JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
î¥a 809. 9* Année.
Dimanche, 19 Décembre 1849.
Vires acquirit eundo.
INTÉRIEUR.
Ferdoussl, poète persan.
ABONNEMENTS Ypbes (franco), par trimestre, 3 francs 50 c. Provinces,4 francs. 1 Le Pbogrès paraît le Jeudi et le Dimanche.
INSERTIONS Annonces, la ligne 15 centimes. Réclames, la ligne 30 centimes. être adressé 1 éditeur, Marché au Beurre.
Tout ce qui concerne le journal doit
On ne reçoit que les lettres affranchies*
YPRES, le 15 Décembre.
La section centrale qui a été chargée d'exa
miner le budget de la guerre, en a fait courte
besogne, mais nous ne savons encore si elle en
a fait de bonne. Sans hésiter, elle a décidé
qu'elle ne discuterait pas les articles du budget
présenté par le ministre et s'est arrêtéeà soumettre
la Chambre quelques questions de principes.
Par quatre voix contre deux et une abstention,
elle a cru qu il y avait nécessité de procéder la
révision de la loi sur l'organisation de l'armée.
En second lieu elle a été d'avis de mettre les
officiers qui, par suite de la réorganisation, ne
seraient pas conservés dans les cadres, la suite
des régiments avec solde entière; en dernier
lieu, d'accorder au ministre de la guerre des
crédits provisoires pour trois mois.
Le résultat des travaux de la section cen
trale ne nous semble pas brillant. Si l'on veut
de fortes économies, on a eu raison de s'atta
quer la loi sur l'organisation de l'armée. C'est
par là qu'on doit commencer, mais la seconde
question de principe nous semble devoir an-
nuller toutes les économies qu'on tient faire
sans trop réfléchir aux conséquences. Cette
mesure éteindrait pour des années tout esprit
d'émulation dàns l'armée et on lui enlèverait
pour longtemps ce que l'on pourrait appeler,
tout ressort. En effet, il n'y aurait plus d'avan
cement, car mesure qu'une place serait va
cante, elle serait donnée un officier la suite
des régiments, jusqu'à ce que tous soient défi
nitivement placés.
En somme, où serait le bénéfice? Serait-ce dans
la désorganisation des forces publiques de la Bel
gique, sans compensation, cap il n'y aurait
qu'une mince diminution sur le total du bud
get de la guerre, si l'on admet la proposition
de la section centrale. Nous persistons croire
que dans toutes ces manifestations de lésinerie
l'endroit de l'armée, il n'y a rien de sérieux.
L'opinion publique qu'on veut émouvoir par
cette question, nous semble assez revêche
comprendre l'inutilité de l'armée, tandis qu'il
n'y a pas deux ans, il semblait que sans elle
Le Chdh-JYameh est l'histoire en vers des rois de
Perse, depuis les temps héroïques jusqu'à la conquête
par les Arabes, sous Iezdegerd, le dernier roi de la race
Sassanicnnc. Ce souverain, voulant donner son règne le
plus durable éclat, fit pour la partie de l'orient qu'il gou
vernait ce qu'avait entrepris Charlemagne, la même
époque peu près, pour son empire d'occident. Iezdegerd
réussit avec de grandes peines réunir en un corps les
chroniques, les histoires, les traditions éparses dans les
souvenirs de ses sujets; c'est ce qu'Eginhard et d'autres
savans hommes du temps de Charlemagne avaient, ce
qu'il paraît, fait pour les nations frankes. Ce précieux re
cueil n'est pas arrivé jusqu'à nous. Iezdegerd a été plus
heureux que Charlemagne, et pourtant le Bastan-Nameh,
le livre d'aiilrefois, eût dû périr, dans les épouvantables
convulsions qui remuèrent la Perse comme un tremble
ment de terre.
Ce fut en l'an de notre ère 636 que l'inondation de
l'Islamisme naissant couvrit la Perse, emportant dans
son cours le trône resplendissant du dernier des Khosrou.
Les fanatiques musulmans détruisirent les hommes et les
choses les languesles livresles corpset pour ainsi
dire les âmes. Dans ce grand saccagement, tout était
l'existence de la Belgique allait s'abîmer dans
la démagogie et le socialisme.
Alors on la choyait; aujourd'hui qu'un hori
zon politique plus calme semble revenu, quel
ques personnes dont nous ne suspectons pas
les intentions, mais que nous persistons croire
inspirées par des individus qui veulent autre
chose que ce qui existe, sous prétexte d'éco
nomies, ont entrepris une campagne contre le
budget de la guerre. Comme on paraît vouloir
modifier la loi sur l'organisation de l'armée,
on s'apercevra bientôt, si la Chambre adopte les
idées de la section centrale, que cette question
est loin d'être si simple que quelques-uns sem
blent la proclamer. Elle touche par tous les
points aux intérêts les plus vitaux de la Belgi
que, son indépendance comme nation et la
défense de son territoire.
Si nous en croyons nos pressentiments, cette
levée de boucliers nous parait avoir avortée. Il
est impossible, en. efFet, que la sagesse de la
Chambre ne la préserve pas de faire du provi
soire dans les circonstances actuelles, surtout
en face de la responsabilité qu'elle assumerait,
en adoptant les conclusions du rapport de la
section centrale. Il y a de ççs nécessités aux
quelles un peuple qui veut conserver une exis
tence indépendante, ne peut se soustraire. Tel
nous semble être l'entretien d'une armée per
manente respectable et en rapport avec la po
pulation du pays.
C'est une question que la Belgique ne peut
résoudre son gré sans prendre en considé
ration la situation que nous font les puissances
qui nous entourent, que dans les dépenses de
l'armée il faut une sévère économie, nous som
mes des premiers l'exiger, mais autre chose
est de vouloir l'économie dans les dépenses
publiques et renverser les institutions les plus
utiles, désorganiser la force publique, sous pré
texte d'économie.
Que la majorité y songe mûrement, il se
pourrait qu'une popularité éphémère entourât
une décision qui aurait pour conséquence
l'amoindrissement de l'armée. Mais elle n'aurait
rien de sérieux, et la première apparence de
dangeril y aurait une réaction et l'opinion
anéanti: origine, histoire religieuse, histoire héroïque,
graves ou brillans souvenirs, si le Bastan-Nameh n'avait
surnagé sur ce déluge, comme l'arche, comme la colombe
qui transmettait la terre nouvelle les souvenirs de la
terre engloutie.
La conservation du Bastan-Nameh a quelque chose de
merveilleux, quand on se rappelle la terrible logique
d'Omar, qui était celle de tous les conquérans que lançait
Mahomet sur les régions de l'Asie. Cette vieille histoire
des rois de Perse laissait au pays conquis la mémoire des
anciens jours où Djemchid adora le feu, où Peridouu fut
en prince bienfaisant, doux comme son nom, où Rustcm
accomplit des faits glorieux et éblouissans de grandeur.
Rien n'était plus dangereux qu'un pareil livre pour les
conquérans; ils ne pouvaient lui faire grâce. Le précieux
manuscrit, arraché brutalement du repos dont il jouis
sait dans la bibliothèque de Iezdegerd par Saad, lors du
sac du palais du monarque persanfut remis par le gé
néral musulman dans les mains d'Omar. Le calife en
ordonna la traduction, mais cette traduction ne servit
qu'à lui démontrer que ce précieux recueil devait être
anéanti. 11 fut donc jeté parmi les objets livrés au pil
lage, et le sort le fit tomber daus les mains d'un Abyssin.
Celui-ci, son retour dans son pays, en fit présent son
roi, qui ordonna que l'ouvrage fût traduit en éthiopien.
C'est ainsi que l'histoire héroïque de la Perse échappa
publique, loin de savoir gré delà soi-disant ré
forme, s'empresserait de blâmer le pouvoirassez
peu prévoyant qui l'aurait consentie.
Un journal de cette ville vient de reprendre
les arguments usés, employés dans le temps pour
écarter le projet de créer Ypres un atelier-
modèle ou école d'apprentissage.
Comme l'adversaire de cette institution juge
prudent de passer sous silence la réfutation qui
en a été faite d'une manière si concluante dans
le rapport fait au Conseilil paraîtra peut-être
inopportun de revenir sur cette question.
Nous croyons cependant utile d'insister de
nouveau sur les avantages que présente l'érec
tion d'une école d'apprentissage et nous tenons
surtout faire comprendre que c'est le meil
leur moyen pour faciliter la création de nou
veaux établissements industriels.
H va sans dire que d'autres institutions sont
encore requises pour parvenir celte fin mais
nous soutenons qae comme acheminement vers
l'introduction de nouvelles industries, on n'a
pu indiquer jusqu'ici une autre mesure aussi
efficace.
Celle proposée par la chambre de commerce
et qui consiste faire choix d'un ou de plusieurs
fabricants, qui moyennant un encouragement
quelconque, consentiraient dresser un certain
nombre d'ouvriers, ne pourrait jamais atteindre
le but qu'on se p ropose.
Celte mesure aboutirait tout au plus rendre
nos ouvriers un peu plus habiles que mainte
nant dans la confection des tissus qu on fabrique
déjà Ypres.
Dès lors elle est insuffisante; car il est bien
entendu et nous sommes tous d'accord sur ce
point, qu il importe de diversifier davantage
notre fabrication et que par conséquent, il
s'agit de faire autre chose, que ce qui a été
fait jusqu'à ce jour.
D'ailleurs un industriel capable ayant fait
des sacrifices pour se mettre au courant des
meilleures méthodes de fabrication, voudra-t-il
vulgariser ses procédés perfectionnés? Formera-
t-il des élèves dans ce sens Donnera-t-il enfin
communication aux industriels qui en feraient
la grande destruction d'Omar.
Mais ce livre était un exilé ainsi caché sous des habits
étrangers, il erra longtemps ballotté de pays en pays, de
la Perse dans l'Arabie, de l'Arsbie en Étliiopie, puis de
1 Ethiopie dans l'Indoustan, où\akoub Leith, prince du
Khorosan, envoya quatre savans pour copier et traduire
en persan le précieux manuscrit. Pauvre fugitif! il lui
avait fallu languir sur d autres terres jet traverser trois
langues barbares pour rentrer dans sa langue natale.
G est ainsi qu il revint dans sa patrie, enfin reposée de ses
longs ébranlemens; et, au xe siècle, un des rois de la
dynastie Samanienne ordonna Dekiki de mettre en
vers cet immense ouvrage; mais le poète avait peine
terminé mille distiques, qu'il fut assassiné par un de ses
esclaves. Ce grand travail resta donc interrompu, et en
quelque sorte oublié, jusqu'à l'avènement au trône de
Mahmoud-Sobokteghin, au commencement du xi" siècle.
Get illustre conquérant ordonna aux nombreux hommes
de lettres qui décoraient sa cour, de se réunir pour
achever ce beau monument du Châh-Nameh. Ainsi Mah
moud le Gaznévide chassait devant lui comme des trou
peaux les malheureux Parsis; il en disséminait les débris
caducs; mais leurs débris impérissables, leurs histoires
et leurs traditions, il les recherchait et les embrassait
avec un soin de père. Il détruisait sans pitié les hommes
qui meurent; leurs livres qui ne meurent pas, il les rc-