JOURNAL D'ÏPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
X» 7<59. 8e Aimée.
-Dimanche, 17 Septembre 1848.
Vires acquint eundo.
INTÉRIEUR.
Maurice.
ABONNEMENTS Ypres (franco), par trimestre, 5 francs 50 c. Provinces, 4 francs.
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Le PnoenÈs paraît le Jeudi et le Dimanche. Tout ce qui concerne le journal doit
ctre adressé l'éditeur, Marché au Beurre. On ne reçoit que les lettres affranchies.
YPRES, le 16 SEPTEMiititE.
LES OCTROIS COMMUNAUX.
Il commence devenir de mode de battre en brèche
les octrois communaux. Les partisans du libre échange
ont monté une agitation pacifique de commun accord avec
certains intérêts, pour parvenir l'abolition des taxes
communales sur la consommation. Des journaux se sont
emparés de cette question et commencent faire la grosse
voix pour pousser cette abolition que nous qualifions de
ruineuse et pour le consommateur et pour la ville et
pour l'état. On aurait pu croire que l'essai malheureux
qu'on a fait Parisen abolissant l'octroi sur la viande,
eut dû satisfaire nos faiseurs, mais il paraît qu'il n'en est
rien, bien au contraire. A Paris on a commencé par une
abolition partielle; en Belgique, on parait vouloir des
mesures héroïques, on ne poursuit rien moins que la
suppression complète de la principale branche des reve
nus des villes.
Les arguments les plus pitoyables sont invoqués avec
une persistance et une naïveté dignes d'une cause si mau
vaise. Une commission s'est occupée de cette question.
Elle avait pour président M. De Brouckere, le grand pro
moteur du libre échange, très-apte tout renverser, mais
dont on peut se méfier juste titre, quand il s'agit de
réédificr. Depuis quelque temps, il s'est attaché deman
der l'abolition des octrois communaux, sous prétexte de
commerce et d'industrie, et colorant surtout d'une légère
teinte de philanthropie l'endroit des classes pauvres, la
malheureuse idée qu'il avait conçue; deux directeurs d'oc
troi, ont siégé avec lui dans cette commission, et comment
ils sont parvenus approuver les conclusions du rapport,
voilà ce que des hommes pratiques ne peuvent guère
concevoir.
Semblable modification de l'état financier des villes ne
peut produire rien de bon, ni surtout rien de durable. On
fera comme Paris, si on a la légèreté de renverser, sans
avoir étudié les effets que produira ce bouleversement.
D'après nous, ce qu'on gagnera de plus clair l'aboli
tion des octrois communaux, ce sera de faire payer au
consommateur une double taxe, et voici comment: dans
le détail, le prix des marchandises sujettes au droit d'oc
troi ne diminuera pas, et cela se comprend. Comment
voulez-vous diminuer par demi et quart de centimes? Le
détaillant aura le bénéfice de ce qu'on payait autrefois
l'entrée des villes. De ce côté donc, aucune amélioration
pour le consommateur; l'exemple de la ville de Paris est
(suite.)
V.—UB AN après.
Ce voyage, qui autrefois l'aurait enthousiasmé, qui lui
aurait rappelé les études et les admirations de son jeune
âge, le laissa froid et indifférent; son imagination était
morte ainsi que sa jeunesse il ne voyait rien sur sa route,
et n'avait qu'un désir, celui de s'éloigner de Pariscar il
sentait bien qu'il n'y pouvait plus rester. Mais une fois
arrivé Constantinople, il ne rêva plus qu'à la France et
Paris. Il lui semblait que de si loin il pouvait le faire
sans danger, et les souvenirs qu'il avait voulu fuir revin
rent en foule auprès de lui. C'était elle, toujours elle, qui
l'accompagnait dans toutes ses excursions elle ne le quit
tait point, et lorsque dans les rues de Constantinople
dans ses palais, dans ses mosquées sur les rives mêmes
du Bosphore, on lui disait: Regardez son œil distrait
ne voyait en ce moment que le salon et le boudoir d'A
mélie.
Et cependant Maurice avait rencontré Constantinople
des amis, d'anciens camarades de Sainte-Barbe. Où n'y
en a-t-il pas? Un barbiste était alors le chargé d'affaires
aujourd'hui l'ambassadeur de France auprès de la Sublime-
Porte. J'ai fait mes études avec lui, il était de mon temps,
et dans la bouche d'un camarade l'éloge est suspect. Je
là pour prouver qu'il en sera ainsi.
Cependant comme une ville a des charges et qu'elle doit
entretenir les édifices publics, payer l'instruction, etc., il
lui faut des ressources. Il faudra donc combler le vide fait
la caisse, par suite de la suppression de l'octroi. II ne
reste d'autre moyen qu'un impôt de répartition ou l'impôt
personnel et des patentes augmenté de cinquante pour
cent, pour avoir l'équivalent de ce que rapportait les octrois.
L'impôt de répartition ou la capitation est de tous les mo
des de percevoir des taxes le plus détestable et celui qui
provoque le plus de mécontentement. Il existe la cam
pagne et Dieu sait de combien d'inimitiés il est la source.
L'impôt personnel et de patente offre moins de prise
la critique, mais il faudra le payer une fois l'étal et une
fois la commune, augmenté de cinquante pour cent.
Nous ne dirons rien de l'énorme surcroît de charges qui
sera joint aux autres causes de dépenses qu'entraîne le
séjour des villes. Mais ce qu'il faut considérer, c'est que
cet impôt pèsera surtout sur le commerce et l'industrie.
Résumons maintenant ce que ce nouveau rêve pourra
produire, si on parvient le réaliser. D'un côté rien de
profitable pour le consommateur qui payera ses denrées
comme auparavant, de l'autre côté exigence d'un nouvel
impôt, pour remplacer les revenus de l'octroi dont la
suppression ne lui profite en rien et un impôt direct en
core, de tous le plus dur acquitter.
Le gouvernement paraît plus ou moins partager les illu
sions que certains personnages dont nous n'accusons pas
les intentionsmais dont nous ne pouvons partager les
utopies, tendent propager. Quant nous, nous sommes
d'avis que l'abolition des octrois pourrait se justifier, si
l'état pouvait assurer au consommateur qui la commune,
l'octroi étant aboli, s'adresserait directement pour obtenir
une part contributive dans les charges, une diminution
peu près équivalente au taux de l'impôt communal,sur la
valeur des denrées et objets de consommation après la
suppression des octrois communaux.
Le Journal des Baziles vient de faire une découverte
mirobolante. Il y a longtemps qu'il n'a-fait une si belle
trouvaille. Dans son dernier numéroil nous annonce
pompeusement que l'industrie linière n'est pas morte!!
Que dites-vous de cette admirable parole d'un prophète
qui ne le cède pas Jérémie, dans ses moments les plus
mélancoliques. Seulement cette prédiction est, comme
toutes les prophéties, un peu obscure. Le cher Bazile a
oublié de dire de quelle industrie linière il entendait
parler, de la nouvelle ou de l'ancienne.
M. le commissaire d'arrondissement, dans son dis
cours d'inauguration de l'exposition agricole, avait dit
que l'ancienne industrie linière était morte pour ne plus
revivre. Ces mots ont mis le Bazile en émoi, et comme il
ne pouvait se faire cette idée, il a dit, lui, l'industrie
linière n'est pas mortelaissant indécise la question de
savoir, si c'était de la nouvelle ou de l'ancienne qu'il en
tendait parler, si c'était le fil filé la main qui devait
continuer faire concurrence au fil la mécanique et les
toiles tissées de fil filé la main qui devaient voir renaî
tre la préférence qu'on leur a pendant quelque temps
accordée aux toiles faites de fil mécanique.
Aux reproches faits, qu'on ne doit pas flétrir trop
amèrement les erreurs économiques qui ont été partagées
par l'abbé De Ilaerne et autres Don Quichottes de l'an
cienne industrie linière, il n'y a qu'un seul mot répon
dre, c'est qu'actuellement encore, on ne veut pas de la
nouvelle industrie, on la repousse, on se raidit contre le
progrès, on se résigne plutôt la misère que de suivre
les traces des peuples qui, par de nouvelles inventions
mécaniques, ont ruiné celte industrie qui a autre fois fait
notre prospérité. On ne peut le trop dire vertement,
quand on voit encore aujourd'hui des charlatans, qui
préconisent l'ancienne industrie, qui veulent galvaniser ce
cadavre et quise mettent en travers de ceux qui voudraient
imprimer une autre direction l'activité des tisserands de
l'ancienne industrie. On dirait vraiment que c'est par en
têtement et par obstination que certaines gens se plaisent
encourager l'ancienne industrie linière. Peut-être est-ce
dans le but d'empêcher le ministère libéral de pouvoir
porter un remède efficace la situation de la Flandre cen
trale.
Quant aux insinuations du Journal des Bedeaux contre
le commissaire d'arrondissement qui n'a dit qu'un fait
matériellement vrai, nous le comprenons, c'est un libéral
et, ce titre, il est fait pour être injurié par les BAZILES
du journal clérical. Autant ils aiment donner des éloges
aux gens du parti catholique, qui ont semé, provoqué et
soutenu de fausses idées économiques concernant l'in
dustrie linière et qui ne pourront jamais répondre des
calamités que leurs erreurs ont amenées pour le pays,
autant ils sont prodigues d'injures l'égard de ceux qui
osent dire la vérité ce parti qui n'a rien appris, ni rien
oublié.
me tairai donc mais ceux qui l'ont connu sur le sol
étranger diront combien son accueil était cordial et sa
maison hospitalière pour tous les Français, plus forte
raison pour un barbiste.
Maurice trouva auprès de lui conseilsprotection et
amitié. Dans le plus beau pays du monde et sous ce ciel
enchanteuril aurait pu vivre heureux. On lui proposait
même de rester attaché l'ambassade, et avec son instruc
tion, son aptitude tous les genres de travauxdans sa
position surtout, c'était une fortune tenter, une nou
velle carrière qui s'ouvrait devant lui. Mais toutes les car
rières étaient finies pour Maurice A vingt-cinq ansil
regardait sa tâche comme terminée et sa promesse comme
accomplie L'année s'avançaitet maintenant sa seule
idée était de retourner en France et d'y être avant le 4
décembrecomme il l'avait juré. Sentant bien qu'il ne
pouvait vivre ainsiet que son existence ne serait pas
longue, c'était en France du moins qu'il voulait mourir.
II débarqua Toulon vers la fin de novembreet le 3
décembre dans la matinée il était Paris.
Mauriceen arrivants'était bien promis que sa pre
mière visite serait pour le docteur et pour moi, ses deux
meilleurs amis. Mais le sort en avait décidé autrement.
Quoique fatigué d'un long voyage, il se hâta de s'habiller
et sortit. Son intention, comme je l'ai ditétait de venir
en droite ligne chez le docteur et chez moi mais il cal
cula en route qu'il ne s'éloignerait pas de son chemin en
EXPOSITION AGRICOLE D'YPRES.
Nous donnons la liste des exposants qui, au jugement
du comité de la Société d'agriculture de l'arrondissement
passant la porte d'un certain hôtel qu'il voulait voirle
voir seulement, pas autre chose. Aussi, je n'ai jamais
comprisni lui non pluscomment il se trouva dans la
cour de l'hôtel, puis sur l'escalier, et enfin dans le cabinet
du baron, lequel poussa un cri de joie en l'apercevant.
Halaba balachou s'écria-t-il en citant les vers
turcs du Bourgeois Gentilhomme dans la cérémonie!
Halaba balachou vous voilà donc revenumon cher
du pays des mamamouchis. Vous ne pouviez pas mieux
arriver qu'aujourd'hui, et vous allez nous en raconter de
belles... sur les odalisques et le harem du grand-seigneur.
Je vous emmène.
Où donc?
A une partie charmante, délirante, que j'ai méditée,
créée, inventée, et qui semble faite exprès pour eélébrer
votre retour... une partie de campagne.
Le 3 décembre?
Précisément. C'est là l'original Si c'était au mois
de juinje ne voudrais pas y aller... C'est six lieues
d'icidans la vallée d'Orsay.
Impossible, répondit Maurice, bien décidé ne pas
accepterj'ai des affaires; je voulais seulement vous voir.
Ainsi que ma femme, dit gaîment le banquier.
Oui, monsieur, répondit Maurice avec émotion.
Eh bien, en restant Paris vous ne la verrez pas;
elle va partir aussi.
Pour la vallée d'Orsay s'écria Maurice qui ne trou-