JOITÎYVL D'APRES ET DE L'ARRONDISSEMENT. gK;l::...limk
IV0 883. 9( Année. ï>finanehe, SI Oetohre 1840.
ABONNEMENTS Ypres (franco), par trimestre, 3 francs 50 c. Provinces,4 francs. I Le Progrès parait le Jeudi et le Dimanche. Tout ce qui concerne le journal doit
INSERTIONS Annonces, la ligne 15 centimes. Réclames, la ligne 30 centimes. être adressé l'éditeur, Marché au Beurre. On ne reçoit que les lettres affranchies.
lAlÉUlEUî.
YPRES, le 20 Octobre.
I.e 17 Oclubre.
Monsieur l'éditeur,
Eut-on pu croire que dix-neuf ans après la révolution
de 1830, dix-huit mois après celle de Février, en plein
milieu du dix-neuvième siècle, le trop fumeux ordre des
Jésuites trouverait, dans un journal de cette ville, un dé
fenseur aussi chaleureux qu'imprudent!
Nier les faits, tronquer l'histoire, comme le R. P.
Loriquct, dénaturer la vérité, tels sont les moyens que
les Jésuites emploient pour cacher la postérité les faits
et les doctrines qu'ils ont intérêt h tenir ignorés. Leurs
défenseurs suivent la même voie, quand on dit que leurs
doctrinessont funestes et subversives; quand on le prouve
l'évidence, ils s'écrient avec indignation: vous êtes un
infâme, un calomniateur vous ne prouvez rien
Depuis quarante ans, j'étudie la marche tortueuse des
Jésuites, les livres écrits par leurs auteurs célèbres, et j'ai
de plus en plus la conviction que. les doctrines de cet
ordre sont subversives. Puisqu'on veut des preuves, j'en
donnerai; elles seront puisées dans les ouvrages mêmes
des plus fameux Jésuites.
Aux yeux de tous les hommes, de tous les peuples, de
tous les temps, l'assassinat du chef de l'état a été consi
déré comme un crime incontestable. Voici comment le
R. P. Jean Mariana, de la Compagnie de Jésus, duns son
ouvrage, sur le Roi et l'institution du Roirend compte
du meurtre de Henri III
Jacques Clément, dominicain, né Sorbonne, petit
village de l'Aulunois, étudiait la théologie dans un col-
lége de son ordre, lorsqu'instruit par les théologiens
auxquels il s'était adressé, qu'il est permis de tuer un
tyran, il blessa profondément Henri m dans le bas
j> ventre avec un couteau empoisonné qu'il tenait caché
dans sa main. Coup de hardiesse éclatant Action nié-
n moruhle! Insigne m animi con/identiam, f'actum tne-
morabile!
Frappés d'un événement si extraordinaire, les cour-
tisons se jettent sur Clément, le renversent et ussou-
vissent sur son corps mourant leur fureur et leur
n cruauté. Lui cependantgardait le silence, joyeux comme
il paraissait son visage, de ce que par là il évitait de
plus grands supplices qu'il avait appréhendés. Il se fé-
licitait en même temps au milieu des coups et des bles-
sures, d'avoir par son sang procuré sa patrie et sa
nation le recouvrement de sa liberté. Le massacre du
Roi lui fit une grande réputation (cœso rege ingens sibi
n nomen fecit. C'est ainsi que périt Clément, l'âge de
24 ansjeune homme d'un caractère simple et d'une
n complexion assez faible, mais une vertu plus grande
a soutenait son courage et ses forces (sed major vis vires
et animum confirmabat.)
Yambo.
VII. (Suite.)
D. Gaspar, qui d'abord avait eu quelque peine se
mettre sur son séantélectrisé tout coup par la parole
ardente et le geste éloquent de D. Bartolomédescendit
du lit, se plaça en face du crucifix qui surmontait le prie-
dieu, et, la main étendue vers l'image du Sauveur:
Je jure mon père, dit-il d'un ton solennel, de ne
point songer retourner dans ma patrietant que les
noirs de Nauny n'auront pas conquis et assuré leur indé
pendance; et je prends devant Dieu l'engagement de me
vouer dès ce jour, corps et âme, au succès de la noble
cause que vous avez embrassée.
Au moment où D. Gaspar prononçait ces paroles que
le prêtre recueillait avec transport, une sourde rumeur
commençait au dehors et dans le lointain bientôt le
bruit se rapprocha en grandissant puis il se fit un mou
vement extraordinaire dans la rue même où demeurait
D. Bartolomé, enfin l'on entendit une explosion de cris
frénétiques poussés par des milliers de voix retentissantes.
Le vieillard et le jeune homme se regardaient avec
étonnement lorsque, la porte s'élaut ouverte, un nègre
•t présenta devant eux:
Est-il possible de faire une plus brillante apologie du
régicide?
Plus loin le même R. P. conclut ainsi, après avoir
produit de nombreux arguments:
Ainsi la question du fait est controversée, savoir
quel est le prince qu'on doit considérer comme un ly-
ran, mais la question du droit savoir ou'il est permis
de tuer un tyran ne souffre aucune difficulté.
Plusieurs théologiens de l'ordre ont examiné la ques
tion de fait, savoir quel prince doit être considéré com
me un tyran, et l'un d'eux, leR. P. JcandcLugo, (Dispu-
lationes scltolusticœ et morales) a écrit: «Tout prince qui
s'oppose aux prédicateurs est un tyran: donc il est
permis de le tuer d'après cette doctrine.
Après avoir discuté la question de droit et de fait, le
R. P. Mariana, dans l'ouvrage déjà cité, examine la
question d'exécution
On est cependant en peine, dit-il, de savoir s'il est
permis d'employer le poison pour faire périr un en-
n nemi public et un tyrancar on doit porter le même
n jugement de l'un et de l'autre. Nous croyons que nos
mœurs n'admettent pas l'usage fort commun autrefois
dans Athènes et dans Rome de faire périr par le poi-
n son, les coupables convaincus de crimes atroces. C'est,
qu'en effet, on a considéré comme un acte de cruauté
opposée la doctrine chrétienne, de forcer un homme
quelque couvert qu'il fût cWcriincs, de s'enfoncer lui-
même un poignard dans le sein ou prendre des ali-
mcnls soit uu breuvage mortel car il en est de l'un de
ces expédients comme de l'autre, et tous les deux
répugnent également aux lois de l'humanité et aux
droits de la nature qui défend tout homme d'attenter
sa propre vie Nous nions donc qu'il soit permis de
faire périr par le poison, l'ennemi dont nous avons
accordé qu'il était permis de se défaire par l'artifice et
la surprise. Voici néanmoins un tempérament dont il
ii est permis d'user en cette matière C'est de ne pas con-
traindre celui qu'on veut mettre mort de prendre
lui-même un poison qui le fasse périr, mais de le faire
donner extérieurement par un autre, de manière que
celui qui doit en périr n'y influe en rien ce qui arrive
lorsque la force du poison est si grande qu'il suffit d'en
n frotter le siège ou les habits pour occasionner la mort.
(Extrait de l'ouvrage de Jean Mariana, delà Société de
Jésus, sur le Roi et l'institution du Roi, avec permission
d'Etienne Hojedavisiteur dans la province de Tolède,
qui en avait reçu le pouvoir spécial de Claude Acquaviva,
général, après l'approbation lui donnée par des hom
mes savants et respectables de son même ordre (livre lr,
ch. 6.)
Ces citations sont suffisantes pour prouver que les
doctrines des Jésuites sont subversives de la société. H
me sera facile de démontrer dans d'autres lettres, et tou
jours par des citations, que s'il en est ainsi en matière de
Yambo s'écria D. Bartolomé.
Gaspar fit le nègre non moins surpris, la vue de
l'Espagnol.
Embrasse-moimon fils, dit le prêtre en ouvrant
ses bras Yambo qui s'y précipita avec effusion; il y a
longtemps que tu nous as quittés! Bien des fugitifs sont
venus, depuis ton départ, nous demander uu asile, en
nous annonçant ton prochain retour; mais les jours et
les mois s'écoulaient, et je commençais désespérer.
La tâche que je m'étais imposée, mon père, était
difficile et longue; il nous fallait des combattants, des
munitions, des armes; pour obtenir tout cela, je me suis
présenté au fouet impitoyable des blancs, et j'ai repris la
livrée de l'esclavage dont j'avais su ra'affranchir. Mais les
planteurs sont soupçonneux et vigilants une surveillance
active rend les communications difficiles et dangereuses
entre les noirs d'une même plantation elles sont presque
impossibles entre les noirs de plantations différentes; la
nuit seule m'offrait quelques instants pour agir. Ce qu'il
m'a fallu déployer d'adresse, imaginer de ruses, vous ne
sauriez vous le figurer. Encore si j'avais trouvé chez tous
nos frères, de la confiance, de l'énergie, de la résolution
Mais il ne suffit pas au blanc de tuer le corps du pauvre
nègreil faut aussi son âme J'en ai vu que l'esclavage
régicide, il n'e'n est pas autrement pour ce qui est de
leurs doctrines en matière d'obéissance due aux lois par
les clercs ou ecclésiastiques, ainsi qu'en matière de simo
nie, de parjure, de vol, de compensation occulte, d'ho
micide, de faux témoignage, de prévarication déjugés,
d'impudiciléde mariage, etc. Toutefois je dois vous
prévenir que pour les deux dernières matières et surtout
si je cite le R. P. Sanehcz, il me sera impossible de tra
duire; je me bornerai vous envoyer le texte même.
Mais si les citations des ouvrages mêmes n'étaient pas
faites, pour être publiées, convaincu que les principes
des Jésuites sont dangereux, ne suffirait-il pas de lire les
œuvres de Biaise Pascal, savant distingué et catholique
fervent? ne suffirait-il pas de considérer que les Jésuites
ont toujours fini par être chasses de tous les pays où ils se
sont établis? Ils furent chassés de la France en 1595,
pararrêt du parlement comme corrupteurs de la jeunesse,
perturbateurs du repos public, ennemis du Roi et de l'Etat,
et plus tard par les Rois très-chrétiens Louis XV et
Charles III, de pieuse mémoire ils furent chassés de la
Belgique par Marie-Thérèse, dont le souvenir est encore
vénéré. Le pape Clément XIV qui mourut de consomp
tion, en 1774, donna le 21 Juillet précédent un bref qui
supprima jamais la Compagnie de Jésus, etc. Je pour
rais citer encore de nombreuses suppressions, mais je
finis en posant mes adversaires, propos du bref de
Clément XIV, ce dilemme Ou bien le souverain pontife,
en supprimant l'ordre des Jésuites, n'a pas failli ou il a
failli. S'il n'a pas failli, pourquoi cet ordre existe-t-il en
core dans les pays catholiques Si vous soutenez qu'il a
failli, que pensez-vous sur l'infaillibilité du pape?
Agréez, etc.
Un de nos abonnés nous demande l'insertion de
la note suivante
L'oeuvre de la Confrérie de la Miséricorde, établie
en cette ville, mérite une attention particulière de
la part des personnes riches ou de la classe bour
geoise qui n'y sont pas encore inscrites.
Les ressources dont l'association dispose sont em
ployées procurer le cercueil et une inhumation
honnête l'indigent décédé, comme aussi k secourir
les pauvres honteux privés d'autre assistance. Elle
embrasse aussi les morts et les vivants dans son
ét reiute compatissante, et rapproche les classes les
plus diverses de la société, par les liens fraternels
et chrétiens des actes d'humanité. On se rappelle
qu'en 1882, lorsque le choléra exerçait ses ravages,
ce sont les membres de cette confrérie qui ont
coopéré avec le plus de dévouement l'inhumation
des malheureux qui avaient succombé cette ma
ladie.
avait tellement abrutis qu'ils me regardaient stupidement
et ne me comprenaient pasquand je leur parlais de li
berté. D'autres étaient timorés et méfiants ils voyaient
un piège dans chacune de mes propositions; ils me me
naçaient de me dénoncer aux maîtres. Enfin, force de
persévérance, j'ai triomphé de tous les obstacles cinq
cents noirs bien armés m'ont suivi et ils sont pleins
d'ardeur et de confiance, car deux fois déjà, depuis qu'ils
sont dans les montagnes, ils ont battu les troupes de nos
ennemis. Si la trahison n'a point déjoué nos plans, mille
esclaves de la paroisse Sainte-Catherine ont quitté leurs
plantations dans la nuit d'avant-hier et nous les recevrons
aujourd'hui Nauny. Il nous en viendra encore de Sainte-
Anne, de Sainte-Marie, de Sainte-Dorothéede Saint-
Thomas; tous apporteront des fusils, des mousquets, des
piques, de la poudre il ne nous manquera plus que deux
choses qui font la supériorité des Anglais: la discipline
et un chef.
A ambo, en parlant ainsi, jeta sur D. Gaspar un regard
significatif.
Soit donc satisfait, mon fils, dit le prêtre, le Ciel
a répondu d avance ton vœu; ce chef que tu demandes,
le voici.
D. Bartolomé désigna de la main son jeune compatriote.