JOIBWL D'YPRES ET DE L'ARR0\D1SSEHE\T.
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Dimanche, 1er Avril 1849.
1ATÉIUE1».
YPIIES»le 31 Mars.
Le sénat, la majorité de 26 voix contre if>, vient
de rejeter la réforme postale et la taxe uniforme
dix centimes. Nous l'avons dit, quand celte mesure
a été adoptée h la Chambre des représentants, nous
l'avions crue inopportune,' prématurée en présence
dudéticit du trésor. 11 nous semblait plus logique
de s'en tenir dans celle voie, la limite fixée par le
ministère, qui endéfinitivedoit ignorer si un dégrè
vement aussi radical ne jettera pas la perturbation
dans les finances. Cependant, nous approuvons for
tement celle réforme, nous la proclamons nécessaire
et féconde pour l'avenir, et il ne nous coûte rien
d'avouer qu'elle est une amélioration qu'il faut
vivement désirer. Seulement on aurait pu la
reculer de quelques années et se contenter d'une
demi-réforme, afin de ne pas creuser davantage le
gouffre du déficit.
La Chambre en a jugé autrementet par 67 voix
contre 17, ellea adopté la réforme radicale de la taxe
10 centimes. Quand il s'agit de diminuer les im
pôts, la Chambre est toujours bien disposée, mais
si l'on veut dégrèver, il est indispensable d'en
établir de nouveaux, moins que l'on ne veuille
continuer faire face au déficit au moyen de l'em
prunt. Cependant les députés font la sourde oreille
quand il s'agitd'augmenter les ressources du trésor,
après avoir volé des diminutions de recettes. C'est
ainsi que la discussion de la loi sur les successions a
été différée par suitedu mauvais vouloirde quelques
députés libéraux, s'allianten celte occasion, avec
les catholiques, et refusant de croire la nécessité
de créer de nouvelles ressources pour :85o. Les mo
tifs sur lesquels se fondait la section centrale pour
repousser le droit sur les successions en ligne di
recte, étaient pitoyables. Mais on a la prétention de
ramener l'équilibre dans les budgets l'aide des éco-
comies et, en attendant qu'on y arrive, une insuffi
sance d'une vingtaine de millions viendra constater
l'inanité de ce projet. Le déficit s'accumulera et force
sera alors de revenir l'emprunt qui a été jusqu'ici
Le capitaine Masiririsi.
XX. LE COUVENT DES URSULINES. [Suite.)
Cependant Lolotte avait perdu en quelques semaines
ses fraîches couleurs, ses forces juvénilesl'éclat de ses
yeux et de son sourire. On la voyait souvent travers la
grille du jardin parcourir la grève pas lents, la tête nue,
laissant le soleil darder en plein son front, laissant le vent
défaire ses longues tresses blondes parfois elle restait des
heures entières assise sur une pierre les bras passés au
tour de ses genouxla tête baissée et les yeux fixés sur
le cours du fleuve, dans un abattement et une mélancolie
extrêmes.
En voyant entrer cette jeune fille, Isaure, comme nous
venons de le dire, trembla la pensée de donner une ré
ponse qui allait décider de son sort. Ne se sentant pas la
force en ce moment de prendre une résolution si effrayante,
elle s'enfuit dans sa cellule pour se soustraire ce tour
ment.
Elle s'assit devant sa fenêtre; elle regarda l'horizon
lointain, vague comme un nuage, les eaux paisibles, l'air
limpide, les oiseaux fendant d'une ligne noire cet espace
azuré.
Le jour baissait c'était l'heure où Louis d'Alvimar lui
avait parlé pour la première fois de son amour; c'était
l'heure où, quand leurs rendez-vous nocturnes avaient
lieu, elle commençait l'attendre et sentir ces premiers
le mode usité de faire face h l'insuffisance des res
sources ordinaires.
Cependant si nous avons émis l'idée que la
Chambre eut dû se borner admettre la réforme
postale proposée par le ministère, nous ne pouvons
approuver le rejet de la taxe uniforme 'dix centi
mes par le Sénat. Nous croyons que le moment
n'est pas opportun pour notre Chambre haute de
faire de l'opposition et de créer un conflit entre les
deux assemblées délibérantes, dont le premier effet
sera de maintenir le tarif actuel avec ses défauts.
D'un autre côté, il fallait au commerce et l'indus
trie une compensation, puisqu'on leur avait imposé
le timbre sur lesefl'ets de commerceet sur les lettres
de voiture. Nous croyons doue que le Sénat s'est
laissé guider trop exclusivement par sa répugnance
créer de nouveaux impôts, et qu'il n'a rejeté celte
réforme que par crainte de devoir voter des lois de
finances qui lui inspirent une forte répulsion. Nous
devons l'avouer, il a été plus logique dans ses votes
que la Chambre qui, elle, dégrève toujours, quand
une occasion se présente, et s'inquiète assez peu de
la situation financière et de trouver le moyen de
combler le déficit, car elle semble cet égard faire
preuve d'une singulière sécurité.
j
Le soi-disant Yvrois revient avec son onction de
vipère, sur les faits que nous avons cités, l'occa
sion des calomnies auxquelles l'école communale
se trouve en butte. 11 se pose en victime, en homme
de bien injurié, enfin, il proleste deson honneur, de
sa délicatesse, de ses bonnes intentions. C'est juste,
c'est absolument le jésuite assassinant avec art son
homme et s'excusant de l'avoir abirné, quand l'in
trigue a atteint son but et que la voie se trouve dé
barrassée de l'obstacle. Ces scribes religieux ont tous
pourcachet indélébile une méchanceté infernale. Ils
calomnient, diffament, médisent, mentent effronté
ment et quand on rétorque leurs arguments, ils
poussent des cris de miséricorde et s'offrent en ho
locauste comme une innocente brebis dévouée au
sacrifice.
Nous apprenons de source plus ou moinscertaine
que les vicaires des quatre paroisses de la ville ont
fait parvenir l'administration communale, l'acte
d'abandon h l'indemnité de 1,600 francs, afin de
battements de cœur enivrants et douloureux qui précé
daient sa présence.
Oh! disait-elle, autrefois, quand je pensais lui,
ce n'était que le baron d'Alvimar, noble, séduisant mais
quand je le voyais, c'était lui! c'était un être sans nom si
rempli de prestiges si rayonnant de beautés indicibles,
que tout mon être se prosternait devant lui. Maintenant
quand j'y pensec'est un esprit funeste envoyé sur ma
route pour me perdre, c'est un objet de terreur autant
que d'amour; mais si je ne le revoyais, oh ce serait tou
jours lui! il me soumettrait d'un mot, d'un regard, son
invincible puissance et si je reste enfermée loin de lui
dans ce cloître, si j'ai la force de résister sa volonté,
c'est que je ne je reverrai jamais...
A peine avait-elle achevé cette réflexion, qu'elle sentit
passer une ombre sur sa paupière baissée elle vit deux
pas d'elle, au dehors de la fenêtre, un homme dont la
figure se dessinait sur la rougeur sombre de l'atmosphère.
Elle reconnut son amant.
Mandrin avait sauté sur le piédestal d'une croix plantée
sur la grève pour s'élever la hauteur de la celluleet
tenait son bras passé autour de la croix.
Isaure jeta un cri profond et s'élança vers lui mais la
pierre d'assise de la croisée lui heurta le seinet elle
retomba genoux en tendant les bras vers cette appari
tion adorée.
Ils restèrent ainsi quelques instants, tous deux immo-
fourtiir h la ville les moyens de remplacer la grue
du bassin. Nous approuvons fortement cette con
duite. C'est une preuve des idées de conciliation qui
animent MM. les vicaires, et cet acte est d'autant
plus méritoire qu'ils ont voulu contribuer don—
ner satisfaction aux commerçants et industriels,
leurs amis politiques qui ne rêvent que plaies et
bosses.
Mercredi dernier, nous avons eu spectacle et par
extraordinaire, la troupe était bien composée et a
bien joué. Il y avait quelque monde qui remplis
sait la salle, pas assez cependant pour que la tem-
pératurey eûtélé passable,car on y grelottaitdefroid.
Nous faisons des vœux pour voir se répéter cet
essai, car on nous a dit que ce n'était qu'une repré
sentation d'essai, dans le but de connaître les frais
auxquels le personnel de la troupe serait astreint
par suite du déplacement et du logement. Nous
avons appris qu'on a été satisfait de la recette faite,
et qu'on se propose de donner ici encore quel
ques représentations. Tant mieux, c'est un but de
réunion et un intermède qui doit rompre la mono
tonie des plaisirs qu'offre la société.
A l'occasion du prem ier avril, on a l'habitude per
fide d'envoyer quelquefois h la recherche d'objets
qui n'existent pas des personnes crédules qui ser
vent de plastron, 11 est inutile de faire des efforts
d'esprit pour inventer des choses dont la réalité est
introuvable, ou en trouve k foison. C'est ainsi qu'on
pourrait offrir une récompense honnête celui
qui découvrirait la bonne foi du Journal des
Haziles, les convictions politiques du Journal des
Caméléonsla tolérance du sieur S., l'intégrité du
sieur D., les chastes oreilles du sieur B., jeune néo-
phitc du catholicisme-politique, la modération du
sieur V.toutes vertus et qualités la découverte
desquelles la lanterne de Diogène pourrait être fort
utile.
Parmi les raretés aussi rares que le phénix, nous
devons mentionner Véloquence du sieur D., l'inspi
ration poétique du sieur S., le désintéressement du
sieur J. M., la modestie de certains ambitieux, les
capacités hors ligne et la spécialité du marchand
de cuirs, la philanthropie d'un individu dont le nom
évoque le souvenirdes pillages, tous aigles, du reste,
qui sont bien capables de faire tourner lesoleilàleur
gré.Onpourrailsi l'on voulait mystifier les gens, leur
demanderde chercher la quittancedes intérêtsd'une
rente, où se trouvait mentionné le payement du ca
pital, comme un moyen facile de payer ses dettes.
biles, et plongés dans une indéfinissable extase.
Mais la nuit n'était pas encore close, il y avait du monde
quelque distance sur les bords du Rhône: une minute
de plus dans cette situation pouvait les perdre ils le sen
tirent tous deux en même temps.
Mandrin jeta Isaure un papier roulé. Puis il demeura
l'œil ardemment fixé sur la petite ogive de la cellule.
La novice ouvrit le papier, et lut cette ligne la luqur
du crépuscule.
Cette nuit onze heures sur la grève.
La malheureuse enfant avait la raison entièrement
perdue elle était incapable de calculer les difficultés de
cette fuite; elle ne sentait que le besoin de s'unir son
amant par un mouvement tendre et sympathique elle
murmura oui, et baissa la tête en signe d'assentiment.
Mandrin disparut aussitôt.
A neuf heures, les portes du couvent se fermèrent;
les lumières de la communauté et celles qu'on voyait
briller aux fenêtres du petit village voisin présidèrent
la prière du soir; puis la clochette du coucher fit entendre
ses sons paisibles; les clartés s'éteignirent peu peu, et
tout tomba dans le sommeil.
A cette nuit, ce silence répandus sur tout le rivage,
ces indices du repos de la paix de l'âme, l'agitation, la
fièvre, toutes les ardeurs qui bouillonnaient dans le sein
d'Isaure, redoublèrent d'intensité. Elle était demeurée
dans cette situation d'âme passionuée et délirante que le