V 850. 9e Année
Jeudi, 28 Juin 1840
JOIRML D'YPRES ET DE L'ARROMUSSEUEVT.
Vires acquirit eundo.
L\TFKIKU1I.
Le neveu d'un Connétable.
ABONNEMENTS Ypres (franco), par trimestre, 3 francs 50 c. Provinces, 4 francs. Le Progrès paraît le Jeudi et le Dimanche. Tout ce qui concerne le journal doit
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YPRES, le «7 Juin.
CE OEE.YOES SOMMES ET CE QEE YOES ÊTES.
Nous ne cesserons <le le répéterle parti
politico-catholique entre de nouveau en lice;
au lieu de tenir compte de la modération dont
les libéraux ont fait preuve son égard, modé
ration souvent poussée jusqu'à la faiblesse par
le ministère actuel, il se pose en victime et ose
rejeter sur le parti libéral tous les excès qui
affligent d'autres pays et qui ne sont dûs pour
la plupart qu'à l'esprit de domination et d in
tolérance qui animent la caste cléricale.
Croirait-on que dans leurs journaux et dans
les proclamations qu'ils ont distribuées pro
fusion lors de notre dernière électionnos
adversaires aient osé avancer que les libéraux
belges, ceux qui ont sauvé le pays en 1848,
étaient des fauteurs d'anarchie, qui avaient
contribué chasser le S'-Père de Rome et qui,
comme disait un ex-très-haut fonctionnaire
dans une trop célèbre circulaire, travaillent
la destruction du trône et de l'autel.
C'est un des mille et un moyens auxquels nos
adversaires ont osé recourir pour assurer le
triomphe de leur candidat. il y a un an au
contraire ils protestaient de leur dévouement
l'opinion qui dirigeait les affaires, mais aujour
d'hui ils out cessé de trembler, et comme aux
plus beaux temps des ministères catholiques,
ils prétendent eux seuls représenter les prin
cipes d'ordre et de liberté; leurs adversaires
sont des anarchistes, qu'ils soient négociants ou
artistes, grands propriétaires ou artisans, du
moment où ils ne sont point les serviles créa
tures, les pieux esclaves du clergé, ce sont des
socialistes travaillant la ruine de l'ordre social.
De pareilles calomnies peuvent bien ébranler
pour un moment l'opinion publique, mais elles
ne pourront la détourner de la voie qui lui est
ouverte dans l'avenir: défendre notre constitu
tion et toutes les lois qui protègent l'organisa
tion politique et sociale de la Belgique, voilà la
tache que l'opinion libérale s'est imposée, et
c'est celle que nous saurons remplir avec le
I
II. jehanne d'ojst. [Suite.)
Il serait impossible d'exprimer avec quelle profonde
douleur, quel attendrissement communicatif, ces paroles
avaient été prononcées. Un tremblement de voix partagé
de larmes pénibles rendait encore plus touchante l'ex
pression des regretsqui s'exhalaient de la bouche de
Jehanne, comme une sensation qui s'impose celui qui
écoutecomme un serrement de cœur qu'on est obligé
de partager.
Après s'être un peu calmée, elle continua
Ma mère, ainsi que ces plantes grimpantes qui sui
vent la destinée du chêne, auquel elles s'enlacent, devait
le suivre. Quinze jours après, je vis ouvrir une autre
tombe qui m'enleva mon dernier espoirma dernière
affectionmon dernier soutien. Je restais seule sans
appui, sans aucun conseil; jugez, monseigneur, de ce
que je dus répandre de larmes pendant les longs mois
qui suivirent.
Ici, Jehanne s arrêta une seconde foiscomme si elle
voulait mettre un point séparatif, entre ce qu elle venait
de raconter et ce qui lui restait dire. Puis elle reprit,
en élevant ses yeux humides vers la Madone située en
face d'elle
J'en atteste la Vierge j'aurais voulu mourirafin
de faire cesser la solitude remplie de tristesse qui m'en
veloppait. Je vous l'ai dit, monseigneur, mes parents
même dévouement et avec la même énergie
que par le passé.
Pour le moment, nous retournons contre nos
adversaires toutes les calomnies qu'ils nous ont
jelté la face; qu'ils consultent l'histoire et ils
verront si c'est le parti libéral qui a fait scier
I infortuné Van Krieken, si c'est ce parti qui a
lâchement assassiné le malheureux Gaillard;
qu'ils regardent autour d'eux et ils verront
dans leurs rangs ceux qui, toutes les époques,
ont été les fauteurs de désordres, ceux enfiii qui
se sont associés aux dévastations et aux excès
qui ont marqué toutes les époques révolution
naires.
Ypres, le 26 juin 1849.
Monsieur le rédacteur,
L'élection du 19 Juin s'est faite dans des circonstances
si extraordinaires, qu'en présence des appréciations et des
raisonnements si divers qui se croisent en tous sens je
ne puis laisser de recourir la voie de votre honorable
journal, pour dire aussi mon petit mot, et, en vous priant
d'accueillir cette correspondance, je crois être l'organe
d'une fraction du libéralisme Yprois.
Une chose qui a frappé les hommes pensant et reflé
chissant par eux-mêmes et que la Progrès n'a peut-être
pas assez relevée, c'est l'inqualifiable et inouic impudence
qui, au grand jour et la face de cette classe d'électeurs
seuls dépositaires des luniièrcscl des privilèges de l'instruc
tion, a présidé la conduite de nos adversaires politiques.
A-t-on jamais vu pousser plus loin l'effronterie du men
songe, le délire des passions haineuses, vindicatives et
abjectes? Où trouver des abus aussi scandaleux des li
bertés de la presse, moins de rappeler les orgies diffa
matoires, produites récemment sur d'autres théâtres, mais
au sein des populations ignorantes et abruptes et trop
longtemps rejetées du sein de la civilisation? L'étranger
pourrait-il croire qu'aux dernières élections d'Ypres, le
charlatanisme s'est joué du bon sens public, au point
d'imputer l'opinion libérale, propos de notre chemin
de fer et de notre garnison, ce qui non-seulement au vu
et au su de tout le monde, mais d'après les propres aveux
du Journal des Baziles, n'a été qu'une lâche et basse
vengeance contre cette même opinion libérale, et ce qui
peut-être n'a pas été étranger aux triomphes successifs de
notre parti; que dis-je! ce qui a réellement tranché les
étaient pauvres ils ne me laissèrent rien. La maison que
j'occupais était contiguë un hôtel qui, par son élégance,
faisait avec elle un contraste étrange, choquant.L'hôtel
de Clisson interrompit Archambaud. Tous les jours
poursuivit Jehanneune main mystérieuse s'ingéniait
égayer ma demeure c'étaient chaque fois de nouveaux
présens, faits avec une délicatesse qui empêchait le refus.
Quoique m'étant lentement accoutumée considérer ces
bienfaits comme chose due, un matin, pourtant, que je
me levai plus triste que de coutume, je résolus d'éclaircir,
tout prix, ce secret.
Depuis un instant, Rapide agitait sa queue qui fouettait
l'air en sifflant. Aux grognements qu'il avait jusqu'alors
fait entendre, succéda un petit cri moitié plaintif, moitié
joyeux: ses oreilles se dressèrent comme celles d'un fin
limier l'affût.
Enfin, après un dernier jappement, il courut par bonds
joyeux vers la portière de la tapisseriequ'il traversa
avec précipitation.
Cette petite scène était passée inapperçue. Jehanne
trop fortement émotionnée, le comte Archambaud lui-
même trop attentif, n'avaient nullement remarqué la
disparition du levrier.
Afin que le lecteur comprenne le motif qui avait fait
ainsi rapidement passer l'intelligent animal du mécon
tentement la joie, nous avons besoin de jeter un regard
rétrospectif.
Ou se souvient que la nuit précédente, le comte Hugues
deux partis ici et a fait passer dans notre camp ce qui
restait parmi les électeurs d'hommes irrésolus et peu con
vaincus? Conçoit-on le cas d'un fripon criant au voleur et
demandant justice, et les mots ridicule et stupide peuvent-
ils rendre ce que l'esprit éprouve la vue d'aussi inqua-
lifiablescontradictions? Que dire encore de l'imperturbable
sang-froid avec lequel ils ont fait avaler leurs badauds
l'épouvantail des 18,000 fr. du collège de la ville après
qu'on les a déjà cent fois convaincus d'imposture, et
qu'on leur a tant de fois cité le budget de la ville, où les
dépenses du collège communal figurent pour une somme
de 11,000 fr. Il est regretterMonsieur le rédacteur
que les trop nombreuses préoccupations de la polémique
et l'apparition inattendue d« ce candidat curieux plus
d'un titre, en opposition un homme blanchi dans les
affairesne vous aient permis de signaler la vindicte
publique, ces manœuvres pour lesquelles on ne trouve des
noms dans aucune langue et qui du reste ne se sont produi
tes qu'aux derniers moments.
Si l'opinion libérale a vu déchaîner contre elle tout ce
que la passion a de plus effréné et la méchanceté de plus
noir et de plus odieux, a-t-elle eu moins subir les dépré
dations et atteintes infligées aux lois de la logique Il y a
vraiment de curieux rapprochements faire. Le même
journal qui, au 12 août dernier n° 16 (variété politique
et littéraire), disait que la machine, (la Constitution
est mauvaise, les institutions ne répondant pas au but
on échouera toujours dans les tentatives faire le bien
du peuple, etc., entonne aujourd'hui en chœur avec l'heu
reux candidat de son choix, des chants remplis des pro
testations de son dévouement inaltérable pour la consti
tution-modèle, sauvegarde de l'ordre et de la liberté. La
même feuille qui en parlant de l'élimination de l'ex-minis-
tre des finances, criait ces derniers jours l'ingratitude,
l'abomination, oublie que dans ses n0' 5, 6, 7 et du 27 Mai
au 17 Juin, quand il s'agissait de discuter les mérites des
candidats proposés pour la Chambreelle n'a contenu la
moindre réclame en faveur de l'homme tant prôné au
jourd'hui, et que même son nom n'a pas figuré dans ses
colonnes. Bien plus, qui ne se rappelle les vives protes
tationsles cris la calomnie, l'injure qui un jour,
une séance de l'Association libérale accueillirent les allé
gations d'un membre qui était venu dévoiler leurs mysté
rieuses et perfides menées? Quel estime peut avoir M.
Malou pour des hommes qui, chauds défenseurs aujour
d'hui de son nom et de sa personne, repoussaient, il y a
de Clisson, en quittant la réunion de la rue de la Ferron
nerie s'était rendu la petite maison faisant face au
Louvre. Il avait prié la duègne d'annoncer Jehanne
qu'il partait pour une partie de chasse, et ne reviendrait
que le surlendemain.
Tout cela, ainsi qu'on a pu le prévoir, n'était qu'un
prétexte; il voulait seulement, la faveur de son absence
supposée, vérifier l'assertion d'Archambaud.
Ce qu'il redoutait, n'avait pas manqué d'arriver.
Placé dans une chambre voisine, par lui provisoirement
louée, il avait pu retranché derrière la persienne, sur
veiller ce qui se passait chez Jehanne. Or, il avait vu
entrer Archambaud et sans savoir encore ce qu'il ferait,
il était entré lui-même sa suite, environ un quart
d'heure aprèsse servantpour ne pas donner l'éveil
d'une clé qu'il portait toujours dans son aumonière.
Lorsque nous avons vu Rapide quitter l'oratoire et
s'élancer au dehorsc'est qu'avec son odorat subtilil
avait flairé son maître qu'il avait l'habitude d'aller rece
voir en gambadant.
Clisson en voyant accourir le levrier, eût peur qu'il
ne le trahit aussi comraença-t-il par l'enfermer dans une
pièce du second étage.
Une fois cette précaution prise, il vint se placer im
mobile, derrière la portière qui masquait l'entrée de
1 oratoire où étaient actuellement réunis Archambaud et
Jehanne.
Qui dira jamais ce qui se passa en luiquand après