joehx.il dïpres et de l arro\oisseme\t.
.V 806. 8e Année.
Jeudi, 55 Janvier 1840.
Vires acquint eundo.
fiVIEESIIIIS.
ABONNEMENTS Ypres (franco), par trimestre, 3 francs 30 c. Provinces, 4 francs.
INSERTIONS: Annonces, la ligne 15 centimes.IIèclijies, la ligne 30 centimes.
Le Progrès parait le Jeudi et le Dimanche. Tout ce qui concerne le journal doit
être adressé l'éditeur, Marché au Beurre. On ne reçoit que les lettres affranchies.
TPUS, le 24 JlmiEB.
On lit dans le journal le Propagateur
Depuis leur installation la chambre législative, les
députés d'Yprcs se sont fait remarquer par leur mu-
tisme. On espère qu'ils ne tarderont pas se faire en-
tendre.
Les espérances du Moniteur clérical d'Yprcs sont réa
lisées. Le discours prononcé par notre honorable repré
sentant M. Bocdt, en est la preuve. Au lieu de donner ce
discours par extraits, nous le reproduisons en entier d'a
près le Moniteur officiel, et, afin de combler de joie notre
confrère, nous ferons tirer le présent n" un nombre
double d'exemplaires, qui seront distribués dans les di
verses communes de l'arrondissement.
Nous aimons croire que le Journal des Baziles s'em
pressera d'imiter notre exemple, afin de détruire l'effet
que son articulet précité aurait pu causer et de réaliser
l'espoir que ses partisans ont laissé échapper par son
organe.
M. Bocdt. Comme le dit fort bien le rapport fait
au non» de la section centrale, la loi sur les pensions
ministérielles a donné lieu des abus trop réels. L'opi
nion publique, tout le monde le reconnaît, s'est prononcée
trop énergiquement contre clic pour qu'on puisse encore
songer la maintenir. J'ajouterai qu'après l'abus grave,
abus que je me permettrai d'appeler scandaleux, qui der
nièrement a été fait de l'application de celte loi je ne
puis croire qu'elle puisse encore avoir conservé un seul
partisan dans cette chambre, si ce n'est peut-être quel
ques ex-ministres qui, en vertu de cette loi immorale,
sont parvenus jouir d'une pension.
A l'occasion du pi-ojet de loi qui nous occupe, j'ai revu,
Messieurs, les discussions assez intéressantes qui ont eu
lieu la chambre au sujet de la loi du 21 juillet 1844,
sur les pensions ministérielles.
Il est vraiment curieux de voir les objections, les sup
positions qu'on pourrait appeler prophétiques de l'hono
rable membre qui était alors rapporteur de la section
centrale elles sont d'autant plus intéressantes, elles m'ont
d'autant plus frappé qu'elles se sont en grande partie
réalisées, que c'est particulièrement cet honorable mem
bre. lui-même qu'elles sont devenues parfaitement appli
cables,
L'honorable rapporteur, auteur de ces objections, de
ces suppositions, qui cette époque n'était pas encore
ministre, qui l'a été depuis et qui ne l'est plus aujour
d'hui, en portant la parole dans la séance de la chambre
(1 M. J. Maloc, ex-ministre des fiuanccs.
L.C eajpsiaiiic ^Saudriii.
(Suite.)
XI. —LE BONHEUR EN CE MONDE.
Le surlendemain, onze heures du soir, d'Alvimar
l'aide de son échelle de soie, avait franchi le mur du jardin
et, dans l'ombre et le mystère, se dirigeait vers l'appar
tement d'Isaure.
Depuis la nuit où l'invasion des deux voleurs avait causé
line si cruelle épouvante mademoiselle de Chavailles
elle n'avait plus osé confier ses entrevues secrètes cette
enceinte de feuillage qui les abritait si mal ne pouvant
renoncer la vue de d'Alvimar, sans laquelle il lui était
alors impossible de vivre, elle avait consenti le recevoir
ce soir-là chez elle. Isaure n'avait que dix-huit ans, et
l'amour ayant remplacé Dieu dans son âme, la sagesse
humaine ne pouvait pas encore la guider et opposer de
fi-eins aux désirs de son cœur.
Le hasard servait ses vœux. Madame Blondeau était
depuis quelques jours dans la petite maison des bords de
l'Isère, occupée faire enlever le peu d'objets demeurés
dans la partie du bâtiment où la flamme s'était arrêtée
lors de l'incendie allumé par les contrebandiers. La cham.
du 21 mars 1844 contre le projet de loi sur les pensions
ministérielles, projet de loi qu'il a combattu de toutes ses
forces, ce dont je le félicites'est exprimé avec tant de
dignité avec tant de prévoyance que j'ai cru pouvoir
mettre sous les yeux de la chambre quelques-uns des
passages les plus saillants de ses difféi-ents discours.
J'extrais littéralement Première objection. Il se peut,
dit-il (c'est l'honoi'able rapporteur qui paiTc), que sans
avoir passé par une épreuve sérieuse devant les chambres,
un ministre acquière des droits la pension.
Cette première supposition, Messieurs, se trouve réa
lisée; ceci est arrivé l'honorable rapporteur. Il n'a pas
passé par une épreuve sérieuse devant les chambres, puis
qu'il a donné sa démission de ministre avant d'avoir
acquis ses droits la pension.
2" objection de l'honorable l'appoi'tcur. On suppose
sans cesse, dit-il, des ministres qui rendent au pays
d éminents services mais ne peut-il pas se faire que des
ministres passent, en quelque sorte, travers les filets
de votre amendement, qu'ils obtiennent une pension sans
avoir obtenu une adhésion durable, sérieuse des chambres?
Eh bien, Messieurs, qu'en dites-vous? Ne trouvez-vous
pas que cette deuxième supposition s'est aussi réalisée
complètement en faveur de l'honorable rapporteur, puis
qu'il a obtenu une pension, sans cependant avoir obtenu
une adhésion durable, sérieuse devant les chambi-cs,
puisqu'il a dû se retirer avant d'avoir été pendant deux
ans au ministère?
L'honorable rapporteur, qui avec beaucoup de raison,
n'admettait pas la proposition des vingt-quatre pour l'ave
nir, dit encore
Nous admettons la proposition pour le passé, parce
que nous savons qui elle s'appliqueparce que nous
sommes comme vous frappés de certaines positions très-
honorables.... Le passé, nous le connaissons, nous savons
quels sont les services éminents rendus par quelques hom
mes; ces services peuvent être reconnus par un grand
acte de rémunération nationaleparce que ces hommes
ont contribué la fondation de la nationalité belge, que
sans eux peut-être nous ne siégerions pas ici.
Voilà, Messieurs, le beau, le noble langage que tenait
alors l'honorable rapporteur. Il voulait récompenser des
services éminents rendus au pays, mais il ne voulait pas
accorder des pensions des ministres futurs, et il avait
raison, parce que ces ministres pourraient, au lieu d'une
pensionmériter d'être mis en accusation pour avoir
mal géré les affaires du pays.
Eh bien, maintenant n'est-il pas regrettable qu'après
avoir si bien définisi bien reconnu les cas auxquels il
convient d'accorder une rémunération nationale l'ex-
bre qui conduisait celle d'Isaure restait donc inhabitée.
Eustachr, qui couchait autrefois dans une loge pratiquée
au pied de l'escalier qui donnait sur le jardin, avait quitté
le service de M. de Chavailles pour succéder un de ses
oncles dans la place de geôlier de la prison de Valence,
et le poste du jardinier de l'hôtel était encore vacant. Ces
circonstances ouvraient d'Alvimar un libre passage jus
qu'à l'appartement consacré de la jeune fille.
Le baron, cependant, s'arrêta un instant avant de fran
chir les premiers degrés de l'escalier. Du haut du perron,
il se tourna du côté du nord et regarda un instant dans
l'espacecomme si malgré la nuit et la distance il eût pu
voir la chaîne des montagnes vierges quide ce côté de
l'horizon unissait leur immensité inaccessible celle du
ciel. Les heures de la nuit sonnèrent il écouta attenti
vement ce son qui s'unissait ses pensées. Puis il monta
l'escalier d'une démarche heureuse et fière, comme si les
réflexions qu'il venait de faire et la coïncidence de temps
qu'il venait d'observer, eussent donné plus de solennité
son entrée mystérieuse dans cette demeure.
D'Alvimar, dont les pas n'avaient soulevé aucun bruit,
s'arrêta un instant sur le seuil de la chambre d'Isaure, et
regarda la jeune fille dans son paisible et gracieux intérieur.
ministre démissionnaire ait cru pouvoir accepter une
pension qu'il savait ne pas avoir méritée
Plus loin, toujours dans la même séance, l'honorable
rapporteur s'écrie Et quelle sera donc la position d'un
ministre qui sera en fonctions depuis un an et onze mois?
Comment, dit-il, vous ne vous effrayez pas des consé
quences que peut avoir le combat entre l'intérêt et le
devoir, lorsque l'homme qui est au banc ministériel n'a
plus que quelques semainesquelques joui-s peut-être
pour prolonger son existence ministérielle, pour acquérir
un âge peu avancé, pour lui et pour sa famille un droit
très-important.
Est-il possible, Messieurs, de faire un portrait plus
ressemblant? Est-ce que vous tous, Messieurs, vous ne
reconnaissez pas là l'honorable rapporteur
Un homme, dit-il encore, qui sera sur le point d'ac
quérir ce droit, sera-t-il libre, scra-t-il dans la position de
dignité nécessaire toute personne qui veut honorable
ment exercer ces hautes fonctions?
La dignité du pouvoir, la dignité politique en général,
où est-elle donc Je dis qu'elle est dans le désintéressement,
et qu'elle n'est que là. Si vous croyez augmenter la di
gnité des hommes au moyen des dispositions qu'on vous
propose (une pension de 4,000 fr.), vous méconnaissez le
caractèi'e essentiel de la dignité politique elle n'est pas
là, elle est dans le désintéressement. Je dis que ce qui
doit porter aux fonctions ministérielles et y maintenir
c'est le dévouement, ce n'est pas l'espoir d'une pension
quelconque.
Et encore une fois, Messieurs, n'est-il pas infiniment
regrettable qu'un homme, qu'un haut fonctionnaii*e, après
avoir professé de si beaux, de si nobles sentiments, les
ait oubliés dès qu'il s'est agi de sa personne, de son inté-
l'èt personnel, et qu'il ait cru devoir préférer la con
servation de sa dignité une récompense pécuniaire
Ce haut fonctionnaire qui a si bien défini la dignité du
pouvoir, la dignité politique, qui a si bien prouvé que
cette dignité réside dans le désintéressement, qui a dé-
claré que ce qui doit porter aux fonctions ministérielles
et y maintenir, c'est le dévouement, que ce n'est pas l'es
poir d'une pension quelconque; eh bien, Messieurs, ce
haut fonctionnaire, par sa conduite entièrement opposée
son langage, a prouvé maintenant tout le monde qu'il
n y a plus chez lui ni dignité, ni dévouement et encore
moins de désintéressement. Sa dignitéMessieurs, l'ho
norable ex-ininistre l'a vendue.
Je prie la chambre de bien vouloir faire attention, que
quand je dis qu'il n'y a plus chez l'ex-ministre ni dignité,
ni dévouement ni désintéressement, je ne fais que me ser
vir de ses propres expressions. Si quelques membres de
Isaure, malgré les ti'oubles de la passion qui remplissait
son âme, malgré les battements de cœur douloureux et
violents qui marquent toujours le moment de ces rendez-
vous clandestins, avait été absorbée quelques minutes par
la pensée de David, de David destiné par le ciel et par son
pere être son époux, et qui, au lieu d'avoir contracté
une union où il goùtei'ait un paisible bonheur, marchait
cette soirée même une mort presque certaine, dans l'es
pérance la plus aventureuse de délivrer son pays du fléau
qui l'opprimait. Elle priait pour lui.
Elle était agenouillée, le dos tourné la porte d'enti'ée,
devant un prie-Dieu revêtu de riches oimementsprès
duquel se trouvait aussi le portrait de sa mèrece por
trait qu'elle avait arraché elle-même de l'incendie, et que
par respect et contrition elle couvrait d'une gaze depuis
qu'elle se jugeait indigne de laisser tomber sur elle le re
gard de cette vertueuse mère.
Une blanche et molle clarté flottait autour de la jeune
fille; la fenêtre ouverte laissait entrer l'air pur de la nuit
chargé des émanations des fleurs; le tapis de pied, soyeux
et velouté, était couvert de pétales des camélias et des
roses blanches, que l'air enlevait aux plantes du balcon et
répandait par toute la chambre.