JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
768. 8e Aimée.
•VeiMlt, 7 Septembre 1848.
Vires acquint eundo.
INTÉRIEUR.
Maurice.
ABONNEMENTS Ypres (franco), par trimestre, 3 francs 30 c. Provinces, 4 francs.
INSERTIONS Annonces, la ligne 15 centimes. Réclames, la ligne 50 centimes.
Le Progrès parait le Jeudi et le
être adressé l'éditeur, Marché a
Dimanche. Tout ce qui concerne le journal doit
au Beurre. On ne reçoit que les lettres affranchies.
YPRES, IC C septeihblle.
EXPOSITION AGRICOLE.
Pour la première foisl'agriculture aura aussi sa so
lennité dans nos murs. Jusqu'ici on ne s'était guère
occupé de cette branche de la richesse publique. Le vent
soufflait l'industrie, c'était surtout aux produits indus
triels qu'on s'intéressait. Aujourd'huion est revenu
l'agriculture et on lui rend plus de justice; c'est, dans
notre pays, la branche de production de beaucoup la plus
importante.
Une société s'est formée laquelle le gouvernement a
délégué les fonctions de comices agricolespour tout
l'arrondissement administratif d'Ypres. Des cultivateurs,
des fermiers de toutes les communes du district font
partie de cette association fondée dans le but de pousser
l'amélioration des procédés de culture et au progrès de
la science agricole.
Nous avons été voir les apprêts faits pour cette exposi
tion. Elle aura lieu aux Halles, local qui se prête divinement
bien pour des solennités de ce genre. Une estrade se
trouve dans le fond de la partie du bâtiment destinée
l'exposition et borne ainsi le local. Le long des murs se
trouvent étalés les produits agricoles de tout genre. La
nudité des parois de la salle est cachée par des décors et
des inscriptions faisant l'éloge de l'agriculture. Au milieu
du pan latéral qui n'est pas percé de fenêtresun
trophée a été arrangé comme un hommage rendu aux
cultivateurs de l'arrondissement. Au-dessus de l'escalier
d'entrée se trouve l'estrade pour l'orchestre ornée de
guirlandes. Au milieu de la salle et au milieu de l'étalage
des fruits de la terre, s'élève une colonne couronnée de
drapeaux nationaux et civiques. Réellement l'aspect de
cette exposition fait le plus grand honneur l'artiste M.
Bôhm qui s'est chargé de la décoration, et l'effet en sera
admirable quand tous les objets seront placés et que tou
tes les étagères seront garnies. Elle sera ouverte aujour
d'hui pour le premier jouret tous les fruits verts et
susceptibles de détériorations seront reçus jusqu'au 11
Septembre au soir. Le comité constitué en jury se réu
nira le 1210 heures du matin l'Hôtel-de-ville, pour
juger du concours et désigner les exposants qui ont mérité
des médailles.
Bien que l'exposition soit ouverte dès mercredi, l'inau
guration ne s'en fera solennellement que Samedi prochain,
1) Septembre, dix heures du matin. On a cru devoir
fixer le Samedi, pour cette solennité, car c'est un jour où
d'ordinaire beaucoup de fermiers et de cultivateurs sont
en ville et, cette époque de l'année, les travaux des
champs ne peuvent pas être négligés. Les membres de la
société agricole se rendront en cortège au local de l'ex
position précédés de la musique, et là un discours sera
prononcé. Tous ceux qui prennentà cœur la prospérité de
l'agriculture et de ses branches accessoires, devraient se
joindre au moins d'intention, aux efforts faits par le mi
nistère libéral, pour donner aux procédés de culture une
impulsion devenue nécessaire. Pendant longtemps les
Flamands ont été des agriculteurs renommés, mais au
jourd'hui ils sont au moins égalés, s'ils ne sont dépassés
par les Anglais. 11 s'agit d'élever nos cultivateurs par l'in
struction et les connaissances des nouveaux procédés et
des instruments de travail perfectionnés, au même rang
que les agriculteurs les plus renommés, et dans ce but,
rien ne doit être épargné, car si nous nous laissions dé
passer en science agricole pratique, nous verrions, par
notre propre incurie, dépérir la dernière industrie nour
ricière du pays.
Le comité de l'Association agricole définitivement
constitué, s'est réuni Samedi dernier, pour nommer son
bureau le scrutin a donné le résultat suivant
Président: M. Henri Carton, commissaire de l'arron
dissement d'Ypres.
Vice-présidents MM. De Patin, procureur du roi
Dcmade bourgmestre de Comines Van Renynghe
bourgmestre de Poperinghc.
Trésorier: Van Eecke, notaire.
Secrétaire: Désiré Roffiaen.
Archiviste Louis Verschacve.
Les nominations du grèneticr et du secrétaire-adjoint
ont été ajournées une prochaine réunion.
Le comité s'est ensuite occupé de la nomination des
délégués au congrès agricole.
Ont été désignés
MM. Henri Carton, commissaire d'arrondissement, pré
sident de l'Association
Alph. Vanden Pcereboom, représentant;
Lucien Boedt, notaire, idem.
Ch. Van Rcninghe, idem.
Ve De Winnezeele, bourgmestre de Zillebeke;
Van Alleynnes, herbager et président du conseil
des prudhommes
Van Eecke, distillateur, Langemarcq
Van Bicsbrouck, négociant, Langemarcq.
(suite.)
iv une honnête femme.
M. le baron d'Havrecourt devait donner une grande
soirée: l'occasion était favorable et toute naturelle. Mau
rice fut présentépar lui sa femme commeunami intime.
Amélie l'accueillit avec la politesse et les égards qu'elle
avait pour tous ceux qu'elle recevait pour la première
fois, pas plus, pas moins. Cependant elle ne pouvait mé
connaître celui qui partout suivait ses pas; son assiduité,
son respect et surtout son silence, tout devait lui dire: Je
vous aime.
Toute autre femmepeut-être, eût su gré d'un pareil
amour; celle-ci s'en offensait sans doute, vou ce qui est
plus terrible encore, ne daignait pas s'en apercevoir. D'une
douceur de caractère et d'une bonté incomparables,
Amélie était gracieuse et aimable pour tout le monde;
jamais personne n'avait mieux compris les devoirs de
maîtresse de maison; les mots les plus simples semblaient
dans sa bouche ou un compliment ou une marque d'af
fection. Quand elle vous adressait la parole, on était
content d'elle quand elle vous avait écouté avec son doux
On assure, mais nous ne le croyons pas, que le bourg
mestre de Poperinghc, échevins et conseillers se sont
engagés renoncer, l'exemple des candidats libéraux,
sourire, on était content de soi, on se trouvait de l'esprit
Mais où elle était admirable, c'était avec son mari; nul
n'aurait pu dire si elle connaissait lcsvéritables sentiments
et la conduite du baron, mais elle avait pour lui, aux
yeux de tous, une si haute estime et un tel respect qu'elle
forçait tout le monde en avoir. Elle n'en parlait qu'avec
bienveillance, avec affection, avec éloge, ne s'apercevait
jamais de ses ridicules, mettait en relief ses moindres qua
lités, et devant ses amis ou les étrangers, relevait son
mari avec tant d'adresse ou de bonheur, que le baron
qui partout ailleurs était un sot, devenait, en rentrant
chez lui, un homme de mérite.
Maurice vit bien qu'il n'avait rien gagné auprès d'une
pareille femme il ne s'en étonna pas il était, trop mo
deste pour avoir l'espoir de lui plaire, mais il avait le
bonheur de la voiril n'en demandait pas davantage.
Profitant donc de sa nouvelle positionil devint un des
plus assidus de la maison les soirées où il y avait peu de
monde étaient celles qu'il préférait, et là, cessant de se
contraindre et d'affecter des vices qu'il n'avait pasil re
devenait ce qu'il était réellement, un aimable et honnête
jeune homme, se laissant aller ses généreuses inspira
tions, ses nobles sentiments, et se retrouvant dans la
bonne compagnie avec bonheur et délices, comme on
tous les émoluments attachés leurs fonctions respec
tives. Cet acte de désintéressement, pour y ajouter foi,
s'accorderait par trop mal avec les principes d'économie
domestique que professe l'un d'entr'eux qui, s'il montrait
cet égard la moindre velléité, serait bien vite mis la
raison par qui de droit.
Le chef-homme d'une société de la ville de Poperinghe
quien sa qualité d'ultra-libéraldonnait toute oc
casion, force bals et fêtes, pour faire nargue ceux dont
il invoque aujourd'hui le patronage, vient de donner sa
démission. On assure que c'est sous cette condition et sous
l'engagement formel de faire peau neuve qu'il a pu parve
nir se faire accepter sur la liste des candidats rétrogra
des. 0 humilité ambition
Un courtier électoral Poperingheois, libéral de nouvelle
espèce qui, lors des élections pour les chambres, se disait
délégué Ypres par l'Association libérale de Gand,
pour combattre la candidature de M. Van Renynghe, et qui
récemment encore s'est permis les injures les plus grossiè
res contre l'administration communale de Poperinghe, di
sant qu'aux élections du 22 Août, tous les membres qui la
composaient devraient être mis la porte coups de pied,
s'est mis en quatre, l'approche de ces mêmes élections,
pour prôner et chanter les louanges des hommes qu'il
avait naguère ainsi bafoués et traînés dans la boue. In
terpelé par quelqu'un qui le voyait gesticuler et extrava-
guer, sur le revirement si subit qui s'était ainsi opéré
dans ses principes et ses opinions, c'est, dit-il, parce
que mon frère s'est mis sur les rangs avec les modérés et
que, bien que je n'approuve pas sa bêtise, je désire qu'il
réussisse. Quels hommes
Un personnage plus ou moins important de Poperinghe,
qui se vantait l'autre jour de ses grandes connaissances
littéraires, vient de lire, dans un journal de l'arrondisse
ment, un article faisant quelque allusion sa personne.
Cet article qu'il croyait émané d'un libéral, ne lui ayant
pas goûté, j'y répondrai, dit-il, pardes coups de poing.
Les prétendus modérés de Poperinghe trop peu sûrs de
leur mérite personnel, et trouvant qu'ils n'avaient pas
assez d'ascendant sur l'esprit de certains électeurs, ont
cru que, pour les allécher plus aisément, il valait mieux
agir sur leur estomac. Cette bonne idée leur a parfaitement
réussi au moyen de la marmite électorale.
Le 3 de ce mois, vers neuf heures du matin, a éclaté
en la commune de Mcrckcm, un incendie qui a détruit
une ferme occupée par la veuve de Philippe Madelein,
rentre dans sa patrie après des jours d'exil. Amélie l'é-
coutait d'abord avec surprise, puis avec un intérêt marqué,
et Maurice, enchantécroyait avoir fait un pas dans son
estime. Bien loin de là, Amélie reprit soudain sa froideur
habituelle; un air de défiance et même de mépris se
peignait sur son visagesouvent même un sourire mo
queur errait sur ses lèvres, comme si elle eût voulu mon
trer qu'elle n'était pas dupe de l'apparenceet que le
masque qu'il voulait prendre cachait mal sa véritable
physionomie. Ah! c'est le comble de tous les maux!
s'écriait Maurice. Elle me soupçonne d'hypocrisie et de
feinte, elle m'accuse de vouloir jouer l'honneur et la
vertu. Et le malheureux jeune homme, obligé de se faire
mauvais sujet avec le maritout en sentant qu'il fallait
être honnête homme pour plaire la femmevoyait
chaque jour empirer sa position et augmenter son dé
sespoir.
Un jour, par un froid rigoureux, il se promenait sur
le boulevard en pensant elle. Il ne fut tiré de sa rêverie
que par ces mots: J'ai froid, monsieur, et j'ai bien faim!
Ils étaient prononcés par un petit garçon de sept ou huit
ansdont la petite main grelottait en demandant l'au
mône. Maurice allait lui donner une pièce de monnaie
puis, mieux inspiré, il l'interrogea.