JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
N° 770. 8e Année.
Jeudi, 21 Septembre 1848.
Viies acquint eundo.
INTÉRIEUR.
Maurice.
ABONNEMENTS Ywies (franco), par trimestre, 3 francs 50 c. Provinces, 4 francs.
INSERTIONS: Annonces, la ligne 15 centimes. Réclameslaligne 50 centimes.
Le Progrès paraît le Jeudi et le Dimanche. Tout ce cjuï concerne le journal doit
être adresse l'éditeur, Marché au Beurre. On ne reçoit que les lettres affranchies.
YPUES, le 20 Septembre.
Le Journal des Dazilesretourne ses anciennes ha
bitudes. Des mensonges, des calomnies, voilà tout ce
qu'on trouve dans les colonnes de cette feuille tarée. Hier
c'était l'Ecole communale qu'il en voulait, aujourd'hui
c'est au Collège communal qu'il s'en prendet toujours
avec une mauvaise foi évidente et par des allégations
fausses dont il n'est pas dupe lui-même, bien qu'il espère
les faire gober d'autres.
Le subside de 2,500 francs accordé au pitoyable éta
blissement d'instruction moyenne de Popcringhc, l'en
gage établir une comparaison entre les subsides payés
par la ville d'Ypres et celle de Popcringhc. Comme l'in
struction est une affaire qui se calcule par sous et deniers
dans le système catholique et que ce qui coûte le moins
est le meilleurattendu que c'est aussi là où on apprend
le moins, la situation de la ville de Popcringhc lui paraît
envier. Mais ce malheureux journal ne voit donc pas
que payer 2,500 francs de subsides un établissement
qui ne produit autre chose que d'estimables séminaristes,
est un subside perdu, puisqu'une seule classe de per
sonnes en profite et que la généralité n'en retire aucun
bénéfice. Nous avons ici un collège laïque et dans lequel
l'instruction est poussée aussi loin que l'exigent les be
soins de l'époque. Il est vrai qu'on ne peut suffire ses
dépenses avec 2,500 francs, 'mais tel argent, telle messe
est un dicton que les catholiques doivent connaître au
bout de leurs doigts.
Pour la vingtième fois, nous devons dire que le collège
ne coûte annuellement la ville que la somme de fr.
11,580 et non 15,580, comme les Baziles le répètent, en
mentant sciemment.
Nous avons le plaisir de faire connaître l'estimable
correspondant du Journal des Bedeaux qu'à la distribu
tion des prix, l'établissement communal comptait 97 élèves
et qu'à la rentrée, le nombre dépassera la centaineen
dépit de toutes les manœuvres du clergé et des sollicitations
des professeurs de S1 Vincent de Paul. En dernier lieu
nous avons l'avantage de pouvoir faire connaître que le
mincrval, année commune, depuis dix ans, a produit une
somme d'au-delà de 4,000 francset nous serions très-
curieux de voir mettre en regard le produit des rétribu
tions des élèves payants du collège épiscopal. Si un compte
exact était fournicomme la commission directrice du
collège communal en fournit un tous les ans, on pour
rait se convaincre que le minerval de cet établissement
ecclésiastique si prospère, estloin d'atteindre cette somme.
DISTRIBUTION DES PRIX A L'ÉCOLE
COMMUNALE GRATUITE.
Hier a été célébrée une de ces solennités dont on
désire le retour périodique nous voulons parler de la
distribution des prix aux enfants de l'École communale.
Rien de plus intéressant que de voir tous ces garçons
habillés d'une blouse boutons blancs, d'une casquette-
képi et d'un pantalon en toile grise, attendant avec
anxiété le moment de voir couronner leur zèle et leur
aptitude.
Deux petites pièces ont été jouées par ces jeunes gens
avec une. entente des situations réellement au-dessus de
leur âge. La pièce flamande, intitulée Les quatre senti
nelles a fait plaisir, les acteurs ont fait preuve d'une
prononciation flamande pure et telle qu'on aurait pu la
souhaiter.
La pièce en langue française, intitulée: Le testament,
était plus difficile et plus étendue, cependant les petits
acteurs se sont bien acquittés de leurs rôles. Nous avons
surtout remarqué le jeune Pieters, qui est parvenu
émouvoir les spectateurs dans plusieurs situationspar
son jeu et sa diction vraie. Le jeune François a répré
senté avec aisance un héritier un peu mauvaise tète.
Enfin tous ont bien joué leur rôle et de manière méri
ter des applaudissements. Entre ces deux pièces, deux
chœurs ont été exécutés avec beaucoup d'ensemble par
les élèves de l'école. Cette partie du programme a paru
très-intéressant l'immense auditoire qui était présent
cette solennité.
Cette fête de la jeunesse avait attiré un concours im
mense de monde. Le vaste vaisseau de la Halle était lit
téralement rempli. Les autorités s'étaient rendues celte
solennité et on remarquait, outre le conseil communal, le
commandant de la place, M. Jacqmin, le doyen, le com
missaire d'arrondissement et l'inspecteur cantonnai de
l'instruction primaire, M. Coclenbicr. Les prix consis
taient surtout en pièces d'habillement qui ont été remises
entre les mains des élèves couronnés par les autorités qui
assistaient la distribution. Vers cinq heures et demie,
elle a été terminée, et les élèves de l'école communale
ont été reconduits en cortège, précédés de la musique, au
magnifique local affecté cette institution.
Nous apprenons de source certaine que foutes les cotes
non-seulement du premier, mais encore du second em
prunt sont soldées, et qu'à la recette d'Ypres il n'y a plus
rien percevoir de ce chef.
Dans notre prochain n° nous donnerons les noms des
jeunes élèves qui ont obtenu des prix, la distribution
qui a eu lieu hier.
Un festival doit avoir lieu jeudi Messines; la musique
des Sapeurs-Pompiers de notre ville se propose d'y aller
et de s'y faire entendre.
Correspondance.
Poperinghe, le 18 Septembre 1848.
Monsieur l'éditeur du Progrès
Souvent il m'a été dit que pour bien connaître l'homme,
il ne suffisait pas de l'entendre parlerd'étudier ses ma
nières et ses démarches dans le cours de la vie ordinaire,
que là il lui était aisé de cacher ses vrais sentimentsde
se faire en quelque sorte aux us de ceux qui l'entourent.
Il est urgent, si l'on tient apprécier un être raisonnable,
ou plutôt, qui en a les formes physiques car ces derniers
termes dépeignent mieux le personnage auquel je ferai
allusion), de le voir en scène quand il s'agit d'intérêt
privé. C'est alors, qu'à son grand étonnement, tout ob
servateur remarquera des prodiges dont il aura de la
peine se rendre compte, quoiqu'il en suive pas pas
tout le'dévéloppcment. C'est ainsi que M. le littérateur
coups de pieds et de poingsdont parle votre n° du 7 de
ce mois, a fait voir, lors des dernières élections commu
nales de cette ville, aux moins perpicaces, ce qu'il est sous
les rapports du caractère, des principes et de la conduite.
Il portait avant l'approche du 22 Août, une figure assez
caractéristiqueet qui jusqu'alors lui avait valu la consi
dération de tous ceux qui ne le connaissaient pas mais
commepour introduire au conseil M. son frère le mo
déré, il dut exploiter des individus dont il n'était que
trop connuil s'avisa de se revêtir d'un masqueet il en
choisit un qu'il sut si bien s'adapter que Monsieur le mo
déré d'esprit, d'énergie et d'antécédents rccommandables,
entra dans la régence de Poperinghe, en qualité de mem
bre du comité du salutj'allais dire public mais Dieu
m'en garde, je ne commettrai pas cette erreurcar le
public s'apercevra trop tôt que son salut est en mauvaises
mains.
Un habitant de Poperingue.
(suite.)
VI. l'orgie.
Quoique le baron se souciât peu des convenancesil
avait des ménagements garder avec sa femme, que tout
le monde honorait et admirait, et qui il devait une
grande partie de sa fortune elle avait eu de lui jusqu'alors
une excellente opinion que pour mille bonnes raisons il
tenait conserver, sans vouloir cependant renoncer ses
plaisirs, et pour concilier tout cela, il avait voulu, comme
les grands seigneurs d'autrefoisavoir loin de Paris sa
petite maison. La mode avait fait revivre les habits et les
meubles du temps de nos aïeux pas un bourgeois qui
n'eut son boudoir la Dubarry ou son salon la Choiseul
Le banquier avait fait mieux encore il prétendait imiter
non pas le siècle de Louis XV, mais le souverain lui-
même, et avait comme lui, soti parc aux cerfs. Il avait
donc en secretsans que sa femme s'en doutâtet sous
un nom supposé, acheté dans la vallée d'Orsay cette ha
bitation de prince créée jadis par un fermier général
folies d'un autre âgequ'il avait trouvées trop raison
nables pour le nôtre et qu'il venait de surpasser en fai
sant restaurer et meubler neuf cet élégant pavillon
qu'il se proposait d'inaugurer le soir même, 3 décembre
et voici pourquoi il avait choisi ce jour.
Sa femme avait une grand'tantc de soixante-dix-huit
ans, sa seule parente, avec laquelle le baron était brouillé,
et qu'il ne voyait jamais. Cette tantepour laquelle M1"0
d'Havrecourt conservait une tendre affection et un profond
respect, habitait hiver et été une fort belle maison
quelques lieues de Paris, dans le bourg d'Antony, et elle
avait reçu autrefois sur les fonds baptismaux, de M. le
ducdeSoubisc, son parrain, lesnomsde Barbe, Catherine,
Perpétue. Or, tous les ans, le 5 décembre, veille de la
Sainte-BarbeM™ d'Havrecourt se rendait le soir chez
sa grand'tantc pour lui souhaiter sa fête. Elle passait la
soirée et la nuit chez elleet ne revenait Paris que le
lendemain pour diner. Le banquier ne pouvait donc pas
choisir pour la joyeuse fête qu'il méditait une occasion
plus favorable, un jour et une nuit où il était entièrement
libre et maître de ses actions. Il avait dit sa femme qu'il
irait pendant son absence la chasse avec quelques amis
puis, avant de partir, il avait donné l'ordre son cocher,
qui lui était dévoué, de conduire Madame Antony, chez
Le Propagateur dit que quelques médecins de Pope
ringhe s'occupent faire des boutades au lieu de faire
des recettes pour leurs malades. Ne sait-il pas que toutes
ces boutades sont autant de recettes prescrites pour la
partie malade des électeurs?
Par arrêté royal en date du 15 Septembrela démis
sion du sieur Borry (Antoine-Pierre-Louis), de ses fonc
tions de président du tribunal de Ie instance, Furnes,
est acceptée. Il jouira du titre, de président honoraire au
même tribunal.
sa tantede l'y laisserpuisau lieu de revenir Paris
d'aller le rejoindre Orsayoù le banquier prévoyait
avoir besoin de son cocher, de son landaw et de ses che
vaux, ne fût-ce que pour ramener le matin en voiture les
sylphides légères dont les ailes pouvaient être fatiguées.
Antony est d'ailleurs sur la route d'Orsay, et Jérôme,
le cocher, appartenait corps et âme son maîtrequi lui
donnait beaucoup plus d'argent pour être fidèle que per
sonne n'aurait pu lui en donner pour trahir. C'était une
fidélité pure comme l'or. Le banquier avait donc ainsi tout
combiné et tout arrangé tout devait se passer comme il
l'avait prévu
Et rien de tout cela n'arriva.
Nous avons vu d'abord quepar un premier contre
temps, le diner si fin, si délicatsi recherchéqui devait
être savouré par des appétits fémininsembelli par sept
ou huit jeunes beautés aux propos joyeux et aux regards
agaçans, allait être la proie d'estomacs masculins et avides,
qui demandaient déjà grands cris que l'on servittout
disposéspourvu que le diner arrivâtse résigner aux
tourments de l'absence. Mais celui de tous qui semblait
maintenant avoir pris le plus gaiment son parti était le
maître de la maison, qui, sorti pendant quel ques instants,