J0U1YIL D'ÏPRES ET DE I/ARROXDISSEHEYT.
Vires acquiiit eundo.
N° *88. 8e Année.
Jemli, 8 Novembre 184g.
ABONNEMENTS: Ypres (franco), par trimestre, 3 francs 50c. Provinces,4francs.
INSERTIONS: Annonces, la ligne 15 centimes. Réclames, la ligne: 30 centimes.
Le Progrès parait le Jeudi et le Dimanche. Tout ce qui concerne le journal doit
être adressé l'éditeur, Marché au Beurre. On ne reçoit que les lettres affranchies.
lATÉfit 1ELES.
ETRES, le Novembre.
Nous donnons plus loin un compte-rendu
assezdétaillé de la distribution des récompenses
aux exposons de l'exhibition de produits indus
triels qui a eu lieu Gand. Celte exposition a
prouvé combien toutes les allégations de la
presse cléricale,concernant la misère des Flan
dres, sont exagérées. Certes, nous ne voulons
pas dire que la prospérité de l'ancienne indus
trie linière soit revenue, un pareil retour est
impossible et cesl en berçant les tisserands de
cet espoir, que l'opinion cléricale a précipité les
Flandres dans un abîme de misère.
Mais le gouvernement, en indiquant comme
remède de diversifier les produits fabriqués, en
encourageant l'introduction du tissage de nou
velles étoffes inconnues de nos ouvriers, en
améliorant les conditions de l'ancien mode de
fabrication des toiles, a favorablement mo
difié la condition des populations ouvrières des
districts liniers de la Flandre. C est une justice
que le jury de l'exposition de Gand lui a rendue
par l'organe de son président, M Delhougne, et
elle est bien méritée.
Le ministère libéral est entré dans la véritable
voie pour arriver la régénération de nos po
pulations industrielles induites en erreur par
des promesses fallacieuses. Aujourd'hui seule
ment on commence comprendre que l'émi
gration, tout en étant nn moyen très-coûteux,
n'eût produit .d'autre effet que d'appauvrir le
pays, car une population considérable est aussi
une richesse. Le problème résoudre pour les
gouvernants, cest de la répartir d'après les
meilleures indications de la science économique,
de la distribuer entre les ateliers de production
de la manière la plus rationnelle et non pas de
la faire émigrer. Il n'y a jamais trop de popu
lation, mais il s'agit de créer les moyens de
l'occuper.
Le ministère a compris que c'était le travail
et l'introduction d'autres industries pour rem
placer l'industrie linière, qu'il fallait encou
rager, si l'on voulait améliorer le sort des
Flandres, et il récolte aujourd'hui la récom
pense de ses efforts car malgré les mensonges
propagés par la presse catholique, l'opinion
publique est convaincue que l'administration
libérale a véritablement tracé une limite l'en
vahissement des provinces flamandes par le
paupérisme.
Exposition industrielle et agricole
des Flandres.
Distribution des prix décernés par les jurys aux exposons.
Hier a été faite Gand, avec une grande solennité, en
présence des ministres, des gouverneurs des Flandres
des fonctionnaires civils et militaires, la remise des mé
dailles décernées aux exposans industriels et agricoles, et
des décorations accordées aux travailleurs et aux ouvrières
de toutes les professions qui se sont distingués par leur
habilité et leur bonne conduite.
La salle des Pas-perdus du palais de justice, immense
vaisseau où plusieurs milliers de personnes peuvent trou
ver place, avait été choisie pour la cérémonie. Les places
y étaient divisées ainsi: au fond, une estrade élevée de
quelques marches, destinée aux ministres, aux fonction
naires au cortège officiel et quelques élus plus bas
deux enceintes réservées, laissant entr'eiles un espace
vide, pour les personnes qui avaient recevoir des mé
dailles ou des décorations une troisième division, la plus
étendue, disposée pour recevoir les exposants, enfin, der
rière celle-ci, l'autre extrémité de la salle, une dernière
catégorie de places abandonnées au public qui remplissait
également les galeries du pourtour. Un orchestre, formé
par la musique d'un des régimens de la garnison occu
pait un côté des galeries.
L'estrade était ornée de tapisseries anciennes, surmon
tées d'une grande composition allégorique représentant
la Belgique récompensant l'industrie et l'agriculture des
Flandres. Les armes des provinces du royaume entou
raient ce tableau. Celles de la Belgique couronnaient cet
ensemble, et étaient elles-mêmes placées au milieu d'un
grand nombre de drapeaux contournant l'hémicycle de
la voûte.
Les portes delà salle furent ouvertes dix heures, bien
que la cérémonie ne dût commencer que beaucoup plus
tard, mais cette précaution était prudente, comme l'a bien
prouvé la foule énorme qui se pressait dans l'enceinte. A
onze heures et demie la musique saluait l'entrée dans la
salle de MM. les ministres de l'intérieur et des travaux
publics, de M. De Jaegber, le gouverneur de la Flandre
orientale de M. le baron De Vrièrc gouverneur de la
Ynnilio.
[Suite et fin.)
X.
Une goélette espagnole, fendant avec légèreté la sur
face unie d'une mer calme et silencieuse, entrait, vers le
milieu de la nuit, dans une petite baie, quelque dis
tance de l'embouchure de la Rivière-Noire. Sur le rivage
était un groupe d'hommes ayant tous le regard tourné du
côté de la goélette ils ne poussèrent pas un seul cri, mais
on eût aisément reconnu leur attitude, leurs gestes,
l'empressement qu'ils mettaient se rapprocher du
bord, qu'ils avaient attendu avec impatience et qu'ils ac
cueillaient avec joie l'arrivée du petit bâtiment. C'étaient
les cinquante espagnols que D. Gaspar avait proposé
Mary de rejoindre, après l'incendie de. la plantation de
Stevens. Leur projet d'évasion, favorisé par les troubles
survenus dans l'île, n'avait rencontré aucun obstacle. Ils
étaient tous réunis l'heure dite et l'endroit désigné.
La goëlçtte sur laquelle ils devaient s'embarquer n'avait
pas mis moins d'exactitude se trouver au rendez-vous.
Un canot vint les chercher pour les conduire bord du
navire; ce fut l'affaire de cinq voyages. Au moment où le
dernier allait s'effectuer quatre nouveaux personnages
accouraient sur la grève; ceux-ci, après une courte ex
plication avec les Espagnols, se firent de touchants adieux
et s'embrassèrent; puis deux d'entr'eux, un jeune homme
Flandre occidentale, de MM. Delehaye et Delboungne,
présidents des jurys industriel et agricole, de M. le bourg
mestre de Gand et des diverses commissions de l'expo
sition.
M. le ministre de l'intérieur ouvrit la séance par un
discours dans lequel il félicitait les Flandres de leurs
efforts et des résultats qui en avaient été la suite; il ter
minait en constatant que ces provinces étaient entrées
dans une voie nouvelle, réparatrice et féconde, et en ex
primant l'espoir que l'avenir viendrait justifier toutes les
espérances que faisait concevoir la dernière exposition.
Après M. le ministre, M. Delboungne prit la parole, et
dans un discours éloquemment prononcé qui fut vive
ment applaudi et qui méritait de l'être, il donna de justes
louanges aux industriels qui avaient concouru l'expo
sition, témoigna des regrets du jury qui loin de pouvoir
récompenser tous les mérites individuels, ne pouvait même
citer toutes les industries dignes d'une honorable men
tion, et conclut en développant brillamment le tableau
de l'industrie flamande et de ses ressources. M. Delehaye,
ensuite, s'étendit sur l'agriculture, son état actuelson
avenir, et, comme M. Delboungne, passa une sorte de
revue de ses produits. Malheureusement on ne put en
tendre que quelques mots de son discours.
Alors vint la proclamation des récompenses et la re
mise des médailles industrielles. Nous donnons plus loin
la liste des fabricants de la Flandre occidentale qui en
ont obtenu. Après cette distribution des médailles d'or et
de vermeil seulement, car la remise de toutes les récom
penses eût prolongé jusqu'au lendemain une cérémonie
déjà bien longue, les travailleurs industriels furent ap
pelés recevoir la décoration spécialement créée pour
récompenser leur mérite. Cette partie de la cérémonie
fut de beaucoup la plus intéressante surtout la remise
des médailles aux ouvrières les plus vertueuses et les plus
habiles, qu'on applaudit avec enthousiasme.
Pour varier la monotonie du programme, des mor
ceaux d'harmonie étaient exécutés la suite de chacune
de ses divisions, ainsi qu'après chaque discours; néan.
moins, mesure que s'avançait la cérémonie, les rangs
s'éclaireissaient par le départ de ceux qui avaient reçu
leur récompense et des personnes qui les accompagnaient.
Si bien que lorsqu'on en vint l'agriculture il ne restait
guère dans la salle que les intéressés. La distribution des
médailles agricoles, qui signala l'admiration publique
les noms de Alex, et Jean Verschaffelt, de J. Vanhoutte,
de De Saeghcrdu chevalier Heindrickxdes vicomtes
et une jeune femme prirent place dans le canot; les deux
autres, un vieillard et un nègre demeurèrent sur la rive,
suivirent des yeux, durant quelques minutes, la course
rapide de la goélette, et s'éloignèrent en soupirant, aus
sitôt qu'ils l'eurent perdue de vue.
Pour satisfaire la curiosité du lecteur qui aime d'ordi
naire suivre les héros d'une histoire, au delà des bornes
du rôle qu'ils sont appelés y jouernous dirons dès
présent que D. Gaspar et Mary, après une heureuse tra
versée, abordèrent l'île de Cuba, qu'ils y furent tendre
ment accueillis parleur famille, que D. Gaspar, rentré
dans la carrière militaire, y fit une brillante fortune et
que, vingt ans après les événements que nous avons ra
contés, le roi d'Espagne, Philippe V le récompensait de
ses services en le nommant gouverneur de Porto-Rico.
Après le départ de leurs amis, Yambo et D. Bartolomé
regagnèrent les montagnes en suivant le bord de la Ri
vière-Noire le bon vieux prêtre pleurait
Us sont heureux murinurait-il d'une voix profondé
ment émue; ils vont revoir leur patrie
Tu regrettes de ne point partager leur sort, dit
Yambo; pourquoi, mon père, as-tu refusé de les accom
pagner?
- Et qui veillerait sur mes enfants si je les abandon
nais? qui les maintiendrait dans la foi que je leur ai
révélée? qui serait leur conseil, leur ami, leur consola
teur? qui donnerait la lumière ceux qui n'ont pas en.
core été éclairés? Dieu m'a imposé, mon fils une tâche
qui ne doit finir qu'avec ma vie j'ai transformé des cœurs
d'esclaves en cœurs d'hommes libreset maintenant
ces hommes libres, je dois prêcher l'union, la fraternité
l'amour de l'ordre et de la paix, afin d'empêcher qu'un
jour ils ne redeviennent esclaves. Non, Yambo, je ne re
grette point de n'avoir pas suivi D. Gaspar; mais je pense
qu'il a été bien prompt s'éloigner du vieil ami de son
père, et je voudrais en vain te le cacher, c'est cette pensée
qui m'afflige.
Garde-toi de l'accuser, répliqua vivement Yambo
cette séparation ne pouvait être retardée même d'un jour'
et c'est moi qui l'ai exigée.
Toi, mon fils! cl pourquoi?
D. Gaspar lui-même l'ignore; voici ce que je lui ai
dit: les nègres ont obtenu justice; ton bras et tes conseils
ne leur sont plus nécessaires c'est cette nuit que cin
quante de tes compatriotes doivent partir pour Cuba il
faut que tu les accompagnes, car une pareille occasion
ne se représentera peut-être pas de longtemps, et, si tu
restes, les Anglais pourront contester, au sujet d'un en
gagé espagnol, un traité qui ne concerne que des esclaves
noirs... Si je lui ai parlé autrement, mon père, si je lui
avais fait connaître le véritable motif de mes instances,
n'en doutez pas, noble et brave comme il est, il serait
encore ici.
- Yambo, tes paroles mystérieuses m'inquiètent quel