INTÉRIEUR.
8e ANNÉE. N° 733.
DIMANCHE, 21 MAI 1848.
JOURNAL DYPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
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TIRES ACQUIRIT EUNDO.
Y PUES le 20 Ylni.
Quelques journaux du parti brouillon accu
sent le ministère d'avoir conclu une alliance
avec le parti clérical, en vue des élections pro
chaines. Cette assertion n'est étayée surd'autres
preuves que par la haine profonde que le parti
des mécontents porte au pouvoir qui l'empêche
de se livrer ses criminels desseins. Toutes ces
insinuations perfides ces mensonges avérés
ces acccusations stupides lancées contre le mi
nistère, n'ont d'autre origine que le dépit pro
fond que ressentent certains faiseurs, de ne
pouvoir pêcher en eau trouble. La mobilité
d'esprit de certains individus et leur ambition
démesurée ont été souvent une cause de révi-
remenls inexplicables, au point de vue de la
raison.
Mais il est un abîme plus profond envers le
quel nous voguons pleines voiles, c'est une
nouvelle édition de Y Union qu'on est en train
de bâcler. Combien de fois déjà n'avons-nous
pas entendu dire qu'il n'y a plus de partis! Le
parti clérical qui sentait son impopularité et l'an
tipathie qu'inspiraient ses doctrines politiques,
s'est affaissé la nouvelle du 24 février. Il s'est
annullé, fait petit, enfin de pouvoir jouer son
jeu sans soulever les passions. Mais qu'on ne
l'oublie pas, il est toujours là, il existe et ne se
débandera pas, nous en avons dit souvent la
raison. C'est que le parti catholique n'est, tout
prendre, que le clergé assisté de quelques am
bitieux, dont les services sont payés haut
prix, parce qu'on a besoin d'intermédiaires et
puis d électeurs, que la fausse dévotion ravale au
rôle de mannequins, sous l'impulsion de prctre.
Ce parti existera longtemps, parce que de tout
temps, la caste sacerdotale a voulu s'immiscer
dans l'ordre temporel et ce n'est que par l ins—
truclion et la diffusion des lumières, qu'on par
viendra combattre celte influence.
Il est donc clair que le parti clérical'contre
lequel le libéralisme a lutté pendant dix sept
ans, n'a pas disparu de la scène politique et que
la division des partis existe encore en Belgique,
comme avant le 24 février. Les catholiques ont
leur but qu'ils veulent atteindre, celui de créer
au profit du clergé, une influence politique pré
pondérante dans l'état. Les libéraux oui leurs
plans qu'ils n'ont pas abandonnés, ceux de rester
dans les limites de la Constitution, d'améliorer
progressivement les institutions au point de
vue moral et matériel, enfin, de rendre la posi
tion des classes inférieures de la société aussi
aisée que l'état existant des choses peut le com
porter. On le voit donc, jamais il ne sera pos
sible que ces deux partis se fondent en un seul,
sans que l'un soit dupe de l'autre, et l'épreuve
de VUnion de 1D30 est là pour préserver l'o
pinion libérale de refaire de histoire ancienne
et qui n'a pas été très-avantageuse aux idées
qu'elle avait mission de faire prévaloir.
Ce n'est pas que nous soyons disposés guer
royer pour le plaisir de faire acte d hostilité
l'égard du parti clérical, si celui-ci veut se te
nir coi et ne plus jouer le rôle qu'il a tenu pen
dant dix-sept ans; ce n'est pas que nous crai
gnons sa domination, elle finira toujours quand
le pays le voudra bien, car elle ne peut être que
factice; ce n'est pas par esprit d'exclusion, que
nous lui refusons le droit d'exercer une influence
politique prépondérante, mais parce que nous
sommes intimement convaincu qu'il veut faire
rétrograder la civilisation et que par ses efforts
et son opiniâtreté il doit inévitablement sou
lever des tempêtes.
A lépoque actuelle, avec le développement
de l'esprit public, le seul régime possible sans
trouble et sans émeutesest le régime libéral
tel que nous l'avons toujours défendu. Une
coalition avec le clergé est une chose mon
strueuse, qui n'a pas sa raison d'être, et c'est pour
ce motif que nous voulons mettre les électeurs
en garde contre ces prétendus libéraux qui
vout partout déclamant, qu'il n'y a plus de par
tis, que le parti clérical s'est évaporé enfumée,
qu'il ne travaillera plus les électionsenfin
qu'on n'en entendra plus parler. Lafontaineadit
Ce bloc enfariné ne me dit rieD qui vaille
Je soupçonne dessous encore quelque machine,
Rien ne te sert d'être farine.
Car quaud tu serais sac, je n'approcherais pas.
Ces vers sont l'histoire du parti catholique
et de sa conduite actuelle. Nous ne voulons pas
dire, qu'il faut refuser un armistice, en présence
de dangers possibles qui peuvent menacer la
Belgique dans son existence, mais chaque opi
nion doit garder son drapeau et ses principes,
et surtout ne pas chercher dans le camp op
posé, les hommes qu'elle veut investir d'un
mandai parlementaire. Un tel choix serait le
comble de la niaiserie politique, et bon droit
on pourrait se gausser de ces libéraux qui la
leçon de 1831-33 n'a pas profité.
Comme tous les ans, les curés et vicaires des
paroisses ont fait une visite leurs ouailles pour
rechercher le billet de confession, qui doit té
moigner que la personne qui en a un en sa
possession, a fait ses pâques.
En acquit de notre devoir et de notre con
science nous nous élevons contre celle prati
que inquisitoriale et nous la déclarons incom
patible avec la dignité de l'homme et du chré
tien. Quand partout où le clergé catholique n'est
pas dégagé de tout lien temporel, les hommes
qui défendent sa cause, proclament que les af
faires de conscience ne relèvent que de Dieu
seul, une pratique telle que celle qui existe ici
ne doit plus être tolérée; le clergé devrait sa
voir en faire l'abandon lui-même. Mais l'opi
niâtreté qu'il met maintenir les vieux us et
coutumes du temps de 1 inquisition prouve
combien il tient conserver les pratiques qui
lui donnent de l'influence ou qui exercent une
compression sur les fidèles.
Cette coutume de distribuer des billets de
confession est seulement connue dans la cir
conscription territoriale de l'ancien évêché
d'Y près et remonte lépoque, croyons-nous,
de Philippe IL Aujourd'hui les temps ne sont
plus les mêmes et nous croyons qu'on ferait
bien de cesser les courses domicile la re
cherche des billets de coufession. Du reste, nous
avons tous les ans blâmé cette coutume et nous
ne cesserons de la critiquer, que lorsqu'elle sera
entièrement tombée en désuétude.
Nous apprenons par la voie du Journal de
Bruges, que M. DeMooreghem ne sollicite plus
le renouvellement du mandat de sénateur
des électeurs de Roulers. L'Émancipation, en
donnant cette nouvelle, ajoute que M. DeNec-
kere-DeConinck, ancien sénateur, ancien com
missaire de l'arrondissement, se porte pour le
remplacer. Nous avons tout lieu de croire, que
celte nouvelle est vraie et que M. DeNeckere se
porte candidat au sénat Roulers, sa ville na
tale.
Si le temps le permet, la musique du corps
LA QUIQUENGROGNE.
XIV. SUR LA REINE JEANNE. (Suite.)
Depuis qu'avait comraenoé la tourmente, la prinoesse Renée
n'était pas sortie de sa cabine et n'avait vu absolument que le ca
pitaine, qui voulait lui laisser ignorer le danger auquel le navire
était exposé. Plusieurs fois elle avait cherché faire avouer Yorik
qu'il n'y avait pas d'espoir de lutter victorieusement contre une
pareille tempête, mais le capitaine lui montrait toujours une si par
faite tranquillité d'esprit, la sérénité de son visage dénotait si peu
d'inquiétude, qu'elle avait fiui par croire aveuglément ce qu'il lui
avait réponduc est-à-dire que le mauvais temps n'aurait pas d'autre
suite fâcheuse que de reculer de quelques jours l'époque de leur
arrivée Nautes.
Mais le hasard voulut que, méconnaissant la consigne qui lui avait
été donnée, la princesse fût sôrtie de sa cabine et placée sur l'échelle
de l'entrepont, au moment où Jacques Cartier, croyant n'être en
tendu que du contre-maître, lui expliquait sans détour la situation
désespérée du bâtiment.
Ayant appris de cette manière le sort qui lui était réservé, Renée
descendit l'échelle et se dirigea vers la chambre du capitaine.
Elle le trouva occupé interroger une boussole et tracer des
lignes géométriques, et tellement absoibé qu'il ne s'aperçut même
pas de la présence de la princesse.
Mon cousin, lui dit-elle...
C'est vous, madame la princesse, s'écria le capitaine, quelle
imprudence ie vousavaissuppliéede ne pas sortir de votre chambre.
Vous royea bien, mou cousin, qu'il n'eu est résultéaucuu mal...
d'ailleurs j'ai vous faire uue question très-grave et qu'il ne serait
plus temps sans doute de remettre demain.
Je ne vous comprends pas, madame, que voulez-vous dire sur
quoi voulez-vous me questionner
Dites-moi, mon cousin, avez-vous une grande conQance dans
les lumières de votre jeune second, Jacques Cartier
Autant que dans les miennes. Rassurez-vous donc, et croyez
que sous le commandement de ce jeune homme...
Ainsi, mon cousin, continua Renée en l'interrompant, vous
pensez qu'on peut s'en rapporter son jugement sur la position où
se trouve le navire, par suite de cette horrible tempête qui dure
depuis huit jours.
Oui, sans doute, madame, et Jacques Cartier a du vous dire, si
vous l'avez interrogé, que nous ne courons absolument aucun danger
sérieux.
Jacques Cartier, reprit la princesse, aurait pu me faire cette
réponse, si je l'eusse interrogé, mais je viens de l'entendre dire un
de vos hommes, que la Reine-Jeanne n'en avait pas pour une heure
avant de sombrer.
Avez-vous entendu cela? dit Yorik avec épouvante. N'encroyez
rien, n'encroyez rien, madame; si je suis impuissant vous sauver,
la providence viendra mon aide.... vous serez sauvée, vous dis-je!
Pourquoi chercher m'in*pirer de trompeuses espérances, mon
cousin parce que je ne suis qu'une femme, me croyez-vous dé
pourvue de tout courage en présence d'une mort inévitable Oui, je
l'avoue, j'aurais peur de mourir, si vous ne m'eussiez communiqué,
par votre exemple, une partie de votre fermeté héroïque; mais je ne
serais pas fille de France, je ne serais pas digue de votre affection,
si je n'étais capable de subir avec le calme de la résignation, l'é
preuve suprême que le ciel nous destine. Ne me traitez donc pas
comme uue enfant craiuliye, mon cousin, et ne me dissimulez pas
▼os véritables pensées.
11 n'est que trop vrai, répondit enfin Yorik, que notre situation
est désespérée, et que notre salut ne dépend plus que de la volonté de
Dieu jamais pareille tempête n'est venu assaillir la Reine-Jeanne
pendant ses navigations sur les mers orageuses; cependant je ne sais
quel pressentiment m'avertit que nous échapperons ce péril immi
nent, et c'est pour cela, madame, qnejc n'ai pas voulu vous alarmer.
Comme il parlait, une lame déferlant avec violence sur le Ilano
du navire, défonça l'un des sabords, et inonda la cabine.
Renée croyant être arrivée au dénoûment de ce drame lugubre,
perdit aussitôt l'admirable sang-froid avec lequel elle avait envisagé
le danger, et cédant l'influence d'une surexcitation fébrile, elle
se rapprocha vivement d'Yorik; et lui saisissant la main avec force
Noire heure va sonner, mon cousin, lui dit-elle; je vois venir
la mort, mais ne croyez pas que j'aie peur. Je suis heureuse, Yorik
je n ai jamais ete aussi heureuse qu au moment ou je vais mourir
avec vous. Aussi bien, il m'est doux, Yorik, de vous faire en cet
ius..ant suprême, un aveu qui n a pas osé s'échapper encore de uia
bouche, et que je vous ai laissé deviner depuis le jour où je vous ai
vu pour la première fois. Vous êtes le plus intelligent, le plus noble,
le plus beau des hommes, et je vous aime Yorik, je vous aime de
toutes les facultés de mon âme, et je suis orgueilleuse de vous aimer.
Et vous m'aimez aussi, n'est-ce pas, Yorik je le sais, je le sens, et
pourtant je veux vous entendre me le dire.
Oui, chère Renée; je vous aime aussi, moi... et je n'osais pas non
plus vous l'avouer... Quel étrange amour est-ce donc que celui qui
nous attire l'univers l'autre
C'est 1 amour véritable, Yorik. Uq amour voulu par Dieu qui
nous a formés, moi pour vous, vous pour moi. Admirez par quelle
suite de circonstances providentielles il nous a rapprochés, quand
tout semblait devoir nous séparer jamais Il y a quelques mois,