JOURNAL D'YPRES
ES ET DE
L'ARRONDISSEMENT.
779. 8e Année.
Dimanche, 22 Octobre 1848.
Vues acquiht eundo.
INTÉRIEUR.
La Victorieuse.
ABONNEMENTS Ypres (franco), par trimestre, 3 francs 50 c. —Provinces, 4 francs.
INSERTIONS: Annonces, la ligne 15 centimes.Réclames, la ligne 30 centimes.
Le Progrès parait le Jeudi et le Dimanche. Tout ce qui concerne le journal doit
être adressé l'éditeur, Marché au Beurre. On ne reçoit que les lettres affranchies.
YPRES, le 21 Octobre.
11 est rare que les paroles s'accordent avec les actes
chez certaine fraction de la presse, et nous pourrions
même ajouter, parmi certains représentants. Le vent est
aux économies, tout le monde en veut. Tel journal se
fâche tout rouge, parce qu'on ne désorganise pas les ser
vices publics, sous pi'étextc d'économie. Mais pour toutes
ces feuilles, même pour ces mandataires du peuple, il
faut que les économies se fassent au dépens d'autrui, sans
toucher lui, ni les siens, ni sa ville, ni son arrondisse
ment, sinon, changement vue, cette économie est détes
table, tout ira au plus mal et l'on trouvera mille pré
textes, pour détourner le coup qui doit atteindre ou la
cite dont on est l'éluou des fonctionnaires que l'on con
naît et que l'on estime. En fin de comptepour réaliser
des économies, il faudra que le ministère fasse pour ainsi
dire violence la chambre et que par son énergie, il
fasse comprendre que l'intérêt public doit primer l'intérêt
privé, quelque légitime qu'il paraisse être.
Ces refléxions nous sont venues la lecture d'un ar
ticle de l'Impartial de Brugesécrit la nouvelle de la
suppression possible de l'évéché de Bruges. Notre con
frère quicepcndant a réclamé cor et cri des économies
sur tous les services, paraît très-mécontent de ce qu'on
essaie encore d'enlever la ville de Brugeslc siège cpiscopal.
Nous croyons toutefois que c'est un bruit qui n'a rien
de fondé. Mais en conscience, s'il était prouvé que la
suppression de ce siège diocésain soit possible, sans en
traver la bonne administration des affaires du culte,
serait-il raisonnable de le maintenir, par le motif que
la ville de Bruges se verrait froissée dans ses intérêts et
que la perte du siège épiscopal serait pour cette ancienne
cité, un coup dont il lui serait difficile de se relever?
Aussi beaucoup de journaux qui ont vécu sur le mot
économie, pendant quelques temps, commencent-ils,
maintenant qu'il s'agit de passer des paroles aux actes,
montrer moins d'ardeur, et peut-être verra-t-on les feuil
les qui se sont distinguées combattre ce qu'elles quali
fiaient les prodigalitésplaider avec non moins de force,
la thèse contraire, c'est-à-dire, que le fonctionnaire doit,
au point de vue démocratique, être convenablement rétri
bué afin que les fonctions soient accessibles tous. Ne
nous étonnons pas de cette mobilité des organes de l'opi
nion publique, elle est une conséquence de la fragilité
humaine.
La France, gouvernée par Mme de Pompadour, subissait
le joug avilissant de cette capricieuse favorite qui boule
versait l'État pour satisfaire son ambition et sa vanité.
L'édifice social craquait de toutes parts et l'opposition
prenait des proportions effrayantes dans le parlement,
dans le cierge, la Sorbonne, au Châtelet, dans les États
provinciaux et dans la famille même du souverain. Les
abus allaient croissant et l'avenir était gros d'orages.
M™" de Châteauroux n'était pas là pour stimuler son
apathique amantce lascif et égoïste Louis XV. Sous ce
roi fainéant, ce digne sultan du Parc-aux-Cerisla cor
ruption dissolvait le despotisme clic aiguisait la hache de
la liberté quiquelques années plus tarddevait abattre
le pouvoir royal. D'incessantes difficultés naissaient sous
le pas de ce gouvernement tyrannique qui ne savait rien
faire proposet de vagues rumeurs faisaient présager
une ère nouvelle, c'est-à-dire la seule régénération pos
sible: une révolution
Pour se soustraire tout ce bruit, toutes ces clameurs
et au désolant spectacle d'une noblesse qui marchait sa
ruine, le baron de Ravilliers, brave et loyal gentilhomme,
s'était retiré, après la mort de sa femme, dans les environs
d'Hyères, où il possédait une petite propriété. Là, il vivait
heureux et tranquille avec sa fillejeune personne de
Le Moniteur officiel public l'arrêté royal qui convoque
les chambres législatives pour le C Novembre.
VILLE D'YPRES. Conseil Cuhhi vai..
Séance publique fixée au Lundi, 23 Octobre 1848,
trois heures de relevée.
ordre du jour
1° Continuation de la discussion des objets sur les
quels il n'a pas été statué la dernière réunion.
2° Discussion du budget du collège communal pour
l'exercice 1849.
3° Statuer sur une demande d'avance de fonds, pour
faciliter l'habillement des gardes civiques compris sur le
contrôle actif.
4° Ratifier, s'il y a lieu, l'acte conclu entre le collège
des bourgmestre et échevins et M. Jacques Van Daclc,
pour le passage par la ferme dite YVatcrgoed.
Correspondance.
l'operinglie, 20 ootobre 1848.
Monsieur le rédacteur du Progrès
Le coryphée du parti modéré de Poperinghe, ému de
compassion pour les honorables et modestes élus du 22
Août, parait ne point vouloir démordre de la défense
qu'il a prise de leur cause, dans les colonnes du Propaga
teur. Piqué au vif par un trait qui, maladroitement lancé
contre le comité des sept, lui a été renvoyé par un petit
article où nous avons assimilé les cerveaux creux de son
parti des lanternes, il ne sait comment s'y prendre
pour éluder nos arguments, et tandisque nous le confon
dons en toutes choses par des faits et des preuvesil
riposte de son mieux par de gros mots que le premier
cuistre venu peut laisser tomber de sa plumeet d'arti
ficieux mensonges qu'il fait passer pour des aveux de
notre part. Mais ce qui lui coûte surtout le plus de peine,
c'est de faire comprendre par un rapprochement aussi
stupide que puéril, propos d'une pauvre illumination
dont il ne parait pas trop se louer, que les libéraux évi
tent la lumière du jour comme ils craignent celle de la
raison. Si, en effet, nous ne comprenons pas aussi bien
que l'ingénieux inventeur de cette énigme, ce qu'il entend,
dans son langage iroquois, par la lumière du jour, tou
jours est-il que nous avons deviné juste en concluant de
son argumentation que celle de la raison ne consiste tout
au plus chez nos adversaires qu'en bouts de chandelles,
puisqu'en nous empruntant nos propres expressions pour
nous comparer, son tour, de grandes lanternes por
tant de petites lumières, il nous offre force chandelles et
bougies pour éclairer davantage notre esprit.
seize ans, belle et gracieuse comme un de ces admirables
portraits dus au pinceau de Watteau.
Indépendamment des quelques voisins que le baron de
Ravilliers recevait dans sa modeste maison de campagne,
qu'il appelait gaîment son manoir féodal, deux personnes
étaient admises dans son intimité titre d'amis. L'une
était le fils d'un de ses anciens compagnons d'armes, le
chevalier Gaston Desbarres, jeune officier de la marine
royale qui passait Ilyères tout le temps qu'il pouvait
dérober au service, quand la corvette la Victorieuse, qu'il
montait, se trouvait en rade de Toulon l'autre que l'on
désignait sous le nom du capitaine d'Anglade, était un
personnage la physionomie sévère, aux manières hau
taines, habilement déguisées, selon les circonstances,
sous une politesse froide, parlant peu et attachant toujours
sur ses interlocuteurs un de ces regards fixes qui semblent
vouloir fouiller dans l'âme de ceux qui en sont l'objet.
On ne savait rien du capitaine, sinon qu'il était au service
alors que Georges II déchira les traités d'Aix-la-Chapelle,
et que commença cette fameuse guerre de sept ansqui
nous coûta le Canada, l'Inde, le Sénégal et la Louisiane.
Après nos désastres, il quitta la marine royale et se retira
Toulon. Telle était du moins la version qu'il avait faite
au baron, qui il avait sauvé la vie dans la circonstance
assez singulière que nous allons raconter:
Au pied de la grande terrasse dépendante de l'habita-
Mais nous remercions de tout cœur nos généreux ad
versaires de cette libéralité peu commune de leur part,
et nous leur concédons volontiers celte source de lumière
qu'ils sauront mieux utiliser que nous, désirant vivement
qUe Ces boUgIes éCLaIrent Les noUVeaUX MagIstrats
DU 22 aoUt
Nous ne nous serions pas amusés relever de pareilles
inepties, si le malin correspondant du Propagateur n'y
avait fait entrevoir en même temps la menace de faire
connaitrc un échantillon de notre désintéressement. JVous
sommes charmés de pouvoir lui dire qu'il ne doit aucune
ment se gêner; c'est tout ce que nous désirons: qu'il cite
hardiment, mais sans dénaturer selon sa charitable
habitude, le fait sa connaissance, car s'il ne le fait
bientôt, nous le dévancerons nous-mêmes, d'après la pro
messe que nous en avons faitedans cette curieuse pu
blication et son silence nous autorisera croire qu'il
veut seulement en imposer ses lecteurs par les plus
perfides réticences.
Que si les libéraux prétendent, d'après lui, au monopole
de la générosité et de l'abnégation qui paraissent ne point
être les vertus la mode chez nos modérés, en revanche
il semble que ceux-ci tiennent fort celui de la cupidité
et des talents. Nous ne leur contestons aucunement une
grande habileté pour administrer une commune de la
façon dont ils l'entendent mais aussi nous croyons qu'il
y a une grande différence entre administration et exploi
tation, genre particulier de gouverner pour lequel les
talents de quelques-uns de nos honorables antagonistes
ne sont que trop bien appréciés. Les capacités des autres
sont moins généralement connues puisqu'ils étaient eux-
mêmes tout ébahis, un beau matin en s'éveillant, d'ap
prendre, par le Propagateur, qu'ils possédaient de vastes
connaissances théoriques et pratiques d'administration
ce que leur modestie seule leur avait empêché de re
connaître jusqu'alors.
Quant au collège échcvinal, nous ne dirons rien du
nouvel élu part les éloges que nous lui devons pour
la rénonciation volontaire qu'il a faite de son traitement
en faveur de la villenous attendrons ses actes pour le
juger ultérieurement. Mais pour ce qui regarde l'écheviu
qui a été maintenuquelque sévères que nous puissions
être son égardjamais nous n'en dirons autant de mal
que n'en a dit, dans le temps, quelques libérauxses
amis d'alors, le bourgmestre lui-même qui le tenait pour
un homme dont l'instruction était plus qu'insuffisante,
et un être complètement nul, avouant hautement que,
s'il l'avait fait nommer échevin, ce n'était qu'un pis-aller,
tion de M. de Ravilliers, il y avait une petite crique dans
les Falaises où les embarcations pouvaient aborder et
séjourner en toute sécurité. Là, le baron avait son canot
avec un grément complet, et bien souvent il se donnait le
plaisir d'aller Toulon par mer. Un jour que le mistral
soufflait plus fort que d'habitudeil s'engouffra dans la
voile latine de l'embarcation et la mit en lambeaux. Le
baron, qui n'avait pas la science nautique infuse, au lieu
de démâter immédiatement et de maintenir son embar
cation au moyen des avirons ou du gouvernail, perdit la
tête, et le canot, abandonné lui-même, chavira. En ce
moment une chaloupeadmirablement gréée et montée
par huit matelots vigoureuxgagnait le large. Celui qui
paraissait la commander aperçut le canot chaviré, se di
rigea dessus, et, avec une rare intrépidité, s'élança dans
les flots juste assez temps pour arracher le baron une
mort imminente. A dater de ce jourM. de Ravilliers
considéra comme son fils son généreux libérateur, qui
n'était autre que le capitaine d'Anglade.
Ma maison sera la vôtre lui avait-il dit en lui ser
rant cordialement la main, et si un jour je puis vous
prouver ma reconnaissance, disposez de moi.
M11" Marie de Ravilliers, quoique reconnaissante, com
me elle devait l'être, d'une action qui lui avait conservé
un père, voyait avec peine l'intimité qui en était la con
séquence. La jeune fille ne pouvait se défendre d uii mou-