, qu'ente voyant, les bai uns ic dé-
couvrirent et s'inclinèrent avec déférence. La plupart cependant
étaient plus âgés que lui, et tous perlaient des noms autrement
illustres que celui du vioomte de Frapesles, mais les hommes supé
rieurs exercent une sorte de fascination, et les plus orgueilleux
sont forcés de leur rendre involontairement hommage.
Cet accueil cérémonieux auquel il n'étail pas accoutumé, le for
tifia dans la pensée qui lui avait fait provoquer cette réunion. La
joie qu'il en ressentit se peiguit sur son visage, et son front vrai
ment royal rayonua d'un noble orgueil.
11 fit signe aux barons de s'asseoir et lui-même prit place sur un
siège plus élevé.
Après un moment de silence, il entra dans tous les détails des
mesuies qu'il avait prises pour assurer la réussite de leur projet; il
nomma les barons qu'il avait attachés la cause de la Bretagne,
supputa les forces que le roi de France avait dans le duché, celles
beaucoup plus considérables sur lesquelles ils pouvaient compter, et
démontra enfin de la manière la plus évidente que la ligue était
non-seulement en état d'arracher le pays la domination étrangère,
mais qu'elle serait encoie assez puissante pour faire face toutes les
éventualités qui pourraient nailre de la colère du roi François
A l'appui de ses paroles, il soumit l'assemblée toute la correspon
dance qu'il avait entre les mains, prou va par des pièces authenti
ques que la conspiration avait des ramifications dans presque toutes
les villes de la Bretagne, et même daus quelques-unes des provinces
limitropbes^et termina eu priant ses nobles hôtes de vouloir bieu
approuver ce qu'il avait fait dans l'intérêt de tous.
Le baron de Tinléniac se leva, et après avoir consulté ses pairs, il
prit en leur nom la parole, et donna une approbation oomplète la
oonduite qu'avait tenue le comte de Fiapesles, le félicitant de l'ac
tivité qu'il avait déplojyée et de ce qu'il réunissait, oomme les plu»
grands hommes de 1 antiquité, uue rare intrépidité de courage
une remarquable habitelé oomme organisateur.
Yorik s'attendait toul naturellement ce que oe discours louan
geur serait suivi de la couronne ducale, mais il n'en fut rien le sire
de Tinléniac se rassit, et personne n ajouta un mot ce qui venait
d'être dit.
Ce mécompte froissa vivement t'amonr-propre du jeune homme,
aussi ne put-il s empéoher de mettre un peu d'aigreur dans les paro
les par lesquelles il exigea que les barons lui découvrissent leurs
véritables desseins.
Messeigneurs, leur dit-il, je n'ai pas sollicité de vous l'honneur
de diriger l'entreprise qui nous occupe, vous êtes venu moi et j'ai
fait tous me» eflorts pour me rendre digne de celte conGauce. X
Dieu ne plaise que je me fasse un mérite des peines que je me suis
données et des sommes qu il m a fallu depeuser pour préparer la
délivranoe de notre commune patrie, mais en faisant votre oause
le sacrifice des intérêts de la ville dont je suis le prévôt, mais en
diItérant d'accomplir l'égard des assassins du sire de Bizien, une
vengeance, que dis je? un devoir sacré, je crois avoir aoquis des
droits incontestables une franchise réciproque. Je vous ai dit ce
que j'ai fait, nous sommes la veille de donner le signal d'un
mouvement daus lequel je joue ma tête; mais avant d'aller plus loin,
je veux qu'à votre tour vous me disiez quelles sont vos vues, vos
espérantes, voe projets après la victoire. Vous fouie* y ou* soustraire