J01RX.1L D'YPRES ET DE L'ARROXDISSEMEYT.
805. 8e Aimée. Dimanche, 2 S Janvier 1819.
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Vues acquint eunda.
IVEBSÊEILSS.
TPREN, le 20 Janvier.
LA LOI SI R LES PENSIONS.
De toutes les lois qui ont été votées dans les dernières
années du régime catholique, aucune n'a soulevé plus de
clameurs, que la loi sur les pensions civiles et ecclésiasti
ques. Nous devons le dire, le principe en était juste. Il
est convenable, en effet, que l'état accorde une rémuné
ration celui qui a usé ses talents, sa vie son service.
Mais les conditions qu'on a attachées l'obtention d'une
pension n'étaient pas assez précises et ont souvent
été éludées. Des infirmités ont été simulées et, sous pré
texte d'incapacité par suite de maladieon a pensionné
des hommes dans la fleur de l'âge et qui auraient pu
remplir leur poste encore pendant longtemps.
C'était un grave et criant abus auquel il était urgent de
mettre ordre. Mais le mécontentement qu'a soulevé la
façon dont on a appliqué les prescriptions de la loi, a failli
l'emporter toute entière, et déjà aucuns en demandaient
l'abrogation. C'était s'aventurer trop loin et pour quelques
abus, sacrifier un principe juste et équitable. Aussi la
Chambre n'a-t-cllc pas voulu se lancer dans la voie qu'on
lui indiquait, et elle s'est bornée renforcer les condi
tions exigées pour la mise la retraite (et prescrire les
garanties que doit présenter la commission par laquelle
les infirmités sont constatées.
Des amendements de tous genres ont été proposés, et
la plupart font supposer chez leurs auteurs une inexpé
rience administrative qui devraient les empêcher de vou
loir figurer au premier plan. Dans le but de diminuer les
charges du trésor, les membres de la section centrale ont
proposé de porter la retenue 2 p. °/0 au lieu de 1 p. °/0.
M. Delfossc a demandé ce que les traitements de plus
de deux mille francs, fussent frappés de la retenue de
2 p. °/0. Mais les bénéfices pour le trésor eussent été très-
minimes, car 2,000 fonctionnaires seulement sur près de
18,000, reçoivent au-delà de deux mille francs. Et pour
un aussi maigre résultat, il était inutile d'introduire dans
notre législation financière, l'impôt progressif, de toutes les
utopies inventées dans ces derniers temps, la plus inique
et la plus ruineuse. Un autre amendement a été déposé
pour enlever M. J. Malou la pension de ministre qui lui
a été gracieusement octroyée la dissolution du cabinet
De Theux. Bien que nous soyons d'avis que pour l'avenir
L
Le capitaine Ataiatfriii.
(Suite.)
X. DAVID.
La nouvelle de l'échec éprouvé par le détachement des
troupes royales dans le val d'Embrun s'était bien vile ré
pandue par toutes les provinces méridionales de la France,
et y avait produit la plus vive sensation; la terreur du
nom de Mandrin en était encore redoublée. On disait
même que grand nombre d'habitants des campagnes,
méeontcntsde leur sort, et éblouis par la fortune extra
ordinaire de ce chef des contrebandiers, songeaient se
ranger sous son enseigne. On ne savait donc plus où le
mal s'arrêterait et si le brigandage ne deviendrait pas une
insurrection générale.
Quelques jours après cet événement, monsieur de Ma-
rillac était seul dans son cabinet de travail, assis devant
un bureau et calculant le total des pertes' subies par la
ferme générale l'invasion des contrebandiers dans la
ville de Saint-Romain; pertes dont une partie avait été
supportée par le gouvernement, mais dont le plus grand
poids était retombé sur sa propre fortune.
L'intérieur où il travaillait était froid, morne et sombre
comme son front vieilli par le souci et L'ambition. Ses fe
nêtres étaient doublement fermées par des jalousies vertes
et des rideaux de la même couleur, soit pour protéger ses
yeux affaiblis, soit par un instinct de sa nature qui lui
faisait fuir le grand jour. Cependant, par instantil se
détournait de son bureausoulevait la draperie de soie
pareil abus ne doit plus se reproduire nous devons
avouer cependant, qu'en prenant le texte de la loi la
lettre et en l'absence de toute disposition qui eut pu don
ner une autre solution cette question, la pension a pu
être légalement accordéeà M. Malou. Ce qu'il y a de singu
lier, c'est qu'en combattant la loi sur les pensions des
ministres, M. Malou dans la discussion, a présenté l'hy
pothèse qu'un ministère, dans le but de se créer un droit
la pension, eut pu allonger son existence, jusqu'à ce
que tous ou quelques-uns de ses membres eussent atteint
le temps voulu pour pouvoir demander le bénéfice de la
loi alors en discussion, c'est-à-dire deux années de fonc
tions de ministre.
Cet amendement ne doit pas être admis parla Chambre,
il est trop personnel et ressemble trop une vengeance
pour que la législature puisse l'admettre. La Belgique
n'est pas encore dans une situation financière si déplo
rable, qu'une diminution de 4,000 francs son budget
puisse la sauver. Qu'on laisse jouir M. Malou, de la
pension d'ancien ministre r mais que pour l'avenir
moins qu on n'abroge la loi, on prescrive qu'il faut avoir
deux années de fonctions ministérielles réelles, car
notre avis, un ministre démissionnaire n'est qu'un ad
ministrateur qui attend son remplaçant et, comme tel, ne
s occupe que de la besogne gourante, sans poser des actes
qui peuvent obliger son successeur ou pour lesquels il
voudrait engager sa responsabilité.
Pendant le travail en sections, des membres de la
Chambre se sont montrés partisans de la rétroactivité;
ils proposaient d'abroger la loi sur les pensions des mi
nistres et d'en cesser le payement. Mais ils contestaient
que c'était de la rétroactivité, et par une interprétation
judaïque,ilsprétendaientque les dispositions qui auraient
pour but de faire restituer les pensions déjà incommu-
tablcmcnt perçues, et en vertu d'un titre légal, devaient
seules être qualifiées de rétroactives. Mais cette doctrine
qui avait le mérite d'être singulière, n'a pas été admise. Les
pensions liquidées sont des droits acquis, des propriétés
au même titre que toutes les autres et qui comme telles
doivent jouir de l'inviolabilité.
La presse cléricale continue sa mission de fourberie et
de jésuitisme. 11 y a deux ans, les budgets ne pouvaient
être trop élevés. Tous les ans ils s'accroissaient et s'ar
rondissaient vue d'œil et tout était pour le mieux dans
le meilleur des pays possibles. La prospérité était crois-
verte, et regardait la cour dans laquelle s'élevait l'oratoire
gothique, dont une croisée ouverte lui laissait voir son
fils agenouillé devant un Christ d'ivoire, et pâle, souffrant,
exhalant la douleur par tous les pores, comme le Dieu-
martyr qu'il adorait.
Un domestique apporta une lettre au fermier-général
elle étaildu lieutenant-criminel de Valence et contenait ce
qui suit:
Mon cher ami
II se prépare un grand et heureux événement qui va
mettre en émoi toute la province quoique le secret doive
encore être gardé je vous communique cette bonne nou
velle pour que vous soyez le premier en goûter le con
tentement. Quelques-uns de nos brigadiers sont enfin sur
la piste du trop célèbre Mandrin, et ont juré sur leur tète
de nous le livrer dans peu de jours. Le procès s'instruira
Valence, et vous pouvez penser quel concours de inonde
y amènera cette affaire, dans laquelle vous serez aussi
appelé comme un des principaux témoins. Heureusement
la récolte des truffes a été excellente cette annéeet on
pourra ne pas s'en faire faute dans les nombreux repas
qui seront donnés cette occasion. N'oubliez pas, mon
cher Marillac, que c'est chez moi que vous devez en man
ger, assaisonnées de bon vin et de bonne amitié.
Votre affectionné,
De Morval.
A cette nouvelle, qui aurait dù lui donner la plus
grande satisfaction, le fermier-général resta immobile,
pétrifié son regard devint fixe et terne, les creux de ses
santé et les impôts bien cultivés, florissaicnt de plus en
plus. Mais il fallait ajouter un corollaire tous ces ma
nifestes pompeux, c'est que le parti catholique disposait
des ressources du budget pour ses chers, très-chers et
féaux amis. On bourrait toutes les avenues du pouvoir de
parfaits petits jésuites on multipliait outre mesure les
recettes pour donner de l'occupation des jeunes gens
qui avaient fait leurs études dans les établissements du
clergé on créait des sinécures pour récompenser des am
bitieux qui avaient rendu des services enfin sous pré
texte de bonne administration, les indemnités et les
jetons de présence soldaient l'attachement de certains
caméléons au triomphe de l'œuvre.
Aujourd'hui, époque de désolation, les chefs du parti
catholique ne sont plus les dispensateurs des faveurs bud
gétaires et le ministère qui a succédé au cabinet catho
lique, tâche de faire régner, là où trônait la prodigalité,
l'économie même au dépens des hauts bonnets du clergé.
Aussi oyez les clameurs de la bonne presse, la persécution
ose relever la têteon traque les membres du clergé, on
pousse la joie jusqu'au délire, enfin on va courir sus aux
prêtres, et pourquoi tout ce vacarme? Parce que la cham
bre a placé le traitement de M. le cardinal-archevêque
sur la même ligne qu'un ministre, ce qui n'en déplaise aux
furibonds preneurs du clergé, est parfaitement rationel.
La presse catholique professe toujours la même mau
vaise foi après s'être plaint de la diminution qu'a subie le
traitement de l'archévêque, elle trouve que les écono
mies introduites par le ministère dans le service de l'état,
ne sont pas assez importantes et elle, qui approuvait de
tout cœur les budgets fabuleux des ministères catholiques,
trouve qu'une économie de quatre millions n'est qu'une
bagatelle et ricane, parce que le ministère libéral n'a pas
voulu désorganiser l'administration, sous prétexte d'éco
nomies. Les journaux catholiques qui ont vu leurs patrons
l'œuvre dans des moments de calme et de tranquillité,
pouvant peine tenir tète aux justes critiques qui les
assaillaient de toutes parts, ne peuvent pardonner aux
ministres libéraux leur activité et leur fermeté, et pour
avoir le droit de désapprouver, se mettent exiger l'im
possible. Enfin, un travail sourd et latent se fait pour mi
ner la prépondérance du parti libéral. Que nos amis
prennent garde de se réveiller un beau matin victimes
de leur confiance et dans la nécessité de recommencer la
lutte des derniers dix-sept ans.
joues s'approfondirent davantage sous les os saillants de
sa face bronzéeet on aurait pu le croire frappé de mort
subite, sans le mouvement de ses doigts qui broyaient
convulsivement la lettre du magistrat.
Il sortit de cet état de stupeur par un tressaillement
subit, regarda encore la fenêtre de l'oratoire où, dans ce
momentil n'y avait plus personnetira la sonnette par
un mouvement violent, et ordonna au domestique qui se
présenta de lui envoyer de suite l'abbé Dominique.
Lepèredominicainparutet le jeune David était avec lui.
Mon père, dit Marillac, en s'adressant au moine
sans oser lever les yeux sur son fils, je voulais vous con
seiller de faire faire Notre-Dame de nouvelles prières
publiques pour la délivrance de notre malheureux pays.
Auriez-vous reçu la nouvelle de quelque nouveau
malheur? demanda le religieux.
Ouile lieutenant-criminel de Valence m'écrit que
notre terrible ennemi a lassé le courage de la force armée
de la province, qui refuse désormais de marcher contre lui.
Dieu puissant le Dauphiné sera donc livré sans
défense ces infâmes brigands.
Le Dauphiné et bientôt toute la France, car le
nombre de cette bande forcenée s'accroît d'une manière
effrayante. Une foule de paysans de nos montagnes, sé
duits par un odieux exemple, quittent le travail honnête
qui les nourrissait, pour aller avec ces bandits vivre de
rapine et de sang humain.
C'est, en effet, ce qui arrive tous les jours, dit le
père Dominique; le drapeau sanglant de ces bandits me