JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
?8t. 8e Année.
s
Dimanche, 2S> ©ciolirc 1818.
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Le Progrès paraît le Jeudi et le Dimanche. Tout ce qui concerne le journal doit
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A cause de la fêle delà Toussaint, le journal
Le Puogrès uc paraîtra pas mercredi pro
chain.
1ATÉMEUK.
YPRES, le 28 Octobre.
Nous trouvons dans certains journaux des inventions
incroyables et marquées au coin de la plus insigne malveil
lance. C'est surtout le chapitre des économies qui exerce
l'imaginativede certains publieistes encore froissés du peu
d'écho qu'ont dans le pays leurs doctrines républicaines.
A ceux-là se joignent d'autres scribes toujours mécontents
et par tempérament et par position. Ces prophètes re
marquables par une- féconde production de nouvelles
frélatées, de déclamations vides de sens d'inventions
absurdes, mystifient le pays d'une façon distinguée. 11 n'y
a pas de jours qu'on ne forge quelque chose d'alarmant,
afin d'essayer s'il n'est pas possible de semer l'inquiétude
dans le pays.
L'un, sous prétexte de défendre les prolétaires et d'at
tirer l'attention du gouvernement sur leur pénible situa
tion, les excite contre la société, en ayant l'air de déplorer
hypocritement leur malheureuse condition. L'autre cherche
le moyen d'effrayer la petite bourgeoisie, en lui montrant
le fisc prêt la dépouiller. Enfin, il n'est aucun de ces
bons patriotes qui ne s'efforce de rendre le gouvernement
difficile, et d'essayer encore d'empirer une situation qui
n'est pas brillante. Aujourd'hui tous les journaux radi
caux font chorus pour prouver que le ministère ne veut
pas d'économies et qu'on n'en opérera pas. La session est
prochaine, et dans peu de jours, nous saurons quoi
nous en tenir. Mais ce qui parait amusant, c'est que d'a
près les feuilles radicales, le budget est si élevé, parce que
nous vivons sous un régime constitutionnel, en style ré
publicain, la tyrannie. Ce qui se passe chez nos voisins
prouve au moins, que ce ne sont pas les révolutions qui
enrichissent les nations et qui font diminuer les budgets.
Le ministre des finances, M. Goudchaux, l'a dit l'as
semblée nationale: Vous aurez un budget comme jamais
on n'en a vu sous les régimes précédents. Je me réser
vais de vous dire cela un autre jour, mais puisque nous
y sommes, je le dirai, le budget pour 1848 dépassera
1,800,000,000 francs.
11 est vrai que la France, a passé par un gouvernement
provisoire qui a dépensé, depuis le 24 février jusqu'au II
mai, la modique somme de 108,925,000 francs. Ajou
tons que dans ces millions sont compris 173,000 fr. pour
les agents des clubs envoyés dans les départements par
M. Ledru-llollin, 50,000 francs pour les jeunes filles qui
ont accompagné le char de l'agriculture, 50,000 francs
pour les statues de la république900,000 francs pour
la fète de la Concorde. C'est là le beau idéal d'un gouver
nement suivant les républicains, et autres démocrates
hybrides qui depuis que le pouvoir leur est tombé entre
les mains en France, n'ont fait qu'étaler leur impuissance
ridicule et favoriser l'éclosion d'innombrables utopies
gouvernementales et sociales d'une absurdité élevée
la dixième puissance.
Correspondance.
De tous les côtés de l'arrondissement, il nous arrive
des relations des fêtes qui y ont été célébrées, l'occasion
de l'installation des autorités communales. Ne pouvant
les reproduire toutes, nous ferons connaître ce qui a eu
lieu dans quelques communes.
On nous écrit de Messines, le 23 Octobre:
Depuis deux jours, nous ne voyons que fêtesjeux et
joie, on n'entend que les cris de Vive le Bourgmestre!
vive lu Régence! A cette manifestation de contentement se
mêle souvent un cri de réprobation contre un fonction
naire communalauteur supposé d'un pamphlet dirigé
contre le bourgmestre. Les sentiments de satisfaction en
faveur des hommes maintenus sont unanimes et l'on voit
qu'ils sont spontanés.
Une brillante réception était réservée au bourgmestre.
Tout le conseilles Sociétés de S'-Sébastiend'harmonie,
et même des ouvriers en blouse et pantalons blancs sont
allés au-devant du premier magistrat pour le féliciter sur
sa nomination. La brigade des douanes accompagnait le
cortège et formait la haie. Plusieurs discours ont été
prononcés et nous reproduisons ici celui de l'échevin
Vestibule, organe du conseil:
Monsieur le bourgmestre
Vous êtes l'élu de la commune, représenté par ses
mandataires, les électeurs.
Vous êtes l'élu du gouvernement.
Vous avez donc l'estime, la confiance de la majorité
de vos concitoyens et du Roi, chef constituant de l'état.
J'ajouterai, au nom du conseil et du collège, que vous
avez notre estime et notre amitié nous saluons donc de
nos acclamations et de nos vœux votre nouvelle nomi-
n nation comme bourgmestre de Messines.
Vous ferez le bien. Vous veillerez la chose publi-
que. Nous vous y aiderons de toute la puissance de
notre bonne volonté et de nos sympathies.
La Victorieuse.
[Suite,)
Depuis quelques instantsM"* de Ravillicrs attendait
Gaston. Elle était assise silencieusement sur un banc de
gazon, la tête penchée sur sa poitrine, dans une attitude
méditative, ce qui ne l'empêchait pas d'être attentive au
moindre bruit. Par moment ses larges et voluptueuses
paupières se relevaient lentementet ses regards se por
taient complaisamment sur l'imposant spectacle qui l'en
vironnait. Elle aspirait avec délices les parfums enivrants
que lui apportait la briseétau milieu de cette solitude,
son âme s'ouvrait toutes les douces et fraîches émotions
que fait écloredans les imaginations rêveusesune na
ture féconde en inspirations poétiques. Telle était la puis
sance de ses impressions que les minutes s'écoulaient sans
qu'elle s'en aperçût, tant son extase était profonde. L'iso
lement dans lequel elle se trouvait, la témérité de sa dé
marche, le départ même de Gaston, tout était oublié.
Comme toutes les natures privilégiéeselle vivait beau
coup plus par l'âme que par le corpset ses pensées
l'emportaient dans un monde de fantaisie et d'amour qui
l'enlevait la vie réellece triste positivisme qui pèse
incessamment de tout son poids sur les cœurs secs et les
imaginations stériles.
Un léger bruit du côté de la mer la fit tressaillir. Elle
tira de son sein une montre lilliputiennevéritable chef-
d'œuvre d'art, et la pâle clarté de la lune qui blanchis
sait peine la cîme des arbres, elle remarqua que l'heure
Qu'elles vous fassent oublier les déloyales menées de
plus odieuses attaques encore.
Nous vous prêterons tous notre concours pour tâcher
h d'y mettre un terme et de couper le mal la racine.
Que veut-on, queveutlc Conseil, que veut le Collège,
que veulent tous les habitants de Messines, tous les
bons citoyens, l'immense majorité? Ce que tous nous
désirons: la paix, l'union, la concorde.
Il ne dépendra point de vous, ni de nous, que nous
les ayons, une fois l'autorité communale dégagée des
tiraillements qui entravent son action.
C'est cela, Monsieur le Bourgmestre, et vous, Mes-
sieurs et chers collègues, que nous devons tous mettre
la moin et nous y aviserons.
Vive le Bourgmestre vive le Conseil communal de
Messines
Un autre notable, greffier de la justice de paix, a lu
une pièce de vers bien tournés, en l'honneur des trois
élus.
Hier mardi, après l'installation des échevins, il y avait
foule dans tous les cabarets de Messines, on pouvait se
rafraîchir sans payer, et je laisse juger, si l'on a usé de
la permission. Les ouvriers qui ont fait partie du cortège,
se sont rendus sur tous les points de la commune tam
bours en tète. La plus franche gaîté n'a cessé d'animer
cette fête qui restera dans le souvenir des Messinois.
On nous écrit de Ghcluvclt
Mardi derniernous avons reçu dans la commune
après sa nouvelle nomination, M. le Bourgmestre Kein-
giaert de Ghcluvclt. Il avait prête son serment entre les
mains de l'autorité compétente et nous «avons procédé
sa réception et après, l'installation des échevins. Sur
les limites de la commune, son arrivée a été signalée, et
un cortège s'est formé. Des compliments lui ont été
adressés par les échevins entourés des conseillers, et le
soir, il y a eu fête générale en l'honneur des nouveaux
élus. Tout s'est passé avec beaucoup de cordialité.
On nous écrit de Reninghelst
Comme dans les communes environnantes, nous avons
eu fête complète, mais nulle part ailleurselle n'a été
croyons-nous, célébrée avec plus d'entrain et plus
d'enthousiasme. M. IIuyghc-De Schodt, bourgmestre de
Reninghelst, après avoir prêté son serment, s'est rendu
dans la commune, mardi dernier. Le conseil communal
l'attendait sur les limites et au hameau de X Ouderdom
les échevins l'ont félicité, au nom des habitants, sur sa
nomination. Des portiques, des portes triomphales étaient
dressés le long de la route et ce qui rendait le cortège
du rendez-vous était passée de quelques minutes.
Enfin, c'est lui murmura-t-clle en faisant une petite
moue charmante et en se promettant bien de gronder le
chevalier sur son peu d'empressement. Néanmoins un
doux frémissement lui parcourut tout le corps et un furtif
incarnat, qui allait se perdre sous les boucles argentées
de sa coiffureempourpra subitement son gracieux vi
sage.
Ramenée au sentiment de sa situationelle se rap
pela que le lendemain Gaston devait partir, la quitter
encore, et son cœur se serra celte idée. Ainsi elle se
promit de l'engager parler son père, lui confier leur
amour, car de vagues appréhensions, de secrètes alarmes
troublaient la joie pure dont elle était inondée, depuis
qu'elle se savait aimée, et la faisaient involontairement
trembler pour l'avenir. Quoi de plus timide et de plus
craintif que le premier amour de la vie?
Le bruit qu'elle avait entendu se rapprocha insensible
mentElle allait s'élancer dans la direction d'où il
provenait mais tout coup elle recula d'épouvante
l'œil hagard, les lèvres frémissantes, et un cri sourd, un
cri de terreur et de désespoir s'échappa de sa poitrine
haletante. Le capitaine venait d'apparaître devant elle
sa bouche était contractée par un sourire qui avait,
comme son regard, quelque chose de satanique. Il se
posa en face de la jeune filleles bras croisés sur sa poi
trine, et lui dit avec un accent d'ironie mal déguisée:
Si j'avais encore des doutes sur le sentiment que je
vous inspire, belle Marie, il ne me serait plus permis d'en
conserver en voyant l'effet que produit ma présence sur
vous. Vous ne m'attendiez pas, je le sais, et je comprends
votre étonuement, votre surprise, je puis même dire votre
désappointement, Est-ce bien ce dernier mot que je dois
employer?
M"« de Ravillicrs ne répondit pas. Avec cet instinct
subtil que possèdent les femmeselle avait compris que
cette apparition inattendue devait être le présage de
quelque malheur, et elle était retombée sur le banc de
gazon, brisée, anéantie, sans force et sans voix.
Votre contenance me dit assez que je n'ai pas em
ployé le mot propre, poursuivit le capitaine, et votre
silence me confirme dans mon opinion. Que voulez-vous?
Tout le monde ne peut pas être jeune et beautout le
monde, l'égal du chevalier, ne possède pas l'art de
plaire, et de séduire. Monsieur! s'écria la jeune fille
avec dignité, en sortant tout coup de l'espèce de torpeur
dans laquelle elle était plongée.
Et comme si cet effort eût épuisé ses forceselle s'af
faissa de nouveau sur elle-même en se couvrant le visage
dans ses deux mains.
Le capitaine conservait la même attitude, le même re
gard le même sourire.
Décidément je ne suis pas heureux dans le choix de
mes mots, reprit-il. 11 faut me pardonner, Mademoiselle,
c'est le manque d'habitude je suis si peu familiarisé avec
les subtilités du langage des salons. Préférez-vous que je
dise, l'art d'aimer et de se faire aimer? j'en augure que
vous le préférez. Va donc pour l'art de se faire aimer!