JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
N° 789. 8e Isîiicc. Dimanche, 26 Novembre 1848.
Vires acquirit eundo.
INTÉRIEUR.
Le capitaine Mandrin.
ma—i ii ii ■Y.ii^'rir'.ai.rinr—1,1 wwm. ci>«.i-ir .w—a-fg -«avarr1 t."1 -"xregs
ABONNEMENTS Ypres (franco), par trimestre, 3 francs 50 c. Provinces, 4 francs. Le Progrès paraît le Jeudi et le Dimanche. Tout ce qui concerne le journal doit
INSERTIONS Annonces, la ligne 15 centimes. Réclames la ligne 50 centimes. être adressé l'éditeur, Marché au Beurre. On ne reçoit que les lettres affranchies.
YPRES, le 25 Novembre.
Il est des absurdités quiforce d'être répétées avec
aplomb, gagnent une apparence de vérité et, par le temps
qui court, il y en a beaucoup de ce genre en circulation.
La question des économies surtout fait éclore les idées
les plus saugrenues. Tout le monde demande des écono
mies, c'est fort juste, seulement nous sommes d'avis qu'il
n'eut pas fallu attendre, qu'une crise financière et politique
vint démontrer la nécessité et l'opportunité d'un gouver
nement économe des deniers du contribuable. Dans les
temps prospères comme en temps de gêne, l'admi
nistration du pays doit toujours être dirigéenon avec
parcimonie qui est une mauvaise façon de gérer ses
intérêts, mais en donnant une juste et équitable rétribu
tion aux fonctionnaires qui ne doivent être jamais payés
a^ec une largesse qui ne convient pas l'étendue et aux
ressources du pays.
Aujourd'hui l'on s'aperçoit que les conséquences des
fautes commises entraînent plus loin qu'on n'eût pu le
croire et qu'il est plus difficile qu'on ne le pense, de re
dresser les abus qui se sont glissés dans l'administration.
Le vent souffle aux économies et le cabinet qui ne de
mande pas mieux que de se rendre aux désirs du pays,
ne sait de quel coté commencer. Les uns veulent des
économies et demandent qu'on s'attaque aux gros traite
ments, c'est la phrase stéréotypée dans quelques journaux.
Examinons si, en réduisant ce qu'on appelle les appoin
tements des gros bonnets, on parviendrait faire ces
énormes économies qu'on prétend opérer.
A l'exception du cardinal-archévêquc de Malincs qui a
le traitement le plus élevé de tous les fonctionnaires de
l'état, nous ne savons si on pourrait s'élever contre les
traitements des ministres qui ne reçoivent que 21,000
francs. Si Ton songe combien de dépenses sont annexes
celte haute position, tout homme impartial qui a une
idée des obligations auxquelles on est astreint, conviendra
facilement que loin d'être traité avec largesse, ces fonc
tionnaires doivent peine pouvoir suffire aux exigences
de leur position. Voilà cependant le taux le plus élevé
des rémunérations accordées par l'Etat ses employés
et combien y en a-t-il de cette espèce ou qui en appro
chent? Ensuite les fonctionnaires des ministères les mieux
h. l'intérieur de la ville. {Suite.)
Les deux moines arrivèrent l'hôtel du traitant. Le
père Dominique, habitant de la maison, fit entrer le ca
pucin dans un oratoire détaché du corps du bâtiment, et
qui élevait ses légers lambris de sculpture gothique au
milieu d'un berceau de vigne vierge.
Attendons un peu, dit le père Dominique, Icfcrmier-
généralva venir me trouver ici, en se rendant la Maison-
dc-Ville.
Quel bel oratoire, dit le père Gaspard en examinant
l'intérieur du petit édifice.
Monsieurde Marillac Ta fait construire pour son fils,
dont je suis le percepteur, et pour lequel il a voulu une
éducation toute religieuse, et entièrement dirigée vers
les devoirs et les sentiments d'un chrétien.
C'est donc un homme bien pieux?
On ne sait guère ce qui se passe dans son âme. Il la
tient enfermée dans une enveloppe de marbre que nul
ne peut pénétrer; et, sans que personne ait jamais se
plaindre de lui, ce flegme glacial dont il est toujours re
vêtu inspire un sentiment de crainte et d'éloignement
général, domt l'impression se fait sentir même son fils,
qui le voit dans de rares visites comme un étranger, mais
jamais comme un père.
En ce moment, on entendit venir le fermier-général.
M. de Marillac, que nous avons déjà vu l'assemblée
de la Maison-de-Ville, était un homme d'une soixantaine
d'années, grand, élancé, portant la tète haute et le corps
rétribués ne reçoivent que la moité des émoluments d'un
ministre, et pour parvenir une position aussi élevée, il
faut peut-être avoir sacrifié la plus belle partie de sa vie,
sans compter qu'après avoir atteint cet échelon, il est im
possible de s'élever d'avantage.
Les membres de Tordre judiciaire sont-ils trop grasse
ment rétribués? Quelques-uns le soutiennent, mais il n'y
a pas si longtemps que leurs traitements ont été aug
mentés. Cependant cette époque, on sentait l'opportu
nité d'améliorer la situation des hiembres de Tordre
judiciaire et aujourd'hui, il y en a qui ne demanderaient
pas mieux que de voir un retour l'ancien ordre de
choses avant 1845. Ce serait une économie d'un demi
million.
Maintenant, en supposant qu'on rogne tous les gros ap
pointements, croit-on qu'on aurait opéré une grande dimi
nution dans le chiffre du budget. Non, car il y a peu de
grrs traitements en proportion des employés inférieurs
qui absorbent la presque totalité des sommes affectées
payer le personnel.
Dans le système gouvernemental actuel, ce qui est
ruineux, c'est ce nombre innombrable de services dis
tincts qui tous demandent des catégories d'employés. Dans
un gouvernement absolu vous échappez cet inconvé
nient, car avec des soldats et des financiers, l'administra
tion peut marcher. Cette multitude d'intérêts divers ne
sont pas représentés comme dans le régime constitu
tionnel et par conséquent ne compliquent pas les rouages
de l'administration. Dans la situation actuelle de la so
ciété, amenée par le haut point de civilisation auquel elle
est parvenue, il serait difficile de se soustraire la né
cessité de cette active surveillance de tous les services
publics. Aujourd'hui tout est du domaine du gouverne
ment, commerce, industrie, hygiène publique, etc., etc.,
et dans les moments difficiles, c'est au gouvernement que
les intérêts froissés prennent recours. C'est donc plutôt
dans la complication des services et comme conséquence
dans le nombre énorme des employés nécessaires, qu'on
doit chercher l'absorption de la majeure partie du bud
get par les traitements du personnel.
Les véritables économies faire d'après nousserait
l'introduction d'une mécanique administrative plus sim
ple, si nous pouvons nous exprimer ainsi. Ce sont même
les seules, car le raisonnement doit nous convaincre que
rejeté en arrière il s'avançait d'un mouvement silencieux
et droit; ses pas ne faisaient entendre qu'un faible bruit
sec sur les dalles de l'oratoire. La teinte bronzée de son
visage maigre et anguleux ressortait davantage au milieu
de l'entourage de blancheur que sa large perruque pou
drée répandait Tentour; ses yeux, affaiblis par le tra
vail malade» et voiléset qui d'ailleurs ne se portaient
jamais sur ceux qui il parlait, ne pouvaient rien révéler
de ce qui se passait en lui tout le reste de sa figure avait
quelque chose d'une sculpture de pierre, froide et muette.
Il avait fait une brillante fortune dans les Indes et était
revenu dans son pays, où la place de fermier-général avait
consolidé sa haute situation. L'estime qu'on faisait de sa
personne et la prééminence accordée son rang, excitait
surtout sa constante sollicitude.
M. de Marillac accueillit le père Gaspard avec une po
litesse doucereusereçut avec beaucoup de respect le
chapelet béni qui lui était présenté, et dit qu'il en remet
trait le prix au frère quêteur en rentrant du conseil mu
nicipal, où il était attendu l'instant même.
Vous êtes sans doute fatiguémon pèreajouta-t-il
car vous venez de loinet les chemins de nos montagnes
sont âpres et difficiles comme ceux de la vie humaine;
veuillez donc accepter quelques rafraîchissements qu'on
va vous servir dans la salle manger... ou sous ce ber
ceau si le beau temps vous fait préférer de goûter la
douceur de l'air et de jouir du soleil.
En même temps, il appela un domestique qui passait,
et lui ordonna de servir avec soin le révérend père.
Cet homme est froid comme une nuit de décembre,
si on voulait diminuer les charges du budgeten dimi
nuant ce qu'on est convenu d'appeler les gros traitements,
on arriverait un maigre résultat, en étouffant toute
émulation dans les rangs de l'administration.
Nous voyons avec plaisir que le Journal des Bailles
est depuis quelques jours revenu de meilleurs senti
ments. Il blâme dans ses deux derniers numéros, la loi
qui accorde des pensions aux ministres. Il nous semble
toutefois, qu'un des anciens ministres qui se trouve dans
ses bonnes grâcesn'a pas eu se plaindre de cette loi
puisque c'est elle, qu'il doit d'avoir vu liquider sa pen
sion la somme de 5,000 francs. Mais c'est égal, c'est beau
de la part du Journal des Baziles de blâmer indirecte
ment un homme qui lui tient d'aussi près que l'ancien
ministre des finances, au profit duquel on a prolongé
l'interrègne ministériel jusqu'à ce que les deux années
de ministère, qui lui donnaient droit la pension, fussent
révolues.
Hier, est arrivé hors la porte de Menin, un accident
qui aurait pu avoir des funestes conséquences. Deux
chevaux attelés une longue charrette deux roues,
communément appelée charrette de brasseur, ont pris le
mors aux dents sur la route de Zonncbckc Ypres, et
ont parcouru en pleine carrière, la distance du cabaret
dit Fresenberg jusqu'à la porte de Menin, ayant derrière
eux cette charrette qui avait un mouvement de lacet
effrayant et qui aurait pu renverser et briser dans
cette course désordonnée, tout ce qui se serait trouvé
portée. Arrivés près de la barrière, les chevaux ont voulu
monter sur le parapet, mais se ravisant, ils sont descen
dus, et par ce mouvement, la charrette s'est mise en tra
vers de la barrière. Arrêtés brusquement, les deux
chevaux se sont abattus et ont été saisismais la voiture
était brisée, et c'est la seule suite funeste qu'a eu cet
accident, qui réellement avait quelque chose d'effrayant
pour les spectateurs.
Correspondance.
Poperinghe, le 23 novembre 1848.
Monsieur le rédacteur du Progrès
Le comité libéral de Poperinghe, appréciant tous les
avantages qui doivent résulter pour les contribuables de
la publicité donnée aux séances du conseil communal
dit part lui le bon moine en sortant de l'oratoire j'ai
bon besoin de son vin et de son soleil pour me réchauffer
un peu d'un certain frisson particulier que m'a donné sa
présence....
En conséquencele père Gaspard fit apporter sa colla
tion dans la cour garnie de cerceaux de vignes; et, en
s'asseyant devant sa petite tablese trouva précisément
placé sous une fenêtre de l'oratoire quin'étant garantie
que par les pampres légers et mouvants qui tombaient du
berceau, laissait parvenir lui ce qui se disait l'intérieur.
Il demeura donc occupé se raffraîchirdire son
rosaireet surtout écouter les entretiens qui avaient
lieu dans l'oratoire.
Le moine dominicain commença par rapporter M. de
Marillac les informations qu'il était allé prendre chez le
maire de la ville. Ce magistrat venait de recevoir une dé
pêche du ministre de la guerreannonçant que le gou
vernement français, après avoir longtemps été sourd
aux plaintes du Dauphinéavait enfin pris en considéra
tion l'état déplorable de cette provinceet venait d'or
donner au régiment d'Harcourt défaire route vers Valence
et de se mettre la disposition des autorités du lieu qui
avaient besoin de forces supérieures celles de la maré
chaussée pour combattre la troupe de Mandrin.
Dieu soit loué dit le fermier-généralon pourra
enfin opposer armée contre armée, et des troupes réglées
devront bientôt balayer ces bandits de la contréeou les
laisser sur le champ de bataille.
Qui sait rien del'avenir?réponditle moine Mandrin
est un grand homme de guerre et un chef intrépide!...