NOUVELLES DE FRANCE. représentants de la nation. En présence des agitations qui remuent si profondément I Eu rope, la Belgique est demeurée calme, confiante fit forte. Il me tardait d'exprimer publiquement ce que mon cœur en a ressenti de gratitude et de juste fierté! Les changements survenus dans l'état politique de divers pays n'ont aucune ment altéré nos bonnes relations internationa les. Nos rapports avec la République française se trouvent établis dans les termes d'une bien veillance mutuelle. De toutes parts, nous avons reçu des témoignages de sympathie et d'estime. Des lois importantes ont marqué la dernière session. Le cercle des droits politiques a été considérablement élargi, et la première appli cation de la réforme électorale a prouvé que nous n'avions pas trop présumé de la sagesse de la nation. L organisation de la garde civique se pour suit avec activité; l'excellent esprit des popu lations en facilite et en assure le succès. Les circonstances ont imposé au pays des charges extraordinaires. Il en a compris la né cessité et les a courageusement supportées. Au moyen des mesures financières votées dans la dernière session, notre patriotique armée a été maintenue sur un pied défensif respectable; nous avons alimenté le travail le trésor public a pu remplir fidèlement toutes ses obligations; le fardeau de la dette flottante a cessé de peser sur le crédit. L'avenir récompensera les sacri fices du passé. Les subsides destinés aux besoins extraordi naires n'ont été votés que jusqu'au 1er septembre. Maisgrâce la sage réserve que nous nous sommes imposée dans les dépenses, la création de nouvelles charges ne sera pas nécessaire et si des complications imprévues n'y viennent faire obstacle, les crédits volés suffiront pour atteindre la fin de l'année. Tous nos efforts, Messieurs, doivent tendre conserver la Belgique une bonne situation financière. Le budget normal des dépenses sera réduit. Mon gouvernement est résolu opérer successivement des économies efficaces. r lusieurs impôts devront être modifiés dans leur base. Nous ne perdrons pas de vue dans la répartition des charges ce qui est dû de ménagement ceux dont le travail seul entre tient l'existence. Nous continuerons de recher cher avec une sollicitude vraie, toutes les me sures propres améliorer et relever la condition des classes laborieuses. Nous traversons une époque remplie d'épreu ves difficiles pour la société européenne. La Belgique ne se laissera pas détourner de la voie sage et sûre dans laquelle elle est entrée. Elle a pu, par un heureux accord concilier la stabi lité avec le progrès, l'ordre avec la pratique de toutes les libertés. Pour se maintenir dans cette voie, pour accomplir avec succès sa mission de paix et de travailil suffit la nation d'avoir foi en elle-même et de rester unie. Vous Messieurs, qui êtes l'expression fidèle de ses sentiments et de ses vœux, vous, qui elle a remis le dépôt de ses plus chers intérêts, vous répondrez dignement son attente vous ac corderez au gouvernement le concours bien veillant dont il a besoin pour remplir sa lâche difficile, et, de nouveau nos communs efforts auront bien mérité du pays. Paris, 24 juin. Journée du 23 Juin, La nuit a été bruyante quelques postes avaient été menacés; quelques commencements de barri cades avaient eu lieu dans les bas quartiers Saint- Denis et Saint-Martin. Dès la pointe du jour Paris avait un air sinistre, [.es boulevards, depuis la porte Saint-Denis jus qu'aux Filles du Calvaire étaient couverts de ras semblements nombreux. Des ouvriers des ateliers nationaux déclaraient ne ps vouloir partir d'autres racontaient qu'envoyés en Sologne, ils n'avaient trouvé ni gîte ni ouvrage d'autres se plaignaient d'avoir attendu hier vaine ment, la barrière de Fontainebleau, des feuilles de route et un ordre de départ qui leur avaient été promis la veille. Vers dix heures, le cri aux barricades retentit sur toute la ligne du boulevard des omnibus furent renversés le haut de la porte Saint-Denis fut oc cupé les rues Saint-Denis et Saint-Martin la rue Rambuteau furent également barricadées. En ce momentles gardes mobiles du poste Bonne-Nouvelle furent désarmés mais bientôt ce poste était occupé de nouveau par la garde nationale. Un second détachement arrivé au secours de ce poste occupait tout le trottoir en face du Gymnase. La foule était compacte sur ce point; des tenta tives de désarmement avaient lieu chaque instant sur les factionnaires chargés de la tenir distance. Dès lors on battit tour tour le rappel et la générale. De temps en temps des coups de feu tirés en l'air, dit-on partaient de la place d'Armes, de l'enceinte entre les portes Saint-Denis et Saint-Martin. Les gardes nationaux se tenaient là l'arme au bras, et s'approchaient peu peu de la barricade. L'ordre vint de l'enlever un officier s'avança avec un commissaire de police et fit les sommations d'u sage. Nous ne faisons rien de malrépondait-on de l'autre côté restez chez vous nous sommes chez nous. Pendant ces pourparlers, le feu s'engagea on ne auii par ou un pieyii», i«cu. L,e poste Bonne-Nou velle, serré de près dut écarter la foule avec les armes. Là aussi le feu vint s'engager. Un bataillon de la a* légion de la garde nationale commandé par le chef de bataillon Bouillon était sur le boulevard Poissonnière, il chargea les armes marcha au secours de ses frères engagés plus loin et attaqua et enleva une barricade. La fusillade fut alors terrible elle dura 25 3o minutes sans interruption. Au bout de ce temps, on était maître du boulevard Saint-Denis. La troupe de ligne l'artillerie et un escadron de lanciers arrivèrent alors mais le feu avait cessé de ce côté. C'est aussi vers onze heures que la garde natio nale a commencé le feu la porte Saint-Martin du côté du boulevard du Temple. Elle s'est assez promptemeut emparée des barricades et a garni les rues aboutissantes. Le quartier Saint-Jacques était aussi très-agité, des gardes nationaux y furent éga lement désarmés. Vers les Halles il y a eu aussi quelques tenta- tivesde désarmement et quelques coups de feu tirés. Tout a été calme du côtéde l'Assemblée nationale. On voit dans les rangs de la garde nationale peu d'ouvriers et de gardes non habillés. Quelques indi vidus y figurentcependantarmés de fusils de chasse. Des gardes nationaux cheval y sont dans les rangs pied avec un certain nombre d'artilleurs. Sur le boulevard Poissonnière des gardes natio naux se laissent désarmer et se sauvent. Depuis la rue Planche-Mibray jusqu'au boulevard et la rue St-Martin tout était complètement tran quille. Il en était de même de la rue Rambuteau. Il y a dans les quartiers Saint-Jacques Saint- Marceau un immense réseau de barricades. La circulation est impossible. Vers deux heures, la 12e légion de la garde natio nale a fait feu sur les insurgés dans la rue Saint- Jacques et détruit les barricades. Quatre ou cinq hommes ont été tués dans la rue de Rambuteau non loin de la Halle. A l'heure qu'il estles barri cades de la porte Saint-Martin sont détruites. On a entendu dans plusieurs groupes des cris de Henri fou Napoléon, dans d'autres ceux A bat le cinq! ficela République Un drapeau pris sur la barricade de Saint-Denis par un représentant, por tait ces mois Du pain ou la mort Les gardes nationaux qui marchaient contre l'é meute faisaient entendre les cris répétés de fie» la République bat let Prétendant» Vers trois heures, un certain émoi s'est manifesté parmi les troupes réunies autour de l'Assemblée nationale. L'ordre de charger les armes a été donné toute l'infanterieligne, garde mobile et garde nationale. Deux escadrons de dragons se sont massés sur la place de Bourgogne on a renforcé le poste de la tête du pont de la Concorde. La troupe se dirige de la Place des Victoires au Marais, qui est en ce moment occupé par les in surgés. Charge de cavalerie dans la rue Saint-Denis. Un commissionnaire en marchandises, M. Avriol, est au nombre des victimes de la fusillade de la Porte Saint-Denis. Dans la cité une colonne d'environ deux cents individus s'est formée sur la place Dauphine. Après avoir bu bon nombre de bouteilles de bière au café qui forme le coin de la place, ces individus annon cèrent l'intention de se rendre l'Assemblée natio nale. Ils se mirent en marche en criant ficela République démocratique et tociale en ava>it ceux qui ont du cœur. Une barricade avait été construite sur le pont Saint-Michel. Uu drapeau rouge y fut planté. Celte barricade fut enlevée par la garde na tionale et la colonne se dispersa. A cinq heures une pluie d'orage qui survient eu ce moment, a rendu facile la dispersion des derniers restes de l'émeute. La garde nationale a fait son devoir. Les pertes de le 2° légion sont, dit-on considérables. Tout est fini dans le quartier Lafayetle, où ont eu lieu les derniers engagements. Le faubourg Saint- Marceau n'est pas encore tranquille. Des dispositions formidables ont été prises pour garantir de toute surprise et de toute attaque le Palais législatif. Toutes les issues de la place de la Concorde sont garnies de cavalerie, chaque rue, de tous côtés il y a des pièces de canon et de troupes rangées eu bataille, de telle sorte que personne ne peut passer sans être porteur d'un billet. Le général Cavaignac a été investi du commande ment de toutes les forces réunies dans Paris. En ce moment, neuf heures, les insurgés refoulés de toutes parts dans le haut des faubourgs, se ré pandent dans la banlieue on entend cependant encore une assez vive fusillade dans le faubuurg Saint-Antoine. Malgré la répression de l'émeute dans Paris on n'est pas sans avoir des craintes sérieuses pour la nuit et le jour de demaiu. Il y a dans Paris un grand peintre peignait en vert les volets des fenêtres, une servante net toyait les carreaux, un jardinier bêchait le jardin. Tant mieux me dia-je, uu bon toit comme celui-là qui n'abrite personne c'est un bien perdu. Je vis de jour en jour la maison changer d'aspect des caisses de fleurs vinrent caeher la nudité des murs. Uu parterre fut dessiné devant le perron les allées débarrassées des mauvaises herbes, furent sablées et de la mousseline blauche comme la neige brillait au soleilquand il dardait sur les feuétres. Uu jour eutin une voi ture de poste traversa le village et vint s'arrêter dans l'enclos de la petite maison. Qui étaient ces étrangers Nul ue le savait mais obacun, au village, désirait le savoir. Pendant longtemps, rien ne ae répandit au-dehorsde ce qui se passait dans oette demeure; on voyait seuleuieul les rosiers ileuiir et le gazon verdoyer. Que de commentaires on lit sur ce mystère! C'étaient des aventuriers qui ae cachaieut jc'élaieul uu jeuue homme et sa maîtresse; enfin on devina touthors la vérité. La vérité est si simple qu'ou ue songe pas toujours elle; une fois l'esprit en mouvement, il cherche droite gauche il ne pense pas regarder tout droit devant lui. Moi, je m'agitai peu. M'importe qui est là, me disais-je, ce sont des hommes doue ils ue serout pas luugtemps sans .souffrir et l'on m'euvrrra chercher. J atlem is palieiumeut. Eu elfet, un malin ,on vint me dire que M. William Meredith nie pliait de me rendre chez lui. Je fis ma plus belle toilette d alors, ettàohaut de me donuer uue gravité analogue mon étatje tra versai tout le village, uou sans me seutir un peu fier de mon importance. Je fis bien des envieux ce jour-là On se mit sur le acuil des portes pour me voir passer, u 11 ra la maison blanche u se disail-ou et moi saus me hâter dédaignant en apparence une vulgaire curiosité je marchais lentement saluant mes voisins les paysans en leur disant A revoir mes amis revoir plus lard ce matin j'ai aflaire et j'arrivai ainsi là-haut sur la culline. Lorsque j'eulrai dans le salon de celle mystérieuse maison, je fus réjoui du spectacle qui frappa mes regards tout était la fois simple et élégant. Le plus bel ornement de celte pièoe était des fleurs; elles étaient si artistement arrangées que de I or n'eut paa mieux paré I intérieur de cette demeure de la mousseline blanche aux fenêtres de la percale blanche sur les fauteuils c'était tout mais il y avait des roses des jasmins des (leurs de toutes sortes comme dans un jaidio. Le jour était adouci par les rideaux l'air était rempli de la bonne odeur des fleurs et blottie sur un sopba une jeune fille ou une Jeuue femme, blanche et fraîche comme tout ce qui l'eulouraitm'accueillit avec un sourire. Uu beau jeuue homme qui était assis sur un tabouret près d elle, se leva quand on eut annoncé le docteur Barnabe. - Monsieur me dit-il avec un accent étranger très-fortement marque, ici on parle tant de votre science, que je m'atteudais a voir entrer un vieillard. - Monsieur, lui répondis-je, j'ai fait des éludes sérieuses je suis peuetre de la responsabilité et de l'imporlauce de mou état vous pouvez avoir confiance en moi. - Eh bien me dil tlje recommande vos soins ma femme dont la Situation présente réclame quelques conseils et quelques précautions. Elle est née loin d'icij elle a quitté famille et amis pour me suivre Motjtoor la soigner, je n'ai que mon affection mais uulle expérience. Je compte sur vous monsieur s'il est possible préservez la de toutes souffrances. En disant ces mots, le jeune homme fixa sur sa femme un regard si plein d'amour, que les grands yeux bleus de l'étrangère brilléieut de larmes de recounaissance. Elle laissa tomber le petit bounet d'enfant qu'elle brodait, et ses deux mains serrèrent la main de sou mari. Je les regardais, et j'aurais du trouver que leur sort était digne d'envie il n'en fut rien. Je me sentis triste je n'aurais pas dû dire pourquoi. J avais souvent vu pleurer des jeunes gens dont je disais Ils sont heureux Je voyais sourire William Meredith et sa femme, et je ue pus m'empécber dépenser qu'ils avaient des chagrins. Je m'assis près de ma charmante malade. Jamais je n'ai rien vu d'aussi joli que ce joli visage entouré de longues boucles de cheveux blonds Quel âge avez-vous madame Dix sept ans. Ce pays éloigné où vous êtes née a-l-il un climat bien différent du nôtre Je suis né en Amérique la Nouvelle Orléans. Oh le soleil est bien plus beau qu'ici 1 Elle craiguit sans doute d'avoir exprimé un regret, car elle ajouta Mais tout pays est beau quand ou est dans la maison de son mariprès de lui et que l'on attend sou enfant. Son regard oheroha celui de William Meredith puis dans une langue que je n'enteudais pas, elle piouonça quelques paroles »i douces, que ce devaient être des paioles d amour. Apres une couite visiteje me relirai en promettant de revenir. {La suite au prochain A*.)

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Le Progrès (1841-1914) | 1848 | | pagina 2