JOURNAL D'YPRES ET DE 1/ARROiYDISSElIEiYT.
Ne 784. 8e Année.
Jeudi, 9 Novembre 1848.
Vires acquirit eundo.
INTÉRIEUR.
La Victorieuse.
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YPRES, le 8 Novembre.
LES BUDGETS DE 1849.
Par suite de la crise financière autant que politique
que l'Europe occidentale traverse actuellement, la Bel
gique a dû prendre des mesures extraordinaires et mettre
la bonne volonté de ses populations l'épreuve. La ca
tastrophe française est arrivée au moment où nos finances
n'avaient pas été maniées avec toute la prévoyance pos
sible. Aussi le cri qu'on a entendule premier moment
de stupeur passé, a été celui d'économie et le ministère a
loyalement promis de se conformer ces vœux et de ré
duire les budgets de dépenses autant que pouvait le
comporter une bonne administration et sans compro
mettre le service public.
A la première séance de la Chambrele ministre des
finances a déposé les budgets, et le pays verra avec satis
faction qu'on est parvenu faire environ quatre millions
et demi de francs d'économies réelles, et sur le budget de
la dette publique, il y a en outre une diminution déplus de
deux millions. Sans ces économies, il eut été impossible de
pouvoir continuer le service public, moins de contracter
un nouvel emprunt des conditions excessivement oné
reuses. Heureusement on a trouvé le moyen par des ré
ductions d'appointements et des suppressions d'emplois
de diminuer les besoins du trésor, et si, parsuile des évé
nements, quelques articles du budget sont moindres,
un nouveau projet de loi sur les successions donnera
1,800,000 francs de ressources nouvelles.
11 est croire que malgré l'opposition que l'adoption
de ce projet rencontrera, on ne voudra pas refuser cet
impôt au ministère, qui pourra toujours invoquer les be
soins du pays et l'on doit convenir que la nature de cette
imposition ne peut être taxée d'aristocratique, car il tend
frapper seulement celui qui possède ou va posséder.
Cependant il faut considérer l'extension qu'on donnera
au droit sur les successions comme temporaire, car trop
de répugnances existent contre cc projet, pour espérer
qu'il fera longtemps partie de nos lois financières.
M. Théodore DONNY.
Lundi dernier ont eu lieu Bruges, les obsèques de
M. Théodore Donny, membre de la députation perma-
(Suite.)
Vers trois heures de l'après-midi, un gabier de mi
saine, en vigie dans la hune, cria: Navire!Où?
demanda le commandant. Sous le vent nous.
A peine ce mot magique de navire était-il venu sur
prendre l'équipage de la Victorieuseque Gaston s'était
élancé sur les barres de perroquet du grand mât, et plon
geait des regards avides dans la direction indiquée; mais
il eut beau fouiller de toute la puissance de son rayon
visuel la brumeuse atmosphère qui fuyait l'horizonil
ne découvrit rien. 11 dut redescendre et avoir recours
sa lunette.
Du calmechevalier, du calme, lui dit le comman
dant, en voyant la pâleur et la profonde émotion du
jeune officier. Oh! commandant, si...
Gaston n'osa pas achever sa pensée, néanmoins le com-
manpant la comprit.
Oui, je comprends, si c'était lui, n'est-ce pas?
Patience, nous saurons cela dans deux ou trois heures.
Autant que je puis en juger, le navire signalé a été sur
pris par la brise de terre, et en nous tenant au vent,
nous pourrons arriver sa hauteur sans qu'il lui soit pos
sible de fuir, en admettant qu'il fasse la moindre tentative
dans ce but.
Et se tournant vers l'officier de quart
Laissez porter légèrement, monsieur, lui cria-t-il,
et faites hisser les bonnettes et les cacatois.
Dés que cet ordre fut exécuté, le commandant reprit sa
promenade sur le pont, promenade qu'il n'interrompait
nenle delà province de la Flandre occidentale, ancien
échevin de la ville d'Ypres, décédé vendredi, 3 Novem
bre 8484 heures et demie de relevée. Un grand
concours de monde assistait au service qui a été célébré
en l'église S'-Jacques. M. le ministre d'état, gouverneur
de la Flandre occidentale, conduisait le deuil, les membres
de la députation permanente, collègues du défunt, assis
taient en corps la cérémonie, toutes les autorités civiles et
militaires y étaient représentées. Enfin, l'aflluence de
personnes qui étaient venues rendre un dernier hommage
M. Donny, prouve qu'à Bruges comme Ypres, le dé
funt était généralement aimé et estimé.
M. Donny, fils d'un notaire distingué, naquit Ostende,
le 29 Mars 1798. Dès sa tendre jeunesseil fut attaché
aux bureaux du gouvernement provincial etcomme
secrétaire du conseil de milice, il vint plusieurs fois
Ypres, où il fit choix de la compagne de sa trop courte
existence. Après son mariage, il quitta Ypres pendant
quelque temps, mais il revint bientôt se fixer au sein de
la famille de son épouse. Pendant quelque temps, il fût
inactif et sans fonctions, niais il fut nommé en 182G,
secrétaire du commissaire du district d'Ypres. Après
1830, il fut maintenu dans ce poste, et même, il resta en
cette qualité pendant quelque temps Roulcrs. Mais il
rentra bientôt dans la vie privée et n'accepta plus de
fonctions publiques qu'à la réorganisation communale et
provinciale. Ses concitoyens qui avaient pu l'apprécier,
lui confièrent le mandat de conseiller communal et peu de
temps après celui de conseiller provincial. Le gouverne
ment rendit justice sa capacité et le nomma échevin.
C'est, investi de ces délicates mais honorables fonctions,
qucM.Donny fournitdes preuves de ses vastes connaissan
ces administratives. Les affaires de la ville furent pen
dant cette époquegérées avec beaucoup de soin et de
prudence. L'administration de 183(i 1842, dont il était
le membre le plus actif, exécuta des constructions gran
dioses et des améliorations notables. La caserne de cava
lerie, le manège, l'appropriation du nouveau palais de
justice, la création du jardin public, sont des preuves de
l'activité et du bon esprit qui animait le collège échevi-
nal. La situation financière de la ville a été améliorée et
l'ordre et l'économie ont été introduits dans les dépenses.
Les règles de la comptabilité ont été strictement obser
vées. Quand M. Donny donna sa démission comme échc-
que pour diriger sa lunette sur le bâtiment en vue. Quant
Gaston, il semblait être cloué la même place, le regard
magnétiquement attaché sur le petit point blanc qui se
dessinait l'horizon. Peu peu ce point blanchâtre devint
plus distinct et apparut enfin sous forme d'un très-beau
brick. Comme on le voit, selon les prévisions du com
mandant, la corvette gagnait considérablement sur le
navire en vue, grâce la forte brise de N.-O. dont elle
profitait en restant au large.
- Faites brasser partout, Monsieur, et mettez le cap
sur le brick, dit le commandant l'officier de quart.
Cette manœuvre, était peine exécutée qu'on vitle brick,
jusque-là indifférent au voisinage de la corvette, changer
d'allure et chercher se diriger vers la haute mer.
Oh oh dit le commandant, est-ce que le gaillard
voudrait nous échapperpar hasard? Si telle est son in
tention, il s'y prend un peu tard.
Et en effet le brick ne pouvait plus gagner le large sans
passer sous les batteries de la corvette. Néanmoinssoit
que sa position lui parût désespérée en restant le long de
la côte, soit qu'il se fit illusion sur les intentions hostiles
de la corvette, ou qu'il voulût courir les chances d'un
combat plutôt que de rester dans la situation critique où
il se trouvait, il continua d'avancer toutes voiles dehors
dans les eaux de la corvette.
Gaston, l'œil collé sur le verre de sa lunette, ne perdait
pas un mouvement du bricket semblait vouloir trans
percer de sou regard de marin les flancs du navire contre
lequel se brisait sa vertigineuse impatience, comme les
vagues furieuses et impuissantes qui bondissaient autour
de lui. Tantôt il s'essayait sur une caronnade, oùmuet
vin, par suite de sa nomination comme membre de
la députation permanenteun regret universel se fit
jour, pour déplorer la perte de cet administrateur zélé
et capable. Cc fut alors qu'il devînt secrétaire de la
chambre de commerce, après en avoir été un des mem
bres les plus instruits, et dans ces^fonctions, il donna en
core des preuves de son zèle pour le bien-être matériel
de l'arrondissement.
Dans sa nouvelle carrière, M. Donny donna des témoi
gnages évidents de son amour du travailde sa rectitude
de jugement et de son aptitude exercée dans les questions
administratives. Au conseil de la province, c'était l'homme
qui présidait de droit par ses vastes connaissances finan
cières, la commission de comptabilité, et les soins qu'il a
donnés l'élucidation de plusieurs questions financières
litigcuscs ont eu pour effet de faire rentrer dans la caisse
de la province des fonds, qui sans lui peut-être, eussent
été perdus pour elle.
Pendant six ans, il siégea dans ce collège et, sans être
taxé d'exagération nous pouvons dire que sa perte sera
vivement ressentie au gouvernement provincial. D'une
grande activité et doué d'une facilité de travail remar
quable, M. Donny faisait une bonne partie de la besogne.
Dans les relations privées, c'était un homme d'un com
merce très-agréable. Affable, bienveillant, d'un caractère
serviable, M. Donny était aimé de tous ceux qui le con
naissaient et estimé par ceux qui pouvaient l'apprécier.
Intégre, d'une probité qui n'a jamais été suspectée, si une
considération humaine peut adoucir le regret que sa
perte doit occasionner sa famille, c'est l'estime et la re
connaissance que lui ont vouées la ville et l'arrondisse
ment d'Ypres.
Liste des personnes appelées faire partie du jury pour
la 4° session 1848, 2° série, et qui résident dans l'ar
rondissement d'Ypres.
1° Van Daclc, Jacques, avocat, Ypres.
2° Godtschalcfc, Joseph, échevin, VVarnèton.
3° Dumortier, Jean, brasseur, Domines.
4" Boucquey, Joseph, négociant, Poperînghe.
5" Heldcnherg, Henri, médecin, Laugemarcq.
Par arrêté royal du 24 octobre 1848, est admis faire
valoir ses droits la retraite
Le sieur Dehacrne, P.-A.receveur des douanes et
accises, Ypres.
et sombre, il restait absorbé dans ses pensées; tantôt il
arpentait le pont du. navire, comme eut fait un animal
sauvage dans sa cage puis, ramené par une main de fer
son poste d'observation, il s'attendait toujours voir
surgir de ce brick silencieux la pâle figure de Marie ou
la tête menaçante du capitaine d'Angladc. Alors des pen
sées étranges traversaient son esprit, et sa main droite
allait involontairement caresser le manche de son poignard.
Le commandant s'approcha du jeune officier et lui
frappa légèrement sur l'épaule.
Hé bien, chevalier, lui dit-il, si c'était... hein? vous
savez? morbleu dans quelques instants, nous en aurions
le cœur net.
L'œil de Gaston se dilata. Le commandant braqua sa
longue vue sur le brick, l'examina attentivement, parut
réfléchir quelques minutes et reprit:Espérez, cheva
lier, car, si j'en crois nia vieille expérience, ce navire
pourrait bien être celui que nous cherchons.
Et sans attendre de réponse, il se dirigea vers le banc
de quart, et se disposa prendre le commandement de la
corvette.
On était au plus deux portées de canon du brick.
Hissez le pavillon et la flamme, dit le commandant.
Et l'on vit aussitôt serpenter capricieusement au haut
du grand mât le signe distinctif des navires de guerre, et
le drapeau blanc, parsemé de fleurs de lys d'or, flotter
majestueusement la corne.
A ce signeauquel les navires marchands doivent im
médiatement répondre en hissant le pavilon de leur na
tion et en l'amenant trois fois sous forme de salut, le
brick ne répondit pas.