I
7e ANNEE. - X° 727.
JOURNAL DYPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
DIMANCHE, 23 AVRIL 1848.
INTÉRIEUR.
Feuilleton.
LA ÇUIQUENGROGNE.
Où s'abonne Yfres, Marché
au Beurre, 1, et chez tous les per
cepteurs des postes du royaume.
PRIX DE L'ABONNEMENT,
par tri me lire.
Pour Y près fr. 5-00
Pour les autres looalités 6-00
Prix d'un numéro0-25
Tcml ce qni concerne la rédac
tion doit être adressé, jrancoi
l'éditeur du journal, Y pie».
Le Progrès paraît le Diman
che et le Jeudide chaque semaine.
PRIX DES INSERTIONS.
Qninze centime» par ligne.
TIRES ACQUIRIT EUNDO.
Y PU ES, le 22 Avril.
Les journaux qui, ayant le 8 Juin, s'étaient
montrés les défenseurs les plus opiniâtres et les
plus constants du parti renversé cette époque
et qui, dès l'avènement du ministère Rogier,
avaient fait une guerre déloyale et mesquine au
gouvernement, né le 12 Août, les journaux
catholiques enfin, déclarèrent dès le 27 février,
qu il n y avait plus de partis en Belgique les
entendre les dénominations de catholiques et
de libéraux de rétrogrades et de clubistes
appartenaient I histoire d'un passé déplorable,
les drapeaux des partis anciens étaient cachés
dans la poussière du passé, les feuilles du clergé
appelaient frères les journaux du progrès, M.
Malou avait embrassé M. Delfosse M. de Mé-
rode, inventeur delà chèvre catholique, cares
sait le choux libéral, enfin, ces hommes qui
avaient formé le bataillon sacré du parti catho
lique se proclamaient les tuteurs inlègres,
défenseurs zélés du gouvernement libéral, au
quel la victoire du 8 Juin si fructueuse pour le
pays, donna une existence pleine de viabilité.
Toutes les feuilles du clergé, depuis le Journal
de Bruxelles jusqu'au Propagateurétaient
unanimes.
Désirant dans l'intérêt de notre patrie, un
pareil revirement, nous crûmes devoir nous ab
stenir provisoirement de toute attaque contre
nos ennemis d hier qui nous tendaient la main;
toutefois, instruit par l'expérience, il nous fut
difficile de croire avec une foi entière des
protestations si extraordinaires. Il parait que
nous n'avons pas eu tort de douter...
On nous assure que, profilant de la circon
stance des pâques, le clergé prêche, dans le tri
bunal de la pénitence, une croisade nouvelle
contre les mauvais journauxet ces mauvais
journaux quels sont-ils? ceux que les feuilles
cléricales appellent leurs frères, ceux qui dé
fendent un gouvernement qui, maintenant l'or
dre, donne tout le développement possible
aux libellés dont la constitution renferme le
germe et qui a su conserver notre patrie sa
ualionalilé et son indépendance.
Ces journaux autrefois de l opposilion, mais
toujours sincères défenseurs du pacte constitu
tionnel que 1830 donna la Belgique, rendent
par la populariléqu ilsont acquise, d immenses
services au pays. Pourquoi donc flétrit-on ces
journaux dans un tribunal sacréel où la vérité,
la justice et la sincérité devraient toujours ré
gner sans partage
L'homme le plus simple se posera naturelle
ment la question que nous venons de faire, il
se demandera Les feuilles, jusqu'ici organes
du clergé, ne le représentent-elles plus? Et
si elles le représentent, pourquoi le clergé qua-
lifie—t—il de mauvais des journaux qui dans les
circonstances critiques où nous nous trouvons,
combattent comme elles, pour le maintien de la
constitution, pour l'indépendance et la natio
nalité de notre pays?
Ou bien faul-il conclure de cette contradic
tion, que pour certain parti les actes ne cor
respondront jamais aux paroles et que la bouche
exprimera toujours des sentiments que le cœur
ne ressent pas
Nous croyons devoir nous abstenir des péni
bles réflexions que ces faits nous suggèrent,
nous espérons qu'ils sont exceptionnels jusqu'ici
et qu'un zèle exagéré et malentendu, peut-être
la force de l'habitude les ont posés. Nous dési-
rous même, que par un démenti formel, on
nous donne l'assurance que la croisade contre
les feuilles libérales n'est pas géaérale, systéma
tique et prêchée par ordre.
Nous le désirons dans iiwti> la sincérité de
notre âme pour le bonheur de notre patrie, car
si le parti vaincu le 8 Juin, cherchait par des
moyens même détournés ressaisir une domi
nation impopulaire qui pesa si lourdement sur
la Belgique, nous craindrions pour notre pays
des malheurs plus graves encore que ceux qui
l'auraient écrasé, si Te ministère clérical availélé
au pouvoir le 24 février.
Tout le monde comprendra que l'intérêt
particulier ne nous détermine pas écrire ces
lignes. Le Progrès est attaqué sans doute, il y
est habitué, mais le Progrès a traversé les cir
constances les plus désavantageuses; alors il a
jeté fièrement ses ennemis les plus acharnés,
le défi de l'anéantir. Aujourd'hui pareil défi
serait une vaine parade de prospérité.
L'auteur du Livre d'heures vient de mettre
la disposition de l'éditeur du Progrès cin
quante exemplaires de son dernier ouvrage
ayant pour titre: Les Soirées de Cambo.
Ces exemplaires seront vendus au profit des
pauvrcsdela villed'Ypies. Voirauxannonces).
Les listes des électeurs pour les chambres, la
province et la commune, sont, depuis Diman
che 16, affichées dans toutes les communes du
pays.
L'art. 8 de la loi électorale donne le droit
tous les citoyens qui croiraient avoir des récla
mations former, de s'adresser au collège des
bourgmestre et échevins; ces réclamations doi
vent être faites avant le 30 de ce mois.
Nous engageons vivement tous nos conci
toyens examiner avec soin les listes électora
les qui, pour notre ville, sont affichées sous la
galerie dite Nieuic-icerk et ceux dont les
noms auraient été omis, faire leur réclamation
la régence, en temps utile, c'est-à-dire dans le
courant de la semaine prochaine, avant le 30
avril.
Il arrive souvent au moment des élections,
que des personnes, réunissant toutes les condi
tions pour être électeurs, ne peuvent user de
leurs droits, parce qu'elles ne sont pas inscrites
sur les listes électorales. Cette inscription don
nant exclusivement le droit de voter, elles éprou
vent alors de justes mais inutiles regrets qu'une
simple démarche faite aujourd'hui, peut leur
éviter.
Pour être électeur, il faut:
i" Etre belge.
Pipp Hp tR ans.
3° Verser au trésor de l'Etat en coniriDuuuns
directes (foncier, personnel et patentes), une somme
totale de fr. 4i-5i centimes.
Il est remarquer 1° que les centimes ad
ditionnels au profit de la province et de la
commune ne peuvent être comptés pour par
faire celle somme; 2* que les contributions et
patentes ne sont comptées 1 électeur qu'au
tant qu'il a payé le cens en impôt foncier, l'an
née antérieure (pour 18 47) ou bien en impôts
directs de toute nature (personnel et patente),
pendant chacune des deux années antérieures
(1846 et 1847).
Il n'est pas nécessaire de payer la somme de
fr. 42-32 Ypres même. Ceux qui y payent
une partie de cette somme ou même qui n'y
paient rien mais qui possèdent dans d autres
communes des biens-fonds, peuvent se faire in
scrire en produisant les quittances de l'impôt
foncier soldé par leurs fermiers.
Les circonstances sont graves le concours de
tous est nécessaire aujourd'hui. Les électeurs
inscrits sur les listes pour 1848 seront très-pro
bablement appelés renouveler intégralement
XI. malefices et sorcellerie. [Suite.)
I.a vieille Berthe avait cessé de parler que Raoulette l'écoutait
encore. Convaincue que cette femme était la fois folle et sorcière,
et qu'en cette qualité, elle était d'une nature supérieure l'buma-
nité, la jeune fille avait une foi avei gle en chacune de ses paroles
et ne pensait pas qu il fut possible de se soustraire l'ascendant
u'tlle exerçait sur ceux qui l'approchaient. Autaut il lui avait été
ouloureux d'apprendre que sou mariage avec Yorik était contraire
aux brillantes destinées de ce dernier, autant elle se sentait consolée
par l'espoir d'être réunie lui par delà le tombeau aussi trouvait-
elle du bonheur dans la pensée de se sacrifier pour l'aider daus l'ac
complissement de la mission providentielle laquelle les prédic
tions de la vieille Berthe annonçaient qu'il était réservé.
Après avoir joui pendant quelques heures d'un sommeil paisible,
qu'elle ne connaissait plus depuis le jour de son enlèvement, Raou
lette se rendit chez le gouverneur. Elle lui racouta comment elle
avait été saisie par deux soldats, la faveur du désordre qui avait
eu lieu l'entrée de la cathédrale, emportée au château et renfer
mée dans une des chambres delà tour delà Quiquengrogne; qu'après
une captivité de deux jours» et sans que rien put lui faire soup-
oçuuer la cause de l'attentat dont elle était victime» die avait yu
entrer dans sa prison un jeune homme qui lui était inconnu, que
ce jeune homuie lui avait dit être le fils du gouverneur, lui avait
parlé d'amour, et, qu'ayant voulu se porter contre elle des actes de
violence et de brutalité, elle lui avait arraché sou poignard et l'en
avait mortellement frappé.
Se conformant aux instructions qu'elle avait reçues de la vieille
Berthe, Raoulette mit le poignard du capitaine Clément sous les
yeux du gouverneur.
Celui-ci s'en empara, l'examina et le reconnut aussitôt. L'expres
sion d'une profonde douleur se répandit sur son visage, mais au
lieu des transports de colère que la jeuue fille s'attendait voir
éclater, le comte de Cliarolles ne témoigna que de rabattement, de
la résignation.
Il a mérité cette punition, murmura-t-il conduisez-moi près du
cadavre de mou fils.
La vieille Berthe n'ayant pas prévu que le gouverneur ferait
celte demande toute simple et toute naturelle, n'avait pas enseigné
Raoulette la réponse qu'elle devait y faire: aussi, la jeune fille,
qui De savait pas mentir, deineura-t-elle silencieuse, et singulière
ment surprise que sa confession n'eût pas pour elle un dénouement
tragique.
Le gouverneur lui ayant renouvelé sa demande
J'ignore où est le cadavre du capitaine Clément, répondit-elle,
mais il est mort, je l'ai tué, et je viens vous supplier de le venger en
me faisant mourir.
Le comte de Charolles avait été trop fortement remué par ce qu'il
Venait d'apprendre, pour prêter d'abord une grande attention a la
jeune fille qu'il avait devant lui mais il lui fut impossible de ne
pas remarquer le singulier embarras qu'elle fit paraître, lorsqu'il
voulut se faire conduire sur le lieu où le meurtre avait été commis.
11 se rappela alors avec quelle placidité elle lui avait fait sou récit,
et ne pouvant admettre qu'une si jeune fille, en supposant qu'elle
fût capable de plonger un poignard dans le cœur d'un homme, pour
mettre son honneur l'abii de ses violences, pût raconter celte
action sans être émue par le souvenir d'une scèue aussi extraordi
naire, il ermmença douter de la véracité d une pareille confession,
et espérer que l'imagination de la jeune Malouiue faisait seule les
frais du rapt dont elle se croyait victime, et de la sanglante ven
geance qu'elle prétendait eu avoir tirée.
L'esprit de cette malheureuse enfant ne pouvait-il avoir été
égaré par le déchirant spectacle de la moit de sou père, et le poi
gnard qu'elle avait eu sa possession, ne pouvait-il avoir été perdu
par le capitaine Clément sur le théâtre de l'émeute P Ces supposi
tions lui paraissaient plus vraisemblables que l'homicide dout elle
venait s'accuser, et surtout que les circonstances au milieu desquel
les il aurait été commis.
Le comte de Charolles adressa plusieurs questions Raoulette
mais elle se renferma opiniâtrement dans la même réponse j'ai tué
le capitaine Clément, faites-moi mourir.
Voyant qu'il était inutile de pousser plus loin l interrogatoire, et
voulant savoir d'une maniéré certaine ce qu'il y avait de vrai ou de,
faux dans les affirmations de cette jeune fille, le gouverneur la ren
ferma dans son appartement et sortit pour aller s'informer de
son fils,